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Rappels sur les couches élaborées par PVD
L’élaboration de couches minces fait appel aux techniques de dépôt sous vide. Les deux grandes familles de méthodes de dépôt en phase vapeur sont la CVD (Chemical Vapor Deposition) et la PVD (Physical Vapor Deposition).
La méthode de dépôt PVD regroupe deux catégories de procédés physiques d’élaboration des couches, l’évaporation et la pulvérisation. Elle peut se décomposer en plusieurs étapes :
9 la vaporisation sous vide du matériau solide source ;
9 le transport de la phase vapeur ;
9 la condensation sur le substrat.
Pour l’élaboration de la structure multicouche NiCoCrAlY / Al2O3 / TiOx / Pt / AlN / Pt sur substrats MC2, qui impose l’utilisation de matériaux conducteurs et isolants en couches minces, c’est la pulvérisation cathodique diode radiofréquence (RF) qui a été choisie. Ce procédé est un moyen d’élaboration puissant, conduisant au dépôt de matériaux possédant des caractéristiques physiques et chimiques très variées. Il permet d’effectuer des dépôts homogènes sur une surface importante. De plus, il favorise la formation de films denses et plus adhérents que par évaporation. Il peut être utilisé pour élaborer des revêtements métalliques ou céramiques de faibles épaisseurs. La possibilité de réaliser des dépôts sous atmosphère réactive facilite l’obtention d’oxydes ou de nitrures de stœchiométrie contrôlée. La pulvérisation cathodique est par contre difficile à maîtriser du fait du nombre important de paramètres expérimentaux.
La pulvérisation a été observée pour la première fois en 1852 par Grove et plus tard Plucker comme se manifestant lors de l’établissement d’une décharge électrique sous pression réduite d’un gaz inerte par la formation sur la surface de l’anode d’une fine couche du matériau constituant la cathode. Cependant, ce n’est que 100 ans plus tard que des progrès ont été réalisés, tant en matière de compréhension des phénomènes physiques et physico-chimiques mis en jeu qu’en matière d’avancées technologiques.
Nous allons tout d’abord rappeler les principes généraux de la pulvérisation cathodique. Dans une seconde partie, le problème d’adhérence d’une couche métallique sur une surface isolante ainsi que les solutions pour améliorer cette adhérence sont abordées. Dans une dernière partie, l’influence des paramètres PVD sur la morphologie, la texture {0001} et les contraintes résiduelles des couches d’AlN est détaillée.
Principe de la pulvérisation cathodique
La pulvérisation cathodique est un procédé basé sur l’éjection de particules à partir de la surface d’un matériau lorsque celui-ci est bombardé par des ions énergétiques. Les projections se condensent sur un substrat et forment progressivement une couche dont l’épaisseur varie de quelques angströms à quelques micromètres.
Ce procédé a lieu dans une enceinte à vide dans laquelle on place deux électrodes, le plus souvent planes et parallèles, distantes de quelques centimètres. La cathode (la cible) est reliée à la borne négative d’un générateur haute tension et l’anode (la table porte-substrats) à la borne positive. La cible est composée du matériau que l’on souhaite déposer.
Après avoir atteint un vide résiduel de l’ordre de 10-5 Pa (10-7 mbar), le gaz de travail (neutre ou réactif) est introduit de façon contrôlée dans l’enceinte jusqu’à une pression d’environ 1 Pa (10-2 mbar). Une tension négative de quelques centaines de volts est ensuite appliquée à la cathode. Cette électrode émet alors des électrons primaires accélérés par la différence de potentiel. Ces électrons vont entrer en collision avec les molécules du gaz et en ioniser une très faible proportion (1 pour 1000 environ). Une décharge luminescente appelé plasma, se crée entre les deux électrodes. On peut observer un espace sombre dans lequel il n’y a pas d’ionisation car ce phénomène ne commence qu’à une distance de la cathode correspondant au libre parcours moyen des électrons. Le plasma est un milieu électriquement neutre composé d’ions, d’électrons et d’atomes ou de molécules neutres.
Afin de maintenir le plasma, il est nécessaire d’assurer un taux d’ionisation qui compense les pertes de charges dues aux neutralisations d’ions ou d’électrons dans le volume et sur les parois de l’enceinte de pulvérisation. C’est le rôle du champ électrique crée par le générateur haute tension.
La cathode possède un potentiel très fortement négatif par rapport à celui du plasma. Les électrons sont donc repoussés par la cible tandis que les ions y sont accélérés. Sous le bombardement des ions du plasma, la cible émet des électrons secondaires. Ces électrons produisent à leur tour des ions par collision et participent grandement à l’auto entretien du plasma. L’interaction entre les ions du plasma et les atomes de la cible constitue le processus de la pulvérisation.
Le modèle actuellement retenu pour expliquer le processus de pulvérisation est celui dit de la cascade de collisions (cf. Figure II.1) [1]. C’est un processus purement mécanique, comparable à l’échelle atomique au choc entre deux boules de billards. Un atome de la cible frappé par un ion ayant une énergie comprise entre 100 eV et quelques keV, acquiert de l’énergie et une certaine quantité de mouvement. Si la part de l’énergie transmise est suffisante, cet atome, entre à son tour en collision avec d’autres atomes de la cible. Une série de collisions en cascade se produit, distribuant l’énergie de l’ion incident à une zone étendue du réseau atomique sur une profondeur de l’ordre de 5 à 10 nm [29]. Une fraction de l’énergie revient en surface. Si cette énergie est supérieure au potentiel de surface du matériau cible (énergie typique de 2 à 10 eV), elle peut induire l’émission de particules : il y a pulvérisation. Ces particules éjectées sous forme d’atomes neutres ou excités, d’ions ou de molécules ont une énergie moyenne de 5 à 40 eV, valeurs bien plus importantes que l’énergie d’atomes évaporés thermiquement (0,2 à 0,3 eV).
Les atomes ou groupes d’atomes pulvérisés dissipent une partie de leur énergie lors du trajet entre la cible et le substrat par collisions inélastiques avec les molécules du gaz. Ces pertes varient selon la nature et la pression du gaz de travail ainsi que de la distance cible-substrat.
Les atomes pulvérisés se condensent ensuite sur le substrat. Le processus de condensation des atomes peut se décomposer en trois étapes [29] :
9 les atomes pulvérisés transfèrent de l’énergie cinétique au réseau du substrat et deviennent des adatomes faiblement liés ;
9 les adatomes diffusent à la surface en échangeant de l’énergie avec le réseau et avec d’autres espèces adsorbées. Ils sont ensuite désorbés par évaporation, éjectés par rétro-pulvérisation, ou piégés sur des sites de basse énergie. Lorsque la couche est continue, la croissance se poursuit de la même façon : les adatomes arrivant à la surface de la couche et diffusant à la surface de la couche sont soient désorbés soient piégés dans des sites de basse énergie ;
9 les atomes incorporés réajustent leur position à l’intérieur du réseau par des processus de diffusion massique.
Les principaux phénomènes intervenant sur la cible et le substrat lors de la pulvérisation cathodique varient en fonction du gaz de travail (neutre ou réactif). La Figure II.2 récapitule les principales interactions intervenant en pulvérisation cathodique simple c’est-à-dire lorsque le gaz de travail est un gaz neutre.
Adhérence des films métalliques sur les oxydes
Généralités sur l’adhérence
Selon Steinmann et al. [31], l’adhérence est « la capacité de la couche à rester partout attachée au substrat lorsque l’ensemble est soumis à des sollicitations en traction ou en cisaillement. L’adhérence caractérise la résistance mécanique de l’interface ou de la région de transition située entre la couche et le substrat ».
L’adhérence entre une couche et un substrat dépend [29] :
9 de la force des liaisons entre les atomes de la couche et du substrat ;
9 de la microstructure au niveau de l’interface.
Les liaisons entre la couche et le substrat peuvent être chimiques, de Van der Waals, électrostatiques ou une combinaison des trois.
Les liaisons chimiques sont les plus solides (plusieurs eV) mais nécessitent que les atomes soient dans des positions appropriées pour partager des électrons. Elles varient en intensité selon le degré de transfert ou de partage des électrons.
Les liaisons de Van der Waals proviennent d’interactions de polarisation. Elles ne nécessitent pas de contact atomique proche mais diminuent rapidement avec la distance. Elles sont plus faibles que les liaisons chimiques (0,1 à 0,4 eV).
Les liaisons électrostatiques sont dues à des séparations de charges et à l’attraction électrostatique qui en résulte. Elles proviennent des couches chargées entre la couche mince et le substrat. Dans le cas d’une interface entre un film métallique et une surface isolante, ces liaisons peuvent atteindre des valeurs comparables aux liaisons de Van der Waals.
En théorie, des liaisons de Van der Waals de 0,2 eV permettent à une couche de résister à une contrainte d’environ 500 MPa [29]. Malgré cela, il peut y avoir des ruptures dues au fait que les contraintes internes sont souvent supérieures à cette valeur.
Les défauts d’adhérence proviennent de la nature générale de l’interface. Les différentes interfaces existantes peuvent être classées de la façon suivante :
9 interface mécanique : elle est caractérisée par un accrochage mécanique de la couche sur une surface rugueuse. Il est parfois possible de rendre les surfaces rugueuses pour améliorer l’adhérence des couches ;
9 interface abrupte : elle se caractérise par un passage abrupt du matériau de la couche au matériau du substrat en une distance de l’ordre de la distance atomique (0,2 à 0,5 nm). Ce type d’interface se forme quand il n’y a pas ou peu de diffusion ou réaction chimique entre les atomes pulvérisés et la surface du substrat ;
9 interface composée : elle est caractérisée par une couche à composition constante, épaisse sur plusieurs paramètres de maille, et est crée par une interaction chimique des atomes de la couche avec le substrat. Le composé formé peut être un intermétallique ou un oxyde ;
9 interface diffusée : elle se forme lorsqu’il y a une solubilité importante des atomes déposés avec les atomes du substrat.
Il est possible que les interfaces soient une combinaison des différents types d’interfaces.
Dans le cadre de l’élaboration des capteurs de mesure de fluctuations de pression, Marteau a révélé un problème d’adhérence entre le platine et l’alumine. La mauvaise adhérence d’un métal sur un substrat (ou une couche) oxydée est lié aux faibles forces d’adhésion entre ces deux matériaux [32][33]. Il est noté que ces forces d’adhésion varient en fonction de l’affinité chimique du métal pour l’oxygène [34][35][36]. De manière générale, plus le métal possède une forte affinité chimique pour l’oxygène, plus son adhérence sur un substrat oxydé est bonne. Selon Benjamin et Weaver [34], la mobilité du métal à la surface de l’oxyde peut aussi influencer l’adhérence du film métallique. Cependant, ce facteur semble avoir une plus faible importance sur l’adhérence que l’affinité du métal pour l’oxygène.
Ainsi, deux mécanismes ont été proposés afin d’expliquer l’adhérence d’un métal sur un oxyde :
9 Borrom a suggéré la formation d’une région d’oxydes ou de sous oxydes des matériaux du film et du substrat à l’interface [37]. La formation de ces oxydes est causée par la diffusion de l’oxygène à travers le film métallique. Ce phénomène fourni des explications à l’évolution de l’adhérence de certains films métalliques dans le temps [34] ;
9 Mc Donald et Eberhart ont suggéré que la surface des substrats oxydés étant riche en oxygène, la liaison se crée par interaction directe entre le film métallique et la surface du substrat. Une couche intermédiaire composé d’un oxyde du métal pulvérisé est alors formée [35]. Dans ce modèle, l’évolution de l’adhérence avec le temps est attribuée au temps nécessaire pour que l’interface entre le film et le substrat soit en équilibre. La force de l’interaction est liée à l’affinité du métal pour l’oxygène. Pour les métaux ayant une forte affinité chimique pour l’oxygène, tels que Mg, Zr, Ti, Cr et Mo, l’adhérence est basée sur les liaisons chimiques entre le film et le substrat. Dans le cas des métaux ayant une faible affinité chimique pour l’oxygène, tels que Au, Ag, Cu et Pt, Mc Donald et Eberhart font l’hypothèse que l’adhérence est principalement due aux liaisons de Van der Waals.
Quel que soit le film métallique, son adhérence sur des surfaces oxydées n’est pas suffisante pour des applications à hautes températures. Les solutions qui ont été proposées pour améliorer l’adhérence ainsi que la solution retenue dans le cas des films de platine déposés sur alumine sont décrites dans le chapitre suivant.
Solutions pour améliorer l’adhérence
Basées sur les différents principes d’adhérence décrits au chapitre II.2.1, plusieurs méthodes sont employées pour améliorer l’adhérence des films métalliques sur des surfaces oxydées.
Une des méthodes consiste à bombarder ioniquement la surface du substrat au début du dépôt du film [33]. Le but de ce bombardement est de créer une rugosité à l’échelle atomique et donc de faciliter l’accrochage mécanique du film sur le substrat (interface mécanique). De plus, le bombardement favorise l’insertion des espèces pulvérisées dans le substrat ce qui crée une interface diffusée.
Une autre méthode consiste à déposer les premières couches atomiques du métal (10 à 30 nm) sous atmosphère oxydante [9][33][34][36][38]. Elle a pour but de compenser le fait que le platine ne forme pas facilement un oxyde et qu’une amélioration de l’adhérence avec le temps par diffusion de l’oxygène à travers ce film n’est pas attendue. Cette technique a été utilisée par Budhani et al. dans le cas d’un film de platine sur une couche d’alumine [33]. Les résultats montrent que l’adhérence du platine lors de traitement thermique à 1000°C pendant cinq heures a été améliorée par cette méthode. En revanche, cette technique est plus ou moins efficace en fonction du substrat utilisé. En effet, Wrbanek et Laster ont mis en évidence que l’ajout d’une couche intermédiaire oxydée détériore l’adhérence du platine sur des substrats de silice alors qu’elle améliore l’adhérence du platine sur alumine [38]. Cette méthode a déjà été utilisée à l’ONERA par le passé [9]. Cependant, des études complémentaires ont révélé que l’ajout d’une couche intermédiaire sous atmosphère oxydante entre le platine et l’alumine ne permet pas d’améliorer suffisamment l’adhérence du platine pour des applications sur pièces [39].
La méthode la plus couramment employée pour améliorer l’adhérence consiste à déposer sur le substrat une couche très mince, appelée couche d’accrochage, avant de commencer le dépôt du film métallique. L’ajout de cette couche dite d’accrochage permet de remplacer l’interface d’origine en créant deux nouvelles interfaces [32]. Il est donc nécessaire de sélectionner la couche intermédiaire appropriée de façon à ce que les deux nouvelles interfaces soient plus résistantes aux contraintes que celle d’origine. Les couches d’accrochage, de 10 à 30 nm d’épaisseur, sont généralement des couches métalliques. Ce métal doit réagir à la fois avec le substrat et avec la couche. Il doit donc posséder une forte affinité chimique pour l’oxygène afin de créer des liaisons fortes avec le substrat. De plus, il est nécessaire que ce métal (d’accrochage) possède une solubilité solide avec le film métallique que l’on dépose. Deux critères facilitant une solubilité solide mutuelle entre deux métaux sont une électronégativité et une taille des atomes sensiblement identiques [33].
Parmi les trois méthodes décrites précédemment pour améliorer l’adhérence de films métalliques sur des surfaces oxydées, l’utilisation d’une couche d’accrochage a été retenue. Le choix des propriétés physico-chimiques du matériau constituant la couche d’accrochage est détaillé dans le chapitre suivant.
Solution retenue
De nombreuses études font référence à l’utilisation de couches d’accrochage pour améliorer l’adhérence de films métalliques sur des surfaces oxydées. Cette méthode est couramment employée en microélectronique pour améliorer la tenue à haute température de films de platine sur substrats de silicium (Si) recouverts d’une couche de silice (SiO2). Dans ce cas, la couche d’accrochage est le plus souvent du titane (Ti) [15][16][18][20][40][41][42][43] [44]. L’effet bénéfique de cette couche sur l’adhérence du platine a été vérifié pour des températures inférieures à 400°C. Cependant, pour des températures supérieures à environ 400°C, le titane diffuse à travers le film de platine [15][16][43][45][46][47]. Cette diffusion a par exemple été observée par Million et al. lors de recuits à 400°C pendant 30 secondes sous azote (N2), ainsi que par Sreenivas et al. lors de recuits à 650°C pendant 30 secondes sous atmosphère oxydante [45][46]. La diffusion du titane à travers les joints de grains du platine conduit à la formation de cloques à la surface de l’électrode et diminue son adhérence [15][16][43][44][46]. Lors des recuits sous oxygène, la diffusion du titane se traduit par la formation d’une couche de TiO2 à la surface du platine [46][47]. La surface de l’électrode n’est plus conductrice électriquement mais isolante [46].
Afin d’éviter cette diffusion, Sreenivas et al. ont déposé une couche de TiO2 sur la couche de titane avant d’effectuer le dépôt de platine [46]. Après un recuit à 700°C pendant 12 heures sous air, le titane n’a pas diffusé et aucune défaillance d’adhérence n’est apparue. Des observations similaires ont été réalisées par Vélu et Rèmiens, en remplaçant la couche d’accrochage de titane par une couche de TiOx, lors de recuit à 650°C pendant 30 minutes sous air [48]. Ces résultats sont dus à la plus faible solubilité du titane sous forme oxydée dans le platine [45].
Pour des températures supérieures à 700°C, le composé TiOx ou TiO2 semble donc être le plus adapté pour améliorer l’adhérence du platine sur la silice. Il existe trois différentes phases cristallines de TiO2 : anatase, brookite et rutile [49][50][51][52]. Parmi ces phases, le TiO2 rutile semble être le meilleur matériau pour obtenir une électrode de platine de bonne qualité. En effet, Abe et al. ont mis en évidence que contrairement au cas du TiO2 anatase, le TiO2 rutile n’entraîne pas de diffusion du Ti au travers du film de platine pendant le dépôt de l’électrode à 500°C [53]. Dans le cadre de notre étude, le TiO2 rutile semble donc être le meilleur candidat pour améliorer l’adhérence du platine sur le dépôt isolant d’alumine. En effet, puisque l’application des capteurs de fluctuations de pression se situe à des températures comprises entre 600 et 1000°C, il est préférable d’utiliser la phase stable à haute température du TiO2 afin d’éviter tout changement de phase du TiO2 au niveau de l’interface. Le choix s’est donc porté sur le TiO2 rutile [50][51][54].
Influence des paramètres PVD sur l’AlN : morphologie, texture {0001} et contraintes résiduelles
Morphologie
Le modèle de croissance développé par Thornton [55] afin d’expliquer la morphologie des dépôts obtenus en phase vapeur dépend fortement des conditions des trois étapes de la condensation des atomes décrites au chapitre II.1 :
9 les adatomes transfèrent leur énergie cinétique au réseau cristallin puis sont adsorbés en surface;
9 les adatomes diffusent ensuite en surface et sont piégés en une position stable ;
9 les adatomes peuvent ensuite se déplacer à partir de cette position par diffusion.
La morphologie résulte de la compétition entre trois principaux phénomènes [1] :
9 l’ombrage, lié à la rugosité de surface, qui masque certaines zones du dépôt aux flux d’atomes incidents ;
9 la diffusion de surface ;
9 la diffusion en volume.
Une température de substrat élevée a des effets sur la structure morphologique de la couche en augmentant la mobilité de surface, les phénomènes de diffusion et en permettant des recristallisations. Ces effets sont représentés dans le diagramme de Movchan et Demchishin (M-D) (cf. Figure II.4).
Le modèle de Movchan et Demchishin représente la formation de trois zones fonction du rapport entre la température de surface T et le point de fusion du matériau déposé Tm. De nombreuses études ont complété ce modèle en y incluant d’autres paramètres tels que la pression du gaz de travail et le bombardement ionique. Thornton a proposé un modèle à quatre zones prenant en compte la pression du gaz de travail d’argon et la température de dépôt (cf. Figure II.5).
La morphologie correspondant à la zone 1 se produit lorsque la diffusion des adatomes est insuffisante pour compenser les effets d’ombrage dus au substrat, ce qui donne une structure colonnaire avec des liaisons de basse densité entre les colonnes. Les colonnes sont polycristallines et présentent, en général, des densités de défauts importantes. La dimension des grains est petite. La topographie reflète cette aspect colonnaire : les têtes de colonnes dessinent le relief.
La morphologie correspondant à la zone T apparaît dans le cas d’un substrat peu rugueux limitant l’effet d’ombrage et facilitant la diffusion de surface. Elle se manifeste par une structure dense composée de grains allongés mal définis.
La zone 2 correspond à une croissance où la diffusion des adatomes domine, et la structure colonnaire présente moins de défauts et des grains plus gros, avec des liaisons entre les colonnes à plus haute densité. La topographie devient facettée.
La zone 3 apparaît pour des températures du substrat proche de la température de fusion du matériau. La forte diffusion en volume permet la recristallisation en grains équiaxes.
Les zones structurales qui apparaissent dans le modèle de Thornton peuvent être appliquée au cas des couches d’AlN. Cependant, l’AlN ne passe pas de l’état liquide à l’état solide, mais se décompose de manière incongruente, à 2300°C. Il est donc difficile de situer une température d’élaboration dans ce modèle pour une pression de gaz de travail donnée [1]. De plus, de nombreux auteurs ont observé des évolutions de la morphologie (et donc du modèle proposé par Thornton) lorsqu’une polarisation négative est appliquée au substrat ou plus généralement lors de la présence d’un bombardement ionique [57][58][59][60][61][62]. Ce bombardement entraîne le plus souvent une augmentation de la taille des colonnes et une densification de la couche. La topographie est généralement adoucie du fait de la repulvérisation de surface qui érode les aspérités du relief (zone 2 et zone T) (cf. Figure II.6).
Les principaux paramètres de pulvérisation qui pilotent la morphologie des couches d’AlN sont donc la température du substrat, la pression du gaz de travail et la polarisation du substrat.
Texture {0001}
Une texture représente la répartition des orientations des cristallites dans un matériau polycristallin. Les dépôts obtenus par PVD peuvent présenter une ou plusieurs composantes de texture cristallographique suivant l’axe de croissance du dépôt, en plus d’une orientation aléatoire. Ces textures sont généralement des textures de fibres qui correspondent à une orientation particulière selon l’axe de croissance et n’importe quelle orientation dans le plan du dépôt. Cela est dû à l’incidence variable des atomes ou groupe d’atomes arrivant sur le substrat et diffusant en surface dans toutes les directions du plan du dépôt.
Le développement de la texture cristallographique intervient lors des deux étapes de la formation de la couche, la phase de nucléation et la phase de coalescence et de croissance.
Pendant la phase de nucléation, les plans des nuclei (regroupement de quelques atomes) s’orientent selon des considérations énergétiques. Les plans atomiques de plus faible énergie de surface ont tendance à se placer parallèlement au substrat. Ces plans correspondent généralement aux plans les plus denses, mais aussi à ceux dont la vitesse de croissance selon la normale au substrat est la plus rapide.
Pendant la phase de coalescence et de croissance des nuclei, la texture peut évoluer. La vitesse de croissance des grains, selon la normale au substrat, dépend de leur orientation cristallographique. Les grains dont la vitesse de croissance est la plus rapide croissent préférentiellement.
Les phases de nucléation, de coalescence et de croissance et donc la texture d’un dépôt obtenu par pulvérisation cathodique dépendent des paramètres d’élaboration de la couche. Les principaux paramètres influençant la texture sont :
9 les propriétés physiques du substrat ;
9 la nature et composition du gaz de travail ;
9 la distance cible-substrat ;
9 la température du substrat ;
9 la puissance appliquée à la cible (vitesse de dépôt) ;
9 la pression du gaz de travail ;
9 la polarisation du substrat.
Certains paramètres sont interdépendants. Nous allons détailler l’effet de chacun d’eux sur la texture {0001} de l’AlN. Cette orientation préférentielle des grains cristallographiques est nécessaire afin que la couche d’AlN présente des propriétés piézo-électriques maximales.
Propriétés physiques du substrat
Les principales propriétés physiques du substrat qui influencent la texture cristallographique des couches d’AlN sont la rugosité de surface et ses propriétés cristallographiques.
Rugosité du substrat
D’après les travaux effectués par Raymond [1], l’ouverture de la composante de texture {0001} est très fortement influencée par la rugosité de surface du substrat. Une faible rugosité arithmétique (Ra) conduit à une faible ouverture de la texture et à une forte intensité au centre de la figure de pôle (cf. Figure II.7).
Intensité (cps/s)
Angle de déclinaison χ (°)
Un substrat parfaitement plan ne présente qu’une seule normale. Il ne génère donc qu’une seule direction de croissance et qu’un seul axe de fibre : la texture du dépôt est serrée.
Un substrat rugueux présente un nombre important de normales. Les directions de croissance sont de ce fait multipliées et représentent ainsi autant d’axes de fibres {0001} potentiels : l’ouverture de la texture {0001} résultante est alors importante.
Une faible rugosité de surface du substrat est donc favorable à l’obtention de couches d’AlN avec une texture {0001} forte et serrée.
Propriétés cristallographiques du substrat
De nombreuses études ont été réalisées afin d’évaluer l’influence des propriétés cristallographiques du substrat sur l’orientation préférentielle des grains cristallographiques des couches d’AlN [23][24][63][64][65][66][67][68]. Les résultats sont parfois contradictoires en fonction des auteurs.
Selon Zhang et al., l’orientation du substrat a peu ou pas d’influence sur l’orientation préférentielle des couches d’AlN [24][66].
Selon Hwang et al., les phénomènes d’épitaxie ne sont pas essentiels à la formation d’une couche d’AlN texturée selon {0001} [65]. Ces phénomènes doivent influencer principalement la phase de nucléation du dépôt. Ces résultats sont en accord avec ceux obtenus par Dubois et Muralt [67]. Ils considèrent que l’orientation cristallographique des couches d’AlN n’est pas uniquement contrôlée par des effets de nucléation mais aussi par les conditions d’élaboration des couches. Toutefois, il est démontré qu’une surface de nucléation présentant une symétrie hexagonale bien définie est essentielle pour commencer la croissance des grains d’AlN avec les plans {0001} parallèles au substrat. Ces conditions sont vérifiées dans le cas de l’électrode de platine lorsqu’elle présente une texture cristallographique de type {111}.
Les études effectuées par Akiyama et al. montrent que la structure cristallographique de l’électrode n’influence pas l’orientation cristallographique des couches d’AlN mais la cristallinité des dépôts [64]. Ainsi, une électrode de platine, de structure cubique à faces centrées, présentant une orientation préférentielle des grains de type {111} semble favoriser une forte cristallinité de la couche d’AlN. De plus, une cristallinité élevée de l’électrode conduit aussi à une forte cristallinité de l’élément sensible d’AlN.
L’obtention d’un film de platine présentant une forte texture cristallographique {111} semble être une condition favorable à l’obtention d’une texture de type {0001} des couches d’AlN. L’électrode possède ainsi une surface avec une symétrie compatible avec celle du plan de base de l’AlN.
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Table des matières
Introduction
I. Capteurs de fluctuations de pression sur pièces de turbomachines
I.1. Principe de fonctionnement
I.2. Description de la structure multicouche
I.2.1. Substrat de superalliage base nickel
I.2.2. Revêtement de NiCoCrAlY
I.2.3. Dépôt isolant d’Al2O3
I.2.4. Films de Pt (électrodes)
I.2.5. Couche piézo-électrique d’AlN
II. Rappels sur les couches élaborées par PVD
II.1. Principe de la pulvérisation cathodique
II.2. Adhérence des films métalliques sur les oxydes
II.2.1. Généralités sur l’adhérence
II.2.2. Solutions pour améliorer l’adhérence
II.2.3. Solution retenue
II.3. Influence des paramètres PVD sur l’AlN : morphologie, texture {0001} et contraintes résiduelles
II.3.1. Morphologie
II.3.2. Texture {0001}
II.3.3. Contraintes résiduelles
III. Méthodes et techniques expérimentales
III.1. Conditions d’élaboration de la structure multicouche
III.1.1. Appareillage
III.1.2. Nature et préparation des substrats
III.1.3. Elaboration des couches
III.2. Méthodes expérimentales d’analyse et de caractérisation des dépôts
III.2.1. Analyse de la topographie et de la composition chimique
III.2.2. Analyse de la composition chimique de surface
III.2.3. Analyse cristallographique qualitative
III.2.4. Analyse de la texture
III.2.5. Analyse combinée de la texture et des contraintes résiduelles
III.2.6. Autres caractérisations physiques
IV. Etude préliminaire : élaboration et propriétés physico-chimiques de couches de TiOx et Pt sur substrats d’α-Al2O3
IV.1. Propriétés physiques du Pt déposés sur différents substrats
IV.1.1. Orientation préférentielle {111}
IV.1.2. Topographie
IV.1.3. Adhérence
IV.2. Optimisation des paramètres d’élaboration du TiO2 rutile
IV.2.1. Température de substrat et composition du gaz de travail
IV.2.2. Traitement thermique sous air
IV.3. Influence de TiOx sur les propriétés physiques du Pt
IV.3.1. Orientation préférentielle {111}
IV.3.2. Adhérence
IV.4. Discussion et conclusion
V. Elaboration et propriétés physico-chimiques de couches de TiO et Pt sur dépôts isolants d’Al O
V.1. Etude des propriétés physico-chimiques des dépôts isolants d’Al2O3
V.1.1. Caractérisation des deux types de dépôts d’Al2O3
V.1.2. Paramètres déterminant les propriétés de l’alumine
V.1.3. Vérification de l’adhérence du Pt sur les deux types d’alumines
V.1.4. Conclusion partielle
V.2. Influence de TiO sur les dépôts d’Al O , la texture {111} et l’adhérence des films de Pt x 2 3
V.2.1. Etude sur le dépôt isolant de type 1
V.2.2. Etude sur le dépôt isolant de type 2
V.3. Discussion et conclusion
VI. Optimisation des conditions d’élaboration et caractérisations physico-chimiques des couches d’AlN
VI.1. Texture {0001}
VI.1.1. Influence de la texture {111} du Pt
VI.1.2. Influence de la polarisation du substrat
VI.2. Texture et contraintes résiduelles par analyse combinée
VI.2.1. Analyse de la texture
VI.2.2. Analyse des contraintes résiduelles
VI.3. Tenue mécanique de la structure multicouche
VI.3.1. Adhérence du film de Pt sur Al2O3 / TiOx
VI.3.2. Adhérence de la couche d’AlN sur le film de Pt
VI.4. Discussion et conclusion
Conclusion
Références bibliographiques
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