MATERIELS ET METHODES
Patients
Du 1 janvier 2017 au 31 décembre 2021, les dossiers médicaux des patients ayant bénéficié d’une greffe osseuse par prélèvement retro-molaire à but pré-implantaire ont été analysé rétrospectivement. Les patients ont bénéficié de cette intervention dans deux services de la région Normandie, le service d’Odontologie de l’hôpital Saint-Julien du CHU de Rouen et le service de Chirurgie maxillo-faciale et chirurgie orale du CHU de Caen.
Quarante dossiers ont été identifiés manuellement et informatiquement. Sur les 40 cas, on a exclu 4 patients car les prélèvements autologues concernaient dessites donneurs extra-oraux pour des étiologies de fente (3 patients) et cancer (un patient).
Sur les 36 dossiers restants, 7 ont été exclus en raison de 4 perdus de vue et 3 utilisant des substituts osseux xénogéniques.
Vingt-neuf patients ont été inclus dans l’étude rétrospective après application des critères d’inclusions et d’exclusions.
Intervention chirurgicale ou modalités opératoires
La région anatomique qui nous intéresse pour le site donneur est celle de ligne région rétro-molaire mandibulaire. Les prélèvements sont réalisés soit au niveau du ramus mandibulaire soit le long de ligne oblique externe.
La mandibule constitue à elle seule la partie inférieure du massif facial.
Elle comprend une portion dentée horizontale et une partie ascendante (ou ramus) se terminant en avant par le processus coronoïde (ou coroné) donnant insertion au muscle temporal et, en arrière, le condyle articulaire qui s’articule avec le condyle de l’os temporal.
La ligne oblique externe constitue le prolongement du bord antérieur de la branche montante mandibulaire et s’étend obliquement et latéralement jusqu’à la région de la première molaire (Annexe 2).
L’intervention chirurgicale se déroule sous anesthésie locale (AL) ou plus exceptionnellement sous anesthésie générale (AG). Ici, l’intégralité des procédures s’est déroulée sous AL grâce à l’injection d’un anesthésiant local (chlorhydrate d’articaïne adrénalinée 1/200000).
On repère la ligne oblique externe à la palpation puis on réalise une incision à la lame 15 à 5 mm en dessous de la limite gencive attachée – gencive libre en regard de la deuxièmemolaire puis l’incision se poursuit en distal jusqu’à la branche montante de la mandibule.
On réalise un décollement muco-périosté pour mettre en évidence la ligne oblique externe.
Grâce à une sonde parodontale on mesure la taille du greffon nécessaire (taille préalablement mesurée à l’aide du Cone Beam).
On réalise ensuite le prélèvement à l’aide d’une pièce à main de piézo-chirurgie en respectant les limites (Figure 3).
Suivi
Les patients sont revus à j7 et/ou j15 pour un contrôle de la cicatrisation muqueuse et une ablation des fils non résorbables (j15).
Durant tout le suivi le port de prothèse amovible est soit totalement contre-indiqué les quinze premiers jours puis adaptée ensuite au lit du site receveur par meulage et rebasage transitoire (Fitt de Kerr®) de telle sorte qu’aucune contrainte mécanique ne soit appliquée au greffon.
Dans tous les cas, les patients ont bénéficié d’un second Cone Beam à 4 mois environ pour contrôler la bonne coaptation du greffon et planifier la pose de(s) implant(s).
Ce suivi a permis de répertorier les complications suivantes :
– Infection,
– Exposition osseuse,
– Trouble de la sensibilité et
– Douleur.
Critère de jugement principal
Le critère de jugement principal était la réussite de la pose d’implant entre 4 et 5 mois après la greffe osseuse autologue par prélèvement rétro-molaire.
Statistiques
Les analyses statistiques ont été effectuées à l’aide du site en ligne BiostaTGV utilisant le logiciel The R Project for Statistical Computing®.
Les données qualitatives sont exprimées en nombre et pourcentages et les données quantitatives sont exprimées en moyenne et espaces interquartiles.
Pour le données qualitatives, un test du Ficher a été utilisé pour évaluer la différence entre les groupes. Pour les données quantitatives un test de Student a été utilisé.
Les valeurs de p<0.05 étaient considérées comme significatives.
RESULTATS
Patients
Durant la période de Janvier 2017 à Décembre 2021, 29 greffes osseuses autologues par prélèvement d’os au niveau de la ligne oblique externe mandibulaire ont été réalisées en Normandie au sein du CHU de Caen et de Rouen.
Vingt-trois greffes osseuses se sont soldées par une réussite implantaire entre 4 et 5 mois. Néanmoins 6 greffes n’ont pas pu aboutir à la pose d’implant entre 4 et 5 mois.
L’âge moyen dans le groupe ayant eu une réussite implantaire à 4-5 mois (RI) est 53.6 ans (46 – 61) et 50 ans (44 – 58) pour le groupe échec implantaire à 4-5 mois (EI).
Le sexe masculin représente 34,8 % (n=8) des patients du groupe RI et 66.7 % (n = 4) du groupe EI.
Le sexe féminin représente 65,2% (n=15) des patients du groupe RI et 33.3 % (n=2) du groupe EI.
On ne note pas de différence significative entre les deux groupes sur le sexe (p=0.198).
Le groupe EI présente une proportion légèrement supérieure sur la consommation tabagique 16, 7 % contre 13 % mais cela reste non significative entre les deux groupes (p =1).
Il existe également une proportion dans l’allergie à la pénicilline presque quatre fois supérieur dans le groupe EI 16, 7 % que dans le groupe RI 4,3 % mais sans significativité (p= 0.376).
Le groupe EI est légèrement surreprésenté dans les facteurs de risque cardio-vasculaires (FDRC) autre que le tabac et le diabète par rapport au groupe RI : 50 % contre 39.1 %. Néanmoins il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes (p = 0,669).
Les patients des deux groupes, RI et EI, présentent des prévalences sensiblement similaires pour la prise d’un traitement au long cours, 47,8 % et 50 % respectivement.
Sur le tableau des caractéristiques de la population (Tableau 1) ne nous trouvons aucune différence statistiquement significative pour les autres données.
Les données préopératoires des patients sont résumées dans le tableau 1.
Données opératoires
Parmi les données opératoires recueillies, on note que dans le groupe EI deux tiers des greffes osseuses autologues ont été réalisées sur un site receveur incisive et/ou canine (66,7 %) et un tiers sur un site prémolaire et/ou molaire (33,3 %).
Quant au groupe RI, le site incisive et/ou canine représente 52,2 % des greffes osseuse autologues et 47,8 % pour le secteur prémolaire-molaire.
Cependant on ne note pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes sur le site édenté greffé (p = 0,663).
Dans le groupe RI, il y a 47,8 % des patients qui ont eu plus d’un implant réhabilité et 52,2 % un seul implant réhabilité.
Pour la caractéristique maxillaire ou mandibulaire du site receveur, dans le groupe EI le site maxillaire est légèrement surreprésenté par rapport au groupe RI (66,7 % contre 33,3 %). On ne note pas de différence significative entre les deux groupes par ailleurs.
Les données peropératoires sont détaillées dans le groupe le tableau 2.
Complications
Sur les 29 patients qui ont bénéficié d’une greffe osseuse par un prélèvement rétromolaire, près de 80% d’entre eux ont pu avoir une pose d’implant à 4 – 5 mois et 20 % environ d’entre eux n’ont pu en bénéficier à 4-5 mois.
Parmi les patients du groupe RI, un seul a présenté des signes infectieux au site de greffe durant le suivi et cela n’a pas empêché la pose d’implant entre 4 et 5 mois. L’infection a été prise en charge par une antibiothérapie à base de pénicilline et acide clavulanique à raison d’un gramme trois fois par jour pendant 7 jours, des bains de bouche antiseptique après chaque repas pendant toute la durée du traitement.
Dans le groupe EI, il y a eu un seul patient qui a présenté des signes d’infection et cela a contre-indiqué la mise en place de l’implant entre 4 et 5 mois.
Parmi les causes d’échec implantaire à 4-5 mois, l’exposition du greffon représente 83, 3 % (5 patients sur 6).
Un seul patient a dû être revu à cause de douleur au site de prélèvement ce qui représente 3,4 % sur l’ensemble des 29 prélèvements réalisés.
Seulement deux patients ont présenté des troubles de la sensibilité temporaire labiomentonnière sur les 29 patients, ce qui représente 6,9 %.
Les complications sont résumées dans le tableau 3.
DISCUSSION
La région rétro-molaire mandibulaire est une zone idéale pour obtenir des greffons autologues pour des petites et moyennes reconstructions alvéolaires en chirurgie préimplantaire (6). Dans notre étude, certaines complications nous ont empêché de réaliser la phase implantaire entre 4 et 5 mois. La principale complication qui en est responsable est l’exposition du greffon. Ceci a pour conséquence soit de reculer l’intervention à une date ultérieure, soit de réaliser une nouvelle greffe osseuse autologue en raison d’une nécrose du greffon initial.
Dans l’analyse rétrospective de 104 cas par Sakkas et al. évaluant les résultats cliniques des greffes osseuses autologues par prélèvement ramique après 3 à 5 mois de cicatrisation muqueuse et osseuse : on retrouve des résultats de succès clinique avant la pose d’implant de 93,3 % ( n = 97). Dans la même étude, 36,3% des fumeurs ont eu des complications post-opératoires sans pour autant qu’il y ait de différence significative ( p<0,0916) (7).
Dans notre étude on note un taux de complications de 34, 5 % sur les 29 patients qui ont bénéficié d’une greffe osseuse autologue par un prélèvement issu de la région rétromolaire mandibulaire.
Une étude prospective de 3874 cas de Khoury et al. de 2015, révèle que 48,8 % des patients ont eu des douleurs post-opératoires modérées et 3,45 % des douleurs sévères.
Il met en évidence également qu’il y a 61 % de complication s au site donneur dont 58 % concerne des retards de cicatrisation et parmi eux 80,4 % étaient des fumeurs.
Il y a eu 15 patients avec des infections majeures et ils étaient tous fumeurs.
Vingt pour cent des patients ont eu des troubles de la sensibilité mineur temporaires ( hypoesthésie, paresthésie)
Il est rapporté également que la durée de cicatrisation au site donneur est diminuée en replaçant la deuxième lame osseuse au site donneur (8).
Dans la littérature on rapporte très peu d’hématome au site donneur (9,10) et des troubles sensitifs majoritairement temporaires compris entre 6 et 10 % (7,9–11).
L’ensemble des prélèvements dans notre étude a été réalisé à l’aide d’une pièce à main de piézo chirurgie. L’étude prospective et randomisée de Hanser et al. sur 53 patients compare l’utilisation du microdisque chirurgicale et de la piézo chirurgie. Elle nous révèle qu’il n’y a pas de différence significative sur la cicatrisation au site donneur, les complications à type de trouble sensitif, lésion dentaire ou fracture d’instrument.
Cependant elle rapporte une différence significative en faveur du microdisque sur le volume prélevé 1,62 cm3 contre 1,26 cm3 ( p<0,05) et le temps opératoire du prélèvement du greffon ( incision jusqu’à luxation du greffon) 5,63 minute contre 16,47 min ( p<0,05) (12).
Dans cette étude rétrospective il n’est pas mis en évidence de différence significative sur les facteurs étudiés. Cependant on retrouve dans la littérature Ad hoc des tendancespointant du doigt le tabac comme cause d’échec (7,8).
Le diabète est également reconnu dans les études comme un facteur d’échec des greffes osseuse autologues en chirurgie pré-implantaire car il est à l’origine d’une parodontite chronique qui provoque une fonte osseuse alvéolaire (13). Ici aucun patient n’est diabétique en raison d’une probable sélection drastique des patients pour bénéficier d’une greffe osseuse autologue.
Des études comparant les sites extra-oraux et intra-oraux nous mettent en évidence que le prélèvement calvarial représente le site extra-oral de choix en raison de son faible taux de résorption et de complications post-opératoires par rapports aux autres sites donneurs extra-oraux. Dans l’étude de Scheerlinck et al. comparant le prélèvement iliaque, calvarial et ramique, le prélèvement iliaque est associé à un taux de complications post-opératoires supérieur par rapport au prélèvement calvarial et ramique. Le prélèvement ramique étant celui qui est associé à moins de morbidité (14).
Nous n’avons inclus dans l’étude que les patients ayant eu 100 % d’os autologue ( particules et lame cortico-spongieuse). Ainsi les patients ayant reçu un mélange d’os particulaire autologue et d’os d’origine animal ou synthétique ont été exclu de l’étude.
La revue systématique d’Aludden et al. comparant l’utilisation d’un mélange de 50 % de particule osseuse d’origine animale (Bio-Oss®) et 50 % de particule osseuse autologue prélevé au niveau de la région mandibulaire postérieur contre Bio-oss® seul n’a pas démontré de différence significative sur le gain osseux. Les principales complications sont des désunions de sutures en post-opératoire (15). Istvan Urban fait partie de ceux qui ont amené l’utilisation de plus en plus de biomatériaux pour les reconstructions des défauts alvéolaires : en développant notamment la sausage technique comme une alternative de la greffe osseuse autologue dans les petits et moyens défauts. Elle reprend les principes de la régénération tissulaire guidée, technique parodontale, mise au point par Nyman en 1982 (16–18).
La technique est simple, elle consiste à stabiliser un substitut osseux d’origine animal ou synthétique par une membrane collagénique au niveau du site pré-implantaire.
Une revue de littérature comparant la technique de Khoury et celle d’Urban ne met pas en évidence de différence significative sur le gain osseux après greffe. La principale complication rapportée dans la technique d’Urban est l’exposition de la membrane collagénique ( 3 ,2%) et l’infection (7 %) pour celle de Khoury.
Les suites opératoires restent moindre pour la technique d’Urban car il n’existe pas de site donneur la sausage technique (19). Il est néanmoins admis par les cliniciens que la pose d’implants au sein d’un os autogène greffé est beaucoup plus rassurante qu’au sein d’un os synthétique
D’autres études ne rapportent pas non plus de différence significative sur le taux d’échec entre l’utilisation d’os d’origine xénogéniques/synthétiques contre l’os autologue (15,20– 22).
Dans la majorité des indications, les implants ne sont pas remboursés par la sécurité sociale et par conséquent s’il y a besoin d’une chirurgie pré-implantaire telle qu’une greffe osseuse autologue, celle-ci ne sera pas prise en charge.
Ainsi le coût financier pour une telle intervention constitue un frein pour des patients qui sont de plus en plus demandeurs d’une solution prothétique fixe à tout âge.
Notre étude est marquée par la présence de plusieurs biais, notamment un biais de recueil d’information. En effet, il nous manquait certaines données comme la taille du greff on, le temps opératoire, le degré de consommation tabagique ou l’historique parodontale.
L’expérience de l’opérateur constitue également un élément important qui n’apparait dans aucune étude et qui est loin d’être à négliger car la courbe d’apprentissage conduisant au succès est une donnée importante pour une telle intervention.
Dans la littérature Ad hoc la plupart des études portant sur les prélèvements rétro-molaires étaient constituées de faibles séries de patients. De même dans notre étude le petit nombre de patients inclus ne nous permet pas de conclure sur la population générale.
CONCLUSION
La greffe osseuse autologue par un prélèvement au niveau de la zone rétro-molaire reste le gold standard pour les corrections de petit et moyen défaut en chirurgie pré -implantaire.
Le taux de réussite retrouvé dans notre étude se rapproche de ceux présents dans la littérature.
Cependant la réussite des greffes osseuses autologues à long terme nécessite des études avec un suivi long après la mise en place de ou des implant (s).
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Table des matières
INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODE
Patients
Etude pré-greffe du Cone Beam
Intervention chirurgicale / modalités opératoires
Suivi
Critère de jugement principal
Statistiques
RESULTATS
Patients
Données opératoires
Complications
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES