Etude pilote des phénomènes de palatalisation du russe par ultrasons et au moyen de l’articulographe electromagnetique 

Voyelles

La structure phonémique des voyelles est également sujette à des divergences. La tradition phonologique moscovite s’arrête sur 5 phonèmes vocaliques : /i/, /e/, /a/, /u/ et /o/ sans accorder le statut phonémique au son [ɨ]. L’école de Saint Pétersbourg identifie 6 phonèmes où /ɨ/ fait partie de l’ensemble précité.
Dans ce travail nous adopterons le premier point de vue. Nous justifions ce choix par l’analyse suivante (proposée par Knyazev & Pozharitskaya (2012)) : les sons [i] et [ɨ] ne partagent jamais le même contexte dans la langue (se trouvent alors en distribution complémentaire). La voyelle [ɨ] suit les consonnes dures tandis que [i] se trouve dans toutes les autres positions. Knyazev & Pozharitskaya (2012) indiquent que dans la position initiale absolue (où il n’y a pas d’influence de la consonneprécédente) le russe emploie [i] d’où ce choix phonémique . Knyazev & Pozharitskaya appliquent la même analyse aux sons [ɛ] et [e] où [ɛ] ne se rencontre qu’après les consonnes dures et [e] après les molles. A la différence de [i] et [ɨ], [ɛ] et [e] à la position initiale absolue, sont interchangeables (constituent donc des variantes libres). La prononciation de [e] dans ce contexte est toutefois plus fréquente ce qui explique son statut phonémique dans la plupart des travaux (Knyazev & Pozharitskaya, 2012 ; Bondarko, 1977 ; Grosjean, 1976).
Selon Knyazev & Pozharitskaya (2012) trois critères suffisent généralement pour classer les voyelles du russe : (1) la hauteur de la langue (maximale, moyenne, minimale), (2) l’antériorité de la langue (antérieure, médiane, postérieure) ou (3) la protrusion des lèvres. Dans la structure vocalique on distingue alors une voyelle haute antérieure /i/, une voyelle mi- haute antérieure /e/, une voyelle centrale /a/ ainsi que deux voyelles postérieures arrondies /u/ et /o/ où /u/ se distingue par la hauteur plus importante de la langue. Lorsque /ɨ/ appartient à l’ensemble phonémique il est décrit comme la voyelle haute mi- postérieure (Knyazev & Pozharitskaya, 2012).

Une vision générale du phénomène

Bhat (1978) examine environ 120 exemples de palatalisation à travers des langues et des dialectes appartenant à différentes familles linguistiques.
La tradition de Jakobson, Campbell, Allen (cités par Bhat, 1978) considérait la palatalisation comme étant « a single palatalization process ». Ce point de vue négligeait d’une part le comportement des différentes consonnes affectées par le changement et, d’autre part, l’environnement qui induit ce changement.
En opposition avec Jakobson, Campbell et Allen, Bhat, quant à lui, distingue trois processus inhérents à la palatalisation : l’avancement de la langue, le soulèvement de la langue et la spirantisation. Selon l’auteur, ces processus agissent séparément ou en se combinant, émergent dans différents contextes et n’affectent pas les mêmes sons. Par exemple, les apicales s’articulent en élevant la langue dans la cavité buccale (devant un glide ou une voyelle haute (antérieure)) et deviennent de par ce fait laminales.
L’articulation des vélaires est davantage antériorisée dans la cavité buccale lorsque celles ci sont suivies d’unevoyelle antérieure. Acoustiquement, l’avancement et le soulèvement de la langue entraînent respectivement l’augmentation du F2 et la diminution du F1(Jones, cité par Bhat, 1978).
Bhat insiste sur le fait que dans une langue donnée le yod (glide palatal) favorise la palatalisation desapicales mais n’affecte pas toujours les vélaires (ou du moins exige la présence d’une voyelle antérieure adjacente). Les apicales, en revanche, ne se palatalisent qu’occasionnellement devant la voyelle antérieure qui suit. Ainsi, en CILUBA(langue bantoue du Congo-Kinshasa) le yod palatalise seulement les consonnes -t, -s, -l et –n ; en proto-slave (COMMON SLAVIC) les dentales se palatalisent devant le yod tandis que les vélaires le font seulement quand elles sont suivies des voyelles antérieures. Enfin, en japonais [t] se palatalise devant le yod mais également devant –i dans quelques dialectes.

Palatalisation comme un type d’assimilationphonétique

La consonne se palatalise lorsqu’elle se trouve dans la combinaison où la consonne adjacente qui la suit est molle (palatalisée) phonologiquement. Dans ce cas la palatalisation de la première consonne apparait comme un type d’assimilation articulatoire. Cette capacité assimilatoire n’agit pas de la même manière dans toutes les combinaisons consonantiques. Selon Knyazev & Pozharitskaya (2012) et Bondarko (1977), la « mouillure » de la première consonne est d’autant plus probable que cette consonne partage plus de propriétés avec celle qui la suit. Ainsi en russe, la consonne sepalatalise généralement à l’intérieur d’un mot lorsqu’elle est immédiatement suivie d’une autre palatalisée (avec le même lieu articulatoire) : [denʲdʲi] dandy, [dlinʲnʲej] plus long, [vinʲtʲik] petite vis etc. En revanche, la consonne ne se palatalise pas ou occasionnellement lorsqu’elle est suivie d’une palatalisée au début d’un mot ou à la jonction des morphèmes : [zlʲusʲ] être en colère (1SG, présent) , [razbʲitʲ] briser où –z du préfixe –raz ne se palatalise pas (quoique chez certains locuteurs cela reste possible) devant [bʲ].
L’articulation des consonnes palatalisées (ou palatales) implique la partie médiodorsale de la langue qui se rapproche du palais dur dans la région proche de la production du son [i] ou [j] (Seriot, s.d.). Il faut à présent faire une distinction entre l’articulation principale et secondaire. L’articulation principale désigne le travail d’articulateurs mis en œuvre lors de la production d’un son donné (Knyazev & Pozharitskaya, 2012). Par exemple, pour la production de [t] la pointe de la langue se trouve en occlusion avec les incisives supérieures, les plis vocaux sont écartés, la luette est relevée. La production de [tʲ] se caractérise par une articulation dite secondaire (palatalisation) qui se manifeste par le resserrement entre la partie plutôt laminale de la langue et le palais dur. Il y a donc une articulation principale de [t] à laquelle s’ajoute une articulation secondaire de type palatal.
Bondarko (1977) n’applique le terme d’articulation secondaire qu’au sujet des consonnes labialisées. En effet, selon elle, le geste d’occlusion labiale (articulation principale ou primaire) et le geste lingual (secondaire) ne se recouvrent pas. En revanche, (sous l’effet de palatalisation) les apicales déplacent la masse de la langue dans la région antérieure de la cavité buccale et se transforment en laminales (parfaitement illustré par la Figure 2) produites avec un bruit de friction. Bondarko cite l’exemple suivant : dans [tot] celui-là [t] est plosif apical non-palatalisé tandis que dans [tʲotʲa] tante la consonne initiale [tʲ] est affriquée laminale palatalisée (résultat de l’articulation secondaire). Toujours selon Bondarko (1977), la vibrante [r] devient un flap (tap) lorsqu’elle est palatalisée : en avançant, la langue empêche l’apex de vibrer librement. Dans la production de la plupart des russophones [lʲ] devient alvéolaire tandis que [l] est dental.
Si Kochetov s’intéresse à la quantité de l’information acoustique contenue dans le signal en tant qu’indice pour la perception des palatalisés, nous verrons que Kavitskaya (2002), elle, déplace le centre de l’étude sur le plan des performances des sujets lors de la perception des consonnes palatalisées en fonction de leur lieu et mode articulatoire ainsi que selon le critère de voisement.
En 2002 Kavitskaya met à l’épreuve l’hypothèse avancée par Stevens (1991) selon laquelle les sujets auraient une meilleure identification des traits distinctifs primaires tandis que leurs performances perceptives baisseraient lors de l’identification des traits moins saillants (secondaires) . Les résultats de l’expérience sur les consonnes palatalisées du russe menée par Kavitskaya vont à l’encontre de l’hypothèse émise par Stevens.
Les stimuli (des mots tronqués) ont été présentés aux sujets. La troncation a été faite à partir du burst de la consonne (bilabiale ou coronale) et sur l’intervalle de 30, 60, puis 90 ms (ainsi, seule la consonne et une partie de la voyelle pouvaient être perçues). Les sujets ont été amenés à appuyer sur le bouton correspondant au stimulus entendu. Le pourcentage de confusions relevées met en évidence le nombre total d’erreurs lors de l’identification du trait étudié.
Les résultats obtenus par Kavitskaya montrent qu’en général le taux de confusions des segments palatalisés avec les non-palatalisés est légèrement plus élevé par rapport à celui des segments non-palatalisés vs palatalisés . Cette différence n’est toutefois pas significative.
Ensuite, il y a plus de confusion (palatalisé vs non palatalisé et vice versa) lors de l’identification des plosives que lors de celle des nasales. Kavitskaya observe que cette confusion augmente dans les intervalles de 30 et 60 ms. Elle l’explique par le fait que l’information sur la consonne est contenue dans les transitions formantiques de la voyelle suivante, or les deux intervalles sont trop courts et ne permettent pas d’extraire cette information. Cependant, pour les nasales la différence entre les segments palatalisés et non-palatalisés « is present in nasal closure » (Bolla, cité par Kavitskaya, 2002) ce qui résulte en une meilleure identification des segments.
D’autre part, les segments palatalisés sourds sont moins confondus avec leurs pairs non-palatalisés. En effet, les palatalisés non voisés sont souvent plus longs et se caractérisent par un aspect fricatif additionnel (déjà relevé par Bhat, Bondarko, Bolla). La présence du bruit ainsi que la longueur favoriseraient la meilleure reconnaissance par les sujets.
Enfin, les labiales palatalisées sont davantage confondues avec les labiales nonpalatalisées alors que la confusion est moins présente chez les coronales. Kavitskaya note que la raison de cette confusion est dans les propriétés articulatoires des consonnes labiales et coronales. Selon Ladefoged et Maddieson (cités par Kavitskaya, 2002) mais aussi selon Bondarko (citée ci-avant), l’articulation primaire et secondaire des labiales ne se recouvrent pas lors de la production des palatalisés alors que l’articulation primaire des coronales subit l’effet de palatalisation. En effet, la langue se rapproche davantage du palais et avance encore plus dans la cavité buccale en assurant à la fois une occlusion devenue laminale (Ladofoged et Maddison (1996), Bhat (1978)). De plus le burst des coronales détient plus d’information acoustique que celui des labiales ce qui permet la meilleure identification des premières. Kavitskaya conclut que l’identification des traits primaires « is not correlated with the notion of perceptual salience » en y ajoutant que les sujets n’extraient pas l’information sur les segments uniquement à partir du signal acoustique mais de l’interaction des propriétés articulatoires et acoustiques.
Nous abordons désormais quelques études traitant des aspects articulatoires des consonnes palatalisées.
Kedrova et al. concluent alors sur l’existence d’au moins deux stratégies articulatoires lors de la production des consonnes palatalisées du russe. La première consisterait à l’«engagement massif » du corps de la langue dans le processus articulatoire associé à une importante élévation du dos de la langue et à son avancement dans la partie antérieure de la cavité buccale. La seconde favoriserait l’activité de la partie laminale convexe de la langue réalisée dans la région (post)-alvéolaire du palais dur.
Kuznetsova (1969) avait mené, quant à elle, une étude expérimentale sur les groupes de dialectes du Nord, du Sud et du Centre de la Russie et s’était intéressée à la diversité des réalisations phonétiques des consonnes dites dures et molles en parole dialectale. Elle avait utilisé la palatographie statique directe afin de décrire les articulations de ses informateurs –présentateurs de radio et TV. Son analyse se focalise autour de la réalisation des occlusives pré-linguales non palatalisées [t], [d], [n] et palatalisées [tʲ], [dʲ], [nʲ].
Kuznetsova souligne qu’en russe, l’articulation des occlusives [t], [d], [n]peut être de type dorsal ou apical. Lors de l’articulation dorsale la partie pré-linguale (pré-dorsale) se trouve en contact avec les incisives supérieures, la pointe de la langue se dirigeant vers le bas s’appuie contre les incisives inférieures. Ce type d’articulation est également propre aux fricatives pré-linguales [s] et [z]. Lors de l’articulation apicale, la pointe de la langue s’appuie contre les alvéoles ou contre les incisives supérieures. Cette réalisation est typique d’une série de dialectes russes tandis que le premier type (dorsal) renvoie plutôt à la norme littéraire de la production des occlusives pré-linguales.
Les palatogrammes démontrent que lors de l’articulation pré-dorsale des occlusives la zone de contact lingual se trouve dans la région alvéo-dentale de la cavité buccale. Les données linguographiques montrent que la pointe de la langue n’apparaît pas noire et donc n’est pas active dans ce type d’articulation. Sur l’imagede droite la zone de contact est décalée vers la région alvéolaire. Sur les images linguographiques l’apex est coloré de noir indiquant que l’articulation de l’occlusive pré-linguale est de type apical.
Dans une série de dialectes typologiquement proches de la norme littéraire la réalisation des palatalisées [tʲ], [dʲ], [nʲ] est dorsale. Skalozub (citée par Kuznetsova, 1969) a observé le déplacement du focus articulatoire vers la région palatale lors de l’articulation des occlusives palatalisées. Les résultats de Kuznetsova vont à l’encontre de la démonstration de Skalozub. Selon Kuznetsova, la zone de contact ne varie pas lors de la production des non palatalisées et des palatalisées. En revanche, elle souligne que lapalatalisation se manifesterait par l’extension des contacts latéraux de la langue avec lepalais dur comme sur le palatogramme de gauche ci-après. Selon nous, l’augmentation descontacts latéraux apparaît assez minime sur le palatogramme.

Présentation des dispositifs utilisés

La technique des ultrasons

Pour l’acquisition des données nous avons utilisé : le système d’ultrasons portable Terason T3000, un transducteur microconvexe 140° et un système d’acquisition de sons.
Le logiciel utilisé Ultraspeech est développé par T. Huber au Gipsa-lab à Grenoble. Ultraspeech traite parallèlement les données audio et ultrasons. Ce logiciel a permis d’enregistrer simultanément et de manière synchrone le signal acoustique (16 bits, 16 kHz) et le flux ultrason (320 X 240 pixels). L’enregistrement des données ultrasons a été fait à 80 images par seconde. La séquence d’images bmp était transformée en films avi pour visualiser les articulations des consonnes étudiées. Les images ultrasons et le son ont été enregistrés simultanément pour chaque mot en posant la sonde d’ultrasons sous le menton du sujet avec le microphone placé sur le côté.
Les contours de la langue ont été extraits avec le logiciel AAA (Articulate Assistant Advanced) développé par A. Wrench au Queen Margaret Collège d’Edinburgh. Ce logiciel affiche et permet de suivre les mouvements de la langue dans la séquence d’ultrasons enregistrée. Il permet également de générer les contours de la langue pour chaqueconfiguration intéressante.
Les mots de chaque série du corpus ont été répétés à trois reprises lors de l’enregistrement avec Ultraspeech.

Discussion

L’analysedes contours linguaux a permis de faire ressortir les faits suivants.
Tout d’abord nous avons observé qu’au cours de l’articulation, la position de la langue est en général haute. Ce fait est généralement lié à la présence des consonnes palatalisées dans le système consonantique du russe. Ainsi, le phonéticien estonien Vaarask (cités par Kuznetsova, 1969) a noté qu’en russe, au cours de l’articulation, la partie médiane de la langue s’élève relativement haut dans la cavité buccale ce qui favoriserait la palatalisation. Les linguistes Hala et Bogoroditskii (cités par Kuznetsova, 1969) ont observé l’état stationnaire des articulateurs en russe et en tchèque et ont conclu que lorsque ceux-ci sont immobiles les sujets russes ont tendance à serrer davantage la langue contre le palais dur que les sujets tchèques. Selon ces auteurs, cela expliquerait l’inclination du russe à la palatalisation.
Les configurations linguales, observées dans notre corpus, sont stables pour la première série de consonnes avec la palatalisation du premier élément consonantique attestée comme obligatoire (Figures 14 à 17). Le contact linguo-palatal se fait avec la partie pré- ou médiodorsale de la langue pour les deux consonnes. Les déplacements des articulateurs ont aussi été enregistrés à l’aide d’un EMA 2D. Les trajectoires oscillantes montrent que la production des palatalisées implique une élévation parallèle de la lame, de la partie pré- et médiodorsale de la langue.
Les mouvements linguaux observés rappellent une des stratégies articulatoires formulée par Kedrova et al. (2008) qui implique une importante élévation du dos de la langue et son avancement dans la partie antérieure de la cavité buccale.
Les Figures (14 à 17) illustrent des stratégies articulatoires équivalentes : la partie médiane du dos de la langue s’élève vers le palais, la pointe de la langue se dirige généralement vers le bas au cours de l’articulation des deux consonnes. Ce point qui s’avère récurrent nous mènerait vers l’hypothèse suivante.
Le fait de baisser la pointe de la langue implique une stratégie articulatoire particulière. La pointe de la langue se dirige vers le bas et positionne la partie antérieure de la langue (apex et lame) de manière telle que lorsque le contact médiodorsal se relâche, la langue est déjà configurée pour la partie fricative (par exemple, Figure 14) de la consonne palatalisée. Ainsi, un geste dorsal suffit pour la production d’une consonne palatalisée.
Selon Kuznetsova (1969), l’articulation dorsale au cours de laquelle la pointe de la langue se dirige vers le bas et s’appuie contre les incisives inférieures renvoie à la prononciation normative. En nous basant sur ce point nous pouvons avancer la suggestion selon laquelle le russe (où la palatalisation est phonologique et embrasse tous les groupements consonantiques) offrirait (par le type d’articulation dorsale attestée comme normatif) une stratégie d’économie articulatoire qui n’impliquerait alors qu’un geste dorsal.
Au vu des tracés des contours nous pouvons penser que le sujet produirait plutôt des palatales que des palatalisées. Selon Kuznetsova (1969), une consonne palatalisée serait produite dans la région proche de l’articulation de la voyelle [i] tandis qu’une palatale (impliquant le geste de la partie médiodorsale de la langue) serait produite dans la région proche de [j]. Les deux régions sont toutefois très proches. Cette proximité pourrait être à l’origine de la production des occlusives et des fricatives pré-linguales soit comme des palatalisées, soit comme des palatales.
Parmi les occurrences du corpus, une d’entre elles présente un segment avec les consonnes géminées [nʲ] + [nʲ] dans dli[nʲnʲ]ej plus long. Il est intéressant de relever que dans dli[nʲnʲ]ej deux consonnes palatalisées [nʲ] + [nʲ] sont produites successivement et non comme un long [nʲ:] (la partie médiodorsale de la langue vient taper à deux reprises contre le palais). Les mesures effectuées au moyen d’un EMA 2D montrent qu’après un court relâchement du contact palatal (relatif au premier élément nasal) la langue s’élève à nouveau contre le palais pour la production de la deuxième consonne nasale. Par exemple, lors de l’une des répétitions, le dos de la langue s’abaisse de 0,0027 cm à la fin de la première consonne nasale après le contact linguo-palatal, puis, remonte de 0,0092 cm pour la réalisation de la consonne nasale suivante. Le même patron d’activité a été observé au cours des trois répétitions (Annexe 2).
L’analyse des contours extraits dans une série de consonnes avec la palatalisation facultative du premier élément consonantique dans la séquence [C] + [Cʲ] fait ressortir l’instabilité des mouvements linguaux de celui-ciau cours des trois répétitions (Figures 18 à 20).

Conclusion

Nous avons abordé les phénomènes de palatalisation en russe d’abord via quelques études en phonétique expérimentale traitant différents aspects du phénomène, puis, à travers un travail préliminaire initié au moyen de la méthode des ultrasons et de l’articulographe électromagnétique.
Les résultats de ce travail mettent en avant l’économie gestuelle lors de l’articulation des consonnes palatalisées: la pointe de la langue abaissée (formant une sorte de chenal avec l’apex et la lame) ne gêne pas le contact du dos de la langue et du palais.
Ceci explique que la génération du bruit de friction du au relâchement de la partie médiodorsale ne nécessite pas de mouvement de la partie antérieure de la langue.
Une analyse succincte révèle le comportement typique des consonnes (palatalisées ou non) devant une consonne palatale (palatalisée) adjacente : une élévation du dos de la langue dans l’intervalle compris entre le point final de la première consonne et lemoment de relâchement de la consonne suivante. L’élévation dorsale est plus importante dans l’exemple avec la palatalisation facultative.

Perspectives de recherche

Tout d’abord, les résultats préliminaires de ce travail devront être confirmés par l’enregistrement et l’analyse de données sur un nombre plus important de sujets.
La technique de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et la méthode d’électropalatographie pourraient être intégrées dans l’étude sur les phénomènes de palatalisation. Grâce à la technique d’électropalatographie, on disposerait ainsi d’une information (en temps réel ou différé) sur l’organisation spatiale et temporelle des contacts de la langue au palais permettant de suivre l’évolution des appuis linguo-palatals lors de la production des consonnes palatalisées. En outre, la méthode permettrait de rendre compte de variations dans les productions inter- et intra-individuelles (par exemple, lors de la production d’une série de consonnes avec la palatalisation facultative).
L’utilisation de la technique de l’IRMf en temps réel permettrait, quant à elle, « de visualiser l’ensemble du conduit vocal avec une résolution temporelle suffisante pour refléter les patrons de l’activité des gestes articulatoires dans le temps. » (Demolin & Metens, 2009). La méthode de l’IRMf refléterait la coordination des gestes articulatoires lors de la palatalisation de consonnes dans le contexte de consonnes adjacentes palatalisées phonologiquement.

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Table des matières
Remerciements 
Table des matières 
Introduction 
PARTIE 1 – LES PHENOMENES DE PALATALISATION 
CHAPITRE 1 – UN APERÇU GENERAL DU SYSTEME PHONOLOGIQUE RUSSE 
Consonnes
Voyelles
CHAPITRE 2 – DEFINITION DU PHENOMENE DE LA PALATALISATION 
Une vision générale du phénomène
Rôle des consonnes palatalisées dans le système phonologique du russe
Le contraste phonémique entre les consonnes dites « dures » et « molles » en russe
Palatalisation comme un type d’assimilation phonétique
CHAPITRE 3 – ETAT DE LA QUESTION EN PHONETIQUE EXPERIMENTALE 
Etudes acoustiques et perceptives des consonnes palatalisées du russe
Etudes articulatoires des consonnes « dures » vs « molles »
PARTIE 2 – ETUDE PILOTE DES PHENOMENES DE PALATALISATION DU RUSSE PAR ULTRASONS ET AU MOYEN DE L’ARTICULOGRAPHE ELECTROMAGNETIQUE 
CHAPITRE 4 – METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 
Corpus
Sujets
Présentation des dispositifs utilisés
La technique des ultrasons
Articulographe
Procédure
CHAPITRE 5 – RESULTATS 
Présentation des résultats
Contours obtenus par ultrasons
Données EMA
Données acoustiques
Discussion
Conclusion
CHAPITRE 6 – PERSPECTIVES DE RECHERCHE  
Bibliographie et sitographie 
Annexe 1 Corpus 
Annexe 2 Données recueillies à l’aide d’un système EMA 2D, AG-200 

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