Madagascar est un pays riche en ressources naturelles, surtout végétales dont un grand nombre d’espèces ont une utilisation traditionnelle. Par leur endémicité, elles constituent un réservoir de molécules nouvelles qui peuvent trouver de nouvelles voies d’applications en thérapeutique et/ou en cosmétique. Certaines espèces introduites qui se sont bien adaptées à Madagascar sont aussi connues pour leurs propriétés biologiques par les populations locales qui s’en servent au quotidien. La plante Lantana camara, de nom malgache « radriaka » est de celles-là ; c’est une plante invasive, et les malgaches connaissent bien ses propriétés antihypertensives. Des noms communs ont été attribués au végétal selon que ses fleurs sont de couleur rose, « Feston rose » ou rouge orangé, « Brasier rouge ». Leur statut botanique n’est pas encore établi à ce jour.
Par ailleurs, il a été sommairement rapporté que la racine de Lantana camara a le pouvoir de calmer les maux de dents, mais il n’y a pas d’investigations sur le sujet dans la littérature. Le présent mémoire se propose d’apporter des arguments scientifiques qui justifieraient cet usage empirique de la racine, le but étant de valoriser le végétal Lantana camara qui est une matière première abondante et facile d’accès. A cet effet, les deux végétaux « Feston rose » et « Brasier rouge » ont été étudiés en parallèle afin de comparer leurs constituants chimiques et leurs activités antimicrobiennes vis-à-vis des germes responsables des infections dentaires. Les résultats seront aussi mis à profit pour tenter de répondre à la question de savoir si « Feston rose » et « Brasier rouge » sont deux variétés de L. camara ou deux espèces de Lantana.
Présentation de Lantana camara
Origine et historique
L’espèce Lantana camara est originaire des Antilles et d’Amérique du sud, et a été largement naturalisée dans les régions tropicales. Au XVIème Siècle, la plante a été importée du Brésil vers la Hollande, puis plus tard, les graines furent commercialisées en Europe et en Amérique du Nord. Par la suite, l’introduction de la plante dans d’autres contrées a été favorisée par l’intermédiaire des oiseaux (Hawaï, Australie, Asie du Sud), et très rapidement, elle est devenue invasive dans certaines forêts d’Afrique du Sud. Entre les XVIIème et XIXème siècles, l’espèce a été introduite dans les jardins botaniques, puis commercialisée comme plante ornementale partout dans le monde .
Habitat
La plante couvre de vastes zones en Inde, en Australie, dans une grande partie de l’Afrique et aussi aux États-Unis, surtout sur le littoral atlantique, de la Floride à la Géorgie, où le climat est proche de son climat natal. Elle est résistante au feu, et se développe rapidement sur les zones brûlées, devenant même un sérieux obstacle à la régénération naturelle d’espèces indigènes importantes en Asie du Sud. On la trouve aussi occupant des espaces en friche ou cultivés, aux abords des maisons, et en bordure des routes. A Madagascar, elle est très répandue en milieu humide, dans la végétation secondaire et les lisières de forêts de la côte Est. Elle supporte à la fois les conditions climatiques des pays chauds et secs, et des pays humides. Par exemple, elle peut résister aux longues périodes de sécheresse en plein soleil sur les plateaux du Kenya, et aussi à des pluies abondantes dans les trouées de forêt d’Afrique tropicale (Ouganda…) .
Botanique de la plante
De nombreux noms synonymes lui sont attribués : Lantana aculeata L. ; Lantana antidotalis Thon.; Lantana mutabilis Weigel ; Lantana antillana Raf. ; Camara vulgaris Benth ; Lantana armata Schauer ; Lantana armata var. guianensis Moldenke ; Lantana glandualosissima Hayek; Lantana lilacina non Desf ; Lantana moritziana Otto & A. Dietr. ; Lantana nivea Vent .
La plante est connue sous différents noms communs selon le pays d’accueil :
• Madagascar : radriaka, rajejeka, radredreka, ramity, felamena, taindelontsinoa, fankatavinakoho, fotraka
• France : verbène, lantanier, thé de Gambie, mille fleurs [1]
• Grande Bretagne : lantana, shurb verbena, verbena, wild sage, spanish flag, red sage, bis leaf sage
• Espagne : cinco negritos, alantana, camara, corona de sol
• Allemagne : wandelröschen [4]
• Afrique du Sud : umphema, ubukhwezane
• Comores : bwasera (Anjouan), trambamzungu (Grande Comore)
• Maurice : vieille fille .
• La Réunion : corbeille d’or, galaber
• Seychelles : lantana, vieille fille, vyeyfiy
• Zimbabwe : chiponiwe, sumba [6]
• Swahili (Afrique Orientale) : mutululu .
Description du végétal
• Port : Le port du lantanier est buissonnant, de forme étalée ou arrondie . Le lantanier est un arbuste caduc de 0,5 à 2 m de hauteur, parfois 5 m lorsque la plante peut grimper. La plante comporte de nombreux rameaux dressés, quadrangulaires et souvent épineux. Les épines sont plus ou moins recourbées et disposées sur l’arête des tiges. L’écorce de tige est de couleur grise à beige, à tranche jaune verdâtre .
• Feuilles : Les feuilles sont opposées ou verticillées, de forme ovale de 4 cm à 12 cm de long, et 2 cm à 5 cm de large. Le dessus de la feuille est plus ou moins rugueux et le revers poilu ; ce sont des poils épidermiques sécréteurs. Les feuilles de couleur vert sombre, à bords régulièrement dentés sont tronquées à la base et se rétrécissent au sommet. Au froissement, elles dégagent une odeur camphrée plus ou moins désagréable. À l’aisselle du feuillage, sur de petits pédoncules se trouvent les capitules ronds de 3 cm à 5 cm de diamètre. Les feuilles brunissent lors d’une attaque par les pucerons, les mouches blanches, les araignées rouges ou les acariens .
• Fruits : De couleur noire à maturité, les fruits sont drupacés, de petite taille, et sont groupés mais non soudés entre eux • Fleurs : Les fleurs apparaissent avec des couleurs variées allant du blanc au rouge, en passant par le jaune et l’orange. L’inflorescence axillaire est en capitule hémisphérique de 3cm à 5cm de diamètre, constituée de 30 à 50 petites fleurs s’ouvrant successivement depuis l’extérieur, avec des couleurs allant du plus clair à l’intérieur au plus foncé vers l’extérieur . Elles sont légèrement odorantes, ce qui attire papillons et abeilles. Les fleurs sont typiques de la famille des Verbenacées, à savoir :
– à calice court et vert (3 mm) . La fructification a lieu presque toute l’année .
– à corolle en tube terminé par quatre lobes inégaux de 6mm à 8 mm
– à quatre étamines insérées sur le tube à deux niveaux différents
– à ovaire supère et possédant deux carpelles par ovule.
Toxicité de la plante
Les fruits non matures renferment des acides triterpéniques, les lantadènes , qui sont des poisons pour l’homme et pour de nombreux animaux de pâturages qui les ingèrent. Chez l’homme, les troubles provoqués sont d’abord digestifs (vomissements et diarrhée sanglante-aquatique), parfois hépatiques (ictère) ou musculaires (faiblesse musculaire), puis visuels en provoquant des pupilles dilatées. Une défaillance circulatoire et des phénomènes de photosensibilisation peuvent être observés. Chez l’enfant, les symptômes sont parfois sérieux avec des troubles neurovégétatifs du type empoisonnement par un parasympathicolytique (atropine). A l’inverse, les fruits à maturité sont consommés par les enfants en Afrique .
Utilisations de la plante
Utilisations des feuilles
Ce sont surtout des utilisations thérapeutiques. Dans les pays asiatiques, la plante sert à soigner la gale, la lèpre ou les surinfections cutanées associées aux parasitoses et aux piqûres d’insectes pour son effet antiseptique et antibiotique. Les extraits méthanoliques des feuilles sont décrits pour avoir un effet antibactérien [2]. L’infusion de feuilles est traditionnellement considérée comme une tisane antipyrétique destinée à calmer les fièvres et les douleurs d’états grippaux. La décoction des feuilles serait anti-inflammatoire, anti-rhumatismale, anti-asthmatique et anti-hypertensive. D’autres pathologies traitées par la plante sont signalées : ulcères gastriques, variole aviaire, rougeole, infections respiratoires, cancers et tumeurs [1] [3]. Une infusion de feuilles peut simplement remplacer le thé en Afrique .
Utilisations des racines
La poudre de racines additionnée au lait est donnée aux enfants pour soigner les maux de ventre dans certains pays d’Afrique comme le Ghana. La racine est aussi utilisée pour traiter la blennorragie, le paludisme, le tétanos, l’hypertension artérielle, les fièvres bileuses, l’eczéma, la varicelle, les gonflements, la rougeole et les cancers.
Autres utilisations
Par son inflorescence discrète mais de couleur variée, le lantanier est considéré comme une plante décorative. Les emplacements parfaits pour la plante sont le balcon et la terrasse afin de bénéficier du maximum de soleil. Elle peut être cultivée en massif, en pot, en bac ou en jardinière. Sa multiplication se fait alors soit par bouturage ou par semis .
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I. Présentation de Lantana camara
I.1 Origine et historique
I.2 Habitat
I.3 Botanique de la plante
I.4 Description du végétal
I.5 Toxicité de la plante
I.6 Utilisations de la plante
I.6.1 Utilisations des feuilles
I.6.2 Utilisations des racines
I.6.3 Autres utilisations
I.7 Etudes chimiques de Lantana camara
I.7.1 Les constituants volatiles
I.7.2 Les constituants non volatiles
I.8 Activités biologiques de Lantana camara
I.8.1 Activités antimicrobiennes
I.8.2 Activités antiinflammatoires
I.8.3 Activités antivirales et anticancéreuses
I.8.4 Autres activités
II. Métabolites secondaires
II.1 Définition et fonction
II.2 Classification des métabolismes secondaires
II.2.1 Les composés phénoliques
II.2.2 Les isoprénoïdes
II.2.3 Les Alcaloïdes
II.3 Biosynthèse des métabolismes secondaires
II.4 Les iridoïdes
II.4.1 Présentation générale
II.4.2 Structure des iridoïdes
II.4.3 Classification des iridoïdes
II.4.3.1 Les iridoïdes simples ou non glycosylés
II.4.3.2 Les glycosides d’iridoïdes
II.4.3.3 Les seco-iridoïdes
II.4.3.4 Les bisiridoïdes
II.4.4 Biosynthèse des iridoïdes
II.4.5 Propriétés biologiques et pharmacologiques
II.4.5.1 Rôles biologiques chez les végétaux
II.4.5.2 Propriétés thérapeutiques
PARTIE II : MATERIELS ET METHODES
I. Matériel végétal et extraction
I.1 Matériel végétal
I.1.1 Collecte des plantes
I.1.2 Préparation du matériel végétal
I.2 Préparation des extraits
I.2.1 Extraction par des solvants organiques de polarité croissante
I.2.2 Extraction à l’éthanol pour l’obtention d’extrait brut
I.2.3 Rendement en extraits
II. Etude phytochimique
II.1 Détection des alcaloïdes
II.2 Détection des flavonoïdes et leucoanthocyanes
II.3 Détection des tanins et polyphénols
II.4 Détection des anthraquinones
II.5 Détection des stéroïdes et triterpènes
II.6 Détection des saponines
II.7 Détection des iridoïdes
II.8 Détection des coumarines
III. Huiles essentielles de cannelle et girofle
III.1 Extraction des huiles essentielles
III.2 Analyse en CPG des huiles essentielles
IV. Etude des activités antimicrobiennes de racine de L. camara
IV.1 Les souches microbiennes
IV.2 Tests d’activités antimicrobiennes des extraits de racine de L. camara
IV.2.1 Préparation des solutions d’extraits
IV.2.2 Préparation des préculltures
IV.2.3 Tests antimicrobiens par la méthode de diffusion
IV.2.4 Lecture des résultats
V. Analyses des extraits de racine de L. camara par la chromatographie sur silice
V.1 Principe de la chromatographie sur silice
V.2 Mise en œuvre
V.2.1 Analyse par chromatographie sur couche mince (CCM)
V.2.2 Analyse par chromatographie sur colonne ouverte (CCO)
Chapitre III : RESULTATS ET DISCUSSION
I. Extraction des végétaux
I.1 Rendement en extraits
I.2 Discussion
II. Tests phytochimiques sur L. camara
II.1 Résultats
II.1.1 Tests des alcaloïdes
II.1.2 Tests des flavonoïdes et leucoanthocyanes
II.1.3 Tests des tanins et polyphénols
II.1.4 Test des anthraquinones
II.1.5 Tests des stéroïdes et triterpènes
II.1.6 Tests des saponines
II.1.7 Tests des iridoïdes
II.1.8 Test des coumarines
II.2 Discussion
III. Analyses en CPG des huiles essentielles
III.1 Composition chimique de l’huile essentielle de cannelle
III.2 Composition chimique de l’huile essentielle de girofle
III.3 Discussion
IV. Tests antimicrobiens
IV.1 Résultats des tests sur les extraits aux solvants
IV.2 Résultats des tests sur les fractions de B5
IV.3 Discussion
V. Chromatographie sur silice
V.1 Comparaison par CCM de A5 et B5
V.1.1 Résultats
V.1.2 Discussion
V.2 Fractionnement de B5 sur colonne de silice
V.2.1 Résultats
V.2.2 Discussion
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE ET WEBOGRAPHIE
ANNEXES