Solid Electrolyte Interphase (SEI)
Lors de la lithiation, les électrons s’accumulent dans l’électrode négative. Le potentiel de l’électrode s’approche de celui du lithium métallique au fur et à mesure que les atomes de lithium y sont insérés. Une couche de passivation résultant de la décomposition de l’électrolyte à base du solvant organique et de sel est alors formée sur l’électrode (Figure 1.3). Cette couche est nommée Solid Electrolyte Interphase (SEI) pour la première fois en 1979 par Peled (Peled [1979]).Cette couche se forme également sur l’électrode positive pendant la lithiation, et est appelée Cathode Electrolyte Interphase (CEI) (Thomas et al. [1985] ; Aurbach et al. [2002] ; Edström et al. [2004] ; Dedryvère et al. [2007, 2010]). Néanmoins, l’approche sur la cathode sort de notre cadre d’études. La SEI est une des causes de l’irréversibilité car elle consomme des charges pour sa formation. Idéalement, une fois que la SEI est formée, elle doit rester perméable aux ions lithium tout en jouant le rôle d’un isolant électronique. Elle doit également protéger l’électrode des dégradations chimiques provoquées par les produits issus de la décomposition. La formation d’une SEI stable et homogène au cours de cyclages est donc cruciale pour assurer la bonne durabilité d’une batterie (Verma et al. [2010])).
Nanofils et nanotubes
Les structures telles que les nanofils (Chan et al. [2008, 2009] ; Gohier et al. [2012] ; Leveau et al. [2016]) et nanotubes (Park et al. [2009] ; Battaglia et al. [2013] ; Wen et al. [2013]) sont des solutions attractives pour palier à l’expansion volumique. L’espacement entre chaque nanofil (ou nanotube) permet de mieux accommoder l’expansion volumique du matériau et le transport électronique demeure facile du fait de la structure unidimensionnelle qui assure un chemin continu de conduction.
Structures poreuses
Le silicium poreux est une stratégie intéressante pour compenser l’expansion volumique. La porosité intrinsèque en son sein permet de garder la structure tolérante à l’expansion volumique (Shin et al. [2005] ; Lin et al. [2016]). Les chemins de diffusion pour les électrons et les ions lithium sont également courts comme dans d’autres nanostructures. En ce qui concerne la densité volumique, la création de la porosité directement dans le silicium par les procédés de gravure semble être une solution optimale. La corrélation entre la porosité, la taille des pores et les propriétés électrochimiques est une voie d’optimisation intéressante (Cho [2010]).
Couches minces
Les couches minces de silicium élaborées par techniques de dépôt comme CVD (Bourderau et al. [1999] ; Jung et al. [2003] ; Kulova et al. [2007]), ou pulvérisation cathodique (Ohara et al. [2004] ; Lee et al. [2014] ; Farmakis et al. [2015]) ont des épaisseurs comprises entre quelques nm et quelques µm. Ces couches minces ont des épaisseurs faibles limitant la pulvérisation de l’électrode et ont une bonne adhérence au substrat. De plus, les études montrent que leur capacité spécifique est supérieure à 2000 mAh g−1 après 200 cycles (Ohara et al. [2004]). Leur épaisseur constitue un paramètre critique. La cyclabilité de l’électrode diminue lorsque son épaisseur augmente, car les couches minces ont tendance à fracturer sauf si leur épaisseur reste inférieure à 100 nm. (Takamura et al. [2006] ; Chew et al. [2014]). Toutefois, la quantité de matière active faible d’une couche mince résistant au cyclage rend inadéquate son utilisation dans les applications nécessitant une forte capacité et limite son utilisation aux microbatteries. Ce type de batteries peut être élaboré en même temps que le circuit intégré via des techniques de dépôt physico-chimiques, ce qui attire l’attention des industriels de la microélectronique (Larfaillou et al. [2016]). Par ailleurs, la nature des contraintes mécaniques subies par le matériau dépend de la géométrie. Par exemple, les couches minces du silicium et nanofils (nanotubes) subissent une expansion volumique anisotrope, car le matériau actif adhère au substrat (Szczech & Jin [2010] ; Chew et al. [2014]). Dans le cas de nanoparticules qui n’adhèrent pas au substrat, l’expansion volumique est isotrope (Timmons & Dahn [2007]).
Électrodes composites Si/matrice (in)active
Un exemple des électrodes composites consiste à utiliser les nanoparticules à base d’alliages entre le silicium et une matrice tampon permettant de mieux accommoder le changement volumique. Il est alors souhaitable que la matrice possède une bonne conductivité électronique/ionique avec des bonnes propriétés mécaniques (ex : limite élastique élevée, module d’Young faible, ductilité faible) (Wang et al. [2001] ; Wolfenstine [2003]). Ce type de matériau composite est communément obtenu par broyage mécanique (ball-milling) (Hwang et al. [2001]). Ces matrices tampons auxquelles on associe le silicium peuvent être électrochimiquement actives (Mg2Si, SiAg, CaSi2) (Xiao et al. [2014] ; Hwang et al. [2001] ; Wolfenstine [2003]) ou inactives (NiSi, FeSi, TiN, CoSi2 et TiC) (Wang et al. [2000] ; Netz et al. [2003] ; Guo et al. [2005]). Dans le cas des matrices dites « actives », le silicium et la phase active sont lithiés en même temps, tout en sachant que la phase active se lithie à un autre potentiel que le silicium. Cette lithiation simultanée des deux phases contribue à l’irréversibilité pendant les cyclages répétés (Zhang [2011]). La capacité spécifique baisse rapidement au cours du cyclage (ex : l’ordre de 200 mAh g−1 après 10 cycles pour Mg2Si (Xiao et al. [2014]). D’autre part, les matrices inactives peuvent bloquer ou ralentir la diffusion du lithium et de transfert électronique (Fleischauer et al. [2006]), ce qui contribue à la baisse rapide de la capacité spécifique (en dessous de 400 mAh g−1 après 20 cycles pour FeSi (Wang et al. [2000]).
Électrodes composites Si/C
Les nanoparticules de silicium/carbone sont un exemple de la matrice « active » pour faire face à l’expansion volumique. Ces nanoparticules composites peuvent être obtenues sous différentes formes :
• de poudres de composites, par broyage mécanique du silicium avec du graphite (Wang et al. [1998] ; Luo et al. [2009]).
• de cœur-coquille (core shell) avec un revêtement en carbone, par pyrolyse avec des précurseurs de carbone (Saint et al. [2007] ; Sourice et al. [2015]) ou par réduction thermique (Campbell et al. [2016]). Notamment, le revêtement en carbone entourant les nanoparticules de silicium empêche le contact direct entre l’électrolyte et le silicium, minimisant l’augmentation continue de la SEI. Par ailleurs, le carbone a une faible expansion volumique lors de l’insertion du lithium par rapport à celle du silicium, donc la SEI formée sur la couche externe en carbone est plus stable et homogène. Par ailleurs, la présence du revêtement de carbone contribue aux contraintes compressives vers le cœur des particules, ce qui minimise la pulvérisation du matériau actif (Saint et al. [2007]). Enfin, le carbone possède une meilleure conductivité électronique que le silicium. Les capacités spécifiques de ces électrodes sont supérieure à 1000 mAh g−1 après des dizaines (Saint et al. [2007] ; Campbell et al. [2016]) voire des centaines de cycles (Sourice et al. [2015]) et présentent un rendement faradique nettement supérieur (environ 99 % après 550 cycles selon Sourice et al.) aux électrodes composites décrites dans la Section 1.3.4.1. La teneur en carbone est un facteur important à considérer. La rétention de capacité augmente avec la teneur, mais au détriment de la capacité spécifique et de la réversibilité (cf. lithiation simultanée de carbone et de silicium) (Liu et al. [2005]).
Cellule à trois électrodes
Présentation de la cellule Une cellule commerciale ECC-PAT-CORE (EL-CELL GmbH, Hamburg) est utilisée pour la configuration à 3 électrodes (Figure 2.3). La pression verticale est appliquée via le système de vis intégré et le joint en polyéthylène assure une bonne étanchéité pour une durée d’un mois. Cette cellule est constituée d’une pièce en plastique jetable munie d’un séparateur en fibres de verre (la pièce entourée en rouge). L’électrode de référence est faite de l’anneau en lithium intégré autour du séparateur (numéro 1 de la Figure 2.3). L’électrode de travail (WE) et la contre-électrode (CE) sont situées respectivement endessous et au-dessus du séparateur. Le contact minime entre le séparateur et l’électrode de référence permet de réduire la perturbation de courant entre la WE et CE (Dees et al. [2007] ; Bünzli et al. [2015]). Des cales calibrées (numéros 2, 3) sont utilisées pour assurer le bon positionnement des électrodes et des différentes parties de l’empilement.
Préparation de l’échantillon et l’assemblage de la cellule Les substrats pour le dépôt (Φ = 18mm) sont obtenus grâce à la découpe laser de feuilles en inox (Goodfellow AISI 321, épaisseur = 0,1 mm) effectuée par l’entreprise C.T.M. basée à Igny. Ces feuilles décapées sont dégraissées au TFD4, puis nettoyées au bain ultrason pendant une dizaine de minutes dans l’acétone, l’éthanol et l’eau ultrapure. La procédure du dépôt PECVD est identique à la Section 2.3.1.2. Avant l’assemblage de la cellule dans la boîte à gants sous atmosphère contrôlée, l’échantillon est exposé à la vapeur HF pendant 15 secondes et rincé à l’eau ultrapure pendant 20 secondes. Cet aspect sera abordé plus en détails dans la Section 3.4.2.1. Le détail de l’assemblage de la cellule peut être trouvé sur le site web du fournisseur (https://el-cell.com/). Sauf indication contraire, avant la caractérisation de CV ou d’EIS, toutes les cellules sont laissées en circuit ouvert au repos pendant 24h ou moins si la dérive du potentiel est considérée comme suffisamment faible (dE/dt < 1 mV s−1).
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Table des matières
Liste des figures
Liste des tableaux
Notations
Abréviations
Introduction Générale
1 Silicium amorphe méthylé comme matériau d’électrode négative pour les batteries Li-ion
1.1 Batteries Li-ion
1.2 Solid Electrolyte Interphase (SEI)
1.3 Atouts et limites du silicium : état de l’art
1.3.1 Introduction
1.3.1.1 Réactions d’intercalation
1.3.1.2 Réactions de conversion
1.3.1.3 Réactions d’alliage
1.3.2 Changement des paramètres de pilotage
1.3.3 Changement de la structure et de la dimension
1.3.3.1 Nanofils et nanotubes
1.3.3.2 Structures poreuses
1.3.3.3 Couches minces
1.3.4 Association de plusieurs éléments pour rendre l’électrode plus souple et conductrice
1.3.4.1 Électrodes composites Si/matrice (in)active
1.3.4.2 Électrodes composites Si/C
1.4 Étude du silicium amorphe méthylé dans une structure modèle
1.4.1 Propriété du silicium amorphe méthylé
1.4.2 Utilisation des couches minces comme structures modèles
2 Approche expérimentale
2.1 Introduction
2.2 Élaboration du silicium amorphe méthlyé
2.3 Caractérisations électrochimiques
2.3.1 Cellule à deux électrodes
2.3.1.1 Présentation de la cellule
2.3.1.2 Préparation de l’échantillon et l’assemblage de la cellule
2.3.2 Cellule à trois électrodes
2.3.2.1 Présentation de la cellule
2.3.2.2 Préparation de l’échantillon et l’assemblage de la cellule
2.4 Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) operando
2.4.1 Principe de la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR)
2.4.2 Intérêt de la géométrie en réflexion totale atténuée (ATR)
2.4.3 Préparation des échantillons et de la cellule
2.4.4 Dispositif expérimental
2.5 Spectrométrie de masse d’ions secondaires à temps de vol (ToF SIMS)
2.5.1 Principe
2.5.2 Protocole
2.6 Microscopie électronique en transmission (MET)
2.6.1 Principe et l’appareillage
2.6.2 Préparation des échantillons
3 Mécanisme de lithiation/délithiation
3.1 Introduction
3.2 Mécanisme de lithiation/délithiation pendant les premiers cycles dévoilé par ATR-FTIR operando
3.2.1 Contexte
3.2.2 Résultats
3.2.2.1 Étude sur le silicium amorphe hydrogéné a-Si : H
3.2.2.2 Évolution des spectres selon la teneur en carbone
3.2.3 Discussion
3.2.3.1 Origine de l’absorption infrarouge par a-Si :H et a-Si1−x(CH3)x:H
3.2.3.2 Mécanismes associés à la lithiation bi-phasique
3.2.3.3 Composition de la phase lithiée pendant le premier cycle dans a-Si1−x(CH3)x : H
3.2.3.4 Conclusion intermédiaire
3.3 Mise en évidence des structures du silicium amorphe méthylé par microscope électronique en transmission (MET)
3.3.1 Contexte
3.3.2 Méthodologie du traitement d’images
3.3.3 Résultats et discussion
3.3.4 Conclusion intermédiaire
3.4 Répartition de lithium observé après la lithiation par ToF-SIMS
3.4.1 Contexte
3.4.2 Approches préliminaires
3.4.2.1 Prétraitement
3.4.2.2 Choix du substrat
3.4.3 Méthodologie
3.4.3.1 Durée de la lithiation
3.4.3.2 Transfert d’échantillons et les mesures
3.4.4 Résultats
3.4.4.1 Étude sur les échantillons non-lithiés
3.4.4.2 Étude de lithiation pour le silicium amorphe hydrogéné
3.4.4.3 Effet de l’ajout de carbone sur l’évolution de lithiation
3.4.5 Conclusion intermédiaire
3.5 Conclusion du chapitre 3
4 Effets de surface
4.1 Introduction
4.2 Caractérisations électrochimiques
4.2.1 Étude de l’irréversibilité pendant le premier cycle à partir des cyclages galvanostatiques
4.2.2 Voltampérométrie cyclique
4.2.3 La spectroscopie d’impédance électrochimique
4.2.3.1 Principe
4.2.3.2 Méthodologie
4.2.3.3 Résultats : allure des spectres d’impédance
4.2.3.4 Résultats : évolution des paramètres obtenus par le modèle de circuit équivalent
4.2.3.5 Discussion
4.2.4 Conclusion intermédiaire
4.3 Le suivi quantitatif/qualitatif de la SEI par operando FTIR
4.3.1 Contexte
4.3.2 Méthodologie et résultats
4.3.2.1 Analyse qualitative : spectres à l’état délithié
4.3.2.2 Éstimation de l’épaisseur de la partie compacte de la SEI
4.3.2.3 Analyse quantitative de l’absorption de la SEI
4.3.2.4 Analyse quantitative des spectres à l’état délithié
4.3.2.5 Premiers instants de la formation de la SEI et début de la lithiation
4.3.2.6 Analyse quantitative des spectres lors de la première lithiation : effet du taux de charge et de la teneur en méthyle
4.4 Conclusion du chapitre 4
5 Première approche des phénomènes de relaxation
5.1 Introduction
5.2 Relaxation étudiée par spectroscopie FTIR operando
5.2.1 Contexte
5.2.2 Résultats
5.2.2.1 Relaxation après la lithiation
5.2.3 L’étude la relaxation lors de la lithiation/délithiation
5.2.4 Discussion
5.3 Relaxation étudiée par EIS pendant le 1er cycle
5.3.1 Motivation
5.3.2 Méthodologie
5.3.3 Résultats
5.3.3.1 Le silicium amorphe hydrogéné (x = 0,00)
5.3.3.2 Le silicium amorphe méthylé (x = 0,05)
5.3.4 Discussion
5.4 Conclusion
Conclusion Générale
A Détermination de l’expression de l’évolution de la concentration par diffusion à l’instant t
Bibliographie
Publications
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