Population de l’étude
Nous avons réalisé une étude observationnelle sur une cohorte monocentrique prospective constituée de tous les patients ESUS consécutivement implantés d’un MEI au CHU de la Timone (Marseille) du 01-01-2020 au 31-01-2021. L’ensemble des patients pris en charge pour un AVCi à l’unité neuro-vasculaire (UNV) bénéficiaient d’un bilan étiologique systématique exhaustif, incluant un ECG 12 dérivations à l’admission, un Holter ECG 24 heures précoce (pendant l’hospitalisation initiale), une échographie cardiaque trans thoracique (ETT) et/ou trans œsophagienne (ETO), une IRM cérébrale, et une imagerie des vaisseaux intra et extra crâniens à destinée cérébrale. Au décours, un diagnostic d’ESUS était retenu au cours d’une concertation neuro-rythmologique, en accord avec les critères diagnostiques reconnus. Après consentement des patients, ceux-ci bénéficiaient alors de l’implantation d’un MEI et étaient inclus dans l’étude.
Cette implantation était réalisée sous anesthésie locale dans une salle de consultation au cours d’une hospitalisation de jour dédiée. Pour les patients présentant un handicap important, cette implantation pouvait être réalisée, sur décision médicale, directement en chambre au cours de l’hospitalisation initiale pour AVC. Chaque MEI était ensuite connecté en télécardiologie via un transmetteur. Concernant le diagnostic d’ESUS, en accord avec les recommandations de la société française de neuro vasculaire, le diagnostic était retenu en présence d’un AVCi, non lacunaire (lésion subcorticale < 20mm en IRM, ou 15mm en TDM), non lié à une sténose > 50% des vaisseaux intra ou extra crâniens à destinée du territoire ischémique, non lié à une cause spécifique autre (ex. artérite, dissection, vasospasme/migraine, toxique), non lié à une cause cardio embolique majeure* (Flutter ou FA clinique, thrombus intra cardiaque, dysfonction VG<30%, tumeur intra cardiaque, prothèse valvulaire cardiaque, sténose mitrale serrée, endocardite active ou végétation valvulaire). En présence d’un foramen ovale perméable (FOP), les critères suivant faisaient suspecter une origine cardio-embolique liée à une FA infraclinique associée : présence de palpitations rapportées par le patient, âge > 50 ans, hyperexcitabilité atriale sur le holter des 24h.
Prévalence de la FA
Au total, un premier épisode de FA > 30s a été diagnostiqué chez 18 patients (19.6%). Parmi eux, 7 (41%) bénéficiaient d’une anticoagulation curative probabiliste depuis le staff neurorythmologique, 10 ont bénéficié de l’introduction d’une anticoagulation curative par AOD lors du diagnostic de FA et un patient a présenté une contre-indication hémorragique digestive et n’avait pas encore bénéficié de fermeture d’auricule lors de l’arrêt du suivi. Le délai médian de diagnostic de FA post implantation était de de 55 jours IQ [12.5 – 163J] (Figure 2). La durée médiane du premier épisode de FA était de 20min30s, IQ [3min45s – 01h38min30s].
Discussion
Notre étude confirme que la prévalence de FA, détectée par MEI, dans une population d’ESUS, est importante. En effet 1 patient sur 5 après 270 (213-379) jours de suivi a présenté au moins un épisode de FA > 30 secondes. Cette étude observationnelle confirme également le faible taux de complication associée à l’implantation d’un MEI. Concernant les facteurs prédictifs de FA, après analyse multivariée, seule une dilatation de l’OG ≥ 34 ml/m² expose à un risque indépendant de survenue FA avec un OR de 8.21 [2,38-28.38]. Ce remodelage structurelle macroscopique de l’OG retrouvé s’associe à un remodelage cellulaire complexe, avec hypertrophie des cardiomyocytes, altération de leur fonction contractile, prolifération de fibroblastes atriaux, infiltration adipeuse ainsi qu’une modification de l’expression et de la fonction des canaux ioniques des cardiomyocytes (18). Ce remodelage cellulaire et la fibro-prolifération favorisent l’apparition d’une hyperexcitabilité atriale et l’entretien d’arythmie par micro rentrée.
De plus la FA induit également par elle-même un remodelage atrial et contribue à son auto entretien (18). Ainsi la dilatation atriale, peut être considérée comme un trigger électrophysiologique de la FA. Ces résultats sont consistant avec ceux de la littérature (18–21). La dilatation atriale est aussi un marqueur d’atriopathie. Celle-ci est favorisée par l’HTA, l’âge, le diabète ou encore la présence d’une cardiopathie sous-jacente (18). Indépendamment du risque de FA, l’atriopathie sous-jacente apparait d’ailleurs comme un mécanisme emboligène à part entière (22–24). Le mécanisme complexe du remodelage et de la fibrose atriale associée à une hypocontractilité des cardiomyocytes et à un état pro inflammatoire et thrombogène favoriserait la formation de thrombi pariétaux avec risque d’embolisation systémique.
Ce mécanisme permettrait aussi d’expliquer l’absence de corrélation temporelle franche entre AVC et épisodes de FA infra clinique retrouvée chez les patients porteurs de stimulateurs cardiaques (25,26). La sélection de patients via un critère de volume OG parmi la population d’ESUS pourrait ainsi permettre de sélectionner plus largement des patients à risque cardio embolique en lien avec Tta un épisode de FA et/ou avec une atriopathie emboligène. C’est le résultat sous tendu par l’analyse secondaire de Navigate ESUS (27) dont le sous-groupe des patients présentant une dilation de l’OG avec un diamètre antéro-postérieur > 46mm semble tirer bénéfice de l’anticoagulation probabiliste sur la prévention de la récidive d’infarctus cérébral. Deux essais thérapeutiques sont en cours dans ce registre (14,15), mais utilisent également le diamètre antéro-postérieur de l’OG, malgré la meilleure corrélation du volume OG aux évènements cliniques (20,28). Ce mode de sélection à contrario d’une sélection sur un critère d’âge tel que le sous-groupe > 75ans de RE-SPECT ESUS (29) pourrait permettre de sélectionner des patients sur un critère plus spécifique d’un risque ischémique que d’un risque qu’hémorragique. L’âge étant également un des principaux facteurs de risque hémorragique.
Conclusion
La population d’AVC de type ESUS est une entité hétérogène, composée d’étiologies vasculaires et cardio emboliques, avec un risque de récidive sous traitement anti agrégant plaquettaire supérieur à 4% par an, ce pourtant, sans parvenir à montrer un bénéfice à l’anticoagulation probabiliste dans cette population (10,11). A la lumière de ces études il parait impératif de mieux cibler les patients à risque cardio embolique, au premier rang desquels les patients porteurs d’une FA infraclinique. Dans notre cohorte prospective monocentrique implantée de MEI post ESUS, seule la dilatation de l’OG (> 34ml/m2) apparait comme critère prédictif indépendant de la survenue d’un épisode de FA infraclinique. Ce résultat est en adéquation avec le résultat de l’étude NAVIGATE-ESUS (27) dont le sous groupe des patients ESUS présentant une dilation de l’OG semblait tirer un bénéfice de l’anticoagulation probabiliste sur la prévention de la récidive d’infarctus cérébral. Un essai thérapeutique devra confirmer cette hypothèse.
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Table des matières
Résumé
A – Introduction
B- Méthode
1- Population de l’étude
2- Critères d’éligibilité
3- Critères de jugement
4- Recueil de données
5- Suivi des patients
6- Analyse statistique et éthique
C- Résultats
3- Données démographiques
4- Analyse univariée
5- Analyse multivariée
D- Discussion
Limites
E- Conclusion
F- Schémas, figures et tableau
Schémas 1 et 2 : Vascularisation des territoires cérébraux
Schéma 3 : Télésurveillance
Figure 1 : Délai de survenue du 1er épisode de FA > 30s
Figure 2 : Flow chart
Tableau 1 : (Partie 1-2-3)
Figure 3 : Courbes ROC et valeurs seuils des variables continues
Figure 4 : Résultat de l’analyse multivariée après régression logistique
G- Références
H- Annexes
I- ABREVIATIONS
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