Le remplissage en fonderie
Généralités sur le moulage
La légende veut qu’ un aborigène entoura son feu de pierres qui contenait du minerai de cuivre. A son réveil, il remarqua quelque chose qui brillait à travers les cendres : il s’ agissait du métal fondu pendant la nuit. Cette découverte aurait été faite 4500 ans avant Jésus-Christ. Les traces de l’ utilisation du procédé de fonderie datent elles de 1600 avant Jésus Christ. Aujourd’ hui, il existe de nombreuses techniques mises au point de manière empirique, au cours des âges, ou plus récentes, qui s’ adaptent aux nouveaux alliages, aux méthodes de production de masse, et aux exigences de précision et de qualité toujours grandissantes. De manière générale, les procédés de fonderie permettent d’obtenir des pièces métalliques, de toutes les formes et de toutes les tailles, à partir d’un alliage liquide versé dans un moule où il se solidifie.
Le procédé peut-être décrit d’ une manière générale en plusieurs étapes (Figure 1) :
§ La conception des plans
§ La fabrication des moules
§ La préparation et la conduite de la fusion du métal ou de l’ alliage
§ La coulée, c’ est à dire le versement du métal liquide dans le moule
§ Le démoulage
§ Et enfin, le nettoyage, la finition et l’ inspection finale de la pièce.
Cette technique est utilisée aussi bien pour la coulée d’une pièce unique que pour la fabrication de pièces en grande série, par exemple pour l’automobile. Elle permet aussi de réaliser des produits semifinis (comme des lingots de forge, Figure 2) destinés à être mis en forme par des opérations ultérieures. Dans la suite, nous proposons un rapide tour d’ horizon des techniques et procédés de fonderie, de manière à donner un aperçu de leur grande diversité, et de leur évolution permanente.
Procédés de fonderie
Il existe deux grands types de coulée en fonderie : la coulée en chute, et la coulée en source. La coulée en chute consiste à remplir les pièces directement « par le haut», alors que la coulée en source est un remplissage « par le bas », qui se fait à travers un système, plus ou moins complexe, de canaux de coulée. La coulée en source comprend deux types de coulée, qui sont la coulée par gravité (Figure 3) et la coulée sous pression. La coulée sous pression consiste à injecter le métal dans le moule en lui appliquant une pression plus ou moins importante, alors que le remplissage par gravité ne se fait qu’ avec la force de la gravité. Les procédés d’ injection du métal sous pression sont très nombreux, et diffèrent selon les pièces et les métaux. Par exemple, on traitera plutôt à basse pression des alliages d’ aluminium, plus fragiles, et à haute pression, de l’ acier, de manière à avoir une production importante de pièces identiques. Pour donner quelques exemples des techniques modernes de remplissage sous pression, on peut citer par exemple le « squeeze casting » qui consiste à injecter à très forte pression du métal semi-solide (40% liquide et 60 % solide) dans une matrice métallique, où il est pressé pour lui donner sa forme finale, ou encore la centrifugation, dont le principe est de plaquer le métal, injecté à basse pression, contre les parois du moule en faisant tourner celui-ci autour d’ un de ses axes. Enfin, on peut évoquer les méthodes de coulée en contre pression, qui elles consistent à dépressuriser la cavité à remplir. En ce qui concerne les moules, ceux-ci sont le plus souvent en sable réfractaire (grains de silice…), dont la cohésion doit être assurée par un liant (argile humide, gel de silice, résines synthétiques). Il existe des moules en céramique, mais aussi en plâtre ou en métal (coques). On choisit un type de matériau pour ses propriétés chimiques ou thermiques, sa résistance au procédé de fabrication, et bien sûr pour le rapport qualité/prix des pièces obtenues (le coût du moule peut parfois influer de manière importante sur celui du produit fini). Ces moules peuvent être destinés à être détruits dès leur première utilisation. C’ est le cas de tous les moules en sables, mais aussi, par exemple, des moules en céramiques utilisés pour la fabrication d’ aubes de moteurs d’ avion. A l’ opposé, il existe des moules permanents, métalliques, réalisés en fonte ou en acier, qui permettent de couler, de 1000 à plus de 100 000 pièces.
Importance de la maîtrise de la coulée
Généralement, la coulée d’ une pièce se divise en deux phases : le remplissage et la solidification. Dans cette partie, nous décrivons ces deux phases, en soulignant leur importance et les défauts engendrés lorsqu’ elles ne sont pas bien contrôlées. Les outils de contrôle dont disposent les fondeurs sur la coulée, sont le contrôle de la vitesse de coulée, le contrôle des propriétés thermiques des moules (par l’application de « peintures » appelées poteyages à l’ intérieur des moules), ou encore l’ ajout de poudres exothermiques, et enfin la possibilité de mettre au point un système de masselotage dimensionné. Les masselottes (Figure 3) sont des parties de la pièce qui seront chutées et qui permettent de concentrer les défauts engendrés par le retrait thermique. Elles constituent une réserve de métal encore en fusion à la fin du remplissage. Le rôle de cette réserve est de compenser le retrait thermique qui s’ opère au cours de la solidification de la partie utile de la pièce.
La phase de remplissage
Pendant la phase de remplissage, la chaleur du métal liquide se dissipe à travers le moule. La solidification débute le long des parois du moule et doit s’achever dans les masselottes. Il est important que dans les portions de pièce de faible épaisseur, la vitesse de remplissage dépasse la vitesse de solidification. L’épaisseur minimale, en dessous de laquelle le remplissage est difficile, dépend des alliages, de l’absorption de la chaleur par le moule, et de la vitesse de remplissage. Un arrêt du remplissage, ou un remplissage partiel, rend la pièce fondue inutilisable. Durant cette phase, des phénomènes tels que l’ entraînement d’ inclusions de matériaux, ou même d’ air, transportées par les mouvements de la surface libre, ou encore l’ oxydation du métal, due aux replis de cette même surface libre, peuvent engendrer des hétérogénéités et des défauts qui dégradent la qualité de la pièce. D’ autre part, les phénomènes thermiques qui se déroulent lors du remplissage déterminent l’ état thermique dans lequel sera le métal à fin de de cette phase, et par conséquent, le déroulement de la phase de solidification qui suit.
La phase de solidification
Un des points essentiels de la mise au point d’ un procédé de fonderie, est la prévision de la contraction thermomécanique des alliages durant la phase de solidification. Il est important d’ anticiper la localisation et l’ importance des retraits thermiques de la matière pour maîtriser la forme finale de la pièce. Celle-ci peut-être contrôlée par l’ utilisation des masselottes. En optimisant leur forme et leur localisation, on arrive à imposer quelle partie de la pièce se solidifiera en dernier. En général, le point le plus chaud en fin de solidification doit être situé dans la masselotte, ce qui permet que celle-ci serve de réserve de métal. Sans rentrer dans les détails, on peut ajouter qu’ en plus des prévisions sur la forme de la pièce, l’ étude de la solidification permet de prévoir des défauts tels que des craquelures
(criques) qui peuvent apparaître dans le métal au cours du procédé. Ce type de défaut engendre des
zones de fragilité qui peuvent être difficilement détectables. Enfin, l’ analyse de la solidification a
également pour but la prédiction des contraintes résiduelles affectant les pièces coulées.
La simulation numérique en fonderie
Importance de la simulation numérique dans l’ étude du remplissage en fonderie
Du fait de la complexité des phénomènes mécaniques et thermomécaniques mis en jeu, le bon déroulement du remplissage et de la solidification demande beaucoup de précautions. La méthode empirique de mise au point d’ un procédé, même si elle s’ appuie sur le savoir faire, des « recettes » et des calculs éprouvés, nécessite de nombreux essais avant d’ obtenir un résultat satisfaisant, et par conséquent engendre des coûts non négligeables. De plus, lorsque des défauts apparaissent, elle ne permet pas d’ analyse a posteriori. Ajoutons enfin que la surdimensionnalisation des masselottes qui permet d’ assurer un bon déroulement de ces phases, implique des pertes importantes en matériaux et donc en énergie de fusion (pour des lingots, par exemple). L’ utilisation de l’ outil numérique est un atout essentiel dans la conception des procédés, mais aussi dans leur optimisation (Figure 4). Elle permet de diminuer le nombre des essais de mise au point, et donc les coûts, pour améliorer la qualité des pièces obtenues, comprendre les défauts éventuels, ou encore diminuer la taille des masselottes. Elle est aujourd’ hui un élément essentiel pour la compétitivité et le développement de l’ industrie de la fonderie.
Contexte et historique du projet
Notre travail s’ est inscrit dans le cadre du projet « Optimisation des Systèmes de coulées – Fonderie », OSC-F , qui associe de nombreux industriels spécialistes de la fonderie parmi lesquels, AscometalCREAS, Metaleurop, PSA, Erasteel, Aubert&Duval, Industeel, ainsi que des centres de recherche tels que l’IRSID (Arcelor), le CTIF (Centre Technique des Industries et de la Fonderie), le LSG2M et le CEMEF ainsi que les sociétés de développement et de commercialisation de logiciels de mise en forme Transvalor et Scc. Ce projet avait pour objet le développement d’un outil permettant de faire l’ étude complète du procédé de moulage en fonderie (projet OSC-F). Comme nous l’ avons déjà décrit dans cette introduction, la description de ce procédé peut-être faite en deux phases : la phase de remplissage, et la phase de solidification. De manière à obtenir une simulation complète, la démarche choisie a été de coupler le logiciel THERCAST ® , initialement développé par le CEMEF [Jaouen, 1998] et dédié à l’ étude thermomécanique de la phase de solidification, à un logiciel de simulation de remplissage performant. L’ objectif de ce couplage est d’ obtenir la distribution des températures et le champ de vitesse en fin de remplissage, de manière à initialiser la phase de solidification de la manière la plus réaliste possible (Figure 5). Historiquement, le projet OSC est la continuation du projet GPI (Grand Projet Innovant) qui s’ est déroulé de 1995 à 1998. Lors de cette première phase, des travaux ont été menés pour adapter le logiciel R2 ® , logiciel d’ étude du remplissage 2D en fonderie, au remplissage 3D [Bahloul, 2000]. Du fait des difficultés rencontrées, liées à la formulation lagrangienne du code, ceux-ci n’ ont pas abouti à une solution utilisable sur des cas de complexité industrielle. Rappelons que lorsqu’ on choisit une formulation lagrangienne, seul le domaine fluide est maillé : la topologie du maillage varie, et le nombre de nœ uds peut augmenter au cours du remplissage. Il faut également gérer les zones de contact qui sont dépendantes du champ de déplacement, et ne sont pas, a priori, connues. C’ est en particulier la difficulté de gérer le contact matière-matière sur des configurations très complexes qui n’ a pas permis de continuer dans cette voie.
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Table des matières
CHAPITRE I INTRODUCTION
I.1 LE REMPLISSAGE EN FONDERIE
I.1.1 Généralités sur le moulage
I.1.2 Procédés de fonderie
I.1.3 Importance de la maîtrise de la coulée
I.1.3.1 La phase de remplissage
I.1.3.2 La phase de solidification
I.2 LA SIMULATION NUMÉRIQUE EN FONDERIE
I.2.1 Importance de la simulation numérique dans l’étude du remplissage en fonderie
I.2.2 Logiciels de simulation utilisés en fonderie
I.3 CONTEXTE ET HISTORIQUE DU PROJET
I.4 GRANDS AXES ET DÉMARCHE DANS LA MISE EN ŒUVRE DE NOTRE ÉTUDE
I.4.1 L’adaptation de Rem3D®
I.4.2 Cadre physique de l’étude
I.4.3 Grands axes de notre étude
CHAPITRE II RÉSOLUTION DES ÉQUATIONS DE NAVIER STOKES INSTATIONNAIRES AVEC SURFACE LIBRE
II.1 GÉNÉRALITÉS SUR LA LINÉARISATION DU PROBLÈME DE NAVIER-STOKES ET SA RÉSOLUTION EN ESPACE
II.1.1 Le problème de Navier-Stokes pour les fluides incompressibles
II.1.2 Introduction des notations
II.1.2.1 formulation variationnelle
II.1.2.2 Formulation discrète et matricielle
II.1.3 Approximations temporelles et linéarisation du problème de Navier-Stokes
II.1.4 Instabilités liées à la résolution du problème discret en espace
II.1.4.1 Le problème mixte en vitesse pression
II.1.4.2 Le problème d’advection diffusion
II.1.5 Le traitement du problème de Navier-Stokes discret par l’optimisation des fonctions bulles (Residual Free Bubble)
II.1.5.1 Stabilisation de l’équation d’advection diffusion par les méthodes SUPG et SGS
II.1.5.1.1 Méthodes SUPG
II.1.5.1.2 Méthode Subgrid Scale (SGS)
II.1.5.2 Méthodes de type Residual Free Bubble
II.1.5.2.1 Residual Free Bubble
II.1.5.2.2 Pseudo Residual Free Bubble
II.1.6 Conclusion
II.1.7 Formulation du problème mécanique pour l’étude du remplissage en fonderie
II.1.7.1 Modélisation du fluide
II.1.7.2 Modélisation du vide
II.1.7.3 Modélisation du moule
II.1.7.4 Conditions aux limites
II.1.7.5 Conditions de surface libre et tension de surface
II.2 FORMULATION VARIATIONNELLE DU PROBLÈME DE NAVIER-STOKES ÉTENDU
II.3 RÉSOLUTION DU PROBLÈME DE NAVIER-STOKES
II.3.1 Espaces d’approximation en espace
II.3.2 Première approximation du problème : approximation en espace du problème de Stokes
II.3.3 Approximation du problème de Navier-Stokes
II.3.3.1 Le problème variationnel discret
II.3.3.2 Traitement des termes d’advection
II.3.3.3 Schémas temporel
II.3.3.4 Ecriture matricielle du problème de Navier-Stokes
II.3.4 Résolution du système
II.3.5 Cas test de validation : la cavité entraînée [Ghia et al, 1982]
II.3.5.1 Introduction
II.3.5.2 Résultats qualitatifs sur la prise en compte entièrement explicite des termes d’ inertie pour un nombre de Reynolds de 100
II.3.5.3 Résultats avec introduction des termes d’ inertie en utilisant le schéma d’ Euler quasi implicite
II.3.5.3.1 Etude pour un nombre de Reynolds de 100
II.3.5.3.2 Etude pour des nombres de Reynolds allant jusqu’ à 1000
II.3.5.4 Robustesse de la méthode
II.3.5.5 Conclusion
II.4 AJOUT DU SUIVI DE LA SURFACE LIBRE AU PROBLÈME DE NAVIER STOKES
II.4.1 Résolution de l’ équation de transport de la fonction de présence
II.4.2 Le module d’adaptation de maillage
II.4.2.1 Description de la méthode
II.4.2.2 Prise en compte de la vitesse de maillage
II.5 REMARQUES PRÉALABLES ET DÉMARCHE POUR L’ ÉTUDE D’ ÉCOULEMENTS À HAUT REYNOLDS
II.6 CAS TESTS DE VALIDATION DE LA RÉSOLUTION DU PROBLÈME DE NAVIER-STOKES INSTATIONNAIRE AVEC SUIVI DE LA SURFACE LIBRE
II.6.1 Le jet de M.Schmid and F.Klein
II.6.1.1 Comparaison avec l’ expérience
II.6.1.2 Illustration de l’ influence de l’ adaptation de maillage
II.6.1.3 Conclusions
II.6.2 L’ écroulement du barrage
II.6.2.1 Etude de l’ écroulement d’ une colonne d’ eau sur un plan horizontal rigide : étude de la surface libre – J.C. Martin and W. J. Moyce
II.6.2.1.1 Introduction et description de l’ expérience
II.6.2.1.2 Remarques sur le post-traitement des résultats issus de la simulation REM3D®
II.6.2.1.3 Etude de l’ écroulement d’ une colonne ayant les dimensions du plan expérimental : expérience 2D.
II.6.2.1.4 Ecroulement d’ une colonne de 1m de haut
II.6.2.1.5 Ecroulement d’ une colonne d’ eau en 3D, suivant les données expérimentales
II.6.2.2 Comparaison des deux solveurs dans l’ air
II.7 CONCLUSION
CHAPITRE III IMPOSITION DES CONDITIONS LIMITES DE CONTACT GLISSANT
III.1 INTRODUCTION
III.2 DU PROBLÈME SOUS CONTRAINTE À LA FORME DISCRÈTE
III.2.1 La formulation variationnelle
III.2.1.1 Ecriture du problème sous contraintes
III.2.1.2 La méthode du lagrangien
III.2.1.3 La méthode de pénalisation
III.2.2 Le problème discret
III.2.2.1 Normales multiples conservatives
III.2.2.1.1 Principe
III.2.2.1.2 Extension de l’ utilisation des normales conservatives au cas du remplissage
III.2.2.1.3 Les normales multiples
III.2.2.1.3.1 Algorithme de génération des normales multiples aux noeuds
III.2.2.1.3.2 Influence de l’ angle critique
III.2.2.1.3.3 Conservation de la matière et normales multiples
III.2.2.1.3.4 L’ algorithme
III.2.2.2 Ecriture des contributions au problème discret
III.2.3 Le glissement
III.2.4 Le frottement
III.3 LE TRAITEMENT PARTICULIER DU FLUX AUX FACES FRONTIÈRE DU MAILLAGE EN CONTACT GLISSANT
III.4 VALIDATIONS
III.4.1 Définitions et formules utilisées dans notre étude 110
III.4.1.1 Quantité de matière en entrée
III.4.1.2 Calcul du volume présent dans la cavité à un temps donné
III.4.1.3 Comparaison du calcul des taux de remplissage
III.4.1.3.1 Le « no flow test » de la cavité cubique : influence de la méthode de construction des normales sur la conservation de la matière
III.4.2 Le site d’accès vasculaire, remplissage en pression
III.4.2.1 Présentation du cas
III.4.2.2 Comparaison des conditions limites de contact glissante et collante
III.4.2.3 Nombre de normales aux nœuds
III.4.2.4 Influence du facteur de pénalisation
III.4.2.5 Influence de la méthode de construction des normales : comparaison entre normales conservatives et normales moyennes
CONCLUSION
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