Issu de la langue latine, le français, à l’instar de toutes les langues romanes, a connu une évolution et un changement aussi bien au le plan phonétique que morphosyntaxique, de l’ancien français jusqu’ au français moderne. Après la conquête de la Gaule par César en 50 avant Jésus Christ, le latin s’y implantait, et progressivement s’effacèrent toutes les langues celtiques. Il y avait le latin écrit et le latin parlé. Ce dernier était plus simple, plus libre pour la basse couche sociale, sans instruction et le latin écrit, régi par les règles et les normes de la grammaire, était celui qu’on apprenait à l’école. Entre les deux parlers, il n’existait pas une dichotomie au point de dire que ces langues étaient distinctes.
C’est du sermo- cotidianus ou vulgaris que l’on appelle, traditionnellement, le latin vulgaire véhiculé par les commerçants, les colonisateurs et les soldats, dans tout le territoire de l’empire romain, que sont sorties probablement les langues romanes, parmi elles le français. En 842, parut le premier texte le plus ancien en français : les serments de stasbourg. Ce serment a été prêté par les fils de Louis le Pieux : Louis le Germanique qui jurait en roman et Charles Le Chauve qui jurait en germanique.
Vers 980, la poésie et le roman comme genres littéraires majeurs de cette époque s’étaient développés de manière exponentielle. Les textes qui composaient ces deux genres présentaient des particularités, des caractéristiques linguistiques quelque peu différentes, selon qu’ils provenaient de diverses régions, peu ou prou éloignées du centre, les uns de la Gaule du nord : le picard, les autres du Midi : le sud. Chaque contrée détenait son idiome qui lui est propre. C’est ce que les linguistes nomment les dialectes; ils étaient nombreux dans le pays. On les subdivisait en deux grands ensembles signifiant les deux possibles manières de dire oui dans les différents dialectes: oïl pour les parlers du nord et oc pour ceux du sud. En plus de cela s’adjoint un troisième groupe situé à l’est: le franco- provençal.
L’année 987 marqua la nomination d’Hugues Capet comme roi de France, mais ce dernier ne comprenait guère l’idiome germanique; il parlait le francien. De ce fait, cette langue devenait une langue de prestige, qui est utilisée comme la langue des affaires. Très vite, elle devint aussi une langue littéraire que l’on employait pour la rédaction des poèmes et des traductions de texte; elle rivalisait avec le latin, langue des clercs, des savants et des lettrés. Ce qui fait dire à Charles Camproux que la formation est le résultat de la prééminence accordée à l’ancien dialecte francien de l’ile de France et plus précisément au parler de Paris. Cette prééminence ne fut définitivement acquise, d’ailleurs, que relativement tard . Les spécialistes de la langue médiévale ont soutenu des théories controversées sur l’origine dialectale du français, mais on donne souvent le dialecte francien comme l’ancêtre du français. En effet ce dialecte de l’ile de France, le francien, apparaissait dès le XIe avec la vie de Saint Alexis écrit vers 1040, qui, vraisemblablement, marqua les débuts de l’histoire de l’ancien français.
Les historiens de la langue ont considéré que la période classique de l’ancien français serait entre le XIe et le XIIIe siècle. Du point de vue morphologique, l’ancien français, durant cette époque, s’était caractérisé par une déclinaison à deux cas: le cas sujet (CS), dérivé du nominatif latin, représentait le sujet et tout ce qui est en rapport avec lui ; et le cas régime (CR), lui aussi, dérivé de l’accusatif latin, représentait tous les autres compléments. S’agissant de sa syntaxe, elle était libre; elle ressemblait à celle de la langue parlée. Néanmoins cette langue : l’ancien français, au XIIe siècle, a manifesté des faiblesses au niveau de sa grammaire plus particulièrement au niveau de sa morphosyntaxe, surtout nominale. Cet effilochement de la déclinaison nait de la maturité de l’ancien français, qui, au XIIe siècle, faute d’avoir été normalisé et soumis au contrôle des grammairienes a connu un chavirement du système. Cette décadence de la déclinaison va donner un nouvel état de langue qu’on appelle le moyen français, terme utilisé pour la première fois, selon Christiane Marchello-Nizia, par Darmesteter . Pierre Guiraud dit : cet ancien français meurt en donnant naissance à un nouveau système linguistique, certes profondément marqué par son hérédité mais qui constitue bien un organisme autonome . Les historiens de la langue du moyen âge ne sont pas d’accord sur la période qui recouvre le moyen français. Certes la périodisation du moyen français a été très discutée par les grammairiens, mais on a retenu que le moyen français, appelé aussi la forme archaïque du français moderne recouvre la période du XIVe et du XVe
siècle. Cet état de langue était caractérisé par la ruine de la déclinaison que l’ancien français gardait à titre d’appoint. Ce délabrement de la déclinaison affectait le nom et l’ensemble de ses déterminants parmi eux les adjectifs qualificatifs, démonstratifs, interrogatifs, indéfinis, et possessifs. Du point de vue morphologique, on constate un changement. En moyen français contrairement à l’ancien français, c’est le cas régime qui était employé au profit du cas sujet ; le (s) de flexion disparait progressivement. En ce qui concerne la syntaxe, les mots perdent la liberté qu’ils avaient anciennement. Le sujet se place de plus en plus devant le verbe. L’ordre des mots, dans la phrase, n’est plus indiqué, comme en ancien français, par les cas mais par la place que le mot occupe dans l’énoncé. Comme l’écrit encore Pierre Guiraud: la disparition du cas-sujet entraîne un nouvel usage dans l’ordre des mots ; non que celui-ci soit libre en ancien français, il est au contraire imposé par des règles très strictes, mais qui n’ont point pour fonction de marquer la relation verbe-sujet, exprimée par la désinence casuelle.
Cependant, étudier la morphologie et la syntaxe du nom et de l’adjectif en ancien et moyen français semble être complexe, voire difficile, puisque les textes du moyen âge sont multiples, riches en vocabulaire, avec une morphosyntaxe couramment instable. Cette instabilité morphologique et syntaxique de ces textes est certainement due à la présence des dialectes (le picard, le limousin, le wallon etc.,) ou bien aux copistes et aux auteurs qui transcrivaient selon leurs prononciations et leurs régions d’origine. Ce qui fait, du coup, qu’on trouve autant de syntaxes que de textes.
Cette diversité des syntaxes dans les textes, qui est la conséquence d’une inconstance morphologique, a poussé certains linguistes ou grammairiens de la langue du moyen âge, à l’image de Gérard Moignet à nier l’existence réelle d’une syntaxe de la langue médiévale. Il déclare dans l’avant-propos de son ouvrage La grammaire de l’ancien français que […] sa syntaxe, si elle est moins affectée des traits régionaux, n’en est pas moins d’une souplesse déconcertante pour l’usager du français moderne-au point qu’on peut mettre en doute l’existence même d’une syntaxe de l’ancien français […] .
En fait, la morphologie et la syntaxe sont deux branches de la grammaire liées étroitement d’où le concept morphosyntaxique. Si la morphologie s’intéresse à la formation des mots ; alors la syntaxe, elle, s’occupe de l’ordre des mots. C’est la raison pour laquelle Joëlle Gardes-Tamine professe que : certains grammairiens considèrent donc que la morphologie n’a pas d’autonomie et qu’il convient de traiter avec la syntaxe (morphosyntaxe) ou avec la sémantique (morphosémantique ) .
MORPHOLOGIE
La grammaire, levier de la langue, est un mot polysémique. Par conséquent nous rencontrons une myriade d’acceptions. Du latin grammatica qui signifie ensemble des règle à suivre pour parler et écrire une langue , la grammaire définit les règles et les normes qui régissent une langue pour le respect de son bon usage d’où la grammaire normative. La grammaire désigne également la description, le fonctionnement morphologique et syntaxique d’une langue ou d’un dialecte.
En fait, la morphologie, une des branches de la grammaire, a diverses définitions. Elle est conçue généralement comme l’étude des formes, de la formation des mots et de leurs variations. Autrement dit la morphologie étudie la structure externe des mots. Dans le Dictionnaire linguistique, Jean Dubois et ses coauteurs donnent de la morphologie cette définition : en grammaire traditionnelle, la morphologie est l’étude des formes des mots (flexion et dérivation), par opposition à l’étude des fonctions ou syntaxe . Mais la morphologie et la syntaxe s’accointent, car la forme du mot varie en fonction de la place qu’il occupe dans l’énoncé.
Par ailleurs le vieux français, idiome à déclinaison, avait une structure morphologique assez particulière. Toute sa morphologie dépendait du (s) de flexion qu’on ajoute au radical du mot. Or Jacques Chaurand écrit que le respect de la déclinaison nominale est surtout l’affaire du copiste . Chaque copiste transcrivait selon ses habitudes linguistiques. Le scribe peut apporter au texte authentique des formes nouvelles soit par rajout soit par élagage des formes auxquelles il ne s’est pas habitué. Car la langue n’a pas été normée par les grammairiens d’alors. Faute d’être réglementé, le système de déclinaison de l’ancien français (AF) se dégrade en donnant naissance au moyen français (MF), qui est une langue autonome et distincte morpho-syntaxiquement de l’AF.
Ainsi, dans cette présente partie que nous avons scindée en quatre chapitres, nous analyserons, après avoir étudié la notion de nom, la morphologie du nom et de l’adjectif qualificatif en ancien et en moyen français.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : MORPHOLOGIE
CHAPITRE I : LE NOM
CHAPITRE:II LA MORPHOLOGIE DU NOM EN ANCIEN ET EN MOYEN FRANÇAIS
CHAPITRE : III L’ADJECTIF QUALIFICATIF
CHAPITRE : IV LA MORPHOLOGIE DE L’ADJECTIF EN ANCIEN ET MOYEN FRANÇAIS
DEUXIEME PARTIE : SYNTAXE
CHAPITRE : I LES FONCTIONS DU NOM EN ANCIEN ET MOYEN FRANÇAIS
CHAPITRE : II LA CONSTRUCTION DES CAS
CHAPITRE : III LES DIFFERENTES FONCTIONS DE L’ADJECTIF QUALIFICATIF
CHAPITRE : IV LE COMPLEMENT DU COMPARATIF ET DU SUPERLATIF
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES