Les adjectifs démonstratifs
Comme l’adjectif possessif, l’adjectif démonstratif est un déterminant de sens concret. Par opposition au possessif, et aux articles, le démonstratif identifie dans ce qu’elles ont de plus individuel la personne ou la chose évoquées par le substantif auquel il se rapporte. On s’en sert pour les désigner d’une manière précise à l’exclusion de tout autre de la même espèce.17 Nous disent R. L. WAGNER et J. PINCHON. Pour eux l’adjectif démonstratif est comme l’article et l’adjectif possessif un déterminant spécifique. Mais se différencie de ces derniers du fait qu’il permet une identification de la personne ou de la chose désignée par le substantif par son aspect de désignation ou de démonstration. L’adjectif démonstratif, autrement dit le déterminant démonstratif, permet de pointer du doigt la substance ou la personne que désigne le noyau du syntagme nominal formé avec ce déterminant. Le déterminant démonstratif est souvent présenté sous deux formes : une forme simple et une forme composée.
a. Forme : Comme l’article défini, le déterminan démonstratif est un mot qui introduit le syntagme nominal et s’accorde en genre et en nombre avec le nom auquel il se rapporte. Il est constitué de deux formes : une forme simple et forme composée. Du point de vue morphologique, le déterminant démonstratif est marqué en genre et en nombre. En effet, le démonstratif simple ce prend la forme cet lorsqu’il détermine un substantif masculin commençant par une voyelle ou un h muet. Ceci est pris en considération par les exemples suivants tirés de Boule de Suif de Guy de MAUPASSANT et de Lorenzaccio d’Alfred de MUSSET Ces constatations rejoignent les observations déjà faites sur la conception moderne du récit chez cet écrivain. Boule de Suif de Guy de MAUPASSANT page 18. _LE CARDINAL. Si je craignais cet homme, ce ne serait pas pour votre cour, ni pour Florence, mais pour vous Duc. Lorenzaccio d’Alfred de MUSSET page 35. Déterminant le nom écrivain qui est à initial vocalique dans l’exemple 1 et le substantif homme commençant par un h muet, le démonstratif ce s’est refait en cet pour. Ce changement morphologique résulte du hiatus que forment ces deux mots. Alors pour éviter la rencontre des deux voyelles on ajoute un t sur le déterminant. Cet adjectif démonstratif ce prend la forme cette quand il actualise un nom féminin. On prendra à titre d’illustration ce passage tiré de Le Père Goriot d’Honoré de BALZAC : Cette pension, connue sous le nom de la Maison -Vauquer, admet également des hommes et des femmes, des jeunes gens et des vieillards, sans que la médisance ait attaqué les mœurs de ce respectable établissement. Page 55. Egalement, on observe une forme plus longue au pluriel. En rapport avec le monème pluriel, le démonstratif prend la forme ces que le nom soit masculin ou féminin. On constate dans ce cas une forme dite épicène.18Ce qui s’explique par la neutralisation de la marque de genre. Autrement dit, au pluriel, la marque de genre disparait du déterminant proprement dit : Ces six personnes formaient le fond de la voiture, le coté de la société rentrée, serine et forte, des honnêtes gens autorisés qui de la religion et des principes. Boule de Suif de MAUPASSANT, page 43. Il en va de même quand les formes composées sont constituées d’un des déterminants démonstratifs : ce, cet, cette ou ces plus un de ces adverbes : ci ou là. Dans ce cas, le déterminant et l’adverbe cernent le substantif. Le démonstratif se place à gauche et l’adverbe à droite, séparé du nom par un trait d’union. Devant un nom féminin et ou pluriel, l’adverbe lui reste invariable c’est-à-dire ne subit pas de changements morphologiques mais le démonstratif quant à lui suit la règle d’accord. Le démonstratif ce devient cet devant un nom masculin commençant par une voyelle ou un h muet et qui n’est pas forcément le nom qu’il détermine. Cela s’illustre dans ces passages extraits de Le Père Goriot de BALZAC à la page 83 : Mon ange, dit-elle à son chère amie, vous ne tirerez rien de cet homme-là ! Il est ridiculement défiant ; c’est un grippe-sou, une bête, un sot, qui ne vous causera que du désagrément. Egalement, le déterminant démonstratif composé ce…-ci ou ce…-là devient cette lorsqu’il actualise un monème féminin et ces s’il est placé devant un pluriel autrement dit s’il détermine un nom de ce nombre. Ceci est mis en évidence par ces exemples tirés de Le Horla de Guy de MAUPASSANT et Le rouge et noir de STENDHAL : Cette nuit-là, par hasard, il n’avait fait aucun bruit, et c’est seulement en venant ouvrir les fenêtres que le serviteur avait trouvé sir John assassiné. Le Horla de Guy de MAUPASSANT, page 74. Bientôt il en vint aux humanités, à Virgile, à Horace, à Cicéron. «Ces noms-là, pensant Julien, m’ont valu mon numéro 198. Je n’ai rien à perdre, essayons de briller. Le rouge et noir de STENDHAL, page 224. De même, on notera ici la neutralité de la marque de genre au pluriel de l’adjectif ou déterminant démonstratif dans sa forme composée comme elle a été bien mentionnée dans la partie des formes simples de ce dit déterminant.
b. Usage : Comme l’article défini, l’adjectif démonstratif est aussi un déterminant défini. Il est composé de deux aspects : défini + démonstratif. Par son degré de défini, il indique que le signifiant est notoire, c’est-à-dire connu, il actualise l’énoncé tout en nous laissant constater que le locuteur et son allocutaire se trouvent dans le même contexte d’énonciation. Et par son aspect démonstratif, il nous permet de faire une démonstration du signifiant. Le déterminant démonstratif sert alors à présenter, ainsi qu’à montrer une chose qui est à l’écart. Il possède dans ce cas une connotation exophorique et est donc déictique. De ce fait, il attire l’attention sur le noyau désignant un individu ou un objet perceptible si l’on considère ces propos de Martin RIEGEL, Jean-Christophe PELLAT et René RIOUL : Dans ces emplois déictiques, il désigne un référent présent dans la situation de discours ou accessible à partir d’elle. Il peut alors effectivement être accompagné d’un geste, d’une mimique ou d’un mouvement qui facilite l’identification : […]. Plus généralement, selon eux, le démonstratif sert à référer une réalité présente dans la situation, y compris dans le contexte proprement linguistique. A la différence de l’article défini, la désignation qu’il opère ne passe pas d’abord par la prise en considération du concept signifié par le reste du GN. C’est pourquoi il peut être utilisé même quand il y a plusieurs réalités qui répondent au signalement donné par le GN.24 Ceci s’explique par ces passages tirés de Les Contemplations de Victor Hugo. Autour de moi, nombreux, / Gais, sans avoir souci de mon frère ténébreux, / Dans ce champ, lit fatal de la sieste dernière, / Des moineaux francs faisaient l’école buissonnière. Page 87. Ces chants qu’on rossignol, belles, prend sur vos bouches / Qui font que les grands bois courbent leurs fronts farouches / Et que les lourds rochers, stupides et ravis, / Se penchent, les laissant piller le chènevis, / Et ne distinguent plus, dans leurs rêves étranges, / La langue des oiseaux de la langue des anges. Page 128. Il peut également renvoyer à une notion déjà mentionnée dans le contexte antécédent. Le déterminant démonstratif porte alors comme l’article défini une valeur anaphorique. Mais le démonstratif ce se différencie de ce point de vu de l’article défini le du fait que le démonstratif porte une emphase que ne contient pas l’article. Ceci est pris en considération par ces exemples tirés de Boule de suif de MAUPASSANT. Loiseau était en outre célèbre par ses forces de toute nature, ses plaisanteries bonnes ou mauvaises ; et personne ne pouvait parler de lui sans ajouter immédiatement : – Il est impayable, ce Loiseau. Page 41. Un léger murmure de grelot annonça qu’on maniait les harnais ; ce murmure devint bientôt frémissement claire et connu,…Pages 38 – 39. Outre ces emplois exophorique et anaphorique, le démonstratif permet l’exagération par l’expression du plus haut degré d’une chose dans une exclamation, en rapport avec un partitif. Ce que justifie ce passage extrait de Germinal de ZOLA, page 254 : Dis ce que tu voudras, et ce sera comme si tu n’avais rien dit… Ah j’en ai vu, j’en ai vu de ces affaires ! Ce qui est à noter dans cette partie est que l’identification complète est prise en charge ici par une désignation qui ne concerne que l’acte d’énonciation qui soit fait référence au contexte antérieur soit au contexte postérieur. Par ailleurs, l’adjectif démonstratif composé des adverbes ci ou là, marque la proximité ou bien l’éloignement de la chose que désigne le noyau du syntagme nominal déterminé, dans l’espace ou dans le temps. Avec l’adverbe ci le déterminant démonstratif désigne un objet proche et avec l’adverbe là il renvoie à un objet éloigné. Ces constructions sont généralement rencontrées dans les énoncés en situation de communication, et rarement dans ceux hors situation mais faisant référence à un contexte antérieur. Ce que justifient ces exemples tirés de Lorenzaccio d’Alfred de MUSSET. J’avoue que ces fenêtres-là me font plaisir, à mo. Page 23. L’ECOLIER, à son camarade. Vois-tu celui-là qui ôte son masque ? C’est Palla Ruccellai. Un fier luron ! Ce petit-là, à côté de lui, c’est Thomas Strozzi, Massaccio, comme on dit. Page 27.
LES ADJECTIFS INTERROGATIFS
a. Structure : Le déterminant complémentaire quel (déterminant interrogatif) prend les formes « quelle » quand il actualise un nom féminin singulier et « quelles » si c’est un substantif féminin pluriel qu’il détermine. N’est-ce pas ce que justifient ces extraits de :
_ Le Père Goriot : Mon cher fils, quel est donc le sentiment qui t’a contraint à jeter un tel effroi dans mon cœur ? Tu as dû bien souffrir en m’écrivant, car j’ai bien souffert en te lisant. Dans quelle carrière t’engages-tu donc ? Page 160.
_ Lorenzaccio : LA MARQUISE. Quelles conditions ? Page 59. Dans le même ordre d’idée, il prend aussi la forme « quels » lorsqu’il actualise un nom masculin pluriel. Nous prendrons à titre d’illustration ce passage extrait de Le Père Goriot de H. de BALZAC :
b. Construction : Le déterminant interrogatif quel permet d’interroger sur l’identité ou la qualité de la personne ou de la substance que désigne le substantif qu’il détermine. Il ne s’emploie pratiquement pas avec les déterminants spécifiques (articles, adjectifs démonstratifs et adjectifs possessifs).
Exemple : Quel travail avait pu le ratatiner ainsi ? quelle passion avait bistré sa face bulbeuse, qui, dessinée en caricature, aurais paru hors du vrai ? Le Père Goriot Page 70. L’adjectif interrogatif s’emploie souvent avec un point d’interrogation.
LES ADJECTIFS EXCLAMATIFS
a. Formation : L’adjectif exclamatif quel comme l’adjectif interrogatif s’accorde en genre et en nombre avec le substantif qu’il actualise. L’exclamatif masculin singulier quel se refait en quels s’il détermine un substantif masculin pluriel. Ceci est mis en exergue par cet exemple extrait de Lorenzaccio de MUSSET à la page28:
_ JULIEN. Quels yeux tu as, cher cœur ! Quelle belle épaule à essuyer, tout humide et tout fraiche ! Il en va de même que le déterminant quel devient quelle lorsqu’il actualise un monème féminin singulier et quelles au cas où il détermine un nom féminin pluriel si l’on considère ces passages tirés de :
_ Le Père Goriot : Quelle honneur ! dit Eugène. Vous voulez plaisanter monsieur Vautrin ? Page 183.
b. Emploi : L’adjectif exclamatif possède régulièrement une valeur affective. De par son intonation, il peut traduire un sentiment de sympathie c’est-à-dire un sentiment d’affinité à travers lequel résulte l’affection et ou la bienveillance, ou un sentiment d’antipathie. Ceci ne serait-il pas mis en évidence par ces exemples tirés de :
_ Les Contemplations : Le moment est lugubre et l’âme est accablée ; / Quel pas que la sortie ! – Oh l’affreuse vallée Que l’embuscade de la mort ! / Quel frisson dans les os de l’agonisant blême ! / Au tour de lui tout marche et tout vie, tout rit, tout aime ; / La fleur luit l’oiseau chante en son palais d’été, / Tandis que le mourant, en qui décroit la flamme, / Frémit sous ce grand ciel, précipice de l’âme, / Abime effrayant d’ombre et de tranquillité ! Page 232.
_Le rouge et le noir de STENDHAL : Quelle infamie ! disait un gros homme à la gauche de Julien : une maison dont j’aurais donné, moi huit cents francs pour ma fabrique, et j’aurais fait un bon marché. Page 168. Il peut également exprimer l’admiration, la satisfaction ou le respect. On prendra ici à titre d’illustration ces exemples extraits de :
_ Les Contemplations : Quel Zorobabel formidable, / Quel Dédale vertigineux, / Cieux ! a bâti dans l’insondable / Tout ce soir chaos lumineux ? PP 247 _ 248.
CONCLUSION
Le terme de déterminant est un vocable qui a fait son apparition dans la langue à partir du moyen français. En ancien français la déclinaison bi casuelle était de rigueur. Cette déclinaison qui permettait d’identifier le cas du substantif est tombée en désuétude au moyen français. Cette nouvelle donne a entrainé d’importants changements dans le champ de la grammaire. Ce qui poussa les grammairiens d’alors de trouver une nouvelle forme (la détermination) qui favoriserait la distinction des cas du nom. C’est ainsi que le déterminant commence à être d’usage. Nom donné à une classe grammaticale qui a pour fonction d’actualiser un substantif à l’intérieur d’un syntagme nominal. De ce fait, le déterminant est donc un mot variable dont la fonction syntaxique est d’actualiser le nom en apportant sur ce dernier un certain nombre de précisions. Il est donc important de noter le déterminant varie en genre et en nombre suivant le nom qu’il détermine. Il se trouve toujours placer devant le nom qu’il détermine. Ce qui amène André RIGAULT à définir les déterminants comme des éléments simples qui, antéposés au substantif, lui permettent de fonctionner comme syntagme substantival. Le dix-neuvième siècle qui constitue le siècle le plus prolifique dans le domaine des lettres ne se dérobe pas à cette règle. La classe des déterminants peut être répartie en deux grands groupes : d’une part, les déterminants spécifiques que sont : les articles, les adjectifs démonstratifs et les adjectifs possessifs et, d’autre part, les déterminants complémentaires que sont aussi les adjectifs numéraux, les adjectifs indéfinis, ainsi que les adjectifs interrogatifs, exclamatifs. Les déterminants appartenant au même groupe se trouvent dans une incapacité de se combiner entre eux. On ne peut pas combiner par exemple l’article défini à aucun des articles indéfinis encore moins à aucun des déterminants démonstratifs et possessifs. Il est aussi important de noter que les déterminants complémentaires ne peuvent pas se combiner entre eux. En effet, cette classification des déterminants basée sur le champ de la sémantique permet de lever le voile sur le degré de signification du déterminant. C’est-à-dire le niveau de précision qu’ils apportent au substantif qu’ils actualisent. Par ailleurs, le terme de déterminant reste l’objet d’un débat entre les spécialistes de la grammaire. Certains préfèrent le terme d’actualisateur en lieu et place de celui de déterminant car il se présente des cas où on observe une indétermination du substantif. C’est-à-dire des circonstances où le déterminant n’apporte pas une précision nette sur le nom qu’il accompagne malgré que le terme de détermine demeure toujours influent dans langue du dix-neuvième siècle. D’ailleurs, cet exemple tiré de Boule de suif de MAUPASSANT à la page 14 permet de mettre en évidence ce manque de renseignement précis sur le nom : Il est joui par les objets, plutôt qu’il n’en jouit comme font les esthètes de son temps : un Goncourt ou un Montesquiou. Les familles Goncourt et Montesquiou sont identifiable dans la société française mais la présence du déterminant « un » qui accompagne ces noms ne permet pas d’identifier ou de connaitre de quel membre de ces familles parle-ton. En gros, cette étude morphosyntaxique des déterminants dans le français du dixneuvième faite à partir d’un corpus c’est-à-dire un certain nombre d’ouvrages de cette époque permet de voir les différents changements morphologiques des éléments de cette classe grammaticale et leurs valeurs d’emplois. Bien vrai que cette classification permet de lever le voile sur les différentes catégories de déterminants, il nous paraissait aussi intéressant de classer ces derniers selon leur trait de défini en deux grands groupes : déterminants définis et déterminants indéfinis. Ce qui nous permettra en thèse de faire une étude plus détaillée du thème.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : FORMATION ET EMPLOIS DES DETERMINANTS SPECIFIQUES
CHAPITRE I : LES ARTICLES
1°) L’article défini
a.Morphologie
b.Syntaxe
2°) Les articles indéfinis
a.Forme
b.Usage
CHAPITRE II : LES ADJECTIFS DEMONSTRATIFS ET POSSESSIFS
1°) Les adjectifs démonstratifs
a.Forme
b.Usage
2°) Les adjectifs possessifs
a.Structure
b.Sémantisme
DEUXIEMEE PARTIE : FORMATION ET EMPLOIS DES DETERMINANTS COMPLEMENTAIRES
CHAPITRE 1 : LES ADJECTIFS NUMERAUX ET INDEFINIS
1°) LES ADJECTIFS NUMERAUX
a.Constitution
b.Usage
2°) LES ADJECTIFS INDEFINIS
a.Formation
b.Emplois
CHAPITRE 2 : LES ADJECTIFS INTERROGATIFS ET EXCLAMATIFS
1°) LES ADJECTIFS INTERROGATIFS
a.Structure
b.Construction
2°) LES ADJECTIFS EXCLAMATIFS
a.Formation
b.Emploi
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE ET WEBOGRAPHIE
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