Etude microbiologique de Borrelia burgdorferi sensu lato
Biologie du principal vecteur en Europe de l’ouest : Ixodes ricinus
Il existe de nombreux facteurs dont dépend la dissémination de la borréliose de Lyme : climat, phytocénose et zoocénose, diversité et densité des vecteurs et des hôtes, fréquence des contacts vecteur/hôte et taux d’infection respectifs [55]. La biologie du vecteur a une influence primordiale sur l’exécution du cycle de Borrelia burgdorferi et donc sur l’épidémiologie de la maladie.
Habitat
La répartition géographique d’Ixodes ricinus en Europe est large, à part l’extrême nord et l’extrême sud. On la trouve rarement au-dessus de 1200 m et jamais au-dessus de 1500 m. D’autre part, les zones de marécages ou inondables, ou les régions trop sèches en sont exemptes. On n’en trouve pas non plus sur le pourtour méditerranéen.Ce sont des tiques exophiles (les phases libres du développement se déroulent dans le milieu) dont le biotope de repos est le sol. C’est à ce niveau que l’on retrouve les oeufs et les larves, dans la litière constituée par les feuilles en décomposition. Le milieu doit satisfaire deux conditions indispensables à la survie d’Ixodes ricinus : d’une part un taux d’humidité supérieur à 80% dans les périodes les plus sèches de l’année, de manière à maintenir leur balance hydrique, sans pour autant que le terrain soit inondé à la saison pluvieuse. Les tiques sont en effet sensibles à la dessication durant la période d’affût et pendant les phases de développement. D’autre part, le milieu doit être riche en hôtes potentiels pour les trois stades de développement. C’est pourquoi on retrouve la tique principalement dans les forêts déciduales offrant une végétation couvrante, dans les fourrés, arbustes, sous-bois, chemins creux, en bordure de pâturage ou dans les pâtures elles-mêmes où elles se nourrissent sur le bétail. On les trouve également dans les forêts de conifères, si la litière est suffisamment épaisse pour maintenir le taux d’humidité. Les zones les plus prolifiques sont situées dans les forêts à sols acides, riches en fougères [personnel de l’ONF, communication personnelle]. On les trouve plus rarement dans les jardins entretenus, à part dans les fourrés car ils abritent également les petits mammifères nécessaires au cycle.La distribution horizontale est assez réduite, dépendant du site de ponte de la tique après son repas sanguin. Le déplacement des larves se fait dans un rayon de 30 à 50 cm autour du lieu de l’éclosion. La distribution des nymphes et des adultes est moins connue, mais semble également assez condensée (déplacement d’un mètre au maximum pour les adultes). Par contre, la distribution verticale des tiques à l’affût est plus variable, en fonction du stade du cycle : les larves se trouvent sur le sol dans la litière, les nymphes montent sur les branches basses autour de 10 cm de haut, les adultes se mettent à l’affût dans la végétation entre 10 et 50 cm du sol, parfois plus haut. Au cours de l’affût, les tiques sont sensibles aux vibrations, aux variations d’odeur, de température, de lumière, ainsi qu’à des stimuli chimiques comme l’ammoniaque, le dioxyde de carbone ou encore l’acide lactique .
Cycle de développement
Il est assez long, ce qui présente un avantage pour la survie et la dissémination de Borrelia, et peut durer de 2 à 6 ans suivant les conditions climatiques, 3 ans en moyenne. C’est un cycle trixène (3 hôtes), triphasique (larve, nymphe, adulte), avec un repas sanguin à chaque stade. La femelle pond 500 à 3000 oeufs selon l’importance du repas, au sol dans un endroit obscur, en décrivant une petite traînée enrobée dans une gangue muqueuse produite par l’organe de Gené. La femelle meurt après la ponte.Après une incubation de 8 jours à 3 semaines, les larves éclosent, le tégument est mou et le corps gonflé d’eau et de déchets métaboliques issus de l’embryogénèse. En quelques jours, la larve est prête à parasiter un premier hôte. Elle monte sur l’hôte jusqu’à une zone où la peau est plus souple et se fixe grâce à ses pièces buccales, pour un repas durant en moyenne 3 à 5 jours, en fonction des conditions environnementales. C’est le volume de sang absobé qui détermine la taille de la nymphe (elle augmente de 10 à 20 fois son poids). La larve se détache alors et trouve un endroit où effectuer sa mue. C’est une métamorphose complète qui dure de 8 jours à plus de 3 mois (4-6 semaines en moyenne). La nymphe (1,5-2 mm environ) trouve ensuite un autre hôte pour son repas sanguin qui dure 4-7 jours, et lâche à nouveau son hôte pour se transformer en adulte (en 8 jours à plusieurs semaines). Le volume ingéré conditionne à nouveau la taille au stade suivant, le mâle étant plus petit que la femelle et seulement occasionnellement hématophage. La femelle trouve un troisième hôte, et son repas sanguin dure environ 7 à 10 jours, durant lequel elle peut absorber 5 mL de sang et atteindre 1 cm. Le mâle reste plus longtemps sur l’hôte pour s’accoupler avec plusieurs femelles. L’accouplement peut avoir lieu sur l’hôte ou au sol, et a lieu pendant le repas sanguin de la femelle. Des facteurs d’attraction permettent la rencontre des partenaires. La femelle tombe ensuite au sol et commence la ponte après la digestion et l’ovogénèse.
Saisonnalité
La période d’activité des tiques varie dans le temps, et s’étale de mars à octobre en Europe, avec en général deux pics d’incidence au printemps et à l’automne, correspondant à deux sous-populations (nymphes et adultes). En effet, les larves en France ont une activité maximale en juillet ; les nymphes ayant hiverné reprennent leur activité en mars, avec un maximum en mai, puis disparaissent l’été pour revenir en septembre ; les adultes sont particulièrement nombreux en mai, septembre et octobre. Le déterminisme de l’activité d’affût est influencé par les conditions climatiques (température et humidité principalement) et la photopériode, mais aussi par des facteurs comme la nature de l’habitat et la présence d’hôtes potentiels. En dehors des périodes favorables, la tique entre en diapause ; on distingue la diapause comportementale, sorte de quiescence de la tique à jeun, de la diapause développementale, impliquant l’arrêt des phases de mue ou d’embryogénèse pour les oeufs. Des facteurs génétiques des populations locales de tiques influent également sur la longueur de la diapause.Cette activité saisonnière retentit bien évidemment sur l’épidémiologie de la borréliose de Lyme, et des études ont montré que le taux d’infection chez les tiques varie également suivant la saison, de même que la présence d’hôtes potentiels.
Hôtes potentiels
Les ixodes parasitent des hôtes très variés : reptiles, oiseaux, mammifères (dont l’Homme). Ce sont des tiques ubiquistes, mais il existe une sélectivité variable selon les espèces et le stade évolutif. Les larves sont plutôt trouvées sur les petits mammifères comme : – des rongeurs : mulot (Apodemus), campagnol (Clethrionomys, Microtus), écureuil (Sciurus) ; – des insectivores : hérisson (Erinaceus), musaraigne (Sorex, Neomys).Les nymphes sont également souvent retrouvées chez ces espèces mais également chez : – des lagomorphes : lièvre (Lepus), lapin (Oryctolagus) ; – des carnivores : putois, hermine (Mustela) ; – des oiseaux : faisan (Phasianus), merle (Turdus), petits passereaux.Les adultes sont retrouvés préférentiellement sur les grands mammifères : – des ongulés : cerf (Axis, Cervus), chevreuil (Capreolus), daim (Dama), sanglier (Sus), ovins, bovins et caprins ; – des carnivores : renard (Vulpes), martre (Martes), chien (Canis), chat (Felis); – l’Homme.
Compétence de vecteur
Ixodes ricinus est vecteur principal de Borrelia burgdorferi en Europe. Il existe une transmission trans-stadiale, c’est-à-dire qu’une larve infectée lors de son premier repas sanguin donnera une nymphe puis un adulte également infectés. Ainsi, on observe un gradient croissant et chronologique du taux de contamination. Cependant, les nymphes sont numériquement beaucoup plus nombreuses que les adultes et sont donc à l’origine de plus de cas (> 80% des morsures dans certaines régions chez l’Homme). De plus, les nymphes sont souvent moins visibles, ce qui les empêche d’être repérées. La transmission est efficace après seulement 17-29 h de fixation d’une nymphe sur son hôte. En moyenne, on compte 1-3 jours pour les nymphes et 2-4 jours pour les adultes. La transmission transovarienne de Borrelia est également présente chez Ixodes ricinus, mais semble assez faible : moins de 5% des larves. En fait, une étude a montré que seulement 1% des pontes étaient contaminées, parmi lesquelles 44 à 100% des oeufs et en conséquence 47 à 97% des larves sont infectées [11]. Dans la nature, la transmission de l’infection entre tiques et hôtes dépend de la fréquence des contacts entre les deux espèces, et également du taux d’infection du vecteur. Or on observe une grande abondance des larves par rapport aux nymphes, et de même des nymphes par rapport aux adultes (environ 10 fois plus de nymphes que de femelles). Par contre, les nymphes présentent un taux d’infection par Borrelia burgdorferi bien supérieur à celui des larves : 30% d’infection pour les nymphes d’Ixodes ricinus (soit 10 à 20 fois plus que pour les larves). Au final, la grande abondance de nymphes infectées leur fait jouer un rôle très important dans la transmission de la bactérie, notamment chez les passereaux, les écureuils et les lièvres, chez qui l’infestation est très fréquente. Dans le cas des petits mammifères, notamment les rongeurs, où l’infestation par les larves est plus fréquente, la probabilité de rencontrer une nymphe infectée est quand même plus grande que celle de rencontrer des larves infectées par voie transovarienne. Ces constatations sont toujours à relativiser, le rôle des larves pouvant varier selon la période et le lieu.Une étude menée sur le sud de l’Allemagne a montré que sur plus de 3000 tiques prélevées, 20% des adultes, 10% des nymphes et seulement 1% des larves étaient infectés. Les chiffres selon les études sont très variables, car les protocoles de capture sont différents (ou même simplement la période de capture) et ont une influence sur les résultats obtenus. On obtient en moyenne en Europe un taux d’infestation des tiques d’environ 10-20%.
Cette étude de la biologie d’Ixodes ricinus nous permet de mieux cerner le rôle éco-épidémiologique du vecteur dans la borréliose de Lyme. Parmi tous les hôtes hébergeant Ixodes ricinus, certains jouent un rôle de réservoir de germes et permettent l’entretien des foyers d’infection.
Les réservoirs
La notion de réservoir est assez précise et mérite d’être clairement définie car elle a un enjeu important dans l’épidémiologie de la maladie. Un réservoir-hôte est un vertébré qui abrite une espèce pathogène et se comporte comme une source d’infection à long-terme pour les autres espèces, hôtes ou vecteurs. Ainsi, un animal séropositif ou à partir duquel on isole le germe n’est pas nécessairement un réservoir, cela prouve uniquement qu’il a été en contact avec le pathogène [55] [103]. On peut déterminer la capacité de réservoir par différentes méthodes : en laboratoire, par infestation d’un animal infecté par des tiques non contaminées, suivie de la démonstration de la pathogénicité des tiques au cycle suivant. Si l’on veut s’affranchir du laboratoire, on peut capturer des larves directement sur les animaux, en supposant que l’infection trans-ovarienne est quasi-nulle (1% n’est pas forcément négligeable). La dernière méthode qui rejoint la précédente est la capture de nymphes à jeun dans le milieu et la détermination de l’hôte sur lequel la larve a pu se nourrir (par détection d’ADN du cytochrome b ou d’ADN ribosomal 18S), ce qui permet d’accéder au statut d’espèces difficilement accessibles [103]. Ce statut dépend par ailleurs du lieu et de la période à laquelle les prélèvements ont été faits. D’autre part, on note des différences en fonction des souches de Borrelia considérées : par exemple, Borrelia afzelii chez les petits rongeurs, Borrelia garinii et Borrelia valaisiana chez les oiseaux, Borrelia burgdorferi sensu stricto et Borrelia afzelii chez l’écureuil. Ces spécificités pourraient s’expliquer par un phénomène de résistance au complément de l’hôte comme nous le verrons en étudiant la pathogénie [64]. On connaît peu la durée de l’infection par Borrelia chez les vertébrés. Cependant, les animaux développant la maladie (comme par exemple les bovins, équins, l’Homme) ne peuvent constituer des réservoirs. De même, les animaux résistants à l’établissement de la maladie grâce à leur système immunitaire (cervidés, ovins) ne présentent pas de forme généralisée de la maladie ; par contre, ils constituent une interface permettant la transmission par co-infestation des nombreuses tiques qui peuvent parasiter un même animal [55]. En fait, le réservoir principal de la maladie en Europe est constitué par les petits rongeurs, ainsi que des insectivores comme le hérisson ou les musaraignes (Annexe VIII). Ceux-ci sont principalement parasités par des larves, mais les nymphes peuvent également s’y nourrir et entretiennent un taux d’infection élevé. Parmi les lagomorphes, le lièvre est un réservoir bien plus important que le lapin, celui-ci n’étant que peu parasité par les tiques, qui par ailleurs développent à son contact (expérimentalement et dans la nature) un faible taux d’infection. Les carnivores ont probablement un rôle limité à ce niveau : le renard transmet peu l’infection aux larves, le chien semble un bon réservoir mais pendant un temps assez court après l’infection, et le parasitisme est en général peu important (peu de chiens à l’état sauvage). Le chat est rarement parasité du fait de la toilette fréquente qu’il réalise. Par contre, les chats retournés à l’état sauvage (chats harets) sont parfois contaminés et peuvent disséminer l’infection. Il existe peu de données à leur sujet.
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Table des matières
TABLE DES ILLUSTRATIONS
INTRODUCTION
HISTORIQUE
ETIOLOGIE : Etude microbiologique de Borrelia burgdorferi sensu lato
1. Taxonomie
1.1. Taxonomie du genre Borrelia
1.2. Le complexe Borrelia burgdorferi sensu lato
2. Morphologie
3. Structure
3.1 La couche amorphe
3.2 L’enveloppe externe
3.3 Les flagelles
3.4 Le cylindre protoplasmique
4. Culture et métabolisme
5. Génetique
EPIDEMIOLOGIE
1. Epidémiologie descriptive
1.1 Importance
1.2 Espèces affectées
1.3 Répartition géographique
1.4 Répartition temporelle
2. Epidémiologie analytique
2.1 Les modes de transmission
2.1.1. Transmission par les tiques dures
2.1.2. Transmission par les insectes
2.1.3. Transmission directe
2.2 Biologie du principal vecteur en Europe de l’ouest : Ixodes ricinus
2.2.1. Habitat
2.2.2. Cycles de développement
2.2.3. Saisonnalité
2.2.4. Hôtes potentiels
2.2.5. Compétence de vecteur
2.3 Les réservoirs
2.4 Cycles enzootiques fermés
2.5 Les facteurs de risque
ETUDE CLINIQUE
1. Les signes cliniques chez l’Homme
1.1. Les manifestations cutanées
1.2. Les signes généraux
1.3. Les signes neurologiques
1.4. Les complications articulaires
1.5. Les complications cardiaques
1.6. Autres signes
2. Les signes cliniques chez les bovins
2.1. Premières observations
2.2. Symptômes généraux
2.3. Signes articulaires
2.4. Autres signes
3. Pathogénie
3.1. Pouvoir pathogène expérimental
3.2. Pouvoir pathogène naturel
3.2.1. La colonisation du vecteur
3.2.2. Le passage du vecteur à l’hôte
3.2.3. Colonisation de l’hôte
3.2.4. échappement à la réponse immunitaire
3.2.5. Mécanismes auto-immun
3.2.6. Pouvoir toxique
4. Diagnostic
4.1. Diagnostic de laboratoire
4.1.1. Méthodes non mirobiologiques
4.1.2. Isolement – mise en évidence directe
4.1.3. Sérologie
4.1.4. Limites
4.2. Diagnostic différentiel
4.3. Guide diagnostique
4.4. Diagnostic chez les bovins
5. Traitement
5.1. Chez l’Homme
5.2. Chez les bovins
6. Prévention
6.1. Mesures indirectes
6.2. Mesures directes
ETUDE EXPERIMENTALE
1. Matériel et méthodes
1.1. Origine des sérums
1.2. La technique d’immunofluorescence indirecte
2. Résultats
2.1. Résultats globaux – prévalence sérologique
2.2. Résultats en fonction de l’origine géographique
3. Discussion
3.1. Discussion méthodologique
3.2. Discussion des résultats
3.3. Limites – proposition d’études à venir
CONCLUSION
ANNEXES
TABLE DES ABREVIATIONS
BIBLIOGRAPHIE
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