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Rotation et magnétisme des étoiles de Herbig Ae/Be
Les étoiles de Herbig sont des étoiles en contraction de la pré-séquence principale (Strom et al., 1972) dont les masses varient entre 2M et 8 10M , les étoiles plus massives n’ayant pas de pré-séquence principale puisqu’elles ont déjà rejoint la séquence principale lorsqu’elles deviennent pour la première fois optiquement visibles (Palla & Stahler, 1990). La classe des étoiles de Herbig a été définie par Herbig (1960) à partir de trois critères observationnels :
. â de type spectral A ou B avec des raies d’émission.
. â localisée dans une région obscure.
. â illumine une nébulosité assez brillante dans son entourage immédiat.
Cette définition a par la suite connu quelques réajustements (voir Thé et al. (1994)) et fut no-tamment complétée par un critère concernant l’excès infrarouge dans leur distribution spectrale d’énergie. Celui-ci est généralement attribué à l’émission de poussières du disque circumstel-laire qui les entoure (Waters & Waelkens, 1998). Certaines de ces étoiles présentent des raies d’émission typiques d’un profil de P-Cygni, qui est une signature de la présence d’un vent stel-laire pouvant a ecter le transport de moment cinétique (Böhm & Catala, 1995; Lignières et al., 1996).
Les étoiles de Herbig Ae/Be possèdent une enveloppe radiative, ainsi qu’un cœur convectif qui se développe à un moment donné de leur évolution pré-séquence principale (Maeder, 2008). Contrairement aux T Tauri, l’absence de taches à la surface des étoiles de Herbig ne permet pas de déterminer leur période de rotation par un suivi photométrique. Au lieu de cela, l’élargis-sement des raies d’absorption photosphériques fournit le produit v sin i où v désigne la vitesse équatoriale et i l’angle d’inclinaison entre l’axe de rotation et la direction de l’observateur. La figure 1.3 illustre cette méthode et montre des exemples d’élargissement de raies d’absorption pour di érentes valeurs de la vitesse rotationnelle projetée v sin i. Comme l’angle d’inclinaison est à priori inconnu, il est nécessaire d’obtenir un grand nombre de vitesses rotationnelles pro-jetées pour obtenir des valeurs moyennes significatives. Des observations spectroscopiques ont été réalisées sur di érents échantillons d’étoiles de Herbig par Finkenzeller (1985) (23 étoiles), Böhm & Catala (1995) (24 étoiles), Wol et al. (2004), Alecian et al. (2013a,b) (70 étoiles) et Pinzón et al. (2021) (6 étoiles). La figure 1.4 illustre le travail récent de Pinzón et al. (2021) portant sur 6 étoiles de Herbig de l’association OB1 d’Orion. Sur cette figure sont également reportées les mesures du v sin i réalisées par Alecian et al. (2013a) sur 70 étoiles de Herbig. Ces études indiquent une valeur moyenne du v sin i de 100 km s 1.
Dans cette thèse, les étoiles de Herbig nous intéressent particulièrement car une partie d’entre elles, semblent héberger un champ magnétique dans leur enveloppe radiative. La pre-mière détection directe d’un champ magnétique à la surface d’une étoile de Herbig a été e ec- & Walker (2017). Droite : spectre d’une étoile sous l’influence de la rotation. Dans cet exemple, les raies d’absorption de silicium ionisé sont élargies par e et Doppler, avec un élargissement d’autant plus important que la vitesse de rotation de l’étoile est élevée. Crédit : http://cult uresciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/Spectre-vitesse-rotation-eto ile.xml. tuée par Donati et al. (1997). Elle a été obtenue par l’analyse de la polarisation des raies d’ab-sorption photosphérique grâce au spectropolarimètre MUSICOS du téléscope Bernard-Lyot. L’e et Zeeman, produit par le champ magnétique stellaire, induit une polarisation circulaire de la lumière dans les raies d’absorption qui permet de remonter jusqu’à la valeur de la compo-sante du vecteur champ magnétique projetée selon la ligne de visée et intégrée sur la surface visible, que l’on appelle le champ magnétique longitudinal. Le relevé spectropolarimétrique le plus récent et le plus étendu a été réalisé par Alecian et al. (2013a,b) sur un échantillon de 70 étoiles de Herbig. Les 6 détections de champ magnétique obtenues, indiquent une incidence du magnétisme de l’ordre de 10%. L’amplitude du champ longitudinal est en moyenne d’une centaine de Gauss. L’analyse détaillée e ectuée sur trois de ces étoiles par Alecian et al. (2008), Folsom et al. (2008) et Alecian et al. (2009) a permis de montrer que ces champs magnétiques sont structurés à grande échelle, c’est-à-dire qu’ils peuvent être modélisés par un dipôle magné-tique d’intensité de l’ordre du kilo-Gauss dont l’axe est incliné par rapport à l’axe de rotation. Par ailleurs, ces champs s’avèrent stables dans le temps comme l’indique l’observation de HD 200775 e ectuée par Alecian et al. (2008) sur plus de 2 ans. Ces champs magnétiques ont les mêmes caractéristiques (dominé par un dipôle incliné, stable dans le temps) que les étoiles Ap/Bp qui constituent une classe d’étoiles magnétiques de masse intermédiaire sur la séquence principale (Donati & Landstreet, 2009). Par ailleurs, l’augmentation de l’amplitude du champ des étoiles de Herbig au cours de la contraction est compatible avec les amplitudes des champs magnétiques de type Ap/Bp dont les intensités du dipôle sont comprises entre 300 G et 30 kG (Aurière et al., 2007). Ces considérations suggèrent fortement que les étoiles de Herbig magnétiques détectées jusqu’à présent sont les progéniteurs des étoiles de type Ap/Bp, sachant que les champs magnétiques Ap/Bp sont dits fossiles 1 i.e., engendrés au cours des phases précoces de l’évolution stellaire (phase complètement convective de la proto-étoile, champ magnétique du milieu interstellaire) avant d’avoir relaxé dans une configuration stable (Braithwaite & Spruit, 2004; Braithwaite & Nordlund, 2006). Autrement dit, l’existence des champs de ce type parmi les étoiles de Herbig indique que la formation des champs fossiles a précédé la phase pré-séquence principale.
Sur la séquence principale, le magnétisme des étoiles de masse intermédiaire est caractérisé par une dichotomie entre les étoiles à champ fort de type Ap/Bp (Aurière et al., 2007; Donati & Landstreet, 2009), et les étoiles à champ très faible ( 1 G) de type Vega (Lignières et al., 2009; Petit et al., 2010) également détecté sur les étoiles de type Am, Sirius (Petit et al., 2011), Ursae Majoris et Leonis (Blazère et al., 2016). L’existence de ces deux populations, séparées par un désert magnétique entre 1 G et 100 G dans le champ longitudinal, tel qu’illustré sur la figure 1.5, reste une énigme bien que plusieurs scénarios aient été proposés. Le premier, avancé par Aurière et al. (2007), repose sur une instabilité du champ toroïdal à travers laquelle la structure à grande échelle du champ magnétique est détruite et résulte en de petites échelles dont les polarités sont opposées. Par conséquent, lorsqu’elle est intégrée sur la surface visible de l’étoile, la composante du vecteur champ magnétique projetée selon la ligne de visée a une étoiles de type Ap/Bp et celui des étoiles de type Vega. Crédit : Lignières et al. (2014). amplitude fortement réduite par e et d’annulation entre ces polarités opposées, ce qui se traduit par une faible intensité du champ longitudinal. Le second, proposé par Braithwaite & Cantiello (2013), est basé sur l’hypothèse des champs fossiles « échoués ». Dans ce scénario, le champ magnétique des étoiles de type Vega est encore en train d’évoluer et ne constitue donc pas un véritable champ fossile. Au contraire, le champ magnétique des Ap/Bp, lui, est rapidement devenu un champ magnétique fossile au cours de l’évolution de l’étoile, notamment à la suite d’évènements extrêmement violents liés à la fusion de binaires durant lesquels de puissantes dynamos étaient produites. Ce scénario s’appuie directement sur le manque de binaires parmi les Ap/Bp. Finalement, le troisième scénario repose sur l’existence d’une couche convective localisée en dessous de la surface de l’étoile, et à travers laquelle le champ magnétique est susceptible d’être advecté lorsque son amplitude n’est pas su samment importante pour resister aux mouvements turbulents (Jermyn & Cantiello, 2020). Alors, la structure à grande échelle est détruite en surface et résulte en de petites échelles provoquant, comme dans le scénario de Aurière et al. (2007), une forte diminution de l’amplitude du champ longitudinal mesuré.
Dans cette thèse, nous insisterons plus particulièrement sur le scénario de Aurière et al. (2007) pour la raison suivante : la contraction qui se produit au cours de la pré-séquence princi-pale, induit une rotation di érentielle susceptible de produire une instabilité magnétohydrody-namique (Lignières et al., 2014). Celle-ci peut, en retour, potentiellement détruire la structure à grande échelle d’une étoile de Herbig. Si c’est le cas, une telle étoile présentera un faible magnétisme de type Vega. Au contraire, si le champ reste stable vis-à-vis d’une instabilité ma-gnétohydrodynamique, elle présentera, au cours de la pré-séquence principale et à son arrivée sur la séquence principale, les caractéristiques d’un champ fossile de type Ap/Bp, à savoir un dipôle incliné par rapport à l’axe de rotation avec une intensité de l’ordre du kilo-Gauss. Cette possibilité a été étudiée par Jouve et al. (2015), Gaurat et al. (2015) et Jouve et al. (2020). Ces auteurs trouvent en e et qu’une instabilité magnétohydrodynamique est à même de se développer dans une zone radiative stellaire en rotation di érentielle où le champ magnétique est su samment faible. Toutefois, dans ces simulations multidimensionnelles, la composante axi-symétrique initiale du champ poloïdal reste inchangée et ne peut donc pas créer le saut sur l’amplitude du champ magnétique longitudinal, requis pour expliquer le désert magnétique.
Étoiles de faible masse de la post-séquence principale
Ces dernières années, l’astérosismologie nous a apporté de nombreuses contraintes sur la structure interne des étoiles de faible masse (M . 2M ) de la post-séquence principale à travers l’étude des ondes qui se propagent dans leur intérieur. La sismologie des étoiles s’est d’abord développée avec le Soleil pour lequel, l’étude des ondes acoustiques excitées par les mouve-ments turbulents dans son enveloppe convective, nous a permis de déterminer son profil de rota-tion interne à la fois en rayon (jusqu’à 0:2R ) et en latitude (hormis aux pôles) (Schou et al., 1998). Comme le Soleil, les sous-géantes et les géantes rouges oscillent dans un large spectre de fréquence de modes acoustiques excités par la convection de surface, et grâce à l’avènement des télescopes spatiaux CoRoT (« Convection, Rotation and planetary Transits ») (Baglin et al., 2006) et Kepler 2 (Borucki et al., 2010), ces oscillations sont aujourd’hui mesurables. Depuis les premiers travaux de Beck et al. (2012), Deheuvels et al. (2012) et Mosser et al. (2012b), nous avons ainsi glané pléthore d’informations sur l’évolution rotationnelle des étoiles de faible masse de la post-séquence principale et ce, du milieu de la branche des sous-géantes au som-met de la branche des géantes rouges. Dans la sous-section 1.3.1 qui suit, nous commençons par présenter ces informations avant d’exposer en sous-section 1.3.2, les indices suggérant la présence d’un champ magnétique enfoui dans la zone radiative de ces étoiles.
Rotation interne des sous-géantes et des géantes rouges
Les modes d’oscillation d’une étoile constituent un outil précieux permettant de sonder sa rotation interne. La structure spatiale des modes est décrite dans la direction horizontale par un harmonique sphérique de degré l et d’ordre azimuthal m, et dans la direction radiale par un ordre radial n. En l’absence de rotation, les modes de même degré l et de même ordre radial n sont dits dégénérés parce que leur fréquence ne dépend pas de l’ordre m. Il existe ainsi des multiplets de modes (2l +1) possédant des fréquences angulaires !nl identiques. La rotation de l’étoile lève la dégénérescence, induisant une séparation en fréquences des modes d’ordre azimuthal m di é-rent : c’est ce que l’on appelle le « splitting » rotationnel. En mesurant la fréquence d’espacement entre ces modes, on peut finalement en déduire le taux de rotation de la cavité dans laquelle ils se propagent (Christensen-Dalsgaard, 2002; Thompson et al., 2003; García & Ballot, 2019). Ceci est particulièrement intéressant pour les sous-géantes et les géantes rouges car lorsque ces étoiles de faible masse quittent la séquence principale, la densité de leur cœur augmente de façon si importante, que la fréquence de Brunt-Väisälä peut devenir comparable à la fréquence des modes acoustiques. Comme illustré sur la figure 1.6, lorsqu’une telle chose se produit et que la région évanescente localisée entre la cavité des modes de gravité (en bleu) et celle des modes de pression (en orange) est su samment petite, ces dernières se couplent de façon à ce que les modes possèdent un caractère mixte. Ces modes se comportent alors comme des modes de gravité dans le cœur et comme des modes de pression dans l’enveloppe. Ils nous permettent ainsi de sonder le cœur radiatif de ces étoiles tout en étant détectables en surface. Les modes mixtes sont généralement mesurés dans les sous-géantes qui se trouvent à un stade déjà avancé de leur évolution, ainsi que dans les géantes rouges. On manque pour le moment d’informations sur les sous-géantes les plus jeunes. Ceci s’explique par le fait que le spectre d’oscillation de ces dernières comporte moins de modes mixtes car la densité de leur cœur est plus faible, et donc la fréquence de Brunt-Väisälä aussi, mais également parce que leur température e ective est plus importante (cf. section 1.1), ce qui réduit la durée de vie des modes (Deheuvels et al., 2020). De plus, la cadence d’observation des télescopes spatiaux est encore trop faible par rapport à leur fréquence d’oscillation.
En une dizaine d’années, la sismologie des modes mixtes est parvenue à lever une partie du voile masquant la rotation interne des étoiles de faible masse qui évoluent en se contractant depuis la fin de la séquence principale jusqu’à la phase de brûlage de l’hélium au cœur. Bien entendu, il reste encore beaucoup à faire puisque nous ne disposons pour le moment que du taux de rotation moyen des cavités dans lesquelles se propagent les ondes de gravité et les ondes acoustiques, sans pour autant être à même de déterminer le profil de rotation en rayon ou en latitude de ces étoiles, comme cela a été fait par Schou et al. (1998) pour le Soleil. Par ailleurs, les mesures astérosismiques qui permettent de déterminer simultanément les taux de rotation du cœur et de l’enveloppe, ne concernent pour le moment qu’un échantillon restreint d’étoiles (Deheuvels et al., 2012, 2014; Di Mauro et al., 2016; Triana et al., 2017).
Récemment, Deheuvels et al. (2020) ont déterminé les taux de rotation de deux jeunes sous-géantes, montrant qu’ils étaient compatibles avec une rotation quasi-solide à travers l’ensemble de l’étoile. La détermination des taux de rotation du cœur et de l’enveloppe dans deux sous-géantes évoluées par Deheuvels et al. (2014) (A et B sur la figure 1.7a), puis dans 22 étoiles de faible masse localisées à la base de la branche des géantes rouges (dont 4 sont aussi présentées sur la figure 1.7a (C, D, E et F)) par Beck et al. (2012), Deheuvels et al. (2012), Deheuvels et al. (2014), Di Mauro et al. (2016) et Triana et al. (2017) montrent qu’une rotation di éren-tielle est présente à cette étape de l’évolution où le cœur tourne en moyenne entre 5 et 15 fois plus rapidement que l’enveloppe. Par ailleurs, les mesures de Deheuvels et al. (2014) suggèrent qu’une discontinuité, probablement associée à la localisation de la couche de brûlage d’hydro-gène, est présente dans le profil de rotation de ces étoiles et qu’une rotation di érentielle existe dans leur cœur radiatif en contraction. Enfin, la sismologie de 875 étoiles de faible masse (dont le sous-groupe de masse 1:4M est montré sur la figure 1.7b) se trouvant sur la branche des géantes rouges, et donc à un stade plus avancé de la post-séquence principale, montre que le taux de rotation du cœur semble rester constant en dépit de sa contraction jusqu’à la phase de brûlage de l’hélium au cœur (Mosser et al., 2012b; Gehan et al., 2018). En e et, comme le montre la figure 1.7b, où est un proxy de la rotation du cœur et N un proxy de l’âge des étoiles, la rotation du cœur semble rester constante au cours de l’évolution. Ces di érents résul-tats permettent d’esquisser le scénario suivant pour rendre compte de l’évolution rotationnelle des étoiles de faible masse lors de la post-séquence principale : dès la fin de la séquence prin-cipale, un mécanisme très e cace de transport de moment cinétique est à l’œuvre et impose une rotation quasi-solide malgré la contraction du cœur de la jeune sous-géante et de l’expan-sion de son enveloppe. Spada et al. (2016) indiquent que ce mécanisme devrait maintenir le couplage cœur/enveloppe durant 1 milliard d’années après la fin de la séquence principale. Ensuite, il devient moins e cace, permettant au cœur des sous-géantes d’accélérer et à leur enveloppe de décélérer, d’une manière à peu près compatible avec une conservation du moment cinétique (voir figure 1.7a). Finalement, lorsqu’elles commencent leur ascension sur la branche des géantes rouges, le mécanisme d’extraction du moment cinétique devient de nouveau e cace et permet de maintenir un cœur à rotation constante malgré la contraction, jusqu’au sommet de la branche des géantes rouges (voir figure 1.7b). À la fin du chapitre 3, nous discuterons dans quelle mesure les résultats de nos simulations numériques sont compatibles avec ces contraintes observationnelles.
Quelques indices en faveur de la présence d’un champ magnétique
Bien que l’astérosismologie nous permette de connaître la rotation interne au centre des sous-géantes et des géantes rouges, elle ne nous permet pas, pour l’instant, de savoir si un champ magnétique est présent. Des travaux prometteurs sont actuellement en cours quant à l’e et qu’un champ pourrait avoir sur les fréquences d’oscillations (Bugnet et al., 2021; Mathis et al., 2021). Dans l’attente de preuves concrètes, nous ne disposons que de quelques indices qui suggèrent en e et qu’un champ magnétique pourrait être enfoui dans le cœur radiatif des étoiles de faible masse de la post-séquence principale.
Le premier indice est issu des simulations de dynamo réalisées par Brun et al. (2005) et Augustson et al. (2016). Elles montrent qu’il est possible d’engendrer des champs magnétiques par e et dynamo dans le cœur convectif des étoiles de type A et B au cours de la séquence principale, avec des intensités allant de 0:1 à 1 méga-Gauss. Or, les sous-géantes de masse & 1:1M possédaient un cœur convectif lorsqu’elles brûlaient de l’hydrogène en leur cœur sur la séquence principale. Il est donc possible que ces étoiles aient pu produire un champ magnétique par e et dynamo à cette étape de leur évolution avant que celui-ci ait relaxé dans une configuration stable lorsque le cœur convectif fut progressivement devenu radiatif à la fin de la séquence principale. Des configurations magnétiques stables dans les intérieurs radiatifs ont par exemple été obtenues numériquement par Braithwaite & Spruit (2004) et Braithwaite & Nordlund (2006).
Le deuxième indice nous vient d’une théorie développée par Fuller et al. (2015) pour expli-quer l’observation de modes dipolaires d’amplitude anormalement faible dans le spectre d’os-cillation d’une fraction de géantes rouges par Mosser et al. (2012a). Il a été proposé par Fuller et al. (2015) que ceci pourrait être la conséquence d’un champ magnétique, d’une intensité 106 G, qui serait enfoui dans le cœur radiatif des étoiles de faible masse de la post-séquence principale. L’idée est qu’à une certaine profondeur dans l’étoile, l’intensité du champ magné-tique est si élevée que la tension magnétique ne permet plus la propagation des ondes de gravité. Alors, soit l’onde transmet son énergie dans un spectre continu d’ondes d’Alfvén avec un large spectre de valeurs de l, soit elle se réfléchit tout en transférant son énergie à de plus hauts degrés l en raison de la nature non-sphérique du champ magnétique. La modification de la structure angulaire de l’onde par le champ magnétique provoque alors son piégeage dans les régions pro-fondes de l’étoiles, ce que Fuller et al. (2015) nomment l’e et de serre magnétique. Comme les ondes excitées dans la cavité acoustique qui transmettent le plus d’énergie à la cavité sous-jacente sont celles de degré l le plus bas, les modes dipolaires et quadrupolaires seraient les plus a ectés par la présence d’un champ magnétique, ce qui a en e et été confirmé par Stello et al. (2016a). Bien que ce scénario fut soutenu par Stello et al. (2016b) et Cantiello et al. (2016), il est également controversé. En e et, la présence d’un champ magnétique devrait réduire la taille de la cavité des modes de gravité et donc modifier la période d’espacement des modes déprimés, tandis que l’énergie qui est transmise dans cette cavité devrait être définitivement perdue et par conséquent, les modes déprimés observés en surface ne devraient plus présenter de na-ture mixte. Comme noté par Mosser et al. (2017), aucune de ces deux caractéristiques n’est observée.
Modélisation du transport du moment cinétique dans les étoiles en contraction et comparaison aux données
En révélant la rotation interne des étoiles de faible masse de la post-séquence principale, l’astérosismologie a permis une confrontation directe des codes d’évolution stellaire aux don-nées observationnelles. Il est alors rapidement devenu clair que des processus additionnels de transport du moment cinétique, non pris en compte dans ces codes, devaient exister pour ex-pliquer l’évolution rotationnelle de ces étoiles. En e et, la contraction du cœur d’hélium inerte situé sous la coquille de brûlage d’hydrogène, conjointement à l’expansion de l’enveloppe qui la surplombe, devrait conduire à une rotation di érentielle qui n’est pas observée dans les jeunes sous-géantes (Deheuvels et al., 2020). De même, la contraction du cœur d’hélium dégénéré de-vrait s’accompagner de son accélération tout au long de l’ascension d’une étoile sur la branche des géantes rouges, ce qui là encore n’est pas le cas (Mosser et al., 2012b; Gehan et al., 2018). Après avoir passé en revue les di érents processus de transport du moment cinétique implé-mentés dans les codes d’évolution stellaire, nous montrons comment ceux-ci sont mis en défaut par les données observationnelles dont nous disposons à ce jour sur la rotation des étoiles de faible masse en contraction (pré-séquence principale et post-séquence principale).
Mélange rotationnel : circulation méridienne et instabilités hydro-dynamiques
Une partie des codes d’évolution stellaire actuels prend en compte un mélange rotation-nel initialement formalisé par Zahn (1992). Dans ces prescriptions, on suppose que les zones radiatives sont le siège d’une turbulence induite par des instabilités hydrodynamiques, principa-lement de type cisaillement (Zahn et al., 1974; Zahn, 1975; Knobloch & Spruit, 1982), et d’une circulation méridienne. Une hypothèse importante de Zahn (1992) est que cette turbulence, préférentiellement horizontale en raison de la stratification stable, impose un profil de rotation di érentielle principalement radial et redistribue, avec la circulation méridienne, le moment ci-nétique. L’hypothèse d’une rotation di érentielle principalement radiale permet d’implémenter la circulation méridienne dans ces codes en réduisant sa description aux polynômes de Legendre de degré l = 2 (Zahn, 1992; Maeder & Zahn, 1998). Le transport turbulent, lui, est modélisé à travers une viscosité e ective déterminée à partir d’une description phénoménologique de la turbulence (Zahn, 1992; Talon & Zahn, 1997; Mathis et al., 2004).
Il s’avère que le mélange rotationnel à la Zahn n’est pas capable de rendre compte du taux de rotation du cœur des étoiles de faible masse qui se trouvent sur la post-séquence principale, tel que mesuré à travers l’astérosismologie (Eggenberger et al., 2012; Marques et al., 2013; Ceillier et al., 2013). Comme illustré sur la figure 1.8, les codes d’évolution stellaire qui incluent ce type de mélange prévoient des taux de rotation d’au moins deux ordres de grandeur plus élevés que ce qui est observé. Même en jouant sur certains paramètres (comme l’overshoot convectif), en réduisant l’e et inhibiteur du poids moléculaire moyen afin d’augmenter l’e cacité de la cir-culation méridienne ou en renforçant celle du transport turbulent, le taux de rotation est encore trop élevé d’au moins un ordre de grandeur (Marques et al., 2013; Ceillier et al., 2013). Par ailleurs, les codes d’évolution stellaire dans lesquels les prescriptions à la Zahn sont implémen-tées ne sont pas non plus capables d’expliquer l’évolution rotationnelle des T Tauri (Amard et al., 2016). En e et, bien qu’elles parviennent à reproduire l’évolution de leur rotation de sur-face au fil de la pré-séquence principale, elles prédisent par exemple des rotations di érentielles trop importantes entre le cœur radiatif et l’enveloppe convective à l’âge du Soleil, en désaccord avec les mesures héliosismiques.
Temps caractéristique de transport du moment cinétique
Comme nous venons de le voir, la circulation méridienne se manifeste en réponse à une situation de déséquilibre. Jusqu’ici nous avons considéré que celle-ci était produite par l’ac-célération centrifuge. Nous allons maintenant voir que ce déséquilibre peut être engendré de diverses façons.
Considérons le cas d’un écoulement stationnaire axisymétrique et barocline (les isobares ne sont pas confondues avec les isopycnes) dans un repère en rotation tournant à la vitesse angu-laire 0, sous l’approximation de Boussinesq (c’est-à-dire que l’on néglige les variations de densité sauf lorsqu’elles produisent un mouvement à travers la force d’Archimède). Dans ce qui suit, nous restreignons notre discussion à une portion de zone radiative stellaire caractérisée par une couche fluide comprise entre ri et r0 (où ri désigne la base de la couche et r0 le haut), stablement stratifiée et en rotation, au sein de laquelle on suppose que la rotation di érentielle est de faible amplitude de telle sorte que le nombre de Rossby basé sur le contraste de rotation di érentielle Ro = = 0, où = i 0 et i désigne le taux de rotation à la base de la couche, est 1. Ceci permet de négliger les termes inertiels par rapport à l’accélération de Coriolis. Par ailleurs, nous négligeons aussi les e ets visqueux et ignorons la présence éventuelle d’un champ magnétique. Nous introduisons une force F qui n’interviendra que dans la composante azimuthale de l’équation de quantité de mouvement afin d’assurer la conservation du moment cinétique. Celle-ci peut par exemple être due à des e ets visqueux d’origine tur-bulente, comme dans Zahn (1992), ou encore à la contraction de l’étoile. Par simplicité, nous ignorons également l’e et des inhomogénéités chimiques, et nous considérons que la couche fluide stratifiée en entropie est su samment éloignée du cœur stellaire afin de ne pas avoir à prendre en compte le taux de production d’énergie nucléaire. Nous supposons également que la di usivité thermique à travers cette couche est uniforme. Pour un profil de gravité associé à une densité du fluide uniforme #g = g0 #r =r0, avec g 0 uniforme, les équations qui permettent de décrire cet écoulement stationnaire s’écrivent dans le repère tournant à 0 :8 # # r U = 0.
Instabilités axisymétriques dans une zone radiative
Dans cette thèse, nous étudions numériquement les écoulements axisymétriques produits par la contraction d’une zone radiative stellaire. Ceux-ci sont susceptibles d’être instables vis-à-vis d’instabilités axisymétriques ou non-axisymétriques. Dans le premier cas, l’instabilité peut apparaître dans nos simulations 2D, et ce fut e ectivement le cas, alors que des simulations 3D seraient nécessaires pour observer d’éventuelles instabilités non-axisymétriques. Dans cette section, nous considérons les instabilités axisymétriques en nous focalisant sur celle observée dans nos simulations. Nous mentionnerons les possibles instabilités non-axisymétriques lorsque nous discuterons des perspectives de la présente thèse dans la conclusion de ce manuscrit.
La rotation di érentielle induite par la contraction est susceptible de rendre un écoulement instable à des perturbations axisymétriques. En présence d’un champ magnétique, elle peut éga-lement interagir avec ce dernier afin de déclencher une instabilité magnétohydrodynamique. Ces instabilités tirent ainsi leur énergie du cisaillement et peuvent aussi être aidées par un champ ma-gnétique. Par ailleurs, même si elles sont gênées par la stratification en entropie qui caractérise les intérieurs radiatifs, la di usion thermique peut encore favoriser leur développement. Dans ce qui suit, nous décrirons les di érentes instabilités axisymétriques (magnéto)hydrodynamiques susceptibles de se manifester dans une zone radiative stellaire en rotation di érentielle.
Instabilités hydrodynamiques
Nous commençons cette section en décrivant les instabilités axisymétriques qui peuvent potentiellement se développer en l’absence de champ magnétique. Ces instabilités hydrody-namiques sont au nombre de trois : l’instabilité centrifuge, l’instabilité de Goldreich-Schubert-Fricke et l’instabilité barocline-di usive axisymétrique. Nous décrirons essentiellement les deux premières, respectivement en 2.2.1.1 et 2.2.1.2, car nous ne considérons pas dans ce travail les inhomogénéités chimiques nécessaires au développement de la troisième.
Instabilité centrifuge
L’instabilité centrifuge apparaît au sein d’un fluide en rotation lorsque le gradient de pres-sion centripète ne peut plus contrebalancer l’accélération centrifuge. Le critère de stabilité li-néaire a été établi par Rayleigh (1917) dans la limite d’un fluide non-visqueux. Pour le com-celui-ci à la vitesse U une accélération centrifuge # contrebalancée.
. Elle est ainsi soumise à# Fcent par un gradient de pression centripète @P=@r e r prendre, considérons l’écoulement axisymétrique montré en figure 2.8 dans lequel une particule fluide (en rouge) initialement située à la distance r d’un axe de rotation, tourne autour de celui-ci à la vitesse U . Son moment cinétique par unité de masse s’écrit alors J(r) = r2 (r). L’accé-lération centrifuge qui s’applique sur cette particule s’écrit quant à elle Fcent = J2(r)=r3 et est naturellement compensée par un gradient de pression centripète @P=@r. Supposons maintenant que cette particule fluide soit déplacée de sa position d’origine d’une distance infinitésimale r. Du fait de l’axisymétrie de la configuration, son moment cinétique est conservé et la parti-cule fluide doit ralentir. L’accélération centrifuge qui s’applique désormais sur cette particule, Fcent = J2(r)= (r + r)3, ne peut donc plus être contrebalancée par le gradient de pression en-vironnant @P =@r = J2(r + r)= (r + r)3. Il s’ensuit naturellement que si @P =@r > Fcent, la particule fluide est soumise à une force de rappel qui tend à la ramener vers sa position d’ori- gine et la situation est stable. Dans le cas contraire, la situation devient instable et le mouvement est amplifié. Il résulte le critère d’instabilité suivant (Rayleigh, 1917) : @r Fcent , (r + r)3 (r + r)3 0 , dr dr 2 0 (2.20) @P J2(r + r) J2(r) dJ2 d r2. Autrement dit, un fluide est instable par centrifugation dès lors que son moment cinétique (par unité de masse) décroît avec le rayon. Ce critère plutôt simple nécessite cependant d’être quelque peu nuancé.
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Table des matières
1 Contexte astrophysique
1.1 Contraction des étoiles de faible masse et de masse intermédiaire au fil de l’évolution stellaire
1.2 Pré-séquence principale
1.2.1 Évolution rotationnelle des T Tauri
1.2.2 Rotation et magnétisme des étoiles de Herbig Ae/Be
1.3 Étoiles de faible masse de la post-séquence principale
1.3.1 Rotation interne des sous-géantes et des géantes rouges
1.3.2 Quelques indices en faveur de la présence d’un champ magnétique
1.4 Modélisation du transport du moment cinétique et comparaison aux données
1.4.1 Mélange rotationnel : circulation méridienne et instabilités hydrodynamiques
1.4.2 Champ magnétique
1.4.3 Ondes de gravité internes et modes mixtes
1.4.4 Modèles incluant une viscosité eective
2 Transport du moment cinétique, instabilités et couches limites : physique des écoulements axisymétriques dans une zone radiative stellaire
2.1 Transport axisymétrique du moment cinétique
2.1.1 Circulation méridienne d’Eddington-Sweet
2.1.1.1 Un bref historique
2.1.1.2 Temps caractéristique de transport du moment cinétique
2.1.2 Ondes d’Alfvén
2.1.2.1 L’origine de ces ondes hydromagnétiques
2.1.2.2 Eet et loi d’isorotation de Ferraro
2.1.2.3 Mélange de phase
2.1.2.4 Zone morte
2.2 Instabilités axisymétriques dans une zone radiative
2.2.1 Instabilités hydrodynamiques
2.2.1.1 Instabilité centrifuge
2.2.1.2 Instabilité de Goldreich-Schubert-Fricke
2.2.2 Instabilités magnétohydrodynamiques
2.2.2.1 Instabilité magnétorotationnelle standard
2.2.2.2 Instabilité magnétorotationnelle hélicoïdale
2.3 Couches limites (magnéto)hydrodynamiques
2.3.1 Couche d’Ekman
2.3.2 Couches de Stewartson
2.3.3 Couche de Hartmann
2.3.4 Couche de Shercli
3 Étude magnétohydrodynamique d’une zone radiative en contraction
3.1 Modélisation d’une zone radiative en contraction
3.2 Équations gouvernant la dynamique de l’écoulement
3.3 Diérents régimes de transport du moment cinétique
3.4 Principaux résultats
3.4.1 Le cas hydrodynamique
3.4.1.1 Régime d’Eddington-Sweet linéaire
3.4.1.2 Régime d’Eddington-Sweet non-linéaire
3.4.1.3 Un régime de forte stratification stable : le régime visqueux
3.4.2 Le cas magnétohydrodynamique
3.4.2.1 Eet typique d’un champ magnétique de grande échelle
3.4.2.2 Instabilité magnétorotationnelle : vers un scénario expliquant la rotation des sous-géantes
3.5 Résumé de l’étude axisymétrique
Conclusion et perspectives
Annexes
A Le code MagIC
B État hydrostatique induit par la contraction
C Description analytique des couches limites
C.1 Couche d’Ekman
C.2 Couche de Hartmann
D Solutions analytiques de la rotation diérentielle
D.1 Rotation diérentielle maximale
D.2 Rotation diérentielle dans le cas hydrodynamique
D.2.1 Régime de Taylor-Proudman
D.2.2 Particularité du régime d’Eddington-Sweet
D.2.3 Régime Visqueux
D.2.3.1 Cas Boussinesq
D.2.3.2 Cas anélastique
D.3 Rotation diérentielle dans les zones mortes en régime visqueux
D.3.1 Pas d’eet de la contraction sur les lignes de champ
D.3.2 Eet de la contraction sur les lignes de champ
Bibliographie
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