L’étude de l’ionisation simple ou multiple des atomes ou des molécules par impact de particules chargées, et plus particulièrement par impact électronique, représente un des domaines les plus importants de la physique des collisions. L’analyse des informations qu’apportent ces études joue un rôle essentiel aussi bien pour la compréhension de la structure de la matière que de la dynamique de la collision et présente un intérêt tant fondamental que pratique pour la compréhension de nombreux phénomènes naturels dans plusieurs domaines de la physique, tels que la biophysique (dépôt d’énergie consécutif à l’irradiation de tissus vivants), la physique des plasmas (processus de transfert d’énergie au sein de plasmas chauds) et l’astrophysique (rôle essentiel des mécanismes élémentaires d’interaction – ionisation, excitation, capture – qui interviennent lors de la formation d’objets cosmologiques).
Eléments théoriques
Lors d’une collision électronique, un faisceau d’électrons heurte une cible atomique ou moléculaire. Durant ce processus, deux types de collision peuvent avoir lieu : inélastique ou élastique. Dans le cas élastique, la structure interne de la cible ne change pas durant la collision. Alors que dans le cas inélastique, la particule cible subit un changement dans sa structure interne, soit par excitation électronique, soit par ionisation (et/ou fragmentation dans le cas moléculaire). Le travail décrit dans cette thèse est concerné par le processus de l’ionisation par impact électronique.
L’ionisation par impact électronique est l’arrachement d’un ou plusieurs électrons de la cible suite à la collision entre un électron et celle-ci. On peut distinguer différents types d’ionisation, directe et indirecte (résonnante), simple et multiple, ionisation en couches internes et externes des atomes et des molécules. L’ionisation simple se produit quand l’ion résultant quitte le champ de collision avec une seule charge positive. L’ion peut aussi avoir plusieurs charges positives dues à une ionisation multiple directe, ou indirecte (par exemple via un effet Auger où l’un des deux électrons excités de la cible est émis dans le continuum). L’ionisation directe est l’arrachement d’un ou plusieurs électrons de la cible sous l’effet d’un transfert d’énergie plus ou moins grand à celle-ci. Dans une ionisation indirecte, l’ionisation se produit via un processus résonnant. Un exemple d’effet résonnant est l’autoionisation, où l’électron projectile excite deux des électrons des couches externes de la cible qui passe donc à un état énergétique plus bas en émettant un électron, ce qui l’ionise. Généralement, le processus le plus probable durant une collision est celui de la simple ionisation directe de la cible.
Sections Efficaces Différentielles d’ionisation
Les résultats obtenus lors d’une expérience (e,2e) ou (e,3e) sont représentés en termes de section efficace. Cette quantité donne une mesure de la probabilité qu’un certain type de réaction se produise. En réalité, lors d’une réaction, seule une fraction des particules émises est mesurée, la détection étant limitée à une fenêtre spatiale ∆Ω et une fenêtre énergétique ∆E. Les sections efficaces observées sont donc différentielles en énergie et/ou en angle pour les électrons incident et/ou émis. La section efficace totale décrit la réaction globale, elle tient compte de toutes les particules sortantes à travers un angle solide Ω, puis intégrées sur tout l’espace. Les sections efficaces différentielles donnent plus d’informations que celle totale puisque elles sont dépendantes de l’énergie des particules et/ou de la direction dans laquelle ces particules sont éjectées et/ou diffusées.
Etudes de la dynamique du système
L’étude de la dynamique de la collision offre un bon moyen pour comprendre le mécanisme de la réaction (e,2e) en renseignant sur les processus qui peuvent avoir lieu au cours de la collision. Les diverses mesures utilisent des cinématiques où les électrons sortants sont détectés avec des énergies très différentes et le moment de transfert est généralement petit comme mentionné ci-dessus. De telles expériences ont été réalisées à différentes gammes d’énergie d’impact : au voisinage du seuil [Fournier-Lagarde et al, 1984], quelques centaines d’eV [Ehrhardt et al, 1972] et au delà de 8 keV [Lahmam-Bennani et al, 1984]. En utilisant des cibles simples dont la structure est supposée connue telle que l’hélium [Staicu Casagrande et al, 2008] ou l’hydrogène moléculaire [Murray, 2005], les modèles théoriques peuvent être testés pour comprendre le processus. Nous verrons plus loin (chap. 3 et 4) comment nous avons étendu ces mesures à un domaine resté inexploré, caractérisé par un grand moment de recul de l’ion résiduel.
Etudes de la structure de la cible
L’étude structurale de la cible nous renseigne par exemple sur les potentiels d’ionisation des diverses orbitales de la cible, ou sur la distribution des moments des électrons ou encore sur les corrélations électroniques dans la cible. Dans ce type d’étude, les conditions de l’expérience sont choisies telles que le processus d’ionisation soit le plus simple possible, idéalement se réduisant à une interaction binaire électron-électron [Camilloni et al, 1978], de sorte qu’on n’obtient pas (ou très peu) d’informations sur la dynamique de la collision : l’électron incident est utilisé comme un moyen d’exploration de la structure de la cible. Pour cela, les paramètres cinématiques sont choisis tels que le moment de transfert soit assez grand (4 à 7 u.a.) et que la condition de Bethe soit remplie [Inokuti, 1971]. En bref, cette condition signifie que la quasi-totalité des transferts d’énergie et de moment à la cible doivent être absorbés par l’électron éjecté, l’ion restant étant un simple spectateur.
Théorie de la diffusion
Description du phénomène
Les systèmes étudiés sont constitués d’un électron projectile et d’une cible atomique ou moléculaire, selon le cas. Conformément aux conditions usuelles d’expérimentation, nous considérons, dans le référentiel du laboratoire, les cibles au repos et orientées de façon quelconque, bombardées par un faisceau monocinétique d’électrons. Dans les divers processus étudiés, des paramètres clés sont utilisés, tels que la direction d’incidence, les angles de diffusion et d’éjection, la vitesse,… le but étant d’établir une relation entre les états initial et final du système. Du point de vue de la mécanique quantique, cela est exprimé en termes de ce qu’on appelle amplitude de diffusion. Dans un premier temps, on considère une collision entre une particule chargée et un centre diffuseur de masse supposée très grande devant celle du projectile de sorte que le centre de masse du système sera pris comme étant le centre de la cible.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 Eléments théoriques
1.1 Introduction
1.2 Ionisation : terminologie et notations
1.3 Sections Efficaces Différentielles d’ionisation
1.3.1 Section Efficace Simplement Différentielle
1.3.2 Section Efficace Doublement Différentielle
1.3.3 Section Efficace Triplement Différentielle
1.4 Collisions (e,2e)
a- Etudes de la dynamique du système
b- Etudes de la structure de la cible
c- Cinématique de la collision
1.5 Théorie de la diffusion
a- Description du phénomène
b- La section efficace
c- Matrice de transition T
d- Equation de Lippmann-Schwinger
e- Développement de Born
f- Première approximation de Born (FBA)
1.6 Modèles théoriques
a- Modèle « Brauner, Briggs et Klar » (BBK)
b- Modèle « Approximation de Born aux ondes distordues » (DWBA)
c- Modèle CCC
1.7 Application aux problèmes moléculaires
a- Modèle FBA-TCC
b- Modèle M3DW-OAMO
1.8 Bibliographie
Chapitre 2 Dispositif expérimental
2.1 Introduction
2.2 Description du dispositif expérimental
2.2.1 Enceinte à vide
2.2.2 Sources
a- Source de gaz
b- Source d’électrons
2.3 Analyseurs toroïdaux
2.3.1 Double analyseur toroïdal
a- Description
b- Propriétés de focalisation
c- Paramètres de focalisation
d- Dispersion énergétique et angulaire
e- Résolution en énergie
2.3.2 Détecteur sensible en position
a- Galettes à micro-canaux (MCP)
b- Anode résistive et signaux de position
c- Signal temps
d- Montage du détecteur
2.3.3 Nouvel analyseur toroïdal pour les électrons diffusés
a- Résolution énergétique
b- Résolution angulaire
2.4 Principe des mesures en coïncidence
2.5 Système d’acquisition
2.6 Technique de mesure
a- Spectre de coïncidence (e,2e)
b- Spectre de coïncidence (e,3e)
2.7 Bibliographie
Chapitre 3 Mesures (e,2e) sur les cibles bi-électroniques He et H2 : effets d’interférences dans H2
3.1 Introduction
3.2 Facteur d’interférence
3.3 Conditions expérimentales
3.4 Résultats et discussions
3.4.1 Distributions angulaires des sections efficaces
3.4.2 Effets d’interférences
3.5 Conclusion
3.6 Bibliographie
Conclusion générale
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