Historique de la réaction
L’équipe de Tsuji a rapporté en 1965 une nouvelle méthode de formation de liaison C-C par réaction stœchiométrique du dimère [PdCl(η3 -allyle)]2 avec des nucléophiles carbonés comme des malonates, des acétoacétates et des énamines.[1, 2] Cette nouvelle voie de synthèse a ensuite été explorée principalement par l’équipe de Trost[3-6] qui a mis en évidence la réaction de certains composés allyliques, comme les acétates allyliques, avec des complexes de palladium(0) pour former in situ des complexes η3 -allyle de palladium qui réagissent ensuite avec des nucléophiles carbonés. Ces études ont conduit à la proposition du procédé catalytique présenté Schéma 1 en 1973.[7] Par ailleurs, la gamme des substrats pouvant être utilisés pour ces alkylations allyliques a été étendue à de nombreux composés autres que les esters allyliques comme des dérivés allyliques d’éthers, de phosphates, d’amines, de nitro, de sulfones, d’halogénures, de carbonates…[8, 9] .
La version énantiosélective de ce procédé a été rapidement proposée[10, 11] et a fait l’objet de nombreuses études.[12-22] Le métal le plus courant pour ces catalyses est le palladium, même si d’autres métaux ont également été utilisés comme le molybdène,[23-29] le tungstène,[30-32] le ruthénium,[33], le fer,[34] l’iridium,[35-39, 40 , 41] le rhodium,[42, 43] le cobalt,[44] le platine[45, 46] et le nickel.[47- 50] Parmi ces métaux, le molybdène comme l’iridium sont particulièrement intéressants car ils donnent une régiosélectivité complémentaire de celle obtenue avec le palladium. Cette réaction ouvre la voie à la formation de liaisons C-Hétéroatome[12, 47] et permet en particulier la formation de liaisons C-N par l’utilisation de nucléophiles azotés (azides, imides, amines).[15] Cette réaction permet donc l’accès à l’allylation d’amines primaires[51-53] qui sont des entités de synthèse essentielles en chimie organique, leur formation représentant un intérêt synthétique et industriel important.[54]
Catalyse d’allylation d’amine par des complexes de métaux de transition : utilisation d’alcools allyliques
Le groupement hydroxyde étant un mauvais groupe partant, l’utilisation d’alcools allyliques est moins répandue que celle des carbonates, carboxylates ou aryléthers correspondants. Cependant, les alcools allyliques sont facilement accessibles et leur couplage donnerait de l’eau comme seul sous produit. Par conséquent, dans un contexte de chimie verte et d’économie d’atome,[55] la synthèse de catalyseurs efficaces pour la conversion directe des alcools allyliques reste un défi majeur dans les allylations catalysées.[56] Des méthodes d’activations des alcools allyliques ont été proposées dans la littérature ainsi que des catalyseurs à base de palladium, de nickel ou de platine. Nous détaillons ci-dessous l’ensemble de ces approches.
Ajout d’additifs / activation de l’alcool
Dans l’optique de promouvoir l’utilisation d’alcool allyliques, de nombreuses études se sont penchées sur l’ajout d’additifs (en général des acides de Lewis). Masuyama et coll.[57] ont utilisé le dichlorure d’étain et réalisent le couplage de l’alcool allylique avec la dibenzylamine en présence de palladium(0) et de triéthylamine dans le THF à 50 °C .
Yang et coll. ont développé l’utilisation de tétraisopropoxide de titane pour réaliser le couplage catalysé au palladium[58-61] ou au platine[62] (Schéma 3). Ils proposent la formation d’un titanate allylique par réaction d’échange entre [Ti(Oi Pr)4] et l’alcool allylique, celui-ci permettrait la formation du complexe η3-allyle de palladium intermédiaire.
Complexes de palladium(0) et de nickel(0)
Dès 1970, Atkins et coll.[70] rapportent le couplage d’alcools allyliques avec des amines primaires et secondaires sans base ni solvant à 50-85 °C catalysé par des complexes de palladium(0). En particulier, le couplage de l’alcool allylique avec la diéthylamine donne 95 % de produit d’allylation en présence de palladium acétylacétonate (0,5 % mol) et de triphénylphosphine (0,5 mol %) à 50 °C en 30 minutes. Cette procédure est ensuite utilisée par Moreno-Mañas et coll.[71] Cependant, les équipes de Bäckvall[72] et de Mortreux[73] rapportent la non reproductibilité de ces résultats catalytiques avec la diéthylamine.
En modifiant la procédure originelle d’Atkins, Mortreux et coll.[73] obtiennent jusqu’à 46 % de conversion dans l’allylation de la diéthylamine catalysée au palladium (0,5 mol %) en utilisant le système catalytique [Pd(OAc)2] / dppb : 1 / 2 à 80 °C dans le toluène en 15 h. De meilleurs résultats sont obtenus dans les mêmes conditions expérimentales avec le système catalytique [Ni(COD)2 / dppb : 1 / 2] .
Ikariya et coll. ont également rapporté l’utilisation de complexes de palladium(0) incorporant des phosphites.[74] L’alcool allylique (2 éq.) réagit avec l’aniline (1 éq.) en présence de [Pd(P(OPh)3)4] (0,01 mol %) à 80 °C en 4 heures pour donner le produit résultant de la bis-allylation avec un rendement de 84 %.
Complexes cationiques η3-allyle de palladium
Ozawa et Yoshifuji[75-77] réalisent le couplage d’alcools allyliques avec l’aniline en utilisant des complexes cationiques η3-allyle de palladium à base de ligand diphosphinocyclobutène (DPCB) (Schéma 8). La réaction entre l’aniline et l’alcool allylique donne le produit résultant de la monoallylation avec une bonne sélectivité (96 % vs 3 % de produit de bis-allylation) en 2 heures à température ambiante.
Yoshifuji et coll. ont également proposé un complexe cationique présentant un ligand mixte PS (phosphaalcène, sulfure de phosphine)[78] qui catalyse lui aussi ce couplage (Schéma 9). C’est d’ailleurs cette réaction catalytique qui nous avait poussé à nous pencher sur l’allylation d’amines à partir d’alcools allyliques avec des complexes de palladium(allyle) d’un 1-phosphabarrélène présentés dans le préambule de cette partie.
Catalyse au platine
Récemment, l’équipe de Ohshima, Mashima et coll. a reporté l’allylation d’une large gamme d’amine par des complexes du platine de la DPEphos et du Xantphos dans le reflux du dioxane (Ligand : 2 mol %, [PtCl2(COD)] : 1 mol %, 18 h).[46] Ce résultat est particulièrement intéressant car l’utilisation d’amines non-aromatiques dans les réactions d’allylation d’amine par des d’alcools allyliques est rare. Nous reviendrons sur cette étude plus en détail dans le chapitre III de cette partie (Schéma 10).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREAMBULE : SYNTHESE D’UN 1-PHOSPHABARRELENE, APPLICATIONS EN CHIMIE DE COORDINATION ET EN CATALYSE.
I. POSITION DU PROBLEME
II. SYNTHESE DU PHOSPHABARRELENE 1, ET ETUDE THEORIQUE
II.1. Etude rétrosynthétique
II.2. Synthèse
II.2.a. Synthèse de la phosphinine 2
II.2.b. Synthèse du phosphabarrélène 1
II.2.c. Conclusion
III. ETUDE THEORIQUE DE LA REACTION DE DIELS – ALDER
III.1. Résultats expérimentaux et modélisation
III.1.a. Résultats expérimentaux
III.1.b. Modélisation
III.2. Réactivités des phosphinines vis-à-vis de l’acétylène
III.2.a. Etude orbitalaire
III.2.b. Etude énergétique
III.3. Réactivités des phosphinines vis-à-vis du DMAD-H et du but-2-yne
III.3.a. Etude orbitalaire
III.3.b. Profil énergétique avec l’utilisation de but-2-yne
III.3.c. Profil énergétique avec l’utilisation de DMAD-H
III.4. Conclusion
IV. ETUDE DES COMPLEXES DU PHOSPHABARRELENE 1
IV.1. Coordination
IV.1.a. Formation de complexes de palladium(II)
IV.1.b. Formation de complexes d’or(I) et de platine(II)
IV.2. Application en catalyse
IV.2.a. Réaction d’allylation des amines
IV.2.b. Réaction de Suzuki – Miyaura
IV.2.c. Conclusion
V. COMPARAISON AVEC LE COMPLEXE DE PALLADIUM(II) DU MONO SULFURE DE LA DPPM
VI. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
VII. REFERENCES
Chapitre I : Etude expérimentale et théorique de la réaction d’allylation d’amines par des alcools allyliques catalysée par des complexes de palladium
I. Introduction
I.1 Historique de la réaction
I.2. Catalyse d’allylation d’amine par des complexes de métaux de transition : utilisation d’alcools allyliques
I.2.a. Ajout d’additifs / activation de l’alcool
I.2.b. Complexes de palladium(0) et de nickel(0)
I.2.c. Complexes cationiques η3-allyle de palladium
I.2.d. Catalyse au platine
I.3. Objectifs de l’étude
I.3.a. Etude de la réactivité de différents complexes η3-allyle de palladium
I.3.b. Résultats du groupe de Yoshifuji et Ozawa
I.3.c. Objectifs de l’étude
I.3.d. Modélisation théorique
II. Etude théorique d’un mécanisme faisant intervenir des espèces hydrure de palladium
II.1. Première étape : attaque nucléophile de l’amine
II.2. Deuxième étape : formation des espèces hydrures de palladium
II.3. Echange de ligands
II.4. Dernière étape : régénération du complexe η3-allyle de palladium I
II.5. Conclusion
III. Mécanisme impliquant des espèces de palladium(0)
IV. Comparaison des deux mécanismes
V. Comparaison théorie / expérience
V.1. Choix et modélisation des ligands
V.2. Calcul du cycle catalytique avec les différents ligands
V.3. Quantification des propriétés acceptrices des ligands
V.3.a. Sur les complexes modèles
V.3.b. Sur les complexes réels
V.4. Proposition d’un nouveau ligand
V.4.a. Quantification des propriétés électroniques
V.4.b. Résultats expérimentaux
V.4.c. Conclusion sur l’utilisation du complexe [Pd(η3-allyle)(P(OPh)3)2]
VI. Influence du métal
VII. Conclusion et perspectives
VIII. Références
Chapitre II : Déallylation d’éthers d’allyles catalysée par un complexe de palladium DPP-Xantphos
I. Introduction
I.1. Protection / déprotection de groupes fonctionnels par la fonction allyle
I.2. Déprotection d’éthers allyliques
II. Résultats expérimentaux
II.1. Etude catalytique
II.2. Isolation d’intermédiaires catalytiques
II.2.a. Réaction du complexe dimérique [Pd(DPP-Xantphos)2] avec le phényléther d’allyle
II.2.b. Réaction du complexe 1c formé avec NH4PF6
II.2.c. Expériences catalytiques avec l’ajout d’une source de proton quantité catalytique
III. Etude théorique
III.1. Modélisation
III.2. Calculs des deux cycles catalytiques
IV. Conclusion et perspectives
V. Références
Chapitre III : Etude de la réaction catalytique d’allylation d’amines par des alcools allyliques catalysée par des complexes de platine
I. Introduction
I.1. Résultats du groupe de Mashima et Ohshima
I.2. Objectifs de l’étude
II. Etude mécanistique expérimentale
II.1. Choix des ligands et étude de l’activité catalytique des complexes [PtCl2(L)]
II.1.a. Ligand à angle de morsure faible : la dppe
II.1.b. Ligand à grand angle de morsure : le DPP-Xantphos
II.2. Formation et réactivité du complexe [Pt(allyle)(dppe)][OTf]
II.2.a. Synthèse du complexe [Pt(allyle)(dppe)][OTf]
II.2.b. Réactivité du complexe [Pt(allyle)(dppe)][OTf] vis-à-vis des amines et de l’alcool allylique
II.2.c. Activité catalytique du complexe [Pt(η3-allyle)(dppe)][OTf]
II.3. Formation et réactivité du complexe [Pt(allyle)(DPP-Xantphos)][PF6]
II.3.a. Synthèse du complexe [Pt(η3-allyle)(DPP-Xantphos)][PF6]
II.3.b. Réactivité du complexe [Pt(η3-allyle)(DPP-Xantphos)][PF6] 5 vis-à-vis des amines et de l’alcool allylique vis-à-vis des amines
II.2.c. Ajout d’alcool allylique
II.4. Conclusion
III. Etude théorique
III.1. Modélisation
III.2. Etude théorique d’un mécanisme faisant intervenir des espèces hydrures de platine
III.2.a. Première étape : attaque de l’amine
III.2.b. Deuxième étape : formation du complexe hydrure de platine III
III.2.c. Echange de ligands
III.2.d. Elimination d’eau et reformation du catalyseur
III.2.e. Formation du complexe bis-cyclique aminopropyle VIII
III.2.f. Bilan des calculs théoriques sur un mécanisme faisant intervenir des espèces hydrures de platine
III.3. Etude théorique d’un mécanisme faisant intervenir comme seuls intermédiaires des complexes de platine(0)
III.3.a. Echange de ligands
III.3.b. Régénération du catalyseur
III.3.c. Bilan du mécanisme faisant intervenir comme intermédiaires des complexes de platine(0)
CONCLUSION
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