Intérêt de l’étude d’un arc électrique dans un liquide
Généralités sur les arcs électriques
L’origine du terme « arc électrique » remonte au début du XIXe siècle notamment avec la fabrication d’une lampe de « sureté » par le physicien Humphry Davy pour les mineurs travaillant dans les atmosphères inflammables des mines. Cette lampe est contenue dans une toile métallique pour l’isoler de l’atmosphère extérieure, protégeant ainsi les mineurs d’une éventuelle explosion. Elle est composée de deux électrodes en carbone et est alimentée par les piles électriques de Volta. Lorsque le courant est libéré au travers de ces électrodes, Humphry Davy a observé une «flamme » ou une « lumière électrique » intense reliant ces électrodes sous la forme d’un arc. La forme et la nature particulière de cette lumière donnent ainsi l’enchainement de mots « arc électrique ». Actuellement, l’arc électrique est considéré comme un outil commun de certaines applications et études, notamment celles des disjoncteurs, de la soudure, de la coupure, des fours métallurgiques, de la dépollution de gaz, du foudroiement des avions ou encore de la fabrication de nanostructures. Pour maitriser les procédés associés à ces applications directement liées à l’arc électrique, les scientifiques se tournent vers le domaine de la physique des plasmas. Un plasma crée par un arc électrique appartient à la catégorie des plasmas thermiques. C’est un état particulier de la matière électriquement neutre et conducteur, où la température des ions, des électrons et des neutres qui le composent, est considérée comme quasi-identique et est généralement de l’ordre d’une dizaine de milliers de Kelvin. Cette catégorie de plasma est caractérisée par une température élevée, une forte densité d’énergie et un rayonnement important. Dans le cas des arcs électriques à pression atmosphérique et à faibles distances interélectrodes (de l’ordre du millimètre à quelques centimètres), les tensions et courants d’arc peuvent être respectivement de l’ordre de quelques dizaines à centaines de volts et de quelques ampères à quelques dizaines de milliers d’ampères. Comme toute décharge, une énergie électrique minimale de quelques centaines de joule à quelques kilojoules est donc requise pour son amorçage entre la cathode (collectrice des charges positives et émettrice d’électrons) et l’anode (collectrice des charges négatives comme les électrons). Selon l’application voulue, cette énergie peut être injectée de manière pulsée, alternative ou continue dans des ordres de temps très variables (de quelques dizaines de nanosecondes à quelques secondes). Par exemple, pour le cas d’une découpe [HEN99] ou d’une soudure [BRO75] d’un matériau par plasma d’arc, le temps d’utilisation et l’énergie injectée à l’arc électrique vont être adaptés à l’épaisseur du matériau à couper ou à souder grâce à la chaleur dégagée par celui-ci. Pour les utilisateurs de ce type de technologie, certains risques ne sont pas négligeables et nécessitent la plus grande précaution. Lorsque l’arc électrique entre en contact avec le matériau au travers d’un gaz plasmagène, celuici chauffe le matériau puis dégage des fumées nocives et du métal en fusion, ainsi que des rayonnements UVs et IRs. Pour atténuer ces effets et mieux protéger les usagers, l’une des solutions a été d’utiliser un environnement liquide au lieu d’un gaz plasmagène traditionnel, car le liquide a une densité et une capacité de refroidissement plus importantes que le gaz. Ce n’est pas la seule application à recourir à la mise en œuvre d’un milieu liquide, pour des raisons qui peuvent être aussi différentes. C’est ce qui sera abordé dans la section ci-après, qui recense quelques applications d’un arc électrique dans un liquide, et l’intérêt que peut apporter l’utilisation d’un milieu liquide par rapport à un milieu gazeux.
Applications et utilisations majeures
Les applications utilisant ce procédé d’arc électrique dans un liquide seront décrites dans cette partie ; Ainsi l’état de l’art a été mené sur ces utilisations, et a permis d’effectuer une sélection parmi celles dans un environnement d’huile comme les disjoncteurs à bain d’huile ; puis celles dans un environnement d’eau comme la découpe et la soudure, la fabrication de nanostructures et nanoparticules, l’utilisation des ondes de chocs ou encore les applications environnementales sous l’eau. Pour ces utilisations, les deux principaux milieux recensés dans la littérature sont donc l’eau et l’huile. Dans de moindres mesures, certaines solutions aqueuses peuvent aussi être associées à la fabrication de nanostructures et nanoparticules.
Disjoncteurs à bain
Histoire et procédé
Apparus dans les années 1890, les disjoncteurs à bain sont des appareils de coupure de courant, dont l’objectif premier est d’assurer la sécurité et la fiabilité électrique des réseaux de distribution, des points de consommation (aussi bien d’un niveau domestique qu’industriel) et des personnes. Au cours du XIXe siècle, deux principaux types de disjoncteurs à bain ont existé : à eau et à huile. Le premier n’est pas très répandu, seul le disjoncteur à eau de Siemens ressort de l’étude bibliographique qui a été menée. Dans son article, Leeds [LEE41] l’a étudié et a montré que son fonctionnement est similaire à celui d’un disjoncteur à bain d’huile notamment au niveau de la méthode de coupure d’un courant alternatif. Dans l’idéal, le disjoncteur doit pouvoir interrompre instantanément le courant. Cependant, l’appareil mécanique en lui-même n’est pas capable de le couper sans l’aide de l’arc électrique. En effet, il limitera la tension à ses bornes et l’énergie électromagnétique qu’il dissipera, dont l’ordre de grandeur est de quelques kilojoules pour un temps d’une dizaine de millisecondes.
Avantages/inconvénients
Même améliorés, les disjoncteurs à huile présentent des inconvénients :
– L’enveloppe gazeuse de l’arc ne doit en aucun cas atteindre la cuve afin d’éviter l’amorçage entre les phases ou entre bornes et masse
– Non réversibilité de la décomposition de l’huile à chaque coupure
– Tenue diélectrique détériorée du fait de la dégradation de l’huile et de l’usure des contacts
– Dangers d’incendie ou d’explosion, dus à l’hydrogène accumulé dans la poche d’air située au-dessus du volume d’huile
– Temps de rétablissement de la pression interne longue
– Difficultés d’entretien et de remise en état après coupure
– Gamme d’utilisation de tension plus petite de 5kV à 765kV par rapport aux disjoncteurs à gaz (par exemple, de 220 V à 800 kV pour le SF6 [DUF02]) .
C’est notamment pour ces raisons que le liquide diélectrique a été remplacé par un gaz. Cependant, l’utilisation d’un liquide pour cette technologie a aussi quelques avantages par rapport à l’utilisation d’un gaz comme milieu plasmagène :
– Plus écologique que le gaz SF6, par exemple
– Contraction plus facile et risque de réamorçage plus faible de l’arc électrique dans un environnement liquide (grâce au poids de la colonne de liquide sur la bulle et à la capacité de refroidissement de liquide) .
Découpe et soudure sous l’eau
Histoire et procédé
La soudure prend ses origines dans l’antiquité, où l’assemblage de métaux s’est fait principalement par forgeage et brasage à basse température de fusion. Il faut attendre 1887 pour que Bernardos créée le soudage à l’arc électrique avec des électrodes en charbon [WEM12], car l’efficacité du soudage s’en voit accrue à ces plus hautes températures. Avec la découverte de Humphry Davy en 1813 sur le maintien d’un arc électrique sous eau, c’est pendant la première guerre mondiale que des plongeurs utilisent la méthode de soudage à l’arc électrique en pleine eau pour réparer l’étanchéité des coques de navires. Par ailleurs dans cette même période, les premiers essais de découpage à l’arc électrique en pleine eau semblent apparaitre dans plusieurs pays à la fois au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en France notamment avec les nouveaux procédés de la société appelée Soudure Autogène Française (SAF) en étroite collaboration avec Air liquide [HER16]. Pour une soudure ou une découpe de meilleure qualité, ces procédés se sont perfectionnés au cours du siècle qui a suivi, pour répondre aux besoins de réparations par exemple des sous-marins ou des bateaux, des tuyauteries pour le secteur pétrolier ou gazier, ou encore des structures immergées des centrales nucléaires. La différence entre une soudure et une découpe reste celle de l’apport de matériaux lors d’une soudure.
L’électrode principale est enrobée de manière à la rendre imperméable à l’environnement liquide. Pour une soudure par arc électrique sous l’eau, le procédé est plutôt simple. Un apport métallique, avec un certain angle par rapport à la surface à souder (pièce de travail), est chauffé par l’arc et les deux matériaux de surface se soudent grâce à cet apport fondu. Lorsque l’arc électrique est amorcé, la combustion de l’électrode et l’onde de pression générée créent une bulle de gaz issue de l’évaporation de l’eau, comme il est indiqué sur la Figure I-3. Selon Wang et al. [WAN09], il est important d’adapter la distance et la vitesse de la surface à souder pour que la taille de la bulle de gaz s’équilibre et n’interfère pas avec le plongeur. Pour une découpe par arc électrique dans l’eau, Hendricks [HEN99] explique que l’eau liquide autour de la zone de coupage est dissociée en une phase vapeur d’oxygène et d’hydrogène [HEN99]. L’oxygène réactif a tendance à se combiner avec le métal fondu de la zone de coupage pour former de l’oxyde de métal, et l’hydrogène volatile est libéré dans l’eau liquide. Hendricks [HEN99] précise que lorsque cet hydrogène est collecté dans une poche de gaz sous la pièce à couper, une petite explosion peut se produire et réamorcer le jet plasma. C’est pour cette raison que l’eau a besoin d’être constamment « agitée » pour éviter ce genre d’incident.
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Table des matières
INTRODUCTION
MISE EN PLACE DU DISPOSITIF EXPERIMENTAL ET CAS D’ETUDE DANS L’EAU
II.1 PRESENTATION DE L’EXPERIENCE
II.1.1 MATERIEL UTILISE
II.1.1.1 Réacteur
II.1.1.2 Caméra rapide
II.1.1.3 Alimentations de courant
II.1.1.4 Appareils de mesure
II.1.2 DISPOSITIF EXPERIMENTAL
II.1.2.1 Mise en place et fonctionnement du matériel
II.1.2.2 Tir à froid et arc électrique
II.1.2.3 Post-traitement des données
II.1.3 CONCLUSION
II.2 CAS D’ETUDE : CARACTERISATION D’UN ARC ELECTRIQUE DANS L’EAU
II.2.1 CONDITIONS EXPERIMENTALES
II.2.2 CARACTERISTIQUES « BRUTES » D’UN ARC ELECTRIQUE DANS L’EAU
II.2.2.1 Caractéristiques visuelles
II.2.2.2 Caractéristiques de la pression
II.2.2.3 Caractéristiques électriques
II.2.3 INTERPRETATION DES CARACTERISTIQUES D’UN ARC ELECTRIQUE DANS L’EAU
II.2.3.1 Comparaison des observations avec la littérature
II.2.3.2 Modèle dynamique de Rayleigh
II.2.3.3 Autres modèles dynamiques
II.2.3.4 Adaptation du modèle de Rayleigh-Plesset
II.2.4 CONCLUSION
II.3 SYNTHESE SUR LE CHAPITRE II
ETUDE PARAMETRIQUE
III.1 PARAMETRES MIS A DISPOSITION
III.2 INFLUENCE DE L’ENERGIE INJECTEE
III.2.1 CONDITIONS EXPERIMENTALES
III.2.2 RESULTATS
III.2.3 MODELE ENERGETIQUE DE KATTAN ET AL
III.2.4 CONCLUSION
III.3 INFLUENCE DU MILIEU LIQUIDE
III.3.1 CONDITIONS EXPERIMENTALES
III.3.2 RESULTATS
III.3.3 INTERPRETATION
III.3.4 CONCLUSION
III.4 INFLUENCE DE LA DISTANCE INTER-ELECTRODE
III.4.1 CONDITIONS EXPERIMENTALES
III.4.2 RESULTATS
III.4.3 INTERPRETATION
III.4.3.1 Hypothèse d’un plasma cylindrique
III.4.3.2 Hypothèse d’un plasma elliptique
III.4.4 CONCLUSION
III.5 SYNTHESE DU CHAPITRE III
ETABLISSEMENT DU MODELE NUMERIQUE
IV.1 OBJECTIF DU MODELE
IV.2 CHOIX ET ADAPTATION DES MODELES MULTIPHASIQUE ET DE TRANSITION DE PHASE
IV.2.1 CHOIX DU MODELE MULTIPHASIQUE
IV.2.1.1 Quelques notions
IV.2.1.2 Modèles multiphasiques existants
IV.2.1.3 Le modèle Volume-Of-Fluids (VOF)
IV.2.1.4 Critères de choix
IV.2.1.5 Conclusion
IV.2.2 CHOIX DU MODELE DE CHANGEMENT DE PHASE
IV.2.2.1 Quelques bases
IV.2.2.2 Modèles de condensation et d’évaporation existants
IV.2.2.3 Le modèle de Lee et ses adaptations
IV.2.2.4 Critères de choix
IV.2.2.5 Conclusion
IV.3 PRESENTATION DU MODELE
IV.3.1 PROPRIETES THERMODYNAMIQUES ET DE TRANSPORT POUR DIFFERENTES FRACTIONS VOLUMIQUES LIQUIDE-GAZ D’EAU
IV.3.1.1 Ensemble des propriétés considérées
IV.3.1.2 Particularité de la capacité calorifique massique
IV.3.1.3 Comparaison globale des propriétés pour différentes fractions volumiques
IV.3.2 HYPOTHESES GENERALES
IV.3.3 PRESENTATION DE LA GEOMETRIE ET CONDITIONS
IV.3.4 PARTICULARITE DU MAILLAGE
IV.3.5 EQUATIONS MISES EN JEU ET GRANDEURS UTILISEES
IV.3.6 SCHEMAS DE RESOLUTION ET CRITERES DE CONVERGENCE
IV.3.7 CONCLUSION
IV.4 SYNTHESE DU CHAPITRE IV
CONCLUSION