Étude expérimentale et modélisation du comportement mécanique du combustible UO2

Afin de réduire les coûts d’exploitation des réacteurs, Électricité de France (EDF) souhaite augmenter la durée de vie du combustible en réacteur et donc son taux de combustion a final pour le faire passer de 52 GWj/t (limite autorisée depuis 1998) à 62 GWj/t. Ce changement ne peut être agréé par les autorités de sûreté qu’après s’être assuré, entre autre, du maintien de l’intégrité des barrières de confinement en situation accidentelle et en particulier lors d’un accident d’injection de réactivité (Reactivity Initiated Accident, RIA). Ainsi, une étude approfondie a été menée dans les années 2000 via la mise en œuvre d’essais expérimentaux reproduisant des RIA au sein de réacteurs expérimentaux (tels que le réacteur CABRI du CEA), ceci afin de définir des critères de sûreté pertinents. L’interprétation de ces essais est basée sur l’utilisation et le développement de codes de calculs capables de reproduire le comportement thermomécanique des crayons combustibles lors du transitoire. Pour alimenter ces codes de calculs, il est indispensable de disposer de lois de comportement pour le combustible et le matériau de gainage (Zircaloy). Le développement de ces outils requiert donc la caractérisation, en laboratoire, du comportement mécanique de ces matériaux dans des conditions représentatives d’un RIA (température pouvant atteindre la fusion et vitesse de déformation jusqu’à 1 /s). Alors que les matériaux de gainage ont fait l’objet d’une attention toute particulière (programme PROMETRA sur gaine irradiée), peu de travaux ont porté jusqu’ici sur les combustibles testés en RIA (UO2, MOX). Pourtant les phénomènes présents durant un transitoire sont nombreux et bien visibles : fluage caractérisé par le comblement des évidements des pastilles, fissurations radiale et axiale, fragmentation des joints de grain.

Généralités sur le domaine du nucléaire

Le domaine du nucléaire inclut l’ensemble des techniques et des industries permettant de produire et d’exploiter l’énergie issue de la fission ou de la fusion d’atomes, ainsi que la gestion des déchets qui en résultent. Dans le domaine civil, il comprend tout un ensemble de technologies permettant de construire, d’alimenter, de faire fonctionner et de démanteler des centrales nucléaires, mais aussi des savoir-faire relatifs à la médecine nucléaire. Dans le domaine militaire, sont développées les techniques relatives aux armes atomiques, à leur conception, leur production, leur stockage et leur utilisation. La propulsion nucléaire navale est essentiellement militaire, néanmoins quelques navires civils (tels que certains brise-glace) utilisent ce procédé.

Le nucléaire civil en France

Le parc électronucléaire Français compte 58 Réacteurs à Eau Pressurisée (REP) . En 2011 ces réacteurs ont produit 74 % de l’électricité Française et il est estimé que l’industrie électronucléaire génère environ 410 000 emplois pour une valeur ajoutée de 33,5 Ge par an (source : présentation PwC pour Areva « le poids socio-économique de l’électronucléaire en France »).

Fonctionnement général d’un REP

Le fonctionnement général d’un REP peut être décrit par le schéma suivant :

— Dans la cuve du réacteur se trouve le combustible qui produit de la chaleur par des réactions de fissions nucléaires.
— Cette chaleur est récupérée par l’eau qui circule dans le circuit primaire et qui est maintenue liquide à 300 ◦C par une pression de 155 bar. Elle est ensuite transportée jusqu’à un échangeur thermique.
— L’eau du circuit secondaire y est vaporisée (à 270 ◦C et 55 bar). Cette vapeur va alors mettre en mouvement des turbines reliées à un alternateur, ce qui produit du courant alternatif. Par la suite la vapeur du circuit secondaire va être condensée au sein d’un condensateur et être transportée jusqu’à l’échangeur thermique pour y être vaporisée de nouveau.
— Au niveau du condensateur se trouve un circuit de refroidissement dit tertiaire qui évacue le surplus de chaleur. L’eau de ce circuit de refroidissement est à son tour refroidie dans des tours appelées aéroréfrigérant.

Le combustible nucléaire

Le combustible nucléaire est, comme son nom l’indique, le consommable utilisé dans les réacteurs nucléaires pour produire la chaleur nécessaire à son fonctionnement. Dans les REP, le combustible employé est principalement le dioxyde d’uranium (UO2, une céramique) conditionné sous forme de petits cylindres (d’environ 13 mm de haut et 8 mm de diamètre appelés pastille combustible) à l’aide d’un procédé de frittage de poudres. Ces pastilles sont empilées dans une gaine d’environ 4 m de haut en alliage métallique à base de zirconium qui constitue la première barrière de confinement. Un jeu d’environ 80 µm existe en début de vie entre les pastilles et la gaine. L’ensemble pastille plus gaine définit ce que l’on appelle le crayon combustible. Le volume libre contenu entre les pastilles et la gaine est rempli avec de l’hélium à une pression de 25 bar. Un assemblage est alors construit en regroupant un réseau carré de 264 crayons . Un REP 1300 MW comprend 193 assemblages dans son cœur.

Accident d’injection de réactivité

Contexte et problématique générale

Le 26 Avril 1986, l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl a rappelé le potentiel destructeur d’une excursion de puissance. Les services publics et les organismes de sûreté ont alors entrepris un examen des accidents d’injection de réactivité possibles dans leurs propres centrales électriques. Par ailleurs, depuis les années 1990, plusieurs changements ont eu lieu dans la gestion de base des cœurs de réacteurs nucléaires :
— Leu taux de combustion a maximal augmenté.
— Le combustible MOX (Mixed OXyde constitué d’un mélange d’UO2 et de dioxyde de plutonium) a fait son apparition.
— De nouveaux matériaux de revêtement ont été utilisés pour la fabrication des crayons combustibles (M5,Zirlo).

Ces changements ont soulevé la question de la pertinence des critères de sûretés établis jusqu’ici pour l’UO2 irradié jusqu’à des taux de combustion moyens (32 GWj/t) et pour des gainages en Zy4 détendu. Notre étude se situe donc dans un contexte accidentel. Plus précisément, en situation accidentelle d’injection de réactivité (ou RIA pour Reactivity Initiated Accident). Cet accident hypothétique de dimensionnement (fréquence inférieure à 10⁻⁴ par tranche et par an) est causé par l’éjection intempestive d’une grappe de contrôle hors du cœur du réacteur. Cette situation entraîne un emballement local de la réaction nucléaire qui génère un transitoire rapide de puissance (pulse de puissance) au cours duquel la température du combustible croît très rapidement (en quelques dizaines de ms) avec une déformation du gainage en résultant qui peut atteindre quelques % pendant cet intervalle de temps. Il est naturellement impossible de reproduire un RIA en conditions réelles dans un réacteur commercial. Néanmoins, des essais représentatifs d’une excursion de réactivité et visant à simuler un RIA ont été réalisés en réacteurs expérimentaux. Entre 1969 et 1970 dans le réacteur SPERT (Special Power Excursion Reactor) aux USA, entre 1978 et 1980 dans le réacteur PBF (Power Burst Facility) aux USA, depuis 1980 dans le réacteur NSRR (Nuclear Safety Research Reactor) au Japon (FUKETA 1996 ; FUKETA 1997, 2001, 2006) et depuis 1993 dans le réacteur CABRI en France (SCHMITZ 1999 ; PAPIN 2007). En se basant sur les résultats des essais réalisés sur des crayons irradiés jusqu’à un taux de combustion de 32 GWj/t dans les réacteurs SPERT, PBF et NSRR, un critère de sûreté unique avait été établi pour garantir un dégagement d’énergie thermique limité et préserver le refroidissement du cœur. Il a également été montré que l’enthalpie déposée dans la pastille de combustible devait rester inférieure à une enthalpie limite de 200 cal/g (MACDONALD 1980). Plus tard, certains essais réalisés sur des combustibles à forts taux de combustion (jusqu’à 64 GWj/t) dans les réacteurs NSRR et CABRI ont révélé des ruptures prématurées des gaines pour des niveaux d’enthalpie nettement inférieurs à ceux fixés par le domaine de sûreté (30 cal/g pour le premier essai REP-Na 1 réalisé dans le réacteur CABRI) : le critère de sûreté établi pour les combustibles faiblement irradiés n’est donc pas adapté aux combustibles à forts taux de combustion (VITANZA 2006). L’interprétation des essais réalisés en réacteurs expérimentaux repose sur des codes de calculs capables de reproduire le comportement thermomécanique des crayons combustibles lors du transitoire. Pour ne citer que les plus connus, les codes FALCON (RASHID 2004), FRAPTRAN (CUNNINGHAM 2001), RANNS (SUZUKI 2006b), SCANAIR (MOAL 2014 ; GEORGENTHUM 2014) et ALCYONERIA (SERCOMBE 2009 ; GOLDBRONN 2013) sont respectivement développés par l’Electric Power Research Institute (EPRI) aux USA, la Nuclear Regulatory Commission (NRC) aux USA, le Japan Atomic Energy Research Institute (JAERI) au Japon, l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) en France et le commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) en France. Pour alimenter ces codes de calculs, il est indispensable de disposer de lois de comportement pour le combustible et le gainage. Le développement de ces outils requiert donc la caractérisation, en laboratoire, du comportement mécanique de ces matériaux dans des conditions de sollicitation représentatives d’un transitoire de puissance (température, vitesse de déformation). Alors que le comportement de la gaine en RIA a fait l’objet de nombreux travaux et d’un programme expérimental dédié au CEA (CAZALIS 2007 ; LE SAUX 2008 ; HELLOUIN DE MENIBUS 2012), très peu d’études de caractérisation ont porté sur le combustible en conditions représentatives d’un RIA (haute température et forte vitesse de déformation). Dans la plupart des codes, le comportement du combustible est ainsi considéré comme élastique ou élasto-plastique parfait avec un seuil constant indépendant de la température.

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Table des matières

Introduction
1 Contexte de l’étude
1.1 Généralités sur le domaine du nucléaire
1.1.1 Introduction
1.1.2 Le nucléaire civil en France
1.1.3 Fonctionnement général d’un REP
1.1.4 Le combustible nucléaire
1.2 Accident d’injection de réactivité
1.2.1 Contexte et problématique générale
1.2.2 Scénario et phénomènes présents
1.2.3 Conditions thermo-mécaniques dans le combustible
1.3 Propriétés physiques de l’UO2
1.3.1 Structure cristallographique
1.3.2 Écart à la stœchiométrie
1.3.3 Dislocations et systèmes de glissement
1.4 Comportement mécanique de l’UO2
1.4.1 Coefficients élastiques
1.4.2 Comportement de l’UO2 en compression
1.4.3 Comportement de l’UO2 en flexion
1.5 Modèles de fluage
1.5.1 Approches phénoménologiques
1.5.2 Fluage avec effet d’historique
1.5.3 Modèle de fluage compressible
1.6 Synthèse et objectif du travail
2 Méthodes expérimentales
2.1 Introduction
2.2 Caractérisations non destructives
2.2.1 Métrologie
2.2.2 Mesure de densité par pesée hydrostatique dans l’alcool
2.3 Imagerie au MEB
2.3.1 Préparation des échantillons pour observation au MEB
2.3.2 Observations au MEB
2.3.3 Analyse des images MEB
2.4 Essais mécaniques
2.4.1 Régulation de la température du four
2.4.2 Protocole des essais mécaniques
2.4.3 Résultats types
2.4.4 Reproductibilité
2.4.5 Grille d’essais
2.4.6 Mesure de l’endommagement
2.4.7 Essais à sauts de vitesse
2.5 Synthèse
3 Étude du lot de référence
3.1 Introduction
3.2 Aspects expérimentaux
3.2.1 Caractérisation des échantillons
3.2.2 Courbes contrainte-déformation
3.2.3 Fissuration et variation de volume
3.2.4 Évolution de la microstructure
3.3 Modélisation
3.3.1 Paramètres d’activation d’une loi de Norton
3.3.2 Loi de fluage
3.3.3 Identification des paramètres
3.3.4 Implémentation numérique
3.4 Simulation
3.4.1 Maillage et conditions aux limites
3.4.2 Essais expérimentaux
3.4.3 Essais de fluage
3.5 Synthèse
4 Étude du lot forte densité
4.1 Introduction
4.2 Aspects expérimentaux
4.2.1 Caractérisation des échantillons
4.2.2 Courbes contrainte-déformation
4.2.3 Fissuration et variation de volume
4.2.4 Évolution de la microstructure
4.2.5 Décohésion des joints de grain
4.3 Modélisation
4.3.1 Modèle initial
4.3.2 Dépendance à la porosité
4.3.3 Identification de la dépendance à la porosité
4.3.4 Modèle de fragmentation des joints de grain
4.3.5 Identification des paramètres plastiques
4.3.6 Implémentation numérique
4.4 Simulation
4.4.1 Maillage et conditions aux limites
4.4.2 Identification de σc(T)
4.4.3 Simulation des essais expérimentaux
4.5 Synthèse
5 Modélisation des accidents d’injection de réactivité
5.1 Introduction
5.2 Essais REP-Na
5.2.1 Programme d’essais
5.2.2 Déformations
5.2.3 Fissuration macroscopique
5.2.4 Fragmentation des joints de grains
5.2.5 Relâchement des gaz de fission
5.3 L3F : Loi Fluage Fragmentation Fissuration
5.3.1 Fluage d’irradiation
5.3.2 Fissuration macroscopique
5.3.3 Récapitulatif
5.3.4 Implémentation numérique
5.3.5 Réponse à un chargement biaxial
5.4 Simulation des essais REP-Na
5.4.1 Alcyone-RIA
5.4.2 Loi de comportement gaine
5.4.3 Simulations
5.4.4 REP-Na 2
5.4.5 REP-Na 3
5.4.6 REP-Na 5
5.4.7 REP-Na 4
5.4.8 Conclusion
5.5 Synthèse
Conclusion
Perspectives
Bibliographie
Annexes

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