Étude expérimentale et modélisation du comportement des roches granulaires

L’essai de compression triaxiale est le plus couramment utilisé pour l’étude du comportement mécanique des roches. Dans un tel chargement, la courbe contrainte-déformation présente généralement un maximum correspondant au pic de résistance de la roche au delà duquel la chute de résistance (ou radoucissement) de l’échantillon est attribuée à l’endommagement de la roche. Cette phase post-pic doit être quantifiée de façon précise car le module de radoucissement d’une roche est un paramètre important et essentiel de toutes les analyses de stabilité et de bifurcation (Vardoulakis et Sulem, 1995). En fait, ce paramètre ne peut pas être déterminé directement à partir de la courbe contrainte-déformation dans la phase post-pic. Les déformations à l’intérieur de l’échantillon perdent progressivement leur homogénéité jusqu’à la localisation des déformations sous la forme de bandes de cisaillement. Pour l’étude du comportement post-pic de la roche, les mesures de déformations locales sont inopérantes en raison de la perte d’homogénéité des déformations au sein de l’échantillon due à ce phénomène de localisation. La courbe effort déformation est donc utilisée uniquement dans la phase pré-localisation pour étalonner la loi de comportement. La question de savoir si le comportement radoucissant des géomatériaux est la cause ou la conséquence du phénomène de localisation des déformations est encore controversée (Chambon et al., 1994a). La phase post-pic des courbes effort-déplacement observées dans les essais élémentaires est en effet généralement la conséquence directe de la localisation des déformations. Cette phase post-pic doit être alors interprétée comme un radoucissement de la structure que constitue l’échantillon dans un système de mise en charge. Nous distinguons ce radoucissement « structural » du radoucissement « intrinsèque » ou « constitutif » correspondant à une perte progressive de résistance du matériau lui-même et se manifestant à l’échelle microstructurale par des phénomènes de microfissurations, mouvements relatifs des grains, écrasement des pores et des grains. Cet endommagement se manifeste le plus souvent non pas dans l’ensemble d’une structure mais dans des zones localisées qui sont les prémices des fractures macroscopiques. L’idée développée ici est d’étudier le comportement du matériau dans la phase radoucissante de manière indirecte en utilisant les caractéristiques mêmes du phénomène de localisation des déformations telles qu’elles sont observées sur des échantillons en laboratoire. Ces caractéristiques sont l’épaisseur et l’orientation de la bande de cisaillement ainsi que l’état de contraintes (et /ou de déformations) correspondant à la localisation du mode de déformation. Notre étude est basée sur un programme expérimental d’essais de compression axisymétriques sur des échantillons secs et des échantillons saturés en conditions drainées. Il est crucial d’assurer la meilleure homogénéité possible des déformations de l’échantillon dans la phase pré-localisation afin de pouvoir caractériser de façon précise et correcte le phénomène de localisation. Pour ce faire, une part importante de ce travail est consacrée à l’optimisation des conditions d’essais. L’étude des conditions de localisation (point de formation de la bande de cisaillement, orientation de la bande, épaisseur de la bande) permet alors l’évaluation du comportement radoucissant de la roche. La comparaison des paramètres de localisation aux observations expérimentales permet par méthode inverse de remonter aux caractéristiques rhéologiques et microstructurales du matériau qui contrôlent la localisation (écrouissage, endommagement, radoucissement, longueur interne).

OBSERVATIONS IN SITU ET EN LABORATOIRE 

RUPTURE ET LOCALISATION DE LA DEFORMATION EN BANDE DE CISAILLEMENT 

La rupture des géomatériaux est souvent caractérisée par la formation et la propagation de zones de déformation de cisaillement localisées. La déformation cesse d’être homogène ou diffuse, pour évoluer plus ou moins brutalement vers des modes de déformations nonhomogènes. Cette localisation des déformations est considérée comme une initialisation de la rupture. Les zones de déformations localisées sont des structures de déformation assez générales, qu’on observe dans la plupart des matériaux, des métaux aux milieux granulaires (sables, grès). Les zones de déformations localisées sont d’étroites zones à l’intérieur desquelles se concentrent l’essentiel des gradients de déplacement. Ces zones de déformations localisées sont désignées sous le nom de plans de rupture ou sous le nom plus précis de bandes de cisaillement.

Dans les milieux cohérents et fragiles comme les roches, les mécanismes physiques responsables de la localisation sont variés. Les phénomènes d’instabilité reliés à la localisation des déformations résultent de l’ouverture des micro-fissures, du glissement et de la rotation inter-granulaire, éventuellement de l’écrasement des grains et des espaces poreux conduisant à la formation d’une fracture macroscopique. Une déformation intense siège à l’intérieur de cette zone étroite, alors qu’à l’extérieur de la zone de localisation, le matériau subit une décharge élastique. On a alors un mode de déformation localisé, qui met en jeu une ou plusieurs bandes de cisaillement et un certain nombre de blocs quasi-rigides. Dans le cas d’une unique bande de cisaillement, la rupture met en jeu le glissement relatif de deux blocs quasi-rigides le long d’une surface plane dite surface ou plan de rupture et qui correspond à la bande de cisaillement. La localisation de la déformation durant le chargement d’un corps homogène et la formation de bandes de cisaillement est un phénomène à considérer dès qu’on s’intéresse à la rupture, soit pour l’éviter (stabilité des trous de forage, des parois de tunnel), soit pour la provoquer (excavation, forage…). Les phénomènes de localisation des déformations peuvent en effet se produire à grande échelle. La formation de failles dans un massif rocheux est le résultat d’un mode de localisation en bande de cisaillement. On considère généralement les failles comme des surfaces de rupture plane, avec mouvement relatif du massif rocheux de part et d’autre du plan. Elles peuvent être assimilées à des plans de rupture en cisaillement. Ce phénomène de rupture est couramment rencontré dans les massifs naturels, en ouvrage de surface ou dans les ouvrages souterrains à grande profondeur (tunnels profonds, galeries minières, forages pétroliers). C’est de plus un phénomène commun à des disciplines diverses. En effet, les analyses de ruptures et de post-ruptures sont importantes aussi bien pour les problèmes d’ingénierie aéronautique et civile, d’exploitations minières et pétrolières que pour les problèmes de géologie. Dans le domaine du génie civil et de la géotechnique, une telle perte spontanée de l’homogénéité dans la déformation est un précurseur typique de l’effondrement de structures d’ingénierie. En géologie, les bandes de cisaillement apparaissent comme des structures souvent périodiques qui donnent des indications sur l’histoire des contraintes tectoniques (amplitude, orientation).

FISSURES, DISCONTINUITES ET BANDES DE CISAILLEMENT 

Le terme rupture considère deux types de manifestations, d’une part, l’apparition de discontinuités macroscopiques, d’autre part, le mouvement important le long des discontinuités existantes. En accord avec l’existence de ces discontinuités, les cavités souterraines profondes montrent un comportement qui n’est pas facilement prévisible sur la base de l’élasticité linéaire classique (Guenot, 1987). Comme le fait remarquer Desrues (1991), aux échelles de temps et d’espace du géologue, il est clair que le concept de bande de cisaillement est pertinent. Aux échelles de l’ingénieur, on peut penser dans un premier temps que l’application de ce concept de bande de cisaillement aux discontinuités observées dans le matériau est moins évident: la rupture consommée, ce qu’observe l’ingénieur, paraît relever plus de la discontinuité matérielle franche (blocs, fragments, écailles). La mécanique de la rupture fragile, qui étudie la propagation d’une fissure unique, macroscopique, dans un milieu par ailleurs sain, semble alors s’appliquer le plus directement. Pourtant, affirme Desrues, étudier la localisation de la déformation dans les roches en supposant que la macrofisssure finale peut avoir, plus tôt dans le processus, été induite par l’évolution d’une déformation intense apparue comme une bande de cisaillement peut être intéressant.

GAUCHISSEMENT ET FLAMBEMENT

D’autres modes de déformations non-homogènes autre que le mode de déformation localisé en bande de cisaillement peuvent apparaître. Pour le cas par exemple d’un puits profond, outre la formation de bandes de cisaillement à la paroi, on peut également observer un gauchissement ou un flambement de la paroi. Le mode de gauchissement conduit à des phénomènes d’écaillage des parois par activation et propagation instable de fissures préexistantes parallèles à la paroi. La rupture paraît survenir de façon fragile, voire brutale parfois, sous forme de graves instabilités à la paroi (Maury, 1987). Cette instabilité se manifeste par une explosion de la roche (rock burst) dans les galeries minières à grandes profondeurs (Cook et al., 1966), par une formation et un détachement intensif de plaques ou d’écailles de roches, à l’intérieur de la roche mais aussi près des surfaces libres, aux parois d’un tunnel ou au front d’une excavation dans le domaine du génie civil et pétrolier (Proctor et White, 1946), comme cela a été observé dans des ouvrages souterrains, par exemple pendant le creusement du tunnel du Mont Blanc (Panet, 1969), autour de puits de forages pétroliers profonds (Plumb, 1989) ou sur des parois de cylindres creux dans des essais de laboratoires (Santarelli et Brown, 1989). Sous l’action d’importantes forces tectoniques, beaucoup de forages de puits pétroliers profonds, sont soumis à des phénomènes d’instabilité de parois, d’écaillage, d’ovalisation, de détérioration progressive qui peuvent devenir critiques pour la poursuite du forage, engendrant coincements, rupture des tiges de forage, opérations de repêchage, perte d’une partie ou de la totalité du forage réalisé (Guenot, 1987 ; Guenot, 1988 ; Maury et Sauzay, 1988 ; Maury, 1993). L’écaillage qui se produit est de type longitudinal ou cylindrique et il est dénommé parfois « en pelure d’oignon ». .

Le développement de plis et de joints, observé par exemple en structures périodiques dans les massifs géologiques, sont reliés à un mode de déformation non-homogène de type flambement. Les joints, contrairement au failles, sont des fissures ou des fractures dans la roche pour lesquels il n’y a pratiquement pas de mouvement dans la direction parallèle au plan de rupture. Ils sont ainsi assimilés à des plans de rupture en traction. Les joints comme les failles sont fréquemment observés dans les massifs rocheux.

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Table des matières

Chapitre I : Introduction
Introduction
Chapitre II : Etude bibliographique
II.1/ Observations in situ et en laboratoire
II.1.1/ Rupture et localisation de la déformation en bande de cisaillement
II.1.2/ Fissures, discontinuités et bandes de cisaillement
II.1.3/ Gauchissement et flamblement
II.2/ Mécanismes de fissuration et de rupture dans les essais élémentaires
II.2.1/ Description des différentes phases de fissuration
II.2.1.1/ Micromécanismes de fissuration et de rupture
II.2.1.2/ Phase 1
II.2.1.3/ Phase 2
II.2.1.4/ Phase 3
II.2.1.5/ Phase 4
II.2.1.6/ Phase5
II.2.1.7/ Phase 6
II.2.1.8/ Phase 7
II.2.1.9/ Phases I, II, III et IV
II.2.1.10/ Conclusion
II.2.2/ Techniques expérimentales de détection
II.2.2.1/ Introduction
II.2.2.2/ Les méthodes directes
II.2.2.2.1/ Présentation générale
II.2.2.2.2/ Observations visuelles à l’oeil nu
II.2.2.2.3/ Observations microscopiques
II.2.2.2.4/ Méthode des répliques
II.2.2.3/ Les méthodes quantitatives
II.2.2.3.1/ Présentation générale
II.2.2.3.2/ Localisation par émission acoustique
II.2.2.3.3/ Vitesses des ondes élastiques
II.2.2.3.4/ Propriétés de transport
II.2.2.3.5/ Tomographie aux rayons X
II.2.2.4/ Les méthodes de champs de déformation
II.2.2.4.1/ Présentation générale
II.2.2.3.2/ Stéréophotogrammétrie de faux relief
II.2.2.4.3/ Granularité laser (speckle)
II.2.2.4.4/ Interférométrie holographique
II.2.2.4.5/ Localisation par mesures des déformations
II.3/ Modélisation
II.3.1/Approches théoriques de la rupture en mode localisé
II.3.2/ Discontinuités faible et forte
II.3.3/ Mécanique de la rupture
II.3.3.1/ Historique
II.3.3.2/ Limites de la théorie
II.3.3.3/ Eléments de base
II.3.3.4/ Mécanique de la rupture et bifurcation
II.3.3.5/ Mécanique de la rupture et localisation
II.3.4/ Théorie de la bifurcation
II.3.4.1/ Intérêts et objectifs de la théorie
II.3.4.2/ Historique
II.3.4.3/ Application aux géomatériaux
II.3.4.4/ Théories d’unicité et critères de stabilité
II.3.4.5/ Bifurcation d’une déformation homogène à une déformation non
homogène
II.3.4.6/ Analyse de bifurcation en mode localisé
II.3.4.6.1/ Présentation de l’analyse
II.3.4.6.2/ Formulation du problème
II.3.4.6.3/ Condition statique
II.3.4.6.4/ Condition cinématique
II.3.4.6.5/ Loi de comportement
II.3.4.6.6/ Critère de bifurcation dans le cas linéaire
II.3.4.6.7/ Application au cas de l’essai triaxial de révolution
II.3.4.7/ Conclusion
II.4/ Microstructure et localisation
II.4.1/ Changement d’échelle
II.4.2/ Limites des milieux continus classiques
II.4.2.1/ Epaisseur de bande de cisaillement indéterminée
II.4.2.2/ Dépendance des résultats numériques au maillage
II.4.3/ Régularisation du problème
II.4.4/ Milieux continus généralisés
II.4.4.1/ Introduction d’une longueur interne caractéristique
II.4.4.2/ Description de la statique et de la cinématique
II.4.4.2.1/ Formulation générale
II.4.4.2.2/ Milieu de Cosserat
II.4.4.2.3/ Théorie du second gradient
II.5/ Comportement post-pic
II.5.1/ Définition du radoucissement
II.5.2/ Problème de l’instabilité au pic
II.5.3/ Visualisation expérimentale du comportement radoucissant
II.5.4/ Applications géologiques et géotechniques
II.5.5/ Critère global et local de stabilité
II.5.5.1/ Classification adoptée
II.5.5.2/ Critère global de stabilité
II.5.5.2.1/ Classe I
II.5.5.2.2/ Classe II
II.5.5.2.3/ Etat critique
II.5.5.3/ Critère local de stabilité
II.5.5.4/ rupture en classe I et II et ductilité
II.5.6/ Paramètre influençant la stabilité
II.5.6.1/ Structure de la roche
II.5.6.2/ Taux de déformation
II.5.6.3/ Histoire de chargement et état de contrainte
II.5.6.4/ Rigidité de la presse
II.5.6.5/ Eléments rigidifiants
II.5.6.6/ Taille et forme géométrique de l’échantillon
Chapitre III : Etude expérimentale
III.1/ Principe de l’essai triaxial
III.2/ Description du dispositif expérimental
III.2.1/ Matériau et préparation des éprouvettes
III.2.1.1/ Critères de choix du matériau
III.2.1.2/ Caractérisation physique du grès de Fontainebleau
III.2.1.2.1/ Composition minéralogique
III.2.1.2.2/ Simplicité chimique et cristallographique
III.2.1.2.3/ Porosité
III.2.1.2.4/ Vitesse du son
III.2.1.2.5/ Pic de résistance
III.2.1.2.6/ Conclusion
III.2.1.3/ Préparation des éprouvettes et définitions géométriques
III.2.1.3.1 / prélèvement des roches mères
III.2.1.3.2/ Carottage
III.2.1.3.3/ Rectification
III.2.1.3.4/ Collage des jauges
III.2.2/ Matériel de mise en pression
III.2.2.1/ Cellule triaxiale
III.2.2.2/ Presse
III.2.3/ Plateaux de chargement
III.2.3.1/ Précautions importantes
III.2.3.2/ Types de plateaux existants
III.2.3.3/ Etudes existantes
III.2.3.4/ Rotule
III.2.3.4/ Base à billes roulantes
III.2.3.5/ Conclusion
III.2.4/ Instrumentation
III.2.4.1/ Types de capteurs existants
III.2.4.1.1/ Méthodes de mesures des déformations
III.2.4.1.2/ Jauge de déformation
III.2.4.1.3/ Capteur LVDT
III.2.4.1.4/ Capteur d’inclinaison
III.2.4.1.5/ Capteur à effet de Hall
III.2.4.1.6/ Capteur à lame flexible LDT
III.2.4.1.7/ Anneau de mesure
III.2.4.2/ Choix des capteurs utilisés
III.2.5/ Matériel d’acquisition des mesures

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