Les débuts de l’optique intégrée sont marqués par la publication de S. E. Miller en 1969 dans le Bell Systems Technical Journal. La formalisation de ce concept fait suite aux travaux menés, notamment au sein des Bell Labs, sur la mise au point de la technologie planaire pour la microélectronique. Cette technologie est alors avantageusement adaptée à la réalisation de dispositifs optiques sur substrats planaires.
L’élaboration des premiers composants d’optique intégrée accompagne l’essor des télécommunications optiques suite à la démonstration de l’effet LASER (angl. Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation) par T. H. Maiman en 1960, puis par la production par Corning de fibres optiques avec de faibles pertes par propagation 10 ans plus tard. L’optique intégrée intervient alors au niveau des interconnexions du lien optique ainsi constitué, en remplissant les fonctions de mise en forme, de distribution et de traitement du signal optique. Les différents matériaux utilisés comme substrats pour l’intégration de fonctions optiques ont entraîné la création de plusieurs filières technologiques. Parmi celles-ci, s’est développé, en particulier à Grenoble au laboratoire IMEP-LaHC, l’optique intégrée sur verre, qui offre une excellente compatibilité avec les fibres optique en silice. Dans ce contexte, l’échange d’ions argent/sodium est couramment employé pour produire des guides d’onde présentant de faibles pertes par propagation dans le proche infrarouge. Des sources laser émettant à de telles longueurs d’onde, correspondant à la troisième fenêtre des télécommunications autour de 1,5 µm, ont par exemple été conçues au laboratoire par échange d’ions argent sur substrats de verre dopés avec des terres rares.
Plus récemment, l’optique intégrée a évolué vers des microsystèmes optiques, et la technologie développée pour les télécommunications est employée pour la réalisation de capteurs. L’intégration sur verre par échange d’ions est ici particulièrement attractive car cette technologie permet la réalisation à moindre coût de petites séries de composants spécifiques. Cette transition du marché de masse des télécommunications optiques vers des marchés de niches avec diverses applications induit l’émergence de nouveaux besoins, notamment en matière de longueur de propagation ou de confinement du champ électromagnétique. Par exemple, la conception d’un capteur optofluidique dédié à la mesure de l’absorption d’espèces radioactives a été étudié au laboratoire IMEP-LaHC. Entre autres pistes d’optimisation, l’intégration de guides longs enroulés en spirale et fonctionnant aux longueurs d’onde visible a été proposé. Par ailleurs, les puissances atteintes avec les microlasers intégrés sur verre sont compatibles avec la génération d’effets non linéaires. Afin d’étudier ces derniers dans les guides d’onde, il est nécessaire de pouvoir fortement confiner le champ électromagnétique sur de grandes distances.
Optique intégrée : contexte et enjeux
Origines et motivations de l’optique intégrée
L’optique intégrée repose sur le guidage de la lumière et son confinement dans une zone prédéfinie, qualifiée de guide d’onde, d’un substrat plan. Deux catégories de guides d’onde sont mises au point à la fin du xixe siècle : les guides métalliques à cœur creux et les guides diélectriques. Les premiers sont utilisés dans le domaine des micro-ondes, tandis que les seconds permettent de propager la partie optique – des ultraviolets aux infrarouges – du spectre électromagnétique. Dans cette section, nous portons notre attention uniquement sur les guides d’onde diélectriques.
Naissance du concept de guide d’onde
La première mise en évidence du phénomène de guidage de la lumière est attribuée à J.-D. Colladon. Ce professeur de mécanique des fluides chercha un moyen de montrer à ses élèves la forme que prend un liquide se déversant par une ouverture de taille variable. C’est ainsi que Colladon eu l’idée, en 1842, d’éclairer le liquide par l’intérieur [1] en collectant la lumière du soleil avec un dispositif semblable . Colladon nota alors que la lumière suit la courbure de l’écoulement, tandis que la propagation des rayons lumineux était figurée jusque là par des trajectoires rectilignes. La lumière est donc comme guidée par la veine liquide. La même année J. Babinet , qui avait déjà effectué cette observation en versant le contenu d’une carafe dont le fond était éclairé par une bougie, répliqua l’expérience en illuminant un barreau de verre crown de Saint-Gobain [2], courbé de manière quelconque. Cette dernière expérience préfigure ce qui deviendra ultérieurement les fibres optiques. Auguste de la Rive proposa en 1851 d’employer une lampe à arc produisant un éclat intense [3]. Les fontaines illuminées devinrent populaires alors qu’elles furent utilisées à l’opéra de Paris pour Faust en 1859 et durant l’exposition universelle de Paris en 1889.
Formalisation
La communauté scientifique de Londres, particulièrement sous l’impulsion de M. Faraday, s’intéressa aux expérimentations menées en France. Ainsi son successeur à la Royal Institution, J. Tyndall, reproduisit l’expérience de la fontaine illuminée, douze ans après la première démonstration de Colladon, lors de cours ouverts au public [3,5]. Tyndall expliqua alors que le guidage de la lumière dans la veine liquide, formée par l’eau qui s’écoule, est le résultat de la réflexion totale interne à l’interface entre deux milieux d’indices de réfraction différents. Dès 1842, Colladon souligna le rôle de la réflexion totale avec des considérations d’optique géométrique :
Les rayons lumineux traversent la lentille et le liquide, . . . , ils rencontrent sa surface sous un angle assez petit pour éprouver une réflexion intérieure totale ; le même effet se reproduit à chaque nouveau point d’incidence, en sorte que la lumière circule . . . comme dans un canal, et en suit toutes les inflexions. (Daniel Colladon, 1842 [1])
Néanmoins Tyndall formula un ensemble théorique complet dans son traité sur la lumière [6] qui fait date depuis . Le guidage de la lumière se produit donc lorsqu’un milieu d’indice élevé – la région définie par ce milieu est appelée cœur – est entouré par un matériau d’indice inférieur. Par réflexion totale à l’interface entre les deux milieux, la lumière reste alors localisée dans le cœur.
Parallèlement, J. C. Maxwell, au King’s College, reprit les travaux de Faraday sur la rotation de la polarisation de la lumière soumise à un champ magnétique. À partir des développements en électricité et en magnétisme , Maxwell édifia une théorie unifiée [7, 8] qui décrit la lumière comme un champ électromagnétique, en accord avec les observations de Faraday. O. Heaviside [9] lui donna finalement en 1892 sa forme actuelle à quatre équations. Ces équations constituent aujourd’hui encore le cœur de la description de nombreux phénomènes optiques et forme la représentation la plus complète, englobant l’optique géométrique, de la lumière en dehors de la théorie quantique. Les équations de Maxwell permettent ainsi d’écrire l’équation d’onde qui est à la base de la description de la propagation guidée [10].
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Table des matières
Introduction
1 Optique intégrée : contexte et enjeux
1.1 Introduction
1.2 Origines et motivations de l’optique intégrée
1.2.1 Naissance du concept de guide d’onde
1.2.2 Formalisation
1.2.3 Débuts des télécommunications optiques
1.2.4 Intégration sur substrats planaires
1.3 Substrats pour la photonique
1.3.1 Semiconducteurs
1.3.1.1 Silicium
1.3.1.2 Semiconducteurs
1.3.1.3 Silice sur silicium
1.3.2 Niobate de Lithium
1.3.3 Polymères
1.3.4 Verres
1.3.4.1 Verres d’oxydes
1.3.4.2 Autres verres
1.4 Évolution des besoins
1.5 Développements actuels et besoins futurs
1.5.1 Intégration de microlasers
1.5.1.1 Vers plus de densité d’intégration
1.5.1.2 Vers plus de densité de puissance
1.5.2 Capteur optofluidique : vers plus de longueur
1.6 Objectifs de l’étude
1.7 Conclusion
2 Électromagnétisme et échange d’ions : typologie des guides d’onde
2.1 Introduction
2.2 Optique guidée
2.2.1 Formulation de l’équation d’onde
2.2.2 Résolution de l’équation d’onde
2.2.2.1 Espace libre
2.2.2.2 Saut d’indice
2.2.2.3 Gradient d’indice
2.3 Échange d’ions
2.3.1 Principe
2.3.1.1 Composants du verre
2.3.1.2 Dopants
2.3.2 Modèle de diffusion
2.3.2.1 Échange ionique à l’interface
2.3.2.2 Migration des ions dans le volume du verre
2.3.3 Résolution de l’équation de diffusion
2.4 Simulations numériques
2.5 Mise en œuvre : procédé technologique et types de guides
2.5.1 Création du cœur : cas des guides de surface
2.5.2 Migration du cœur : cas des guides enterrés
2.5.2.1 Enterrage sous champ
2.5.2.2 Enterrage thermique
2.6 Conclusion
3 Étude du confinement : dimensionnement et caractérisations linéaires
3.1 Introduction
3.2 Définition de la problématique
3.2.1 Courbures : pertes par rayonnement
3.2.2 Densité d’intégration : couplage directionnel
3.2.3 Optique non-linéaire : notion d’aire effective
3.2.4 Choix et calcul du critère de dimensionnement
3.3 Dimensionnement
3.3.1 Spécifications de la plateforme technologique
3.3.2 Guide de surface
3.3.3 Enterrage sous champ
3.3.4 Enterrage thermique
3.3.5 Synthèse des paramètres retenus
3.4 Réalisation
3.4.1 Guide de surface
3.4.2 Enterrage sous champ
3.4.3 Enterrage thermique
3.4.4 Préparation de la puce
3.5 Méthodes de caractérisation
3.5.1 Mesure de la distribution modale
3.5.1.1 Mesure de la taille de mode
3.5.1.2 Mesure de la profondeur d’enterrage
3.5.2 Mesure des pertes
Conclusion
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