Depuis l’invention du Celluloïd par Parkes en 1860, les progrès de la chimie ont permis la création de nombreuses matières plastiques qui ont peu à peu meublé notre quotidien et nous sont devenues indispensables. Ainsi les polyoléfines (polyéthylène, polypropylène), le polychlorure de vinyle (PVC) ou le polymétacrylate de méthyle (PMMA) par exemple se retrouvent dans des applications aussi diverses que l’emballage, l’automobile, les jouets, les bouteilles, les cadres de fenêtre, les câbles électriques. Toutes ces applications ont bien entendu nécessité le développement d’outils de fabrication aux technologies spécifiques : injection, extrusion, extrusion-soufflage, rotomoulage, enduction…
Parmi les applications des polymères, les films plastiques ont rapidement pris une place prépondérante . En majeure partie destinés au secteur de l’emballage, notamment dans le secteur alimentaire pour la conservation et la présentation des aliments, on les retrouve également pour faire des sacs plastiques, des films agricoles, mais aussi des films de protection… . Ainsi en France par exemple, 800000 tonnes de films sont produites annuellement. Dans ces marchés, les enjeux techniques sont divers : tenue mécanique, adhésion, imperméabilité, compatibilité alimentaire, résistance au vieillissement, transparence, brillance sont autant de défis à relever pour le producteur de matière première et le transformateur. Tout « défaut » de ce film, quel qu’il soit, peut alors être un frein aux propriétés recherchées.
Le polymère est transporté, fondu et mis en pression dans une extrudeuse puis ensuite forcé à travers une filière annulaire. A la sortie de celle -ci, le tube de polymère fondu est étiré à l’aide de rouleaux pinceurs. Une surpression est créée à l’intérieur en insufflant de l’air par le centre de la filière, ce qui a pour effet le gonflement du tube qui forme ainsi une bulle (ou gaine). Celle -ci est refroidie par sa surface externe au moyen d’air soufflé uniformément par l’intermédiaire d’un anneau de refroidissement plus ou moins complexe. L’air piégé à l’intérieur de la bulle se trouvant à température élevée et diminuant donc l’efficacité du refroidissement, des dispositifs de refroidissement interne (Internal Bubble Cooling ou système IBC) ont également été développés. Ceux-ci renouvellent en permanence l’air intérieur en créant une circulation d’air qui contribue au refroidissement. Le diamètre de la bulle et la pression intérieure sont contrôlés par un système de régulation pilotant l’entrée et l’échappement d’air.
Le polymère subit donc un bi-étirage, longitudinal par l’action des rouleaux pinceurs et transversal par l’action du gonflage. Sous l’effet du refroidissement, le polymère se solidifie à une certaine hauteur, que l’on désigne sous le nom de « hauteur de figeage » ou FLH (Frost Line Height). Dans le cas des polymères semi-cristallins, cette zone, plus ou moins bien discernable, est le siège des phénomènes de cristallisation. Au-delà de cette zone, la bulle forme un tube de diamètre constant. Cette gaine est ensuite mise à plat par un système en V de rouleaux de guidage et par les rouleaux pinceurs, transportée par un système complexe de rouleaux (ou embarreurs) pour être bobinée selon l’application visée, soit directement, soit après découpage en deux films distincts .
Etude expérimentale du procédé
Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés au procédé « stable ». En faisant varier les conditions d’expérience telles que les taux d’étirage et de gonflage, le refroidissement ou les conditions en sortie de filière, nous avons observé la bulle dans sa zone de biétirage, depuis la sortie de la filière jusqu’à la hauteur de figeage. Nous avons mesuré le profil de la bulle, ainsi que sa température et tenté de quantifier la sensibilité du procédé aux différents paramètres expérimentaux. Cette étude, préliminaire à l’étude de stabilité qui est l’objectif majeur de notre travail, reste une étape obligée pour la compréhension phénoménologique du procédé. De surcroît, la modélisation des instabilités du procédé passe bien évidemment par la maîtrise optimale de celui-ci dans l’état stable.
Dans une seconde série d’essais, nous avons cherché à décrire qualitativement et quantitativement les différents phénomènes qui sont classiquement regroupés sous le vocable d’«instabilité de bulle ». Nous avons balayé l’espace des paramètres du procédé de façon à cerner les conditions d’apparition des différentes instabilités d’étirage, en centrant notre étude sur l’influence des paramètres de biétirage (DR,BUR) et de refroidissement (paramètres thermiques). Nous avons cherché à déterminer les comportements instables réellement pénalisants pour le procédé et les paramètres conditionnant préférentiellement leur apparition.
Ces données nous permettront par la suite de valider les différentes hypothèses et méthodes d’analyse mises en jeu dans la construction d’un modèle général représentatif du procédé instationnaire.
Caractérisation rhéologique du polymère utilisé
Le but de notre travail est de caractériser les instabilités survenant dans le procédé de soufflage de gaine et de se doter de données quantitatives fiables de confrontation expérimentale avec le modèle développé. Dans ce contexte, nous avons préféré centrer notre étude expérimentale sur un polymère réputé présenter lors de sa mise en œuvre les différentes instabilités décrites dans la littérature : un polyéthylène basse densité linéaire (PEbdl) à comonomère C6 obtenu par procédé phase gaz. Sa densité vaut 0.920 à 25°C et il a un indice de fluidité (Melt Flow Index (MFI) sous 2,16kg à 190°C) de 1.
Une série d’analyses a donc été menée afin de caractériser le comportement rhéologique de ce polymère par rapport à d’autres familles de polyéthylènes classiquement utilisées en soufflage de gaine. Nous utiliserons également les résultats de cette étude pour justifier ou critiquer les hypothèses faites pour la construction de notre modèle mécanique et juger ainsi de sa pertinence.
Rhéométrie en cisaillement
Nous avons étudié le comportement rhéologique en cisaillement du PEbdl en rhéométrie plan-plan oscillatoire à déformation imposée (rhéomètre RMS 800 de Rheometrics) entre 0.01 et 100 rad.s-1 pour 3 températures différentes (140°C, 160°C et 180°C). Le principe et le mode de dépouillement de ce type d’expériences sont par exemple décrits dans [AGA,96]. En résumé, il s’agit d’étudier la réponse dynamique du fluide situé entre deux plateaux parallèles à une sollicitation sinusoïdale d’amplitude et de fréquence contrôlée, à température fixée. En mesurant le couple et le déphasage résultants, il est possible de déduire les composantes visqueuse G’ et élastique G’’ du module complexe G* et la viscosité complexe h* .
Le polyéthylène basse densité linéaire que nous avons choisi pour notre étude possède un comportement rhéologique en cisaillement conforme à celui de la plupart des polyéthylènes. Ce comportement en cisaillement n’est d’aucune utilité pour prédire le comportement en soufflage de gaine dans la mesure où il ne permet pas de déterminer la viscosité au plateau newtonien. En revanche, il nous donne accès à l’énergie d’activation de la viscosité qui est un paramètre clef pour la prédiction de la forme de la bulle [AND,99].
Par ailleurs nous avons accès à un temps de relaxation moyen qui ne peut être utilisé directement dans les modélisations viscoélastiques des procédés d’étirage [SIL,96] mais qui comparativement apparaît faible (un facteur 10) par rapport à celui d’un polyéthylène basse densité déterminé dans les mêmes conditions. Il apparaît donc licite de négliger, dans un premier temps, le comportement élastique dans la modélisation du soufflage de gaine. Il ne faut cependant pas masquer la réalité : comme l’a montré André [AND,99], la modélisation viscoélastique du procédé de soufflage de gaine est un exercice délicat. Pour un modèle de Maxwell, on peut ainsi démontrer la disparition de solution numérique, et ce pour des faibles nombres de Deborah .
Etude themomécanique du procédé stable
Dans une première série d’expériences, nous avons réalisé des essais de soufflage de gaine dans des conditions stables avec le PEbdl. Nous avons cherché à obtenir les formes de bulle et les profils de températures pour différentes valeurs des paramètres du procédé définis dans notre premier chapitre : le taux de gonflage, le taux d’étirage, la hauteur de figeage ou les conditions en sortie de filière. L’étude du procédé stable n’étant pas l’objet principal de notre travail, les résultats que nous présentons n’ont pas pour vocation l’étude exhaustive de l’influence de ces paramètres, mais plutôt la caractérisation de certains cas précis qui nous serviront par la suite à juger de la validité des hypothèses et des résultats du modèle stationnaire que nous utiliserons comme base pour notre étude de stabilité. Des études plus complètes sont décrites, par exemple, dans [PIA,84][AND,99] [BEL,99].
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Table des matières
Chapitre 1. Introduction générale
Chapitre 2. Etude expérimentale du procédé
I. Caractérisation rhéologique du polymère utilisé
II. Etude thermomécanique du procédé stable
III. Etude des instabilités
IV. Conclusions
V. Références bibliographiques
Chapitre 3. Construction du modèle général axisymétrique
I. Les modèles de la littérature
II. Mise en équations
III. Méthodologie d’analyse des équations
IV. Etude des équations en régime stationnaire
V. Conclusions
VI. Références bibliographiques
Chapitre 4. Analyse de stabilité axisymétrique
I. La modélisation des instabilités dans les procédés d’étirage
II. Etude de stabilité linéaire du modèle
III. Analyse du modèle et résultats obtenus
IV. Conclusion et discussion
V. Références bibliographiques
Chapitre 5. Extension au cas non axisymétrique
I. La prédiction des comportements perturbés non axisymétriques
II. Construction du modèle tridimensionnel
III. Analyse de stabilité linéaire du système
IV. Résultats préliminaires – cohérence de l’analyse de stabilité
V. Conclusions
VI. Références bibliographiques
Chapitre 6. Conclusions
Annexes
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