Dans le passé, la difficulté à comprendre les phénomènes physiques ainsi que le manque de moyens ont amené les scientifiques à décomposer les problèmes physiques complexes en sous-problèmes élémentaires plus simples à traiter. Cette démarche a donné naissance aux différentes branches de la physique qui sont devenues, au fil du temps, de plus en plus indépendantes. Des accidents majeurs survenus au cours du siècle dernier, comme l’effondrement du pont de Tacoma (1940) et plusieurs accidents aéronautiques, ont cependant conduit à la réévaluation de cette démarche. Ainsi, plusieurs disciplines (l’aéroélasticité, l’aérothermique, etc…) sont apparues. Elles permettent d’étudier l’interaction entre deux ou plusieurs physiques notamment pour le dimensionnement de systèmes complexes tel qu’un propulseur aéronautique (cf. Figure 1). En effet, le propulseur aéronautique est soumis à des températures extrêmement élevées et il est essentiel de calculer avec précision la charge thermique appliquée sur ses différentes parties structurales. Ce calcul oriente d’une part la conception, le coût, le choix des matériaux et l’optimisation des circuits de refroidissement et d’autre part la durée de vie et l’efficience du propulseur. À ce jour, la modélisation de la diffusion thermique dans les pièces structurales du propulseur aéronautique est bien établie. Cependant, la définition des conditions aux limites à appliquer à l’interface fluide-structure dépend encore majoritairement de corrélations obtenues à partir de données expérimentales et de l’expertise de l’utilisateur (Verdicchio et al., 2001). De plus, ces corrélations ne sont disponibles que pour un nombre limité de points de fonctionnement du système.
Ainsi, le besoin de s’affranchir de ces corrélations et les progrès réalisés dans la modélisation des écoulements fluides (CFD) a naturellement orienté les chercheurs vers la modélisation de l’interaction fluide-structure. Il existe deux principales approches pour étudier l’interaction entre deux voire plusieurs physiques : l’approche monolithique et l’approche partitionnée. La première consiste à résoudre un unique problème multiphysique tenant compte du phénomène dans son ensemble (Heil et al., 2008). Cette approche entraîne des difficultés de mise en place et de résolution de problèmes physiques très différents les uns par rapport aux autres. La deuxième voie, l’approche partitionnée, consiste à résoudre chaque physique de manière indépendante. La continuité du problème physique globale est alors assurée grâce à des échanges de quantités à l’interface (Felippa et Park, 1980). Ainsi, l’approche partitionnée permet la réutilisation des codes spécifiques à chaque physique ce qui en fait la solution la plus répandue pour la résolution de problèmes multiphysiques . Cette approche présente cependant certaines instabilités dues au décalage temporel entre les résolutions des différents problèmes physiques (Farhat, Lesoinne et Le Tallec, 1998). Par exemple, dans le cas des problèmes aérothermiques, le temps caractéristique, et donc de résolution, diffère parfois de plusieurs ordres de grandeur entre le problème associé à l’écoulement fluide et celui associé au solide. L’instabilité à l’interface fluide-solide, si elle n’est pas amortie, peut entraîner la divergence du calcul ou des convergences très lentes.
Résolution d’un problème d’interaction fluide-structure
Résoudre un problème d’interaction thermique entre un fluide et une structure consiste à prendre en compte simultanément les phénomènes de convection/diffusion du fluide et la conduction à l’intérieur du solide. Ce chapitre a pour objectif de décrire les principaux modèles utilisés pour simuler les phénomènes physiques dans chaque milieu et les principales approches qui permettent d’en étudier l’interaction. Dans le cadre de cette thèse, l’intérêt est porté sur les méthodes permettant d’évaluer avec fiabilité l’évolution temporelle de la charge thermique subie par une structure en interaction avec un écoulement fluide sur une longue plage temporelle. Par exemple, la mission d’une turbine haute pression (HP) d’un moteur aéronautique comprend toutes les phases de vol entre le décollage et l’atterrissage du moteur. Une évaluation fiable de la charge thermique assure une meilleure estimation de la fatigue due aux contraintes thermiques et donc de la durée de vie de la pièce.
Il existe d’autres raisons d’étudier l’interaction thermique fluide-structure, comme connaître l’effet des fluctuations de l’écoulement fluide sur la diffusion dans le solide ou, inversement, l’effet de la paroi solide sur l’écoulement fluide (Duchaine et al., 2009 ; Koren et al., 2017). Ces études sont généralement réalisées via la simulation des grandes structures de la turbulence (en anglais Large Eddy Simulation (LES)) qui permet d’avoir une haute résolution de l’écoulement fluide. Jaure et al., 2013 utilisent l’association de la LES et d’une méthode de résolution de la conduction dans le solide pour l’étude de l’effet des instabilités de combustion sur les parois d’une chambre de combustion. Un autre exemple d’interaction thermique fluide-structure est l’étude de la convection naturelle (Boukhris et al., 2008). Toutes ces applications sont spécifiques et nécessitent des méthodes de résolution appropriées qui ne seront pas abordées dans le cadre de la thèse.
Formulation
On distingue deux formulations pour la description du mouvement des particules dans un milieu continu : les formulations de Lagrange et d’Euler. La première est adaptée à la description de la physique du solide (mécanique, thermique et dynamique des structures), alors que la formulation d’Euler est la plus utilisée pour la mécanique des fluides.
Description lagrangienne
La description lagrangienne permet de suivre la trajectoire d’un point matériel en définissant la position courante par rapport à une configuration de référence. Autrement dit, la position x à l’instant t de chaque particule est définie en fonction de sa position X en configuration de référence et de l’instant t considéré par la transformation φ comme suit :
x (t) = φ (X, t) (1.1)
Description eulérienne
La description eulérienne décrit le champ de vitesse V (x, t) qui associe un vecteur vitesse en tout point de la configuration actuelle. Le mouvement est défini par incrément entre la configuration à l’instant t (position x) et à t + dt (position x + V (x, t) dt).
Discrétisation spatiale
Différentes méthodes sont disponibles pour discrétiser les équations de Navier-Stokes en espace : différences finies, volumes finis, éléments finis, etc… Dans le cadre de cette thèse, les codes utilisés pour résoudre les équations de Navier-Stokes sont elsA (Cambier et al., 2013 ; elsA, 2019) et Fluent (Fluent, 2019). Ces logiciels utilisent la méthode des volumes finis. La méthode des volumes finis consiste à découper le domaine en éléments de volume (ou cellules) à l’intérieur desquels les variables représentatives de l’écoulement sont supposées constantes. Les équations peuvent, par exemple, être discrétisées sur un maillage structuré. Ce maillage est constitué de cellules hexaédriques empilées suivant trois directions topologiques (i, j, k) déduites des coordonnées physique (x, y, z). L’approche volumes finis consiste alors dans l’intégration du bilan des flux sur chacun des hexaèdres (cellules ou volumes de contrôle).
Conditions aux limites
Dans le cas d’une paroi solide dans une résolution Navier-Stokes imperméable, la condition cinématique d’adhérence est imposée :
Vf = Vp
Cette relation impose que la vitesse du fluide à la paroi Vf est égale à la vitesse de la paroi Vp. La vitesse de la paroi peut être imposée par un autre code de calcul ou par un mouvement de corps rigide (translation ou rotation). Dans le cas de paroi immobile, Vp = 0. Dans la résolution d’un problème thermique, trois conditions aux limites sont généralement utilisées à la paroi (ces conditions aux limites sont explicitées en prenant la normale à la paroi sortante du domaine fluide) :
— La condition de Dirichlet : il s’agit d’imposer un profil de température sur la paroi p.
Tp = T0
Discrétisation temporelle
Afin de suivre l’évolution de la diffusion thermique dans le solide, un schéma implicite est utilisé :
ft+∆t = ft + ( (1 − θ) ft + θ ft+∆t )∆t
Pour la résolution d’un problème thermique en régime transitoire, le logiciel Z-set utilise par défaut la méthode d’intégration « Euler arrière » (Backward Euler Method), où θ = 1. Ce schéma est inconditionnellement stable. Dans le cas d’un système non-linéaire, le système d’équation est résolu via la méthode de Newton-Raphson .
|
Table des matières
INTRODUCTION
1 résolution d’un problème d’interaction fluide-structure
1.1 Formulation
1.1.1 Description lagrangienne
1.1.2 Description eulérienne
1.1.3 Dérivée particulaire
1.2 Mécanique des fluides
1.2.1 Formulation
1.2.2 Discrétisation spatiale
1.2.3 Discrétisation temporelle
1.2.4 Conditions aux limites
1.3 Thermique du solide
1.3.1 Formulation
1.3.2 Discrétisation spatiale
1.3.3 Discrétisation temporelle
1.3.4 Conditions aux limites
1.4 Résolution des problèmes d’interaction fluide-structure
1.4.1 Approches de résolution fluide-structure
1.4.2 Algorithmes de couplage partitionnés
1.4.3 Algorithmes de couplage utilisés dans le cadre de la thèse
1.5 Conclusion
2 panorama des études de stabilité des algorithmes partitionnés pour l’aérothermique
2.1 Études de stabilité basées sur la théorie des modes normaux
2.1.1 Travaux de Giles
2.1.2 Autres principales études de stabilité basées sur la théorie du mode normal
2.2 Étude de stabilité basée sur la méthode de l’énergie
2.3 Études de stabilité basées sur une analyse matricielle du système couplé
2.4 Étude de stabilité basée sur un approche physique
2.5 Analyse de stabilité développée à l’ONERA
2.5.1 Étude de stabilité en régime permanent
2.5.2 Étude de stabilité en régime transitoire
2.6 Conclusion
3 étude du potentiel de la méthode optimale de dirichlet-robin à stabiliser un calcul de couplage aérothermique
3.1 Simplification du problème
3.2 Potentiel théorique de la méthode optimale Dirichlet-Robin à stabiliser le problème
3.2.1 Nombre de Biot numérique
3.2.2 Zones de stabilité
3.2.3 Stabilité en fonction du ratio des conductivités
3.2.4 Stabilité en fonction du ratio des conductances
3.2.5 Stabilité en fonction de la taille de la première maille fluide
3.2.6 Stabilité en fonction de la période de couplage
3.3 Cas test : Plaque plane
3.3.1 Discrétisation du domaine fluide
3.3.2 Discrétisation du domaine solide
3.3.3 Interpolation spatiale entre les maillages
3.3.4 Critère de convergence
3.4 Capacité numérique de la méthode optimale Dirichlet-Robin à stabiliser des problèmes aérothermiques
3.4.1 Interactions thermiques faibles et modérées
3.4.2 Interactions thermiques fortes
3.5 Étude de l’initialisation de la méthode
3.6 Étude de la période de couplage
3.7 Conclusion
4 développement et validation de la méthode neumann-robin pour la stabilisation des calculs aérothermiques à forte interaction thermique
CONCLUSION