Le caractère dangereux des lubrifiants (huiles moteur minérales ou synthétiques en particulier) et ses implications ont suscité le besoin croissant de contrôler sa consommation. Ces huiles lubrifiantes ont pour rôle d’empêcher la surchauffe des pièces métalliques qui entrent en contact les unes avec les autres dans un moteur à combustion interne (Recyc-Québec, 2010). Sa consommation de plus en plus croissante et l’impact nocif que peuvent avoir les lubrifiants sur la santé et l’environnement incitent la recherche sur leur mode de gestion après utilisation. Il a été noté dans les huiles usagées la présence de métaux lourds (Cadmium, Barium, Arsenic, Plomb, Zinc, Chrome…), d’acides organiques, de soufre, de phosphore, de solvants chlorés, de polychlorobiphényles (PCB), de Chlore (Cl), de Dioxyde d’Azote (NO2), d’Hydrogène Sulfuré (H2S), de phtalates, de composés halogénés et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) tels le Benzène Toluène Xylène (BTX) (Valois-Mercier, 2013, CAR/CPD, 2015). Ces composés peuvent affecter les voies respiratoires supérieures et les tissus pulmonaires avec des effets asphyxiants empêchant le transport d’oxygène ou/et des effets cancérigènes sur la prostate et les poumons (Centre d’Activités Régionales pour la Production Propre, 2000). La combustion noncontrôlée des huiles usagées peut également entraîner l’émission dans l’atmosphère de gaz contenant du chlore, du soufre, des hydrocarbures aromatiques, du plomb, et d’autres éléments, aux effets correspondants (Centre d’Activités Régionales pour la Production Propre, 2000). Il a été estimé que 5 litres d’huiles usagées brûlés polluent l’air qu’une personne respire pendant trois ans (CAR/CPD, 2015). De même, 1 litre d’huile usagée pourrait contaminer 01 million de litres d’eau (Recyc-Québec, 2008) et réduire ainsi l’oxygène du milieu aquatique nécessaire à la faune et à la flore du milieu par la production d’une pellicule empêchant la circulation de l’oxygène et la pénétration de la lumière (https://www.recyclage-huiles-minerales.fr/impact-sur-lenvironnement/, consulté le 10/02/2018). Les huiles usagées sont peu biodégradables. Elles ont une densité plus faible que l’eau (ADEME, 2014). Les sources d’eau souterraine et l’eau potable sont particulièrement à risque de pollution par les huiles usagées mal gérées (Minnesota Pollution Control Agency, 2015) ou d’intoxications par ingestion de certains animaux marins (poissons, coquillages) (ADEME, 2014). Ces huiles usagées nécessitent donc une gestion appropriée pour en faire un produit à valeur ajoutée en réduisant la quantité de l’huile rejetée, et en minorant la pollution environnementale y afférante.
Vu les risques qui peuvent être liés à une mauvaise gestion des huiles usagées, la mise en place d’un arsenal juridique fourni montre que le législateur accorde ainsi une attention toute particulière à la gestion de ces huiles (Convention de Bâle, Code de l’Environnement de 2001, Arrêté interministériel de 2007, etc.). Selon le Code de l’Environnement, l’Etat peut contraindre une entreprise à supporter de lourdes actions de dépollution (art. L91) suite à une mauvaise gestion des huiles usagées (la combustion non contrôlée, le recours à un collecteur non agréé par le ministère chargé de l’Environnement ou encore le mauvais stockage de l’huile usagée détenue, etc.). Cette recherche vise à contribuer à l’étude de la gestion des huiles usagées dans les entreprises à Dakar.
Méthodologie et zone d’étude
Cette étude a été réalisée suivant la méthode de l’étude de cas en s’appuyant sur la recherche qualitative. L’étude de cas consiste, en effet, à rapporter une situation réelle, prise dans son contexte, et à l’analyser pour découvrir comment se manifestent et évoluent les phénomènes auxquels le chercheur s’intéresse (Collerette, 1997). Elle fait partie des techniques d’analyses situationnelles (Mucchielli, 1991). Cette méthodologie se décline en plusieurs outils : la revue documentaire, la collecte des données par guide d’entretiens, la visite environnementale et le choix de l’échantillon par la méthode non aléatoire.
Recherche documentaire
La revue documentaire s’est faite essentiellement auprès des centres de documentation des établissements universitaires, de la Direction des Douanes du Sénégal, de la Direction de l’Environnement et des Etablissements Classés, du Centre Régional de la Convention de Bâle et de Stockholm et des entreprises enquêtées (documents récents de l’entreprise et archives). Nous avons aussi exploité des articles, mémoires et thèses qui ont plus ou moins abordé notre thème. Nous avons par ailleurs eu recours à internet, qui nous a permis d’accéder à des sites en vue d’approfondir nos recherches en ayant des informations récentes. Cette recherche de la documentation nous a permis d’obtenir des informations auxiliaires, mais nécessaires à la compréhension de notre sujet. Nous avons notamment pu avoir le volume, la provenance et la destination des importations et des exportations des lubrifiants pour l’année 2015 auprès de la Direction des Douanes du Sénégal (Fig.1), de même que la documentation existante en matière de gestion d’huiles moteur.
Collecte des données et outils utilisés
La collecte des données s’est faite à l’aide de plusieurs outils. Nous avons eu recours dans les quatre (04) entreprises identifiées aux outils de la recherche qualitative (des entretiens semistructurés individuels ou des focus groupe et une observation directe). Nous avons effectué des de courts stages et/ou séjours dans chacune des entreprises allant de (03 jours à 03 semaines). Avec ces outils, nous avons opté pour une démarche inductive qui consiste à travailler à partir d’observations tirées d’une ou de plusieurs situations pour graduellement formaliser les données obtenues. Ces sources d’informations nous ont permis de faire une triangulation pour avoir une véracité des informations qui nous ont été fournies. Grâce à des entretiens semi-structurés, nous avons également interviewé des directeurs, des techniciens, des mécaniciens, des responsables de service, etc. Nous avons triangulé l’information en mettant en adéquation les textes juridiques et la réalité des faits. Durant nos visites en entreprise, nous avons pu rencontrer et faire des entretiens semi-structurés individuels avec trois (03) directeurs (MM. BILLAUD et PORCEL à CFAO Motors respectivement Directeur commercial pièces et services de CFAO Motors et ancien Directeur pièces et services Toyota et, M. KOUYATE, Directeur Technique de Dakar Dem Dikk), une dizaine de responsables (notamment M. DIOP, Responsable Ateliers à Bolloré Transport & Logistics, M. THIOUNE, Responsable Qualité Hygiène Sécurité Environnement (QHSE) à Eiffage, M. DEME à Dakar Dem Dikk, Responsable du dépôt de Thiaroye) , une vingtaine de techniciens et les Chefs de la Division Pollutions et Nuisances de la DEEC et de la Division des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE), Mme SECK et M. KANE ainsi que quelques membres de sa division comme M. SARR et le Consultant Expert de cette Division qui a eu à effectuer une étude nationale sur les huiles usagées pour le compte de la DEEC et sans oublier M. SECK, Directeur du Centre Régional de la Convention de Bâle et de Stockholm pour les pays francophone d’Afrique (/AF). Ces personnes grâce leurs expériences et leurs compétences, nous ont donnés de nombreuses informations relatives au sujet. L’observation durant nos visites nous a permis de comprendre de façon pratique la manière dont sont gérées ces huiles moteur (neuves et usagées).
Choix de l’échantillon et zone d’étude
Notre échantillon a fait l’objet d’un choix non aléatoire et raisonnée suivant la méthode de recherche de l’étude de cas. L’étude de cas consiste en effet « à enquêter sur un phénomène…un groupe ou un ensemble d’individus, sélectionné de façon non aléatoire, afin d’en tirer une description précise et une interprétation qui dépasse ses bornes » (Roy, 2009). Elle, comme l’expérience, ne représente pas un échantillon, le but de l’investigateur est d’enrichir et de généraliser des théories (généralisation analytique) et non d’énumérer des fréquences (Yin, 1984). Nous avons fait des enquêtes au niveau de quatre (04) entreprises (CFAO Motors, Eiffage, Bolloré Transport & Logistics et Dakar Dem Dikk). L’étude de cas, étant une approche de recherche empirique, n’a pas besoin de multiplier des cas pour une quelconque validité. Elle permet d’analyser en profondeur des phénomènes dans leur contexte (Gagnon, 2012) en ayant recours à une rigueur tout au moins équivalente aux méthodes quantitatives de recherche. Cet échantillon a toutefois fait l’objet d’un choix raisonné ; car ces entreprises sont de grandes consommatrices de lubrifiants par leurs activités et services. En plus, certaines d’entre elles sont membres du réseau des entreprises qui ont adopté la démarche de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (ISO 26000) imposant un certain nombre de comportements durables et éthiques à tenir (par exemple, le respect des normes et lois en vigueur).
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
1. Contexte et justification
2. Objectifs de l’étude
2.1. Objectif général
2.2. Objectifs spécifiques
CHAPITRE 1 : Méthodologie et zone d’étude
1.1. Recherche documentaire
1.2. Collecte des données et outils utilisés
1.3. Choix de l’échantillon et zone d’étude
1.4. Limites de l’étude
1.5. Matériel utilisé
1.6. Traitement et analyse des données
CHAPITRE 2 : Cadre conceptuel et théorique
2.1. Cadre conceptuel
2.2. Cadre théorique : Généralités sur les huiles moteur
2.2.1. Définition et composition
2.2.2. Propriétés des lubrifiants
2.2.3. Classification et spécifications
CHAPITRE 3 : Encadrement juridique de la gestion des huiles moteur usagées
3.1. Cadre juridique international et régional
3.2. Cadre juridique national
CHAPITRE 4: Etat de lieux de la gestion des huiles usagées dans les entreprises
4.1. CFAO Motors Sénégal
4.1.1. Présentation de l’entreprise
4.1.2. Utilisation et volume de l’huile moteur
4.1.3. Perception, attitudes et comportements des acteurs
4.1.4. Situation du système de gestion
4.2. Bolloré Transport & Logistics Sénégal (BTL)
4.2.1. Présentation de l’entreprise
4.2.2. Utilisation et volume de l’huile moteur
4.2.3. Perception, attitudes et comportements des acteurs
4.2.4. Situation du système de gestion
4.3. Eiffage Sénégal
4.3.1. Présentation de l’entreprise
4.3.2. Utilisation et volume de l’huile moteur
4.3.3. Perception, attitudes et comportements des acteurs
4.3.4. Situation du système de gestion
4.4. Dakar Dem Dikk Senegal (3D)
4.4.1. Présentation de l’entreprise
4.4.2. Utilisation et volume de l’huile moteur
4.4.3. Perception, attitudes et comportements des acteurs
4.4.4. Situation du système de gestion
CHAPITRE 5 : Gestion des huiles usagées dans d’autres pays
5.1. Des restrictions de gestion semblables
5.2. Des progrès non négligeables enregistrés
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES