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Les thรฉories de la croissance รฉconomique : fondements et limites
Lโensemble des contributions sur la croissance รฉconomique peut รชtre rรฉparti suivant deux thรฉories : la thรฉorie de la croissance exogรจne encore appelรฉe thรฉorie nรฉoclassique et la thรฉorie de la croissance endogรจne. La thรฉorie de la croissance nรฉoclassique traite des causes exogรจnes de la croissance et est marquรฉe en particulier par les travaux de Solow (1956 ; 1957) et Swan (1956). Alors que, la thรฉorie de la croissance endogรจne met l’accent sur l’importance du capital humain et de la connaissance. Parmi les auteurs ayant marquรฉ trรจs tรดt cette derniรจre thรฉorie nous avons Romer (1986 ; 1987 ; 1990), Lucas (1988), Barro (1992), Howitt (1992), Mankiw, Romer et Weil (1992), Coe et Helpman (1995), et Aghion et Howitt (2006). Nous prรฉsenterons d’abord la thรฉorie de la croissance exogรจne ; ensuite il sera question de la thรฉorie de la croissance endogรจne et enfin, nous aborderons les limites des deux thรฉories.
La thรฉorie de la croissance exogรจne
La thรฉorie de la croissance exogรจne a รฉtรฉ principalement marquรฉe par les contributions de Solow (1956) et celles de Swan (1956), lesquelles รฉtaient associรฉes aux sources externes de croissance de long terme. Lโaspect clรฉ du modรจle Solow-Swan est la forme nรฉoclassique de la fonction de production, une spรฉcification qui admet des rendements dโรฉchelle constants8, une baisse des rendements de chaque input, et une รฉlasticitรฉ de substitution positive et rรฉguliรจre entre les facteurs. Cette fonction de production est combinรฉe ร une rรจgle de taux dโรฉpargne constant pour gรฉnรฉrer un modรจle dโรฉquilibre gรฉnรฉral extrรชmement simple de lโรฉconomie (Barro et Sala-i-Martin, 2004). Le produit est obtenu ร lโaide de deux facteurs de production, le capital et le travail. Et la part inexpliquรฉe de la croissance est appelรฉe le ยซ rรฉsidu ยป ou le progrรจs technique. Solow le considรจre comme รฉtant exogรจne et aboutit ร la conclusion selon laquelle, la production brute par heure travaillรฉe (aux Etats-Unis) a doublรฉ pendant lโintervalle de temps 1909-1945 avec 87,5 % de lโaugmentation attribuรฉs au progrรจs technique et les 12,5 % ร une utilisation accrue du capital. Il accepte ainsi, toutes les hypothรจses de Harrod-Domar9 exceptรฉ que les proportions sont fixรฉes (Solow, 1956 ; 1957). Donc, une des conclusions majeures de son modรจle รฉtait que les facteurs traditionnels (le capital et la main-dโลuvre) ne suffisaient pas ร expliquer les variations dans les performances de la croissance. Cโรฉtait en effet, le rรฉsidu (attribuรฉ aux effets du changement technologique) qui apparaissait comme le facteur le plus important des variations de la croissance รฉconomique (Mandy, 2005). Conformรฉment ร Solow, Gaffard (2011) affirme que le progrรจs technique est exogรจne mais incorporรฉ dans les biens dโรฉquipements : il reste constant et neutre au sens de Harrod (il est dit ยซ augmentant le travail ยป).
Dans cette thรฉorie, le capital humain et le progrรจs technique jouent un rรดle essentiel. En augmentant la productivitรฉ marginale du capital, donc son rendement, le progrรจs technique induit le processus dโaccumulation du capital et explique, en dernier ressort, toute la croissance. La R&D affecte le degrรฉ de progrรจs technique, mais elle nโest pas au cลur du mรฉcanisme de croissance dans lโapproche nรฉoclassique. Cโest en outre la croissance de la R&D (et non pas le niveau des dรฉpenses de R&D) qui va affecter les gains de productivitรฉ. Il y a beaucoup plus de recherches fondamentales faites dans les universitรฉs et instituts gouvernementaux que dans les industries, mais il est impossible dโestimer ses effets indรฉpendants sur la productivitรฉ (Griliches, 1979). La R&D rรฉalisรฉe ร travers (en particulier) la recherche universitaire et technologique, accroรฎt le capital humain. Nรฉanmoins, la variable pertinente est le ยซ stock de connaissances ยป. Il comprend lโexpรฉrience et la formation, qui ne passent pas nรฉcessairement par des dรฉpenses de R&D10.
L’innovation : typologie et approches
Dรฉfinition de l’innovation
L’innovation est un processus complexe qui mรฉrite d’รชtre รฉclairรฉ afin de mieux l’apprรฉhender. Quand il s’agit de dรฉfinir l’innovation, l’une des dรฉfinitions les plus complรจtes est sans doute celle fournit par Joseph Schumpeter. Il fut lโun des nombreux auteurs ร avoir rรฉalisรฉ des travaux qui vont dans ce sens. Par consรฉquent, partir de sa dรฉfinition de lโinnovation semble incontournable. Il considรจre que lโinnovation est un processus caractรฉrisรฉ par le phรฉnomรจne de ยซย destruction-crรฉatriceย ยป dont les entrepreneurs sont les principaux acteurs. Autrement dit, les nouvelles innovations rendent obsolรจtes les premiรจres, et dรฉtruisent les profits occasionnรฉs par ces derniรจres pour en crรฉer dโautres plus importants. En effet, lโouverture de nouveaux marchรฉs, extรฉrieur et domestique, et le dรฉveloppement organisationnel de lโatelier de mรฉtier ou de lโusine […], incessamment rรฉvolutionne la structure รฉconomique de lโintรฉrieur, en dรฉtruit lโancienne et en crรฉรฉe une nouvelle. Ce processus de destruction-crรฉatrice est le fait essentiel du capitalisme. Il est en quoi le capitalisme consiste et en quoi chaque entreprise capitaliste doit y survivre. Nous devons juger ses performances dans le temps, comme il se dรฉroule pendant des dรฉcennies ou des siรจcles. Le problรจme qui est dโhabitude en train dโรชtre traitรฉ est comment le capitalisme administre les structures existantes alors que le problรจme pertinent est comment il les dรฉtruit et les crรฉe. Finalement, dans la rรฉalitรฉ capitaliste, ce nโest pas la concurrence par les prix qui compte mais la concurrence ร partir dโun nouveau produit, dโune nouvelle technologie, dโune nouvelle source dโapprovisionnement, dโune nouvelle mรฉthode dโorganisation. Une concurrence qui commande un coรปt dรฉcisif ou un avantage et qui conclut non aux marges de profits et de production des firmes mais ร leurs fondations et ร leurs vies. La fonction des entrepreneurs est de rรฉformer ou de rรฉvolutionner le brevet de production en exploitant une invention ou, plus gรฉnรฉralement, une possibilitรฉ technologique inexploitรฉe pour produire un nouveau produit ou produire un ancien produit dโune nouvelle maniรจre (un produit amรฉliorรฉ). Elle consiste aussi ร ouvrir une nouvelle source dโapprovisionnement en matรฉriels ou une nouvelle issue pour les produits, ร rรฉorganiser une industrie et ainsi de suite (Schumpeter, 1976). Schumpeter fournit donc, dโune part, une distinction entre lโinnovation radicale et celle incrรฉmentale, et dโautre part, une distinction entre lโinnovation de produit, de procรฉdรฉ, de commercialisation et dโorganisation. Sa dรฉfinition est donc en conformitรฉ avec celle donnรฉe dans le Manuel dโOslo (2005).
Le concept d’innovation retenu dans le manuel d’Oslo (2005) se rapporte aux changements caractรฉrisรฉs par les รฉlรฉments suivants :
– l’incertitude quant aux activitรฉs d’innovation ;
– l’investissement qui peut รชtre matรฉriel ou immatรฉriel ;
– les retombรฉes, ou encore prendre d’autres formes (salaires ou achats d’รฉquipements ou de services) ;
– l’utilisation d’un nouveau savoir ou une nouvelle utilisation ou combinaison de savoirs existants;
– la performance de la firme par un avantage concurrentiel (ou en prรฉservant sa compรฉtitivitรฉ).
Le manuel dโOslo en plus de faire la distinction entre lโinnovation radicale et lโinnovation incrรฉmentale, dรฉfinit quatre types dโinnovations : lโinnovation de produit, lโinnovation de procรฉdรฉ, lโinnovation de commercialisation et lโinnovation dโorganisation.
โข Innovation de produit
Elle correspond ร lโintroduction dโun bien ou dโun service nouveau ou sensiblement amรฉliorรฉ sur le plan de ses caractรฉristiques ou de lโusage auquel il est destinรฉ. Cette dรฉfinition inclut les amรฉliorations sensibles des spรฉcifications techniques, des composants et des matiรจres, du logiciel intรฉgrรฉ, de la convivialitรฉ ou autres caractรฉristiques fonctionnelles14. Les innovations de produit sont cependant souvent associรฉes ร la R&D. Dans la plupart des pays, plus de la moitiรฉ des entreprises se livrant ร des innovations de ce type ont รฉgalement des activitรฉs de R&D. Nรฉanmoins, il est montrรฉ que plus des deux tiers (66%) des innovateurs de produit, en Nouvelle-Zรฉlande et aux Etats-Unis, et plus de 90% au Chili et au Brรฉsil, ne font pas de R&D15.
โข Innovation de procรฉdรฉ
Lโinnovation de procรฉdรฉ est la mise en ลuvre dโune mรฉthode de production ou de distribution nouvelle ou sensiblement amรฉliorรฉe. Cette notion implique des changements significatifs dans les techniques, le matรฉriel et/ou le logiciel.
โข Innovation de commercialisation
Lโinnovation de commercialisation est la mise en ลuvre dโune nouvelle mรฉthode de commercialisation impliquant des changements significatifs de la conception ou du conditionnement, du placement, de la promotion ou de la tarification dโun produit.
โข Innovation dโorganisation
Lโinnovation dโorganisation est la mise en ลuvre dโune nouvelle mรฉthode organisationnelle dans les pratiques, lโorganisation du lieu de travail ou les relations extรฉrieures de la firme16.
Prรฉcisons que lโinnovation technologique concerne les innovations de produits et de procรฉdรฉs. Et, elle est dรฉfinie par Schilling et Thรฉrin (2006) comme รฉtant ยซ Le fait de lancer un nouvel appareil, une nouvelle mรฉthode ou un nouveau matรฉriel pour des applications ayant des objectifs commerciaux ou pratiques ยป. Dโautres diffรฉrenciations sont aussi proposรฉes dans la littรฉrature.
Approche de liaison en chaรฎne de lโinnovation
Ce modรจle introduit par Rothwell et Zegveld (1982) combine les modรจles du technology push et du demand pull. Dans le cadre de ce modรจle, il y a donc des effets de feed-back entre la logique de lโoffre, dรฉterminรฉe par la technologie, et la logique de la demande, impulsรฉe par les consommateurs (Badillo, 2013). La contribution de Kline et Rosenberg (1986) dans la modรฉlisation du processus de lโinnovation occupe cependant, une place importante dans la thรฉorie รฉvolutionniste et constitue une critique du modรจle linรฉaire de lโinnovation. En effet, les modรจles dits ยซ interactifs ยป ont remplacรฉ le modรจle prรฉcรฉdent dit ยซ modรจle linรฉaire ยป, afin de mettre lโaccent sur le rรดle de la conception industrielle et sur les relations entre les phases aval (liรฉes au marchรฉ) et les phases amont (liรฉes ร la technologie) de lโinnovation. Ils insistent aussi sur les nombreuses interactions entre la science, la technologie et les activitรฉs industrielles et commerciales du processus dโinnovation. Dans ce modรจle, lโinnovation nโest pas une succession de phases isolรฉes mais un aller-retour permanent entre des possibilitรฉs (offertes par la technologie ou le marchรฉ), des moyens et des stratรฉgies (Boyer et Didier, 1998). Le modรจle proposรฉ par Kline et Rosenberg (1986) repose donc sur lโexistence de boucles de retour entre les diffรฉrentes รฉtapes du processus dโinnovation. Cette caractรฉristique relativement rรฉcente du concept dโinnovation est aujourdโhui couramment admise, mais nรฉcessite dโรชtre complรฉtรฉe (Sander, 2005). Ces auteurs soulignent lโimportance des rรฉtroactions entre les diffรฉrentes รฉtapes du processus dโinnovation. En outre, ce schรฉma dynamique dรฉbute dโabord par la conception dโun produit, se poursuit par le dรฉveloppement, la production, la distribution et la mise en marchรฉ. Cette chaรฎne centrale reprend selon Wolff (2010), les principales รฉtapes du schรฉma traditionnel dit du ยซ pipeline22ยป. Les auteurs ont ensuite pris en compte un certain nombre de feedback, plus ou moins longs, entre chacune des รฉtapes du processus dโinnovation : des feedback courts, entre les phases successives de la chaรฎne centrale, et des feedback longs reliant les besoins exprimรฉs par le marchรฉ avec les phases ยซ amont ยป de la chaรฎne centrale dโinnovation. Enfin, Kline et Rosenberg ont mis en รฉvidence trois autres types de relations imbriquรฉes entre la recherche scientifique, la connaissance et le processus dโinnovation. Il sโagit de liaisons directes et indirectes entre invention, conception et production avec la connaissance et la recherche scientifique (Djellal et Gallouj, 2000 ; Goddard et Puukka, 2008 ; Wolff, 2010). Ce processus interactif est illustrรฉ par le schรฉma ci-dessous (figure nยฐ3).
Le financement de l’innovation
Le financement de l’innovation constitue un enjeu majeur ร la fois thรฉorique et pratique. Une partie considรฉrable de la thรฉorie รฉconomique considรจre aujourd’hui que le systรจme de financement a une place dรฉterminante dans l’รฉvolution des รฉconomies. La mise en place de nouveaux projets demande des investissements considรฉrables et un temps d’amortissement relativement long. Et du point de vue de la viabilitรฉ de l’รฉvolution รฉconomique et pour une plus grande efficacitรฉ des innovations, il convient de diversifier les sources et modalitรฉs de financement et de couverture contre les risques et d’envisager de nouvelles structures de financement tant publiques que privรฉes (Ulgen, 2007). Nous รฉtudierons d’abord, les spรฉcificitรฉs du financement de l’innovation ; ensuite les politiques de financement de l’innovation et enfin, l’innovation dans les pays dรฉveloppรฉs et en dรฉveloppement.
Spรฉcificitรฉs du financement de l’innovation
Une relative confusion est entretenue dans les diffรฉrentes รฉtudes sur le sens du terme financement selon Fremann et Strauss-Kahn (2002). Dans certains cas, on lโinterprรจte comme le type ou les caractรฉristiques de financement (bancaire, marchรฉs financiers, financement propre, etc.) ; dans dโautres, il signifie lโobjet du financement (investissements immatรฉriels, รฉquipements, etc.).
โข Les types de financement
A ce niveau, nous prรฉsenterons trois types de financement principalement : le financement bancaire, le capital-risque et le financement par le biais de la bourse.
โข Le financement bancaire
Les actifs immatรฉriels รฉtant spรฉcifiques et non rรฉcupรฉrables, leur valeur liquidative est incertaine ; ils ne peuvent donc constituer des garanties tangibles (les ยซ collatรฉraux ยป). Or le banquier a besoin de se protรฉger contre le risque par des prises de garanties. Le rendement des investissements immatรฉriels รฉtant alรฉatoire, les entreprises ne peuvent sโengager ร honorer la charge de leur dette bancaire sur la base dโรฉchรฉances fixรฉes ร lโavance, comme cโest le cas pour les crรฉdits traditionnels.
โข Le capital-risque
Les difficultรฉs rencontrรฉes par la finance bancaire traditionnelle face aux actifs immatรฉriels ont suscitรฉ des innovations financiรจres dont le ยซ capital-risque ยป est certainement lโune des plus exemplaires. Il sโagit dโun instrument destinรฉ ร financer lโinnovation des jeunes entreprises innovantes de haute technologie (JEHIT), souvent appelรฉes start-up ou ยซ jeunes pousses ยป. Le capital-risque ou venture capital est nรฉ aux รtats-Unis dans les annรฉes 1940 dans la fameuse Silicon Valley oรน il sโest considรฉrablement dรฉveloppรฉ au moment de la phase de la ยซ nouvelle รฉconomie ยป dans les annรฉes 1980-1990. […] le capital-risque est un instrument original qui consiste en un apport en fonds propres, gรฉnรฉralement par une prise de participation, sur plusieurs annรฉes (3 ร 5 ans en moyenne).
โข La bourse
Le rรดle stratรฉgique de la Bourse est de constituer un instrument de lutte contre lโincertitude des rendements et de la valeur des entreprises, ce qui est vital pour lโรฉconomie des connaissances et de lโimmatรฉriel. La bourse permet de rรฉsoudre ce problรจme dit de ยซ lโirrรฉversibilitรฉ ยป des investissements en capital productif, en rendant disponibles ร tout moment, et donc liquides, les titres dont elle organise les รฉchanges. Ce rรดle de la Bourse face ร lโincertitude est absolument essentiel dans le capitalisme contemporain. Il permet aux entrepreneurs de trouver des investisseurs qui acceptent de prendre des risques, car ces derniers savent quโils pourront sโen protรฉger grรขce ร la liquiditรฉ du marchรฉ (Ulgen, 2007).
โข L’objet du financement
Il y a peu de projets d’innovation qui ne soient pas imprรฉgnรฉs d’incertitude sur le futur. Il semble donc judicieux de considรฉrer le financement de l’innovation comme le financement d’une incertitude plus ou moins grande en fonction du type et de l’intensitรฉ des projets et de l’รฉvolution des marchรฉs. Ainsi, deux niveaux de risques dans les opรฉrations d’innovations peuvent รชtre relevรฉs. Le risque spรฉcifique aux activitรฉs d’innovations qui, dรฉfinies au sens large de Schumpeter, sont des tentatives d’aller au-delร des structures รฉtablies. De ce fait, le financement de l’innovation n’a pas les mรชmes caractรฉristiques et ne comporte pas les mรชmes risques que le financement rรฉgulier d’une activitรฉ routiniรจre. Le risque de dรฉfaut s’en trouve augmenter de par la nature innovante des projets mais aussi le risque de liquiditรฉ imprรจgne les engagements dans la mesure oรน l’innovation est en gรฉnรฉral un projet dont les rรฉsultats ne peuvent รชtre observรฉs qu’ร moyen/long termes. L’analyse du financement de l’innovation doit partir de l’hypothรจse que les anticipations que les agents formulent sur le rendement et le risque pertinents des projets ร financer sont fondรฉes sur des informations hรฉtรฉrogรจnes et asymรฉtriques Ulgen (2007).
Les investissements en actifs immatรฉriels sont, en premier lieu, des investissements irrรฉcupรฉrables au sens oรน il nโexiste gรฉnรฉralement pas de marchรฉ de lโoccasion pour les actifs immatรฉriels : les dรฉpenses de publicitรฉ ou pour รฉlaborer des logiciels sont propres ร une entreprise et ne peuvent donc รชtre revendus ร une autre entreprise. En dโautres termes, les investissements immatรฉriels sont le plus souvent des dรฉpenses dรฉdiรฉes ร un produit donnรฉ qui ne pourront รชtre rรฉcupรฉrรฉs sur un autre projet.
Une deuxiรจme caractรฉristique du capital immatรฉriel est que son coรปt de reproduction est nรฉgligeable, ce qui donne un ยซ effet de levier ยป ร ces investissements ยซ ร fonds perdus ยป. Cette propriรฉtรฉ provient de ce que les investissements immatรฉriels correspondent gรฉnรฉralement ร des coรปts fixes, cโest-ร -dire que leur montant ne varie pas avec la quantitรฉ produite et que le coรปt marginal est proche de zรฉro. Le coรปt de revient ne dรฉpend que du coรปt de distribution. Le prix de chaque unitรฉ supplรฉmentaire vendue reprรฉsente donc un profit net. Il y a donc, dans ce cas, un ยซ effet de levier ยป considรฉrable, en cas de rรฉussite de lโinvestissement. Dโautant que, sโagissant de biens immatรฉriels, il nโy a pas de limite physique ร leur reproduction car les รฉquipements et matรฉriaux nรฉcessaires ร la production ont peu de chances dโรชtre saturรฉs. Lโoffre dรฉpend exclusivement de la force de vente, dโoรน lโimportance stratรฉgique prise par le marketing. Enfin de compte, les investissements immatรฉriels obรฉissent ร une logique du ยซ tout ou rien ยป. Sโils รฉchouent, ils sont intรฉgralement perdus car ils sont irrรฉcupรฉrables ; sโils rรฉussissent, les profits peuvent รชtre considรฉrables grรขce ร un effet de levier important. Lโun des dรฉfis majeurs auxquels sont confrontรฉes les entreprises dans lโรฉconomie du savoir et de lโimmatรฉriel est de trouver des financements pour ces investissements dont le rendement potentiel est รฉlevรฉ mais incertain (Mouhoud et Plihon, 2007).
Pour Fremann et Strauss-Kahn (2002), deux besoins de financement liรฉs entre eux sont ร lโorigine de lโendettement croissant des opรฉrateurs de tรฉlรฉcommunications : lโacquisition des licences de tรฉlรฉphonie mobile de troisiรจme gรฉnรฉration et les investissements dโinfrastructure pour mettre en place le rรฉseau correspondant. Ces financements prรฉsentent cependant, un certain nombre de caractรฉristiques lorsqu’il s’agit d’un projet innovant. Ainsi, Fremann et Strauss-Kahn en ont rรฉpertoriรฉ trois.
La premiรจre et la principale spรฉcificitรฉ rรฉside dans la rentabilitรฉ extrรชmement incertaine des investissements. Par exemple, pour les licences UMTS (Universal Mobile Telecommunication System) des rรฉseaux de tรฉlรฉphonie mobile de troisiรจme gรฉnรฉration, les dรฉcisions en matiรจre dโinvestissement sont fondรฉes sur des estimations de croissance dโun marchรฉ qui peuvent sโavรฉrer trop optimistes.
La deuxiรจme caractรฉristique du financement de lโinnovation est lโexistence de coรปts fixes รฉlevรฉs. Les licences UMTS et le coรปt de la mise en place des rรฉseaux et infrastructures correspondants constituent un bon exemple de coรปts supportรฉs par les entreprises de la ยซย nouvelle รฉconomieย ยป. Non seulement ces coรปts fixes sont รฉlevรฉs, mais ils peuvent รชtre en majoritรฉ irrรฉcupรฉrables (sunk costs) si les anticipations de dรฉveloppement du marchรฉ ne se rรฉalisent pas. ร lโinverse, les coรปts variables sont comparativement faibles.
Enfin, une troisiรจme caractรฉristique est lโasymรฉtrie dโinformation qui constitue, en effet, une caractรฉristique essentielle du financement de lโinnovation. Le problรจme de lโasymรฉtrie dโinformation rรฉsulte du fait que lโinnovation constitue un actif stratรฉgique que lโentreprise doit protรฉger pour engranger les bรฉnรฉfices futurs procurรฉs par les recherches en cours. Dรจs lors, limiter la diffusion de lโinformation constitue une stratรฉgie raisonnable de la part dโune entreprise soucieuse de conserver le contrรดle de ses droits de propriรฉtรฉ.
Tous ces facteurs justifient la nรฉcessitรฉ du recours ร un systรจme de protection. En effet, un investissement de long terme sous des conditions changeant rapidement, spรฉcialement sous des conditions qui changent ou peuvent changer ร tout moment sous lโimpact de nouveaux produits et de nouvelles technologies, est comme tirer sur une cible qui nโest pas seulement distincte mais en mouvement (et bougeant rapidement). Dโoรน, il devient nรฉcessaire de faire recours ร un dispositif de protection comme les brevets ou un secret temporaire des procรฉdรฉs ou, dans certains cas, les contrats de longue durรฉe dโavance (Schumpeter, 1976).
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Table des matiรจres
Introduction gรฉnรฉrale
CHAPITRE I : THEORIES DE LA CROISSANCE ECONOMIQUE ET INNOVATION
Introduction du premier chapitre
I- Les thรฉories de la croissance รฉconomique : fondements et limites
II- Lโinnovation : typologie et approches
III- Le financement de lโinnovation
Conclusion du premier chapitre
CHAPITRE II : LES EFFETS DE LA LIBERALISATION SUR LES INVESTISSEMENTS DES TELECOMMUNICATIONS DE LA CEDEAO
Introduction du deuxiรจme chapitre
I- Etat des lieux du secteur des tรฉlรฉcommunications dans la CEDEAO
II- Enjeux de la libรฉralisation-privatisation des tรฉlรฉcommunications
III- Analyse empirique des dรฉterminants de lโinvestissement dans les tรฉlรฉcommunications
Conclusion du deuxiรจme chapitre
CHAPITRE III : ETUDE EMPIRIQUE DE LA DYNAMIQUE DES INNOVATIONS AU SEIN DES ENTREPRISES DE TELECOMMUNICATIONS
Introduction du troisiรจme chapitre
I- Financement des tรฉlรฉcommunications de la CEDEAO
II- Lโinnovation dans les tรฉlรฉcommunications
III- Analyse empirique de la dynamique des innovations dans les tรฉlรฉcommunications de la CEDEAO
Conclusion du troisiรจme chapitre
Conclusion gรฉnรฉrale
Bibliographie
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