Etude écologique de la macrofaune du sol dans une savane sahélienne

Le Sahel est une zone d’activité agropastorale avec une population fortement tributaire de l’élevage et de l’agriculture. Cette dernière constitue la première activité et occupe plus de 80% de la population régionale (Anonyme, 2011). Cependant, elle se trouve menacée par une dégradation des sols liée à l’avancée du désert à la déforestation mais aussi aux changements climatiques. En effet, cette dégradation des sols entraîne une perte de la biodiversité alors que celle-ci ne représente plus seulement un patrimoine, mais une inestimable source de principes actifs pour la médecine (Dobson, 1995), une source de revenus pour les entreprises d’écotourisme (Chapin et al., 2000). Au delà des profits immédiats qu’elle peut apporter, la biodiversité est dorénavant aussi considérée comme un facteur déterminant des processus écosystémiques et des services qu’elle rend à l’humanité (Mathieu, 2004). Ainsi, parmi ces services la macrofaune du sol y joue un rôle important car son abondance est signe de fertilité (Lavelle et al., 1991 ; Haynes et al., 2003 ; Birang et al., 2003) et sa perte entraîne la dégradation des sols (Lavelle et al., 1992). Par ailleurs, Mando (1998), Mando et al. (1997), Byers et al. (2006) ont démontré la possibilité de restaurer les écosystèmes dégradés par manipulation des ingénieurs du sol. La macrofaune du sol constitue la composante la plus importante de la faune du sol en climats tropicaux (Swift et al., 1979) en particulier dans les zones semi-arides (Lavelle et al., 1994). Elle comporte une multitude d’espèces et remplit au sein des écosystèmes des fonctions essentielles pour le maintien de la qualité des sols. Parmi ces fonctions on peut citer la dégradation et l’humification des litières mais aussi la régulation des populations de microorganismes responsables des processus de minéralisation et d’humification (Lavelle, 1997).

La décomposition des litières, en particulier la bouse de bovin qui est jusqu’ à présent le fumier le plus utilisé pour l’amélioration des rendements dans les systèmes agro-pastoraux sahéliens, est assurée par la faune du sol dans les zones semi arides. Plusieurs études ont montré que la bouse à l’état frais est consommée par les Diptères et surtout les Scarabeidae bousiers (Aguesse & Bigot, 1980 ; Haloti et al., 2006 ; Floate, 2011). Toutefois, l’activité de ces insectes coprophages est influencée par les saisons (Mittal & Kaddar, 2005 ; Davis, 1995). Ils ne sont pleinement actifs que pendant la saison des pluies (Davis, 1996) qui dure environ 2 à 3 mois dans le sahel. La bouse produite durant le reste de l’année s’assèche rapidement du fait de l’aridité du climat et persiste longtemps en surface (Devineau, 1999). Cette bouse sèche est consommée par une autre catégorie de faune beaucoup plus efficace que les bousiers dans la dégradation. Il ressort de travaux réalisés qu’elle est consommée essentiellement par les Termites dont les Macrotermitinae au Niger (Esse et al., 2001), au Burkina Faso par les Trinervitermes et surtout les Macrotermes (Ouédraogo et al., 2004) et au Sénégal dans la région de Thiès par Macrotermes et Odontotermes (Rouland et al., 2003).

GENERALITES SUR LE SOL, LA FAUNE DU SOL ET LA MACROFAUNE DU SOL

LE SOL

Selon Gobat et al. (2010), les définitions du sol évoluent dans l’histoire de la pédologie, chacune est le reflet d’une école de pensée correspondant à un objectif particulier ou s’adressant à des utilisateurs différents. D’après Girard et al. (2005), les sols résultent de l’altération, du remaniement et de l’organisation des couches superficielles des continents sous l’action des organismes vivants, de l’hydrosphère, de l’atmosphère et des échanges de matières et d’énergie qui s’y manifestent. D’un point de vue fonctionnel, c’est un système écologique dynamique comprenant des constituants inertes et des êtres vivants (Gobat et al., 2010).

Les constituants du sol

Les constituants inertes
Ils sont constitués par les matières minérales, les matières organiques, les solutions et les gaz.

❖ Les matières minérales : c’est la fraction la plus importante en pourcentage de la phase solide du sol. Elles sont constituées par une portion grossière ou moyenne et une portion fine (Gaucher, 1968). La portion grossière est composée de minéraux primaires comme le quartz, les feldspaths et les micas hérités de la roche mère. La portion fine comprend les minéraux secondaires comme les argiles et les oxydes libres.
❖ les matières organiques comprennent selon l’état d’après Gobat et al. (2010) :
➤ la matière organique fraîche ou litière est la première catégorie de la matière organique. Elle comprend, au sens large, l’ensemble des matières organiques d’origine biologique à différents stades de décomposition. Elle compte les organismes et les parties d’entre eux qui viennent de mourir et qui en sont détachés, qu’il soit végétaux, animaux ou microbiens, aériens ou souterrains ainsi que les excréments des animaux et différents composés émis directement dans le milieu (Berg & McClaugherty, 2003). Le terme litière ne concerne, dans un sens strict mais plus habituel, que les débris végétaux tombés sur le sol tels que les feuilles, les brindilles et les fruits formant l’horizon OL (horizon humifère correspondant à la litière).
➤ les macromolécules héritées ou humifiées comprennent celles héritées directement des débris organiques (la cellulose, la lignine, les protéines et les lipides) tandis que d’autres sont synthétisées dans le sol à la suite de processus chimiques et biochimiques (composés aromatiques et des macromolécules très stables formant une partie de l’humine).
➤ les matières organiques héritées provenant des éléments de la matière végétale sèche. Les molécules formées sont les glucides, les lignines, les lipides et les composés azotés dont leurs proportions varient selon les types de litière.
➤ les matières organiques humifiées comprennent, en fonction de leur masse moléculaire, les acides hymatomélaniques (polycondensats de quelques noyaux aromatiques, bitumes), les acides fulviques de couleur jaune et l’humine.
❖ La solution du sol ou phase liquide : la présence de l’eau dans le sol a une importance capitale. Elle intervient dans la nutrition des plantes, dans le développement de la faune du sol et constitue aussi l’un des principaux facteurs de la pédogenèse. La teneur globale en eau d’un sol est soumise à des changements très rapides qui dépendent des précipitations, de l’évapotranspiration et des remontées capillaires.
❖ L’atmosphère du sol ou phase gazeuse : les gaz sont dans les sols sous formes libres et sous formes dissoutes. L’oxygène et le dioxyde de carbone jouent un rôle important dans les échanges gazeux régnant dans le sol. Ils occupent les pores abandonnés par l’eau lors de son retrait. L’oxygène conditionne la respiration des racines, des organismes du sol et intervient également dans les réactions d’oxydoréductions. Le dioxyde de carbone est le résultant de l’activité des organismes autotrophes. Les fluctuations saisonnières liées à l’activité biologique modifient la composition de l’air du sol. La teneur en eau, la texture et la structure influent sur sa teneur.

Les êtres vivants et leurs Actions 

Ils sont constitués par la microflore et la faune du sol. Quantitativement leurs biomasse et nombre sont remarquables .

❖ La microflore : d’après Gobat et al. (2010), c’est un terme très élastique. Un représentant de la microflore peut être caractérisé par sa petite taille et, souvent, son manque d’expression morphologique. Elle constitue l’ensemble des organismes microscopiques dont l’observation directe ne fournit que peu, voire aucune information sur l’identité et la fonction. Des méthodes culturales ou moléculaires permettent de les observer, les identifier et caractériser leurs fonctions. Quatre groupes ont été reconnus dans les sols : les bactéries, les champignons, les algues microscopiques et les protozoaires. Cette microflore exerce l’essentiel de la transformation biochimique de la matière organique du sol en particulier les bactéries. Ces dernières jouent un rôle vital dans la formation et l’évolution des sols par leurs fonctions biogéochimiques telles que la minéralisation de la matière organique, l’oxydation des composés inorganiques réduits, la réduction anaérobie de composés inorganiques oxydés, la solubilisation ou la précipitation de minéraux, sans oublier la transformation de certains composants organiques en humine.
❖ La faune du sol : En déplorant la faiblesse des connaissances sur les animaux du sol, elle a été qualifiée comme « The other last biotic frontier » par André et al. (1994). Elle est très diversifiée, très abondant (Bachelier, 1978). Les animaux du sol sont des acteurs essentiels de tous les sols du monde comme les macroarthropodes des litières tempérées, les Termites des sols tropicaux, les microarthropodes des sols tourbeux et les vers de terre sous tous les climats (Gobat et al., 2010). Cependant, sa proportion change en fonction de la température du lieu, ainsi la microfaune est dominante en climats froid et frais, la mésofaune en climats tempérés et la macrofaune en climats tropicaux (Swift et al., 1979).

Faune du sol 

Classification

La faune du sol est représentée par de nombreux taxons comprenant eux mêmes des centaines, voire des milliers d’espèces (Bachelier, 1978). Cette diversité taxonomique a amené depuis longtemps les auteurs à adopter diverses classifications biologiques et écologiques (Bachelier, 1963 ; Gobat et al., 2010). Ainsi la classification est souvent basée sur différents critères tels que le temps passé dans le sol, la taille, les habitats préférentiels, (Bachelier, 1978 ; Girard et al., 2005), mais aussi le régime alimentaire, les adaptations morphologiques, le mode de progression et leur stratification (Gobat et al., 2010).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : GENERALITES SUR LE SOL, LA FAUNE DU SOL ET LA MACROFAUNE DU SOL
I. 1. Le sol
I. 1. 1. Les constituants du sol
I. 1. 1. 1. Les constituants inertes
I. 1. 1. 2. Les êtres vivants et leurs Actions
I. 1. 2. Faune du sol
I. 1. 2. 1. Classification
I. 1. 2. 1. 1. Classification selon la taille
I. 1. 2. 1. 2. Classification selon le temps passé dans le sol
I. 1. 2. 1. 3. Classification selon la localisation de la source de nourriture
I. 1. 2. 1. 4. Classification selon le mode de progression
I. 1. 2. 1. 5. Classification selon une approche fonctionnelle
I. 1. 2. 2. Rôle essentiel de la faune du sol
I. 1. 2. 2. 1. Rôles physiques
I. 1. 2. 2. 2. Effets chimiques
I. 1. 2. 2. 3. Interactions entre êtres vivants
I. 2. La macrofaune du sol
I.2. 1. Les ingénieurs du sol et leurs actions
I. 2. 1. 1. Termites
I. 2. 1. 2. Fourmis
I. 2. 1. 3. Oligochètes
I. 2. 2. Autres composants de la macrofaune du sol
I. 2. 2. 1. Arachnides
I. 2. 2. 2. Myriapodes
I. 2. 2. 3. Coléoptères
CHAPITRE II : GENERALITES SUR LA BOUSE DE BOVIN
II. 1. Origine et Composition chimique de la bouse de bovin
II. 2. Faune de la bouse fraîche et sa consommation
II. 3. Modes d’utilisation
CHAPITRE III. : MATERIELS ET METHODES
III. 1. Cadre géographique
III. 1. 1. Situation géographique
III. 1. 1. 1. Localisation
III. 1. 1. 2. Géomorphologie
III. 1. 1. 3. Sous sol et sol
III. 1. 2. Végétation
III. 1. 3. Climat
III. 1. 3. 1. Pluviométrie
III. 1. 3. 2. Température et humidité relative
III. 1. 4. Activités anthropiques
III. 2. Méthodes d’études
III. 2.1. Caractérisations des biotopes étudiés
III. 2. 2. Méthode d’étude de la macrofaune du sol
III. 2. 2. 1. Travaux de terrain
III. 2. 2. 1. 1. Echantillonnage de la macrofaune endogée
III. 2. 2. 1. 1. 1. Echantillonnage en milieu naturel
III. 2. 2. 1. 1. 2. Echantillonnage dans les Champs
III. 2. 2. 1. 2 Echantillonnage de la macrofaune épigée
III. 2. 2. 2. Travaux de laboratoire
III. 2. 3. Méthodes d’études de décomposition de la bouse de bovin sèche
III. 2. 3. 1. Protocole expérimental
III. 2. 3. 2. Relevés de la Macrofaune
III. 3. Traitement des données
III. 3. 1 Evaluation de l’abondance, de la densité et de la biomasse
III. 3. 2 Evaluation de la masse perdue de bouse
III. 3. 3. Analyses statistiques
III. 3. 3. 1. Analyse statistique univarié
III. 3. 3. 2. Analyse statistique multivariée
CHAPITRE IV : RESULTATS
IV. 1. Etude du peuplement de la macrofaune du sol dans les différents biotopes
IV. 1. 1. Composition taxonomique et abondance
IV. 1. 1. 1. Effectif de la macrofaune du sol
IV. 1. 1. 2. Composition et diversité selon les sites
IV. 1. 1. 3. Influence du type de sol et l’état cultivé ou non
IV. 1. 2. Etude de la densité et de la biomasse
IV. 1. 2. 1. Densité de la macrofaune du sol dans les biotopes
IV. 1. 2. 1. 1. Comparaison des densités entre biotopes
IV. 1. 2. 1. 2 Analyse des correspondances multiples de la densité selon les biotopes
IV. 1. 2. 2. Biomasse de la macrofaune du sol dans les biotopes
IV. 1. 2. 2. 1. Comparaison des biomasses entre biotopes
IV. 1. 2. 2. 2 Analyse des correspondances multiples de la biomasse selon les biotopes
IV. 1. 3. Répartition verticale de la macrofaune du sol
IV. 1. 3. 1. Répartition verticale globale de la densité dans les différents biotopes
IV. 1. 3. 2. Répartition taxonomique de la densité dans les différents biotopes
IV. 1. 3. 3. Répartition verticale globale de la biomasse dans les différents biotopes
IV. 1. 3. 4. Répartition taxonomique de la biomasse dans les différents biotopes
IV. 1. 3. 5. Analyse des correspondances multiples sur la répartition verticale des densités
IV. 1. 3. 6. Analyse des correspondances multiples de la répartition verticale des biomasses
IV. 1. 4. Etude des groupes fonctionnels
IV. 1. 4. 1. Structure et abondance des groupes fonctionnels
IV. 1. 4. 2. Densités des groupes fonctionnels par biotope
IV. 1. 4. 3. Composition et densité par biotope
IV. 2. Action de macrofaune du sol sur la décomposition de la bouse de bovin sèche
IV. 2. 1. Etude de la macrofaune consommatrice de bouse sèche
IV. 2. 1. 1. Composition taxonomique et effectif
IV. 2. 1. 2. Les espèces identifiées
IV. 2. 1. 3. Répartition des espèces consommatrice selon les biotopes
IV. 2. 1. 4. Fréquence des espèces consommatrices
IV. 2. 2. Influence des saisons, de la profondeur et contribution sur la perte de masse
IV. 2. 2. 1. Effet des saisons et des biotopes
IV. 2. 2. 1. 1. Evolution de la perte de masse de bouse au cours de l’année dans les différents biotopes
IV. 2. 2. 1. 2. Comparaison des pertes de masse en fonction des mailles
IV.2. 2. 1. 3.Comparaison des pertes de masse de bouse dans les différents biotopes
IV. 2. 2. 2. Effet de l’enfouissement sur la perte de masse dans les différents biotopes
IV. 2. 2. 3. Contribution de la faune sur la perte de masse selon le biotope et la saison
CHAPITRE V: DISCUSSION
Discussion
CONCLUSION

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