Effet de la microstructure sur les propriétés mécaniques des fibres
Beckermann et Pickering (2008) ont constaté sur des fibres de chanvre traitées chimiquement une augmentation de l’indice de cristallinité qui s’accompagne par une augmentation des propriétés mécaniques en traction. Cette tendance est attribuée selon les auteurs à la cellulose majoritairement cristalline. De plus, selon Beckermann et Pickering (2008), l’augmentation du module d’Young des fibres de lin serait due à une diminution de l’angle spiral et une augmentation de l’orientation moléculaire des chaines de cellulose des fibres. En effet, pour un pourcentage de cellulose donné, plus l’angle micro-fibrillaire est faible et plus la rigidité et la résistance de la fibre sont améliorées. Bourmaud et al., (2009) ont déterminé par nanoindentation un module d’élasticité des fibres de lin dans le sens transversal de l’ordre de 6 GPa et un module d’Young en traction de 54 GPa soit un rapport d’anisotropie d’environ 9. Le taux de cristallinité élevé des microfibrilles de cellulose dans le lin lié au faible angle microfibrillaire (10°) est en partie responsable de la rigidité des fibres sollicitées en traction dans le sens longitudinal. Cette orientation des microfibrilles peut expliquer les faibles propriétés mécaniques des fibres dans le sens transversal. En conclusion de ce paragraphe dédié à établir un bilan des principales caractéristiques des fibres naturelles, il s’avère que celles-ci possèdent une composition chimique principalement constituée de sucres et dérivés, de composés phénoliques et d’eau ainsi qu’une organisation structurale multi-couche. De plus, les propriétés mécaniques de ces fibres sont influencées par cette structure complexe et variée, ainsi certains traitements chimiques des fibres entrainent une augmentation du taux de cristallinité par dissolution des composés amorphes. L’augmentation du taux de cristallinité s’accompagne par une augmentation de propriétés mécaniques intrinsèques des fibres comme le module et la résistance. Le prochain paragraphe présente les principaux aspects chimiques, physico-chimiques et mécaniques liés à l’association et l’interaction des deux phases dans un matériau composite.
Influence des fibres naturelles
Plusieurs auteurs (Bos et al., 2006; Abdelmouleh et al., 2007 ; Le Duc, 2013 ; Martin et al., 2013 ; Essabir et al., 2013) ont constaté une augmentation du module de composite avec le taux de fibres. Cette évolution a été attribuée au module élevé des microfibrilles de cellulose. De plus, plusieurs auteurs ont souligné la diminution de l’allongement à la rupture des composites avec l’introduction des fibres naturelles (Bos et al., 2006; Abdelmouleh et al., 2007; Essabir et al., 2013; Arbelaiz et al., 2006 et Martin et al., 2013). Le Duc (2013) s’est intéressée à l’analyse des propriétés en traction uniaxiale du PP pur, du PP mélangé à 3% en masse d’un agent de couplage qui est le PP-g-MA, qui sera présenté dans le paragraphe I.3.3.2, et des composites chargés à 20 et 40% en masse de fibres Tencel® , lin et verre. Les fibres Tencel® sont des fibres synthétiques pures en cellulose préparées par un procédé de filage à chaud (80-120°C) à partir de solutions de pulpes de bois dissoutes dans le solvant N-methylmorpholine-N-Oxide (NMMO). Tous ces composites contiennent 3% en masse d’agent couplant PP-g-MA excepté un composite 40% en masse Tencel®. Trois éprouvettes sont au minimum testées en traction à une vitesse de 5 mm.s-1. A partir des courbes contrainte-déformation (Figure 29), Le Duc constate que l’augmentation du taux de fibres permet d’augmenter le module d’Young et la contrainte à la rupture des composites. Par contre, une réduction de l’allongement à la rupture est observée avec l’augmentation du taux de fibres. L’auteur explique cette influence du taux de fibres sur la diminution de l’allongement par l’effet des contraintes plus fortes à l’extrémité des fibres qui amèneraient la matrice à se fissurer localement. La rupture du composite intervient alors une fois que la matrice et les fibres ne peuvent plus supporter l’augmentation de la charge créée par cette rupture locale. L’auteur conclue qu’une proportion plus importante en fibres engendrerait de plus fortes concentrations en sites initiateurs de la rupture et donc à un allongement plus faible du composite. Al Maadeed et al., (2014 a) quant à eux considèrent que les fibres présentes au sein d’un composite sont des défauts, lieux de concentrations de contraintes qui réduisent la capacité des chaines du polymère à se réorienter. Enfin, Arrakhiz et al. (2013) attribuent la diminution de l’allongement à la rupture à la perte de ductilité et au caractère fragile des fibres. Martin et al., (2013) ont analysé le comportement en traction uniaxiale sur des éprouvettes injectées de PP renforcé par 20% en volume de fibres courtes de lin ayant subi un rouissage dans le champs à différentes durées (R1= 1 jour, R3= 9 jours, R4= 14 jours, R5= 16 jours, R6=19jours). Les résultats de l’évolution du module d’Young et de la résistance à la rupture (Figure 30) montrent que celles-ci sont améliorées en fonction de la durée de rouissage après ajout des fibres de lin et ce en dépit d’une orientation aléatoire des fibres au sein du composite. De plus, cette augmentation des propriétés a été constatée pour les différents degrés de rouissage, mais qu’elle est d’autant plus importante avec des durées du rouissage plus longues. Les auteurs attribuent cette augmentation à l’amélioration de l’état de surface des fibres par l’élimination des substances pectiques ce qui faciliterait la cohésion entre fibre et matrice.
Effet du vieillissement hygrothermique sur la composition chimique des composites
Pour les composites PE/fibres de lin, l’action de l’eau sur la matrice PE aura pour principale conséquence l’extraction des stabilisants comme présenté dans le paragraphe II.4.1. Concernant les fibres naturelles, des phénomènes d’hydrolyse des différents composants de la fibre peuvent être rencontrés. Cependant, ils semblent se produire principalement lorsque les fibres sont exposées à des milieux agressifs tels que les milieux acides ou basiques et à des températures élevées. A titre d’exemple, Rezzoug et al., (2008) ont réussi à hydrolyser les pectines extraite à partir de l’écorce d’orange dans une solution d’acide chlorhydrique 0,1 N portée à ébullition dans un système à reflux à 90°C pendant 45 minutes. Ces conditions ne sont pas représentatives de notre cas d’étude. Ainsi, les principales évolutions constatées sur des fibres seules soumises à des vieillissements hygrothermique seront uniquement présentées pour des conditions proches de celles de cette étude. Des auteurs ont mis en évidence des phénomènes de solubilisation de composants à partir des fibres. Basu et al., (2013) ont étudié le comportement hygrothermique des pectines faiblement méthylées en réalisant des vieillissements à différentes températures (30, 40, 50, 60 et 70°C) et en utilisant des solutions salines saturées pour maintenir une activité d’eau aw constante dans l’échantillon permettant d’obtenir ainsi la prise de masse à l’équilibre à température constante comme le montre la Figure 57. Il apparaît que la prise de masse à saturation des pectines aux différentes températures augmente avec l’activité de l’eau. Pour les plus hautes températures, les auteurs distinguent une évolution de la prise de masse à saturation en fonction de l’activité de l’eau, aw. Ainsi, pour aw < 0,6, la prise de masse est la plus faible pour les hautes températures (notamment à 60 et 70°C). Pour aw > 0,6, les prises de masse à l’équilibre présentent des zones d’intersection entre les différentes températures étudiées, notamment pour aw aux alentours de 0,7. Ceci indique, d’après les auteurs, une augmentation de la prise de masse à l’équilibre avec la température. Ce phénomène d’intersection des températures à plus haute activité de l’eau est associé à une plus importante absorption d’eau par la fraction soluble des pectines, en même temps que l’effet de dissolution de cette fraction soluble des pectines du fait d’une plus haute température. A partir de ces résultats, les pectines commenceraient à se solubiliser dans l’eau à 60°C. Par des analyse colorimétriques, Le Duigou et al., (2015) ont analysé la solution d’eau distillée dans laquelle des composites PLA renforcé par 50% en masse de fibres de lin ont été vieillis pendant deux mois à 23°C. La Figure 58 montre l’évolution au cours du temps des sucres totaux, de l’acide uronique ainsi que des sucres neutres libérés dans la solution d’immersion. La libération rapide de ces composants est observée durant les 20 premiers jours de vieillissement puis la concentration est stabilisée autour de 0,07mg de matière libérée/ml de solution, cette perte est estimée à 1% de la masse des fibres. D’après les auteurs, ce processus de libération des sucres en deux étapes peut être expliqué entre autres par l’influence de l’association des pectines avec la cellulose et les hémicelluloses sur leur solubilité dans l’eau. Le composant majoritaire des fibres, qui est la cellulose, est formé de molécules linéaires et neutres avec de fortes interactions intermoléculaires. De plus, son organisation en microfibrilles hautement cristalline le rend peu accessible à la pénétration de l’eau. Ces propriétés structurales font que la cellulose ne peut pas être dissoute dans l’eau (Moine, 2005). A partir de ces évolutions à l’échelle des fibres seules et de leur fractions notamment les pectines, il est possible de constater que l’hygrométrie du milieu impactera les propriétés chimiques des fibres de manière qualitatives et quantitatives.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I. Synthèse bibliographique
Introduction
I. Les composites biosourcés
I.1. La matrice polyéthylène
I.1.1. Description multi-échelle de l’architecture du polyéthylène
I.1.2. Propriétés mécaniques du polyéthylène
I.2. Les fibres de lin
I.2.1. Extraction des fibres de lin à partir de la plante
I.2.2. Structure de la fibre de lin : de l’échelle moléculaire à l’échelle macroscopique
I.3. Les composites biosourcés
I.3.1. Caractéristiques chimiques
I.3.2. Influence des fibres naturelles sur les propriétés microstructurales de la matrice dans le composite
I.3.3. Propriétés mécaniques en traction uniaxiale des composites
II. Vieillissement des composites biosourcés
II.1. Processus d’absorption d’eau par les composites
II.2. Caractéristiques cinétiques de la diffusion
II.3. Réversibilité des phénomènes de sorption
II.4. Effet du vieillissement hygrothermique sur les propriétés multi-échelle des composites
II.4.1. Vieillissement de la matrice: Oxydation du PE
II.4.2. Effet du vieillissement hygrothermique sur l’évolution des propriétés multiéchelle des composites
II.5. Biodétérioration des composites biosourcés
II.5.1. Les micro-organismes
II.5.2. Biodégradabilité du PE
II.5.3. Biodégradabilité des fibres
II.5.4. Biodégradabilité des composites
III. Conclusion
Références Bibliographiques
Chapitre II – Matériaux et méthodes
Introduction
I. Matériaux d’étude
I.1. Les Fibres de lin
I.2. La matrice PE
I.3. Les composites PE/fibres de lin
II. Etudes de durabilité
II.1. Vieillissements en cycles longs
II.1.1. Choix des conditions de vieillissements
II.1.2. Matériaux étudiés
II.1.3. Conditionnement des matériaux et mesures réalisées
II.1.4. Temps de prélèvements
II.2. Vieillissement microbiologique
II.2.1. Conditions de vieillissement microbiologique
II.2.2. Matériaux étudiés
II.2.3. Mesure de la croissance microbienne
III. Techniques de caractérisation multi-échelle des matériaux
III.1. Analyse chimique
III.2. Fractionnement des fibres
III.3. Stabilité oxydative et thermique
III.3.1. Stabilité oxydative des composites
III.3.2. Stabilité thermique par analyse thermogravimétrique ATG
III.4. Analyse des macromoléculaires par Chromatographie de Perméation sur Gel Haute Température (CPG-HT)
III.5. Analyse de la microstructure des fibres et des composites
III.5.1. Analyse par calorimétrie différentielle à balayage modulée
III.5.2. Analyse par diffraction des rayons X aux Grands Angles
III.5.3. Analyse par microscopie électronique à balayage MEB
III.6. Densimétrie
III.7. Caractérisation des propriétés mécaniques des composites
III.7.1. Analyse mécanique – Essais de traction
III.7.2. Traitement d’image des composites
Références
Chapitre III. Analyse multi-échelles des propriétés des composites PE / fibres courtes de lin
Introduction
I. Echelle moléculaire: Composition chimique des matériaux
I.1. Le Polyéthylène
I.2. Les fibres courtes de lin
I.3. Effet du taux de fibres sur la composition chimique des composites
I.4. Effet de l’anhydride maléique sur la composition chimique des composites
I.5. Influence du taux de fibres sur la stabilité thermique des composites
I.6. Influence du taux de fibres sur la stabilité oxydative des composites
II. Echelle microstructurale : cristallinité des matériaux
II.1. Echelle mésoscopique : Densité des matériaux
II.2. Echelle macroscopique : Propriétés mécaniques en traction
II.3. Evolution du module
II.3.1. Effet des fibres courtes de lin sur l’évolution du module des composites
II.3.2. Effet de l’anhydride maléique sur l’évolution du module du composite
II.4. Evolution de la résistance à la rupture des composites
II.4.1. Effet des fibres courtes de lin sur la résistance à la rupture des composites
II.4.2. Effet de la qualité à l’interface fibres/matrice sur la résistance à la rupture des composites
II.5. Evolution de l’allongement à la rupture des composites
Conclusion
Références
Chapitre IV. Effet de vieillissements hydro et hygrothermiques sur la réversibilité des évolutions cinétiques et fonctionnelles des composites PE/fibres de lin
Introduction
I. Etude de la cinétique de sorption d’eau dans les composites PE/fibres courtes de lin
I.1. Détermination des facteurs intrinsèques et extrinsèques influençant les caractéristiques de diffusion
I.1.1. Facteurs intrinsèques et extrinsèques influençant la prise de masse dans les composites
I.1.2. Facteurs intrinsèques et extrinsèques influençant le coefficient de diffusion des composites
I.2. Etude de la réversibilité du processus d’absorption à 30°C lors des cycles de sorption/désorption/réabsorption
I.2.1. Absorption d’eau en immersion
I.2.2. Absorption d’eau en humidité relative
I.3. Etude de la réversibilité du processus d’absorption à 80°C lors des cycles de sorption/désorption/réabsorption
I.3.1. Absorption d’eau en immersion
I.3.2. Absorption d’eau en humidité relative
I.4. Evolution de la stabilité oxydative au cours des vieillissements à 30 et 80°C
II. Etude multi-échelle de la réversibilité ou non des évolutions des propriétés fonctionnelles lors des cycles de sorption/désorption/réabsorption
II.1. Réversibilité des évolutions des propriétés mécaniques à 30°C
II.1.1. Evolution du module d’Young des composites
II.1.2. Evolution de la résistance à la rupture au cours du vieillissement à 30°C
II.2. Evolution des propriétés mécaniques à 80°C
II.2.1. Evolution du module d’Young au cours du vieillissement à 80°C
II.2.2. Evolution de la résistance à la rupture au cours du vieillissement à 80°C
Conclusion
Références
Chapitre V. Vieillissement microbiologique
Introduction
I. Mise en évidence d’un développement microbien au cours des vieillissements en cycles longs
II. Etude du vieillissement fongique sur les propriétés fonctionnelles des composites PE/Lin
II.1. Développement microbien à l’issu de 3 mois vieillissement
II.2. Evolution de la composition chimique des fibres de lin lors de développement fongique
II.3. Impact du développement microbien à l’issu de 6 mois de vieillissement
Conclusion
Conclusion & perspectives
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