Conteneurs en acier et en titane
Le montage expérimental du laboratoire de géochimie d’ISTerre comporte des réacteurs haute température – haute pression à base de titane grade 4 et d’acier inoxydable 316. Les températures réactionnelles sont comprises entre 25 et 120°C et les pressions d’hydrogène gazeux peuvent atteindre 5 bar. Les cellules utilisées au LCSN du CEA sont également en titane (grade 2 et grade 5) et sont utilisées dans des conditions plus dures (jusqu’à 70 bar en hydrogène). Au vu de ces conditions expérimentales, il est nécessaire de connaître la possible réactivité de ces métaux avec l’hydrogène. En effet, il peut y avoir une formation de produits secondaires qui pourraient modifier les résultats attendus des différents essais. L’acier inoxydable a une bonne résistance globale, que ce soit contre la corrosion ou contre d’autres attaques chimiques. Il peut être corrodé par piqûres et cette corrosion est difficile à prévoir. Ryan et collaborateurs montrent que les piqûres se font au niveau d’inclusions de sulfures et majoritairement de sulfures de manganèse (MnS) (Ryan et al., 2002). Cette attaque se produit dans des milieux acides riches en chlorures (Cl-) ou sulfures (S2-). L’acier inoxydable 316 contient Fe, Ni, Cr, Mo, Mn et Si à différentes concentrations. Il est compatible avec l’utilisation de systèmes organiques. A température ambiante, il résiste bien à différents acides tels que l’acide nitrique, sulfurique, phosphorique… comparés aux espèces halogénées qui attaquent ce métal même à basse température et faibles concentrations. La corrosion intervient pour des températures supérieures à 100°C et principalement en présence de solution de chlorures et d’halogénures. A des températures et pressions modérées, l’acier inoxydable 316 peut être utilisé avec plusieurs gaz commerciaux tels que l’hydrogène, méthane, argon… L’impact de l’hydrogène sur des aciers inoxydables est étudié depuis quelques années pour le stockage de l’hydrogène comme nouvelle énergie dans des conteneurs haute pression pour des applications automobiles (Borchers et al., 2008). L’hydrogène peut causer des fissures dues aux contraintes au sein du matériau et peut diminuer l’énergie de surface. Il faut noter que l’adsorption d’hydrogène se fait plus facilement à basse température, et que la présence d’autres gaz ayant une meilleure affinité pour le fer, tels que H2O, CO ou O2, peut la diminuer. Globalement l’acier inoxydable 316 présente une bonne résistance à l’hydrogène gazeux dans nos conditions de réaction. Le titane est un métal de transition possédant des caractéristiques mécaniques élevées à haute température (600°C) comme à des températures cryogéniques et une bonne résistance à la corrosion dans de nombreux milieux tels que l’eau de mer (Madina et Azkarate, 2009). Le titane est très avide d’oxygène du fait de son caractère réducteur (E°(Ti2+/Ti) = -1,63 V) et on peut observer la formation d’une couche d’oxyde de titane TiO2 à la surface du métal des réacteurs. Cet oxyde est très stable, très peu soluble aux pH non extrêmes et va permettre la passivation du matériau. Le titane grade 4 contient plus d’impuretés que les autres titanes ce qui augmente sa résistance et permet de travailler à plus haute pression (Islamgaliev et al., 2008). Le titane présente une certaine affinité pour l’hydrogène, il peut en absorber dès les basses températures et jusqu’à 60 % atomique à 600°C (Senkov et Froes, 1999). Il s’agit d’une réaction réversible, l’hydrogène peut être facilement absorbé comme désorbé sans faire fondre le métal, étant donné que l’enthalpie de solution dans le titane est positive. Par contre, à 80°C, ce phénomène est tellement lent qu’il n’a aucune incidence sur la stabilité du matériau. En présence d’eau de mer, le titane présente une bonne résistance vis-à-vis de la corrosion, pour des températures variant de 90 à 170°C et des pressions jusqu’à 10 bar (Madina et Azkarate, 2009). Concernant les oxydes de titane présents à la surface du métal, ceux-ci sont stables pour des pH variant de 3 à 12 et vont servir de barrière contre la pénétration de l’hydrogène. Ainsi, dans nos gammes de températures et de pressions en hydrogène gazeux, les réacteurs à base d’acier inoxydable 316 semblent présenter une bonne résistance vis-à-vis de ce gaz. Concernant les réacteurs à base de titane grade 4, l’hydrogène peut se sorber sur ce matériau mais aucun produit secondaire n’est attendu. On devrait donc avoir uniquement une diminution de la teneur en H2. Cependant la formation d’une couche d’oxyde en surface du matériau va limiter cette interaction.
La spectrométrie Mössbauer du 57Fe
Cette partie fait l’objet d’un article « Abiotic reduction of Fe-claystone. Differentiation of reactive species by 57Fe Mössbauer spectrometry ».
Résumé Le fer est un élément présent sous de nombreuses formes sur Terre, il peut se trouver aussi bien dans des structures minérales que sorbé sur la surface des minéraux étudiés. Les espèces contenant du fer sont également très sensibles aux conditions oxydo-réductrices environnantes. La spectrométrie Mössbauer du 57Fe est une technique puissante pour estimer l’état d’oxydation de ces composés ferreux/ferriques. Dans cet article sont présentées des phases solides pures avec du Fe structural (par exemple la lepidocrocite, la rouille verte, la pyrite…) et des montmorillonites avec du Fe structural ou sorbé dans l’interfoliaire et adsorbé sur les côtés des particules. Tous ces échantillons ont été étudiés via la technique de spectrométrie Mössbauer afin d’établir un diagramme ΔEQ = f(δ). Ce diagramme met en évidence deux zones, une correspondant au Fe(II) (HS) (Haut Spin) et une zone avec les paramètres hyperfins du Fe(III) (HS) et Fe(II) (BS) (Bas Spin). L’analyse Mössbauer nous permet d’obtenir l’état d’oxydation du Fe présent dans un échantillon mais on ne peut différencier si le fer est en position structurale dans la montmorillonite ou s’il est adsorbé dans l’espace interfoliaire ou sur les côtés. Les échantillons de montmorillonites synthétiques avec du Fe(III) structural ont été ensuite réduits suivant trois méthodes de réduction: avec du dithionite de sodium Na2S2O4(aq) à 52 mM et avec un gaz réducteur, H2(g), en conditions sèches et en suspension. L’étude Mössbauer de ces matériaux argileux après réduction donne trois domaines de paramètres hyperfins ΔEQ et δ: un domaine avec Fe(III) (HS) qui met en avant que la réduction est incomplète quel que soit l’agent réducteur utilisé, un domaine Fe(II) (HS) pour la réduction avec Na2S2O4(aq) et H2(g) en suspension et on obtient un 3e domaine compris entre les deux précédents qui correspond aux paramètres hyperfins après réduction avec H2(g) en conditions sèches. L’élément fer obtenu peut être un mélange entre Fe(II) et Fe(III) avec un électron délocalisé comme pour la magnétite, ce qui implique une réduction partielle, ou alors on peut avoir l’atome de fer qui présente les deux états de spin (HS et BS). Cette dernière hypothèse semble moins évidente d’autant plus que la transition de spin n’a pas réellement été mise en évidence à l’heure actuelle. Le mécanisme de réduction met en avant un transfert d’électron et de proton qui est favorisé en milieu aqueux. En conditions sèches, le transfert électronique est probablement assuré par l’eau de structure, présente en faible proportion d’où une réduction partielle. Enfin une étude Mössbauer a été menée sur un échantillon naturel d’argilite du CallovoOxfordien afin d’estimer la difficulté de créer un modèle qui représente au mieux la roche étudiée. La spectrométrie Mössbauer implique d’avoir une idée assez précise de la composition de notre matériau pour trouver le meilleur ajustement. Ensuite cet échantillon a été réduit via les trois méthodes précédemment citées et les paramètres hyperfins correspondants appartiennent bien aux domaines Fe(III) (HS) et Fe(II) (HS) après réduction. On peut noter qu’aucune réduction n’a eu lieu avec H2(g) en milieu sec du fait de la complexité du matériau. Cette étude met en avant les avantages de la spectrométrie du 57Fe Mössbauer qui nous permet d’obtenir l’état d’oxydation du fer présent dans notre échantillon ainsi que l’avancement d’une réduction ou oxydation de notre système. Cependant cette technique ne permet pas de définir la position du Fe au sein de l’échantillon.
C5B173
De la même façon, un autre essai a été réalisé avec un nouvel échantillon C5B173. Cette expérimentation a été réalisée en trois étapes. Tout d’abord, après saturation, une pression initiale de 55,1 bar de H2(g) a été imposée à l’échantillon et le système a été laissé évoluer comme précédemment (Figure 63a). Une fois que les pressions amont et aval se sont stabilisées, c’est-à-dire que le régime stationnaire est considéré atteint, une purge de la partie aval de la cellule est réalisée (Figure 63b). La pression en aval est donc nulle. On referme ensuite le système afin de noter l’évolution des pressions amont et aval. Puis quand les pressions sont à nouveau équilibrées, la pression en amont est augmentée d’environ 8 bar (Figure 63c). Ces manipulations vont nous permettre d’étudier la reproductibilité de la mesure de pression résiduelle. Dans un premier temps, on peut remarquer que l’écart entre les pressions amont et aval est constant quels que soient les manipulations réalisées (vidange de la partie aval et augmentation de la pression en amont). La mesure de la pression résiduelle est bien reproductible. On obtient une pression résiduelle proche de 9,2-10,6 bar. L’échantillon étudié doit être certainement endommagé. On peut à nouveau remarquer un saut de pression en aval de l’échantillon avant la stabilisation des pressions (Figure 63a). Cette fois, l’hypothèse du transfert de gaz vers la fuite en amont de la cellule n’est plus vérifiée. Les hypothèses énoncées pour l’échantillon C5B111 sont également valables dans ce cas comme une possible sorption ou encore une répercussion sur l’aval de la baisse de pression amont due au déplacement de bouchons d’eau dans le milieu poreux. Concernant la sorption, la diminution de pression en aval est de 8,48 bar pendant 82 heures ce qui correspond à une sorption de 0,02 wt% pour un échantillon de 17,5 g. Comme précédemment ce phénomène est possible mais la cinétique est trop lente pour que cette hypothèse soit vérifiée. De plus, on n’observe pas de variation particulière de la pression amont et aval qui laisserait penser à de la sorption comme dans la Figure 59. Une autre possibilité est que la rapide variation de pression aval doit avoir pour conséquence une «vidange» du réservoir amont vers l’échantillon. L’accroissement de volume induit alors une baisse de la pression de gaz jusqu’à atteinte d’un certain équilibre de pression d’eau interstitielle. Ceci doit être accentué par le fait que l’échantillon qui est vraisemblablement fracturé permet un rapide transfert du gaz de l’amont vers l’aval sans que l’on puisse atteindre au cœur de l’échantillon un équilibre de pression. On peut également supposer un effet hydromécanique avec une dilatation de l’échantillon qui pourrait engendrer une modification des volumes mis en jeu suivie d’une contraction. Cette phase de contraction s’accompagnerait alors d’une sorte de colmatage.
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Table des matières
Introduction générale
Première partie: Contexte de l’étude
Chapitre 1 : Le stockage géologique des déchets radioactifs
1.1. Classification et solutions actuelles de gestion
1.2. Principe du stockage profond
1.3. Utilisation d’une barrière argileuse
1.3.1. Propriétés des argiles
a. Généralités
b. Milieu poreux
1.3.2. Argilite du Callovo-Oxfordien
a. Généralités et porosité
b. Minéralogie
c. Eau porale
1.4. Dynamique du stockage
1.4.1. Température
1.4.2. Production de gaz
a. Origine
b. Conséquences de la présence de gaz
c. Relâchement des radionucléides
1.5. Objectifs de la thèse
Chapitre 2 : Transfert de gaz dans les milieux poreux
2.1. Lois d’écoulements : Notion de perméation/advection
2.1.1. Définition générale
2.1.2. Interactions avec la paroi des pores – Effet Klinkenberg
2.1.3. Cas d’un système biphasique – Effet de la saturation
2.1.4. Méthodes de détermination expérimentales
2.1.5. Effet de la température
2.2. Transferts d’espèces au sein d’une phase
2.2.1. Quelques notions sur la diffusion en phase liquide
2.2.2. La diffusion en phase gazeuse
a. Définitions
b. Interactions avec les pores, le Dusty Gas Model
c. Variation avec la température
d. Méthodes expérimentales de détermination
2.3. Pression d’entrée et percée capillaire
2.3.1. Définitions
2.3.2. Méthodes expérimentales
2.4. Bilan sur le transfert en milieu poreux
Chapitre 3 : Réactivité de H2(g) dans le contexte du stockage
3.1. Caractéristiques physico-chimiques
3.1.1. Généralités
3.1.2. Solubilité de l’hydrogène
3.1.3 Potentiel d’oxydo-réduction
3.2. Réactions avec les espèces présentes au sein de l’argilite de Bure
3.2.1. Pyrite
3.2.2. Matières organiques
3.2.3. Les ions ferriques Fe(III)
3.2.4. Eau porale
3.2.5. Conteneurs en acier et en titane
3.3. Conclusions sur la réactivité de l’hydrogène
Deuxième partie: Réactivité de l’hydrogène gazeux dans le contexte du stockage
Chapitre 4 : Propriétés des matériaux argileux étudiés
4.1. Résumé
4.2. High Pressure Hydrogen Sorption on synthetic Na montmorillonites and CallovoOxfordian clayrock (Article 1)
Abstract
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1 Clay samples
2.2 Chemical and morphological characterization
2.3 Nitrogen adsorption isotherms and thermogravimetric analyses
2.4 Hydrogen sorption isotherms
3. Results and discussion
3.1 Energy Dispersive Spectrometry
3.2 X-Ray Diffraction
3.3 Thermo-gravimetric analysis
3.4 Specific Surface area and porosity
3.5 High pressure hydrogen sorption
Conclusions
Chapitre 5 : Réactivité de l’hydrogène gazeux vis-à-vis de matériaux argileux
5.1. Objectifs de l’étude
5.2. Montage expérimental et techniques utilisées
5.3. L’interaction entre l’hydrogène et les matériaux argileux en conditions sèches
5.3.1. Résumé
5.3.2. Adsorption of hydrogen gas and redox processes in clays (Article 2)
Abstract
Experimental section
Materials
Experimental set-up
57Fe Mössbauer spectrometry
Results and discussion
Hydrogen Adsorption
Reactivity of hydrogen gas
Environment relevance
5.3.3. Essais de sorption à 25°C
5.4. L’interaction hydrogène / suspension d’argile
5.4.1. Mode opératoire
5.4.2. Evolution de la pression partielle d’hydrogène avec la durée de réaction
5.4.3. Etude de la réduction du Fe(III) structural
5.5. La spectrométrie Mössbauer du 57Fe
5.5.1. Résumé
5.5.2. Abiotic reduction of Fe-claystone. Differentiation of reactive species by 57Fe Mössbauer spectrometry (Article 3)
Abstract
Introduction
Experimental section
Materials
Reduction with Na2S2O4 and H2(g)
57Fe Mössbauer spectrometry
Literature review
Structural Fe in natural and synthetic materials
Structural or adsorbed Fe on montmorillonites
Results and Discussions
Reduction of structural Fe(III)
Hyperfine parameters for Fe in clay complex systems: Overview of the data
Example of a natural system: the Callovo-Oxfordian clayrock
5.6. Effet de l’hydrophobicité sur la sorption d’hydrogène gazeux
5.6.1. Matériaux étudiés
5.6.2. Essais de sorption de H2(g) sur des matériaux argileux avec différents degrés de saturation
5.6.3. Essais de sorption de H2(g) sur des matériaux avec différents degrés d’hydrophobicité
5.7. Conclusions sur la réactivité de H2(g)
Chapitre 6: L’hydrogène gazeux: futur vecteur énergétique?
6.1. Production et utilisations industrielles de l’hydrogène
6.2. Importance sociétale du stockage
6.3. Le principe du confinement de gaz
6.3.1. Exemple du CH4
6.3.2. Exemple du CO2
6.3.3. Exemple de H2
6.4. Les matériaux de stockage de gaz
6.4.1. Les plus couramment étudiés
6.4.2. L’argile comme matériau de stockage et de confinement
6.5. Les mécanismes de sorption de gaz
6.5.1. Principe
6.5.2. Isothermes de sorption de H2 à T = 77K
6.5.3. Essais de diffusion des neutrons
a. Théorie
b. Premiers résultats
6.6. Comparaison entre la sorption de H2, CH4 et CO2 sur des matériaux argileux
Troisième partie: Essais de transfert de l’hydrogène à travers l’argilite du Callovo-Oxfordien
Chapitre 7 : Essais de transfert de l’hydrogène gazeux à travers l’argilite du CallovoOxfordien compacte
7.1. Dispositif expérimental
7.2. Echantillons de Callovo-Oxfordien étudiés
7.3. Saturation des échantillons
7.4. Tests de perméation
7.4.1. Protocole expérimental
7.4.2. Exploitation des résultats
7.4.3. Incertitudes
a. Evaluation des incertitudes expérimentales
b. Calcul de l’incertitude sur la mesure de ka
7.4.4. Effet de la température
7.4.5. Effet de l’humidité relative
7.5. Tests de diffusion
7.5.1 Protocole expérimental
7.5.2. Exploitation des résultats
7.5.3. Incertitudes sur la mesure de Dapp et Di,k
7.5.4. Effet de la température
7.5.5. Effet de l’humidité relative
7.6. Conclusions sur le transfert de gaz
Chapitre 8 : Essais de mesure de pression résiduelle en hydrogène Estimation de la pression d’entrée de H2(g)
8.1. Méthodes de détermination
8.2. Mesure de la pression résiduelle
8.2.1. Montage expérimental
8.2.2. Essais réalisés et résultats
a. C5B111
b. C5B143
c. C5B182
d. C5B173
e. C5B163
8.3. Conclusions sur la pression d’entrée de l’hydrogène au sein du COx
Chapitre 9 : Effet de l’état consolidé sur la réduction de Fe(III) structural par l’hydrogène gazeux
9.1. Méthodes expérimentales
9.1.1. Préparation des échantillons
9.1.2. Conditions expérimentales
9.2. Résultats des essais de perméation
9.3. Résultats de la spectrométrie Mössbauer du 57Fe
9.4. Conclusions sur l’effet de l’état consolidé sur la réactivité du COx
Conclusions générales
Perspectives
Références bibliographiques
Annexes
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