Etude du rôle de la phospholipase A2 sécrétée de type IIA dans la mucoviscidose

 Pseudomonas aeruginosa

Généralités

Pseudomonas aeruginosa est une bactérie ubiquiste à Gram négatif, motile grâce à un flagelle monotriche polaire, retrouvée dans les environnements humides. Son génome de 6,3 millions de paires de bases (souche de référence PAO1) est plus grand que celui d’autres bactéries, comme Escherichia coli (4,6 Mpb) ou encore Staphylococcus aureus (2,6 Mpb). Le génome de la souche PAO1 a été entièrement séquencé en 2000, indiquant qu’en plus d’un génome conservé (core), il possède de nombreuses zones variables [1]. En effet, des études génomiques sur des souches cliniques, environnementales ou de laboratoire comparées à la souche de référence PAO1, ont permis de montrer une très grande variabilité génétique au sein de P. aeruginosa. Au moins 10% du génome des souches cliniques/environnementales ou de laboratoire est unique par rapport à celui de la souche PAO1, dû en parti à l’acquisition de nombreux gènes par transfert horizontal [2, 3]. De cette façon, le génome de P. aeruginosa est en constante évolution, lui permettant de s’adapter à chaque environnement, notamment en présence de l’hôte ou en présence d’agents antimicrobiens.

P. aeruginosa possède de nombreux gènes impliqués dans le catabolisme et les systèmes d’efflux des antibiotiques, lui permettant de résister à de nombreux antibiotiques utilisés en clinique [4, 5]. La résistance aux antibiotiques est plus élevée pour les isolats provenant de patients souffrant de mucoviscidose [5]. Les différents mécanismes mis en place sont ceux retrouvés pour d’autres bactéries: les systèmes d’efflux ou le manque de perméabilité, l’inactivation et la modification des antibiotiques et la modification des cibles de ces derniers [5]. La formation de biofilm lui confère également une résistance aux antibiotiques et le rend ainsi plus difficile à traiter, notamment dans la mucoviscidose [6].

P. aeruginosa est un pathogène pour de nombreux organismes eucaryotes, comme les plantes, les insectes ou les vertébrés. Pour l’Homme, P. aeruginosa est considéré comme opportuniste, c’est à dire qu’il n’est pas pathogène pour l’organisme en temps normal, mais qui le devient lorsque les défenses de l’hôte sont affaiblies. Il est responsable d’infections nosocomiales et d’infections communautaires. Le bacille est acquis soit par autocontamination (contamination endogène provenant de la sphère oro-pharyngée), soit par transmission (équipements contaminés, manutention). P. aeruginosa est responsable d’infections respiratoires chroniques chez des individus immunodéprimés (VIH, chimiothérapie) et représente la première cause de mortalité chez les individus atteints de la mucoviscidose [7]. Il possède une large gamme de facteurs de virulence, lui permettant de coloniser et de persister dans ses différents hôtes.

Facteurs de virulence sécrétés

P. aeruginosa possède 6 systèmes de sécrétion (Figure 5), mais seulement 2 semblent réellement impliqués dans sa pathogénie: le système de sécrétion de type 2 (T2SS) codé par les gènes xcp [27] et le système de sécrétion de type 3 (T3SS) codé par les gènes psc [28]. Le T2SS permet la sécrétion de multiples facteurs de virulence dans le milieu extracellulaire (élastases LasB, LasA, phospholipase, etc.), alors que le T3SS permet l’injection de toxines directement dans la cellule hôte.

Alginates
Les alginates sont des copolymères linéaires d’acides D-mannuronique et L guluronique reliés par des ponts β-1,4. L’opéron alg est constitué de 12 gènes, dont le premier, algD, codant pour une GDP-Mannose 6 déshydrogénase, est surexprimé chez les souches mucoïdes, alors que son ARNm est non détectable chez les souches non mucoïdes [30]. L’opéron alg est transcrit essentiellement grâce au facteur sigma à fonction extracytoplasmique AlgU (ou AlgT), directement ou indirectement, dont l’activité est inhibée par la protéine membranaire MucA [31]. L’hypersécrétion d’alginates est responsable du phénotype mucoïde, retrouvé lors des infections chroniques des patients atteints de mucoviscidose [7, 32]. La surproduction d’alginates par les souches mucoïdes permet d’obtenir un phénotype plus avantageux dans la persistance au niveau de l’épithélium pulmonaire [6] et permet également de diminuer la phagocytose des bactéries et d’indirectement augmenter l’inflammation pulmonaire [33].

ADN
L’ADN extracellulaire (ADNe) est le composant majoritaire de la matrice des biofilms de P.aeruginosa [34, 35]. La forte similarité entre l’ADN extracellulaire présent dans la matrice et l’ADN chromosomique de P. aeruginosa suggère que l’ADNe provient de la lyse d’une partie de la population bactérienne [35]. Une étude tend à montrer que ce phénomène serait induit par le PQS (Pseudomonas Quinolone Signal) une molécule du quorum sensing [35]. L’ADNe agit comme lien entre les bactéries au sein du biofilm et permet le maintien de son architecture [34]. Il a également été mis en évidence un lien entre l’ADNe et la résistance aux antibiotiques aminoglycosides et aux peptides antimicrobiens [36]. En plus de son rôle dans la strucutre des biofilms, l’ADN bactérien contribue à l’inflammation [37]. Notamment, l’ADN de P. aeruginosa est reconnu par le TLR9 [38].

Molécules du Quorum Sensing

P. aeruginosa produit deux types de molécules de signalisation : les N-acyl-homosérines lactones (HSL) et le PQS [39]. Les HSL sont les 3-oxodecanoyl-HSL (C12-HSL) et des Nbutyryl-HSL (C4-HSL). Ces molécules sont surtout impliquées dans la formation de biofilm. Les C12-HSL induisent cependant une réponse pro inflammatoire sur les cellules épithéliales, mais le mécanisme reste encore inconnu [40].

Pyocyanine
La pyocyanine est un pigment sécrété, par le système de sécrétion de type 2 (T2SS), qui confère la coloration bleu-vert aux colonies bactériennes, qui a valu à P. aeruginosa le nom de bacille pyocyanique. Les mutants déficients en production de pyocyanine sont moins virulents in vivo [41]. La pyocyanine est grandement impliquée dans la pathogénie de P. aeruginosa. Elle est pro-inflammatoire [42, 43], inhibe le battement ciliaire et la signalisation cellulaire [44] et enfin induit l’apoptose des cellules de l’hôte [41].

Elastase
P. aeruginosa sécrète, via le T2SS, l’élastase LasB. LasB est une métalloprotéinase (dépendante du zinc) de 33 kDa. C’est la protéase la plus sécrétée par P. aeruginosa [45]. LasB est impliquée dans la dégradation de nombreuses molécules de l’hôte: immunoglobulines, les cytokines et les protéines du surfactant [46]. LasB joue également un rôle dans la répression de la production des toxines du système de sécrétion de type 3, diminuant ainsi l’endocytose des bactéries [47]. En effet, la délétion du gène lasB conduit à une augmentation de la sécrétion de la toxine ExoS. Enfin, une étude récente a montré que LasB détruit les jonctions serrées entre les cellules endothéliales en clivant la V-cadhérine, permettant ainsi l’invasion des tissus par P. aeruginosa [48].

Staphylolysine LasA
LasA est une protéase de 20 kDa, pour laquelle il a été suggéré qu’elle jouerait un rôle important dans les infections oculaires [49], mais ces résultats restent controversés [50]. Sa fonction la plus connue est d’induire la lyse de S. aureus, à la fois in vitro et dans un modèle d’infection oculaire in vivo [51, 52]. LasA agit sur le peptidoglycane de S. aureus en clivant les ponts polyglycines [53, 54].

Exotoxine A
L’exotoxine A (ExoA) est une ADP-ribosyltransférase sécrétée dans la milieu extracellulaire [55]. Elle entre dans les cellules par endocytose en se fixant sur son récepteur. Une fois à l’intérieur des cellules, ExoA ADP-ribosyle le facteur d’élongation EF2, inhibant la synthèse protéique et induisant la mort cellulaire [56].

Autres facteurs
P. aeruginosa sécrète d’autres molécules qui affectent les cellules de l’hôte. La phospholipase C qui a pour cible la phosphatidylcholine présente dans les membranes eucaryotes [57], participant aux infections pulmonaires aigües, à l’inflammation et dégradant les protéines du surfactant [58, 59]. Les rhamnolipides sont des biosurfactants sécrétés qui induisent la dégradation de la barrière épithéliale permettant l’invasion bactérienne [60]. La leucocidine constitue également un facteur de virulence qui induit la lyse des granulocytes et lymphocytes [61]. Et enfin la protéine OprF a également été décrite comme importante dans l’infection à P.aeruginosa [62].

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Table des matières

INTRODUCTION
I. PSEUDOMONAS AERUGINOSA
A. GENERALITES
B. FACTEURS DE VIRULENCE
1. Facteurs de virulence membranaires.
2. Facteurs de virulence sécrétés
C. SYSTEME DE SECRETION DE TYPE III
1. L’injectisome
2. Appareil de translocation
3. Régulation de l’expression du T3SS
4. Effecteurs
D. INFECTIONS A PSEUDOMONAS AERUGINOSA
E. BIOFILM
1. Mécanismes de communication bactérienne, le Quorum sensing
2. Formation du biofilm
II. SYSTEME DE DEFENSE INNEE
A. GENERALITES
1. Premier rempart
2. La deuxième ligne de défense: la réponse immunitaire
B. IMMUNITE INNEE PULMONAIRE
1. Anatomie du poumon
2. Cellules de l’immunité innée
3. Reconnaissance des pathogènes
4. Récepteurs et Pseudomonas aeruginosa
C. MUCOVISCIDOSE
1. Généralités
2. Mucoviscidose et immunité
3. Pathogènes bactériens dans les poumons de patients MV
III. PHOSPHOLIPASE A2
A. DEFINITION
B. ROLE PHYSIOLOGIQUE DES PLA2
1. Voie des cyclooxygénases, COX1 et COX2
2. Voie des lipoxygénases, LOX
3. Récepteurs des médiateurs lipidiques
4. Médiateurs lipidiques dans l’inflammation pulmonaire
C. PHOSPHOLIPASES A2 SECRETEES
D. ACTIVITE ANTIMICROBIENNE DE LA SPLA2-IIA
E. REGULATION DE L’EXPRESSION DE LA SPLA2-IIA
IV. BUT DU TRAVAIL
RESULTATS
ARTICLE 1: PSEUDOMONAS AERUGINOSA MANIPULATES HOST INNATE IMMUNITY TO ERADICATE
STAPHYLOCOCCUS AUREUS.
ARTICLE 2: S. AUREUS ADENOSINE INHIBITS SPLA2-IIA-MEDIATED HOST KILLING IN THE AIRWAYS.
DISCUSSION GENERALE.
CONCLUSIONS

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