L’acier P92
Traitements thermiques
Après mise en forme, l’acier P92 subit un traitement thermique en trois étapes : une austénitisation, une trempe et un revenu. Le matériau de l’étude a été austénitisé à 1060 °C pendant 30 minutes, a subi une trempe à l’air puis a été revenu à 770 °C pendant 60 minutes. Contrairement aux traitements thermiques usuellement appliqués, la température de revenu est très proche de celle du PWHT (2h à 760 °C).
Il a été démontré que la morphologie des microstructures martensitiques obtenues affecte fortement la résistance au fluage et la dureté du matériau [Krauss, 1999].
L’austénitisation doit être réalisée à des températures comprises entre 1040 et 1070 °C [ECCC, 2005] pendant une durée variable selon l’épaisseur de la pièce. Au cours de ce traitement, les grains austénitiques croissent modérément.
Ainsi, la température d’austénitisation et le temps de maintien déterminent la taille moyenne du grain. Brachet [Brachet, 1991] explique que la taille du grain peut influer sur la structure de la martensite obtenue après trempe, en particulier la géométrie des paquets de lattes parallèles. Cependant, la durée de l’austénitisation et donc la taille des grains austénitiques n’affectent pas les distributions de tailles de lattes dans la martensite résultante [Dronhofer et al., 2003].
La trempe est réalisée à l’air. Un refroidissement rapide permet la transformation intégrale de l’austénite en martensite. Extrêmement rapide, cette transformation de phase s’effectue sans processus de diffusion, ce qui génère des contraintes importantes dans la microstructure.
La martensite en lattes obtenue présente une forte densité de dislocations et une dureté élevée.
Le revenu s’effectue à une température comprise entre 750 et 800 °C *ECCC, 2005+ pendant une durée variable en fonction de l’épaisseur de la pièce. Il est essentiel que le revenu de la martensite soit réalisé à une température inférieure à Ac1 afin d’éviter la formation d’austénite de réversion et ainsi de garantir une ténacité acceptable.
Le matériau s’adoucit au cours de ce traitement thermique. La restauration et la précipitation ont lieu, ce qui réduit la dureté de la martensite. La densité de dislocations diminue et les contraintes internes sont réduites. Plus de détails sur l’adoucissement de la matrice martensitique seront donnés dans la suite de cet état de l’art.
Microstructure des aciers à 9% de chrome
La martensite, phase métastable, est formée à partir d’un refroidissement rapide de la phase austénitique. L’austénite cristallise dans un système cubique à faces centrées. La martensite cristallise dans une structure quadratique centrée. Cependant, pour de faibles teneurs (<0,2%) en carbone, elle peut être considérée comme une structure cubique centrée. A ce stade, elle est revenue. Les transformations survenues au cours des trois étapes de traitement thermique ont abouti à la formation d’une microstructure complexe. Le grain austénitique initial se subdivise en plusieurs petites structures imbriquées, dont les dimensions sont hiérarchisées (Figure 2-1) [Morito et al., 2006, Kitaraha et al., 2006].
1. L’ancien grain austénitique est la structure de plus grande taille. Ses dimensions varient entre 10 et 60 μm en fonction de la température d’austénitisation. Ennis et al. estiment à environ 22 µm la taille moyenne des anciens grains austénitiques d’un acier P92 après 2h d’austénitisation à 1070°C [Ennis et al., 1997].
2. Le paquet est composé d’un ensemble de blocs de lattes *Morito, 2006+ dont un plan dense {110}α est approximativement parallèle au même plan dense {111}γ . Les observations sur des coupes du matériau indiquent que les paquets formés au sein d’un même grain austénitique varient significativement en forme et en taille. Néanmoins, ce constat n’a jamais été vérifié en trois dimensions.
3. Le bloc de lattes est composé de lattes de martensite d’orientations cristallines proches.
4. L’entité la plus fine avant le revenu est la latte de martensite. Les lattes sont séparées par des joints de faible désorientation [Morito, 2006]. Le revenu entraîne ensuite la formation de sous-grains. La latte est alors considérée comme un alignement de sous-grains.
La microstructure martensitique du métal de base, arrangée en paquets et en blocs de lattes, est observable sur la micrographie optique de la Figure 2-2. Les tailles d’anciens grains austénitiques de l’acier Grade 92 non détensionné de cette étude sont comprises entre 20 et 40 µm *Giroux et al., 2010].
Evolution de la microstructure au cours du revenu
Le déplacement coordonné des atomes lors de la transformation martensitique génère des contraintes internes importantes. En conséquence, la sous-structure martensitique en lattes produite suite à la trempe est constituée d’une forte densité de dislocations enchevêtrées. Les fortes contraintes internes et la densité élevée de défauts induites par la transformation martensitique ont pour conséquence de fragiliser l’acier et de le rendre particulièrement dur (typiquement 500 HV).
Un revenu est appliqué à la martensite afin de réduire ces contraintes internes. Il permet d’adoucir l’acier en réduisant la densité de dislocations. Le revenu active les phénomènes de diffusion et de restauration grâce à la montée et au maintien en température entre 600 et 800°C. La restauration correspond à un réarrangement des éléments de la microstructure vers un état plus stable. Elle entraîne la formation de sous-grains et de réseaux de dislocations, qui constituent les frontières de ces sous grains [Ennis, Zielinska-Lipiec et al., 2000, Hald, 2008]. La densité de dislocations, élevée après l’étape de trempe, est réduite grâce à la formation des sous-grains *Pešička, 2003]. Par ailleurs, la précipitation de certains carbures et carbonitrures se produit au cours du revenu. Nous détaillerons ce point par la suite. Giroux et al. [Giroux et al., 2010] ont évalué la taille moyenne des sous-grains du métal de base non détensionné. Les mesures de tailles de sous-grains ont été réalisées grâce à des observations par microscopie électronique en transmission sur des lames minces. Le MET utilisé est un PHILIPS EM430, dont la tension d’accélération est de 300 kV. Trois clichés de la microstructure obtenus avec un grandissement de 15000 et pris dans différentes zones de la lame mince, ont été utilisés pour obtenir les distributions de tailles de sous-grains. Les contours de sous-grains ont été tracés manuellement par l’auteur. Une procédure de dépouillement grâce au logiciel d’analyse d’images Visilog a ensuite été appliquée. Le logiciel fournit une estimation du diamètre équivalent des sous-grains.
La largeur des sous-grains varie très peu avec la température de revenu entre 715 et 775 °C, en particulier compte-tenu de l’incertitude de mesure, mais évolue au-delà de 775 °C. Dronhofer et al., [Dronhofer et al., 2003] indiquent que la durée du revenu influence la taille des micro-grains pour des températures de revenu supérieures à 750 °C.
Par ailleurs, la température d’austénitisation n’a pas d’influence sur la taille des sous grains. Pour une même température de revenu de 775°C, les dimensions des sous grains sont très proches pour des températures d’austénitisation de 970 et 1070°C.
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Table des matières
Introduction
1 Contexte et démarche
2 Etude du métal de base détensionné : caractérisation expérimentale et modélisation
2.1 L’acier P92
2.1.1 Composition chimique
2.1.2 Traitements thermiques
2.1.3 Microstructure des aciers à 9% de chrome
2.1.4 Evolution de la microstructure au cours du revenu
2.1.5 Relations d’orientation au sein de la microstructure
2.1.6 Densité de dislocations
2.1.7 Précipités
2.1.8 Conclusions sur le métal de base détensionné
2.2 Etude du métal de base Grade 92 détensionné
2.2.1 Caractérisation microstructurale du métal de base détensionné à l’échelle du bloc de lattes
2.2.2 Caractérisation microstructurale du métal de base détensionné à l’échelle du sousgrain
2.2.3 Conclusions sur la microstructure du métal de base détensionné
2.3 Comportement mécanique du métal de base
2.3.1 Comportement mécanique en traction
2.3.2 Comportement mécanique en fluage
2.3.3 Conclusions
2.4 Modélisation du comportement en fluage du métal de base
2.4.1 Equations constitutives
2.4.2 Procédure de calcul par éléments finis
2.4.3 Procédure d’identification
2.4.4 Résultats des simulations
2.4.5 Conclusion
3 Etude des joints soudés: caractérisation microstructurale.
3.1 Les joints soudés
3.1.1 Composition chimique
3.1.2 Réalisation
3.2 Caractérisation microstructurale de base des joints soudés.
3.2.1 Hétérogénéités microstructurales
3.2.2 Microstructures à différentes échelles
3.2.3 Densité de dislocations dans les différentes zones du joint soudé
3.2.4 Précipités
3.3 Caractérisation microstructurale de la zone intercritique
3.3.1 Caractérisation à l’échelle du bloc de lattes
3.3.2 Etude de la matrice dans la zone adoucie à l’échelle de la latte de martensite
3.4 Reproduction de la microstructure de la zone adoucie
3.4.1 Détermination du cycle thermique à appliquer pour reproduire la microstructure de l’ICHAZ
3.4.2 Essai de soudage instrumenté
3.4.3 Campagne de dilatométrie sur l’acier Grade 92
3.4.4 Evolutions métallurgiques lors du cycle thermique de soudage et première sélection de cycles à appliquer
3.4.5 Application des cycles thermiques aux ébauches d’éprouvettes de fluage et choix du traitement thermique utilisé pour reproduire la zone adoucie
3.4.6 Caractérisation microstructurale de la zone adoucie simulée
3.4.7 Conclusion
3.5 Caractérisation de la zone fondue
3.5.1 Introduction
3.5.2 Composition chimique du métal d’apport et spécifications
3.5.3 Microstructure de la zone fondue
3.5.4 Caractérisations des zones singulières
3.5.5 Discussion
4 Comportement mécanique des joints soudés : définition des essais et résultats expérimentaux
4.1 Choix des conditions d’essai sur éprouvettes entaillées
4.1.1 Dimensionnement des éprouvettes entaillées
4.1.2 Analyse mécanique des éprouvettes entaillées par calculs par éléments finis
4.1.3 Validation du confinement de la sollicitation
4.1.4 Vérification du volume testé
4.1.5 Préparation des ébauches d’éprouvettes
4.1.6 Calcul des charges à appliquer
4.1.7 Conclusion
4.2 Etude du comportement mécanique du joint soudé
4.2.1 Comportement mécanique en traction
4.2.2 Délimitation des différentes zones du joint
4.2.3 Comportement mécanique en fluage
4.2.4 Evolutions microstructurales attendues
4.2.5 Evolution de la sous-structure
4.3 Etude du comportement mécanique de la zone fondue
4.3.1 Etude du comportement en traction de la zone fondue
4.3.2 Comportement en fluage de la zone fondue
4.3.3 Conclusions
4.3.4 Comportement de la zone fondue
4.3.5 Modélisation du comportement en fluage de la zone fondue
4.4 Etude du comportement en fluage de la zone adoucie
4.4.1 Résultats des essais de fluage sur éprouvette entaillée en zone adoucie réelle
4.4.2 Comparaison des résultats en fluage sur la zone adoucie réelle, sur la zone adoucie simulée et sur le joint complet
4.4.3 Modélisation du comportement en fluage de la zone adoucie.
4.5 Modélisation de l’écoulement en fluage du joint soudé en acier Grade 92
4.5.1 Effet attendu de l’hétérogénéité de résistance au fluage sur les champs de déformations et de contraintes
4.5.2 Procédure numérique
4.5.3 Résultats des simulations et évaluation du modèle
4.5.4 Conclusions
5 Conclusions générales
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