Evolution de la pluviométrie de 1984 à 2013
Dans l’ensemble, l’analyse de la figure 1 met en exergue une zone moyennement arrosée avec des totaux annuels partout inférieurs à 700 mm. La valeur moyenne de la série 1984-2013 dans la station de Rufisque est de 404 mm. Ici, la pluviométrie durant ces 30 ans a évolué en dents de scie. Au début de la série en 1984, la pluviométrie était de 234 mm. Entre temps, elle a évolué d’une manière irrégulière en passant par 595 mm en 1989 pour ensuite chuter jusqu’à atteindre la valeur la plus faible de la série en 1992 avec 191 mm. Seize ans après, elle grimpe jusqu’à atteindre le maximum de la série qui est de 634 mm en 2005. Elle a ensuite régressé jusqu’à 266 mm en 2007. A la fin de la série en 2013, la pluviométrie a été de 567 mm qui est supérieur à la moyenne (404 mm).
Les caractéristiques hydrodynamiques du complexe sol/sous-sol
Le site de Rufisque est marqué par des contraintes géologiques qui ne favorisent pas tellement l’infiltration des eaux stagnantes. Le graben de Rufisque (carte 3) a une allure de synclinal dont le cœur serait formé par des formations tendres marno-calcaires du sommet du Lutétien sur lesquelles est située la ville de Rufisque. Celle-ci a été envahie par la transgression du Nouakchottien car occupant le fond d’une dépression. Cependant, la bordure occidentale du graben est constituée des calcaires de Bargny du Lutécien (Diop, 1995). Dans la partie Nord, on y retrouve des formations sableuses qui font partie du système dunaire développé sur la Grande Côte Nord du pays. Ainsi, l’analyse de la carte des formations superficielles (carte 2) nous révèle un site dont les sols et le sous-sol sont de nature argileuse et hydromorphe. Sur la presqu’île du Cap-Vert, les phénomènes d’hydromorphie sont associés à la présence à faible profondeur d’argiles, de marnes et de calcaires. Les processus d’hydromorphie sont liés à l’action de l’eau à travers les profils du sol pendant une durée plus ou moins longue (Maignien, 1959). Ainsi, la constitution des roches influe sur le modelé du site. Les calcaires de Bargny, qui surmontent les marnes forment un bas plateau qui domine les formations voisines. Par contre, les marnes du site de Rufisque correspondent à des dépressions qui collectent les eaux de ruissellement dans les aires inhabitées.
Le drainage naturel
Le drainage naturel des eaux se fait par des thalwegs naturels qui conduisent les eaux de ruissellement vers des exutoires naturels suivant la pente du milieu. Il s’effectue autour d’un bassin versant à l’intérieur duquel s’organise tout un ensemble. Le bassin versant est une surface géographique délimitée par des lignes de crêtes, alimentées par un cours d’eau, drainées par ce même cours d’eau et contrôlées par un exutoire (Laaroubi, 2006). Il se caractérise par son étendue, sa topographie, la nature de ses sols, sa couverture végétale et sa structure géologique. L’analyse de la carte 4 indique que l’écoulement naturel des eaux qui intéresse le territoire de Rufisque s’organise autour de cinq bassins versants. La délimitation des bassins versants urbains de Rufisque a été effectuée à partir de la carte topographique de Dakar au 1/20 000. Après avoir identifié le réseau hydrographique et les courbes de niveau autour des points hauts, nous avons délimité la zone drainée par différentes artères du réseau hydrographique. Cette opération nous a permis d’identifier les cinq sous bassins qui commandent l’écoulement au niveau de la ville. Seul le grand bassin qui englobe l’est et le nord-est de la commune dispose d’un écoulement qui débute à l’intérieur du territoire pour se diriger vers l’extérieur (forêt classée de Mbao, marigot de Mbao) situés à l’ouest de la ville. Dans tous les autres bassins, les écoulements débutent soit à l’extérieur ou à l’intérieur du territoire, pour ensuite traverser la ville et se jeter dans l’Océan. Ce chemin transversal de l’écoulement des eaux dans les bassins versants a été fortement perturbé par la densification de l’habitat au niveau de ces mêmes bassins. Actuellement à Rufisque, suite à la forte urbanisation, les thalwegs sont dénaturés. Ils ont été comblés et occupés pour les habitats. En plus de cela, la majeure partie de ces voies naturelles ont été modifiées en conduits artificiels tels que les canaux à ciel ouvert. Ainsi, La plupart des actuels canaux à ciel ouvert que l’on retrouve dans la ville étaient des marigots et rivières qui ont été modifiés. Il faut rappeler que jusqu’en 1880, Rufisque est encore ceinturée par deux marigots. A la suite de la série des grands travaux d’assainissement qu’a connu cette zone, ces marigots ont été par la suite édifiés en canaux. Ces deux marigots de ceinture sont les actuels canaux de l’ouest (canal du centre), celui de l’est (canal de ceinture) qui a été réalisé en 1955-1959. D’autres marigots ont été comblés. C’est le cas de celui du nord (Laaroubi, 2006). Dans les travaux de Benga, 199518, il note que: « ces travaux d’assainissement démarrèrent par le creusement d’un canal de navigation autour de la ville pour régulariser le marigot et empêcher la stagnation des eaux». Après tous ces travaux effectués dans le site, les canaux sont aujourd’hui chargés de drainer les eaux des bassins versants vers la mer qui est l’exutoire. Cependant, il existe toujours à Rufisque des voies d’eaux naturelles qui drainent les eaux dans certains quartiers (photo 1).
Histoire d’aménagement des infrastructures de drainage
La situation géologique et topographique de la commune de Rufisque est handicapante pour l’écoulement naturel des eaux. Ainsi, pour apporter une réponse à ce problème, il y a eu de grands travaux menés dans ce sens. Ce site hostile fit l’objet de gros aménagements entre 1892 et le début du XXe siècle (Benga, 1995). Rufisque a été l’une des premières villes de l’Afrique Occidentale Française où des mesures d’assainissement furent très tôt appliquées. Le programme pour l’assainissement de cette ville a été exposé au Comité des Travaux Publics des Colonies en février 1903 (Seck, 1990). Ce programme concerne en grande partie la réalisation de canaux à ciel ouvert. Ces canaux de dérivation assuraient à l’est et à l’ouest l’écoulement des eaux de ruissellement des hauteurs entourant la ville. Ils lui évitaient une inondation totale pendant la saison des pluies. Ainsi, l’historique des canaux de drainage des eaux de la ville de Rufisque montre nettement un changement du drainage naturel entrainant un déséquilibre total du système de drainage. Ces canaux sont aujourd’hui vétustes sous le poids de l’âge et sous dimensionnés à cause d’une urbanisation très dense et non contrôlée. Cependant, la plupart des quartiers de la commune sont dépourvus de réseau de canalisation entrainant ainsi un dysfonctionnement dans le drainage des eaux pluviales ou usées avec tous ses désagréments.
Impacts sur le drainage naturel
Ces impacts sont bien réels et naturellement observés dans la ville de Rufisque. Ici, la densité du bâti a fortement désorganisé le drainage naturel des eaux. Nous pouvons citer ces effets à travers :
– la dénaturation de la topographie.
– l’imperméabilisation des sols concomitante avec l’accroissement de l’occupation de l’espace. Cette imperméabilisation augmente le débit du ruissellement des eaux de pluies.
– l’occupation non contrôlée de l’espace qui aurait dû rester non aedificandi.
– la disparition du réseau hydrographique : « à Rufisque, le réseau de cours d’eau visible jusqu’en 1976 dans certaines localités comme au nord de la ville a complètement disparu suite à l’urbanisation, mais aussi du fait de la sécheresse » (Diop, 2005).
– la construction d’infrastructures qui, ne tenant pas compte du milieu a des répercussions sur l’écoulement naturel des eaux et sur l’imperméabilité des sols.
– les remblaiements effectués dans certaines zones et qui contribuent largement au dysfonctionnement du drainage naturel des eaux.
L’urbanisation est l’un des facteurs clés qui ont perturbé les conditions naturelles du drainage des eaux en milieu urbain. Ici, le ruissellement s’effectue dans un contexte de changement de parcours et de perturbation du cycle hydrologique par l’urbanisation, et de la faible incision du réseau dans le substrat argileux.
Les conséquences sur les populations
Les conséquences sur les conditions d’hygiène et sur la santé de la population urbaine sont importantes. Les collecteurs encombrés de déchets solides de toutes sortes sont des repères de moustiques dont le nombre augmente considérablement au cours de l’hivernage. Les populations ont tendance à jeter dans ces eaux stagnantes que ce soit dans les canaux ou dans espaces vagues des déchets ménagers et des eaux usées domestiques de toutes sortes. Ce qui crée une situation hygiénique totalement lamentable au niveau de la ville. Ce mélange d’eau pluviale, d’eau usée et d’ordures ménagères se décompose au fil du temps et dégage une odeur nauséabonde. Ces odeurs malsaines et la prolifération des moustiques entrainent des conséquences sur la santé des populations. En plus de tous ces désagréments notés, les canaux à ciel ouvert représentent des dangers permanents pour les populations. Ces infrastructures n’ont pas été sécurisées à l’aide de clôture afin de protéger les habitants contre les dangers qu’ils peuvent rencontrer au contact de ces canaux. Ainsi, lors des fortes pluies, qui occasionnent le débordement des canaux, l’immersion des rues et des maisons, on assiste même parfois à des cas de noyades. L’un des exemples les plus récents s’est produit au cours de l’hivernage de 2015. En effet, le 23 août 2015, une forte pluie s’est abattue sur Dakar. La station pluviométrique de Rufisque a enregistré 107 mm d’eau (Météo nationale). Cette pluie est enregistrée à un moment où nous sortons d’une semaine relativement pluvieuse. Ce qui a amplifié ses effets car les canaux n’avaient pas le temps d’évacuer toute cette quantité d’eau reçue durant la semaine. A Rufisque, au quartier Gouye Mouride, un jeune homme de 23 ans est mort noyé dans les eaux du canal du quartier.
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Table des matières
Introduction générale
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
1. Situation et site
2. Synthèse bibliographique
3. Problématique
Objectif général
Objectifs spécifiques
Hypothèses
4. Analyse conceptuelle
5. Méthodologie
5-1. Recherche documentaire
5-2. Les observations et les travaux de terrain
5-3. Méthodes d’enquêtes
5-4. Traitement des données
DEUXIEME PARTIE : ETUDE DU DRAINAGE
CHAPITRE I : LES FACTEURS DU DRAINAGE
1. Le climat
1-1. Description
1-2. La pluviométrie
1-2-1. Evolution de la pluviométrie de 1984 à 2013
1-2-2. Ecart à la moyenne de la série 1984-2013
1-2-3. Les caractéristiques de la pluviométrie
2. Géologie
2-1. Les caractéristiques hydrodynamiques du complexe sol/sous-sol
2-2. Rufisque dans la structure du Cap-Vert : un graben
3. Hydrographie et hydrogéologie
3-1. Hydrographie
3-2. Hydrogéologie
CHAPITRE II : MODE DE DRAINAGE SUR LE SITE
1. Le drainage naturel
2. Le drainage artificiel
2-1. Histoire d’aménagement des infrastructures de drainage
2-2. Présentation du réseau de drainage du site
2-2-1. Typologie des aménagements de drainage
a) Les canaux primaires
b) Les canaux secondaires
2-3. Les défaillances du réseau d’assainissement
TROISIEME PARTIE : DYSFONCTIONNEMENT DU DRAINAGE : CAUSES ET CONSEQUENCES
CHAPITRE I: CAUSES ET FACTEURS EXPLICATIFS DU DYSFONCTIONNEMENT DU DRAINAGE
1. Cause essentielle
2. Les facteurs explicatifs du mauvais drainage des eaux
2-1. Les facteurs liés au site naturel
2-1-1. La pente et la forme du terrain
a) La topographie
b) Le Modèle Numérique de Terrain
2-2. Les facteurs liés aux transformations artificielles du milieu
2-2-1. Densification de l’habitat
a) L’urbanisation rapide notée à Rufisque
b) Dynamique de l’occupation du sol
c) Dynamique du bâti
d) Impacts du développement urbain sur le drainage des eaux
d-1. Impacts sur le drainage naturel
d-2. Impacts sur le drainage artificiel
2-2-2. Revêtements artificiels des sols
3. Les autres facteurs amplificateurs du phénomène
CHAPITRE II : LES CONSEQUENCES DU MAUVAIS DRAINAGE SUR LE MILIEU DE VIE
1. Les conséquences sur l’environnement
1-1. Les conséquences sur le milieu physique
1-2. Les conséquences sur les populations
1-3. Le drainage à Rufisque : un enjeu électoral
2. Actions des autorités locales
2-1. Les opérations de curages prés-hivernales
Conclusion générale
Bibliographie
Table des illustrations
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