Théorie de base
L’analyse du discours est considérée comme une discipline qui s’inscrit dans les sciences du langage à partir des années 60-70. Elle compte différentes bases théoriques que sont entre autres : La théorie de communication, la théorie conversationnelle, la théorie sociolinguistique, la théorie pragmatique, la théorie d’énonciation …. Toutes ces théories qu’on appelle les théories de bases de l’analyse du discours nous servent d’outils d’étude aux réflexions sur tout discours que soit politique, religieux ou littéraire. Pour les besoins de notre recherche, nous nous baserons à la théorie de l’énonciation. Celle-ci s’intéresse à tout, c’est-à dire à tous les phénomènes qui caractérisent les conditions de production du discours. Aussi le champ d’étude du discours rapporté s’est beaucoup élargi avec l’influence de la théorie de l’énonciation et de l’analyse interactionnelle du langage Elle nous permet ainsi de comprendre le fonctionnement de la langue. E. Benveniste (I, 1969 ; II, 1974), avec ce qu’on a appelé la linguistique de l’énonciation, fait un pas de plus dans l’abandon de la dichotomie langue- parole dans laquelle étaient situées les études linguistiques. De ce fait, la théorie de l’énonciation va constituer surtout un point différent sur la langue (par rapport à l’analyse traditionnelle ou structurale), et donc un système d’analyse spécifique des énoncés. E. Benveniste expose que le langage est communicationnel, c’est-à-dire, « qu’il contient en lui des unités permettant non seulement de transmettre des informations, mais de signaler que la communication est en train de se dérouler, et qui renvoient non pas à l’énoncé produit mais à l’acte de communication lui-même ». Lebre-peytard, (1990 :27)
L’énonciation
L’énonciation, concept construit à partir de la forme active du verbe énoncer, désigne « tout ce qui est produit par quelqu’un qui le dit dans un certain lieu, à un certain moment dans certaines circonstances ». (Siouffi & Van Raemdonck, (2009 :114)) Selon Émile Benveniste (1974 :80) : « l’énonciation est cette mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation ». Oswald Ducrot, quant à lui met l’accent sur évènement dans sa réalisation. Il définit l’énonciation comme «l’événement constitué par l’apparition revient d’un énoncé » (1984 : 179). La dimension événementielle de l’énonciation revient en effet dans divers définitions notamment chez MAINGUENEAU pour qui le concept « constitue le pivot de la relation entre la langue et le monde. Elle permet de représenter certains faits dans l’énoncé mais aussi elle constitue elle-même un fait, un événement unique défini dans le temps et l’espace ». (2009 :57) ASCOMBE et Ducrot cité par KERBRAT -ORECCHIONI (2002 : 32) : « L’énonciation est l’activité langagière exercée par celui qui parle au moment où il parle ».
Le discours direct
Selon Jacqueline AUTHIER, « ce qu’on appelle discours rapporté est la présentation d’un acte d’énonciation, comportant comme élément capital, mais ne s’y réduisant pas, un énoncé » (Hachette, 2001). Il est de ce point de vue important de préciser que dans la forme directe, c’est l’ensemble de l’énoncé (segment présentateur et segment présenté) qui est identifiable comme discours direct et non le seul élément cité. C’est par exemple l’ensemble de la séquence qui constitue le DD et non l’énoncé. Dans l’exemple : «C’est la sorcellerie du guérisseur africain qui peut fermer ta plaie. Si le capitaine opère ta jambe, tu vas mourir comme un chien », a dit l’infirmier major. P. 25(DD) La séquence « a dit l’infirmier major » est le discours citant et la séquence « C’est la sorcellerie du guérisseur africain qui peut fermer ta plaie. Si le capitaine opère ta jambe tu vas mourir comme un chien. » Désigne le discours cité. L’ensemble des deux séquences constitue le discours direct. Il arrive que les embrayeurs ne soient pas distincts, ce qui n’est qu’une coïncidence de références parallèles. Soit l’exemple : Quand j’ai vu ça j’ai repris ma musique d’enfant pourri ; « je veux devenir un soldat-enfant ; fafaro ! walahé ! Gnamakodé ! »P .58(DD) Ces deux « JE » désigne la même personne, le narrateur. Mais l’un appartient au discours citant et l’autre au discours cité. Les embrayeurs du discours citant sont interprétables dans la situation de l’énonciation et ceux du discours cité ne le sont qu’à partir d’indices fournis par le discours cité. Ainsi si nous prenons l’exemple « grand- mère » qui est un terme rationnel est interprétable au niveau référentiel dans la situation d’énonciation, nous pouvons dire qu’il s’agit de la grand- mère du narrateur Birahima parce que grand- mère s’adresse à elle. Cependant, l’identification des constructions en mode direct se caractérise donc dans l’évolution des formes marquées et non marquées ou les marques externes et les marques internes. Les formes marquées comprennent un maximum de caractéristiques retenues par les grammaires et les études linguistiques qui sont :
1. La présence d’un verbe introducteur
2. Un effet de rupture syntaxique.
3. La présence de guillemets, tiret ou italiques.
4. L’hétérogénéité dans le système de repérages déictique.
5. L’hétérogénéité dans les modalités phrastiques ou énonciatives.
6. L’hétérogénéité de registres de langues.
7. La présence d’éléments expressifs dans le segment présenté.
Le verbe introducteur peut être antéposé, ou être postposé, ou souligné par l’incise.
– verbe antéposé : Exemple :Il(Yacouba) gueula fort : « Moi féticheur, moi grigriman, grigriman…. »p.57(DD)
-Verbe postposé
Généralement, les constructions en discours direct avec des verbes postposé se caractérisent par un présentateur qui est une phrase postposée non marquée syntaxiquement parun segment rapporté. Mais celui-ci est séparé de l’énoncé rapporté par une virgule(,) ou deux points (:) L’exemple : « c’est la sorcellerie du guérisseur africain qui peut fermer ta plaie. Si le capitaine opère ta jambe tu vas mourir comme un chien », a dit l’infirmier major.P.25(DD)
– L’incise, avec inversion est placée soit à la fin du discours.
Exemple « C’est les krahns, dit-il (un homme). Ils n’aiment pas les mandigos. Ils veulent pas voir les mandigos au Liberia. Les krahns sont arrivés. Ils lui ont écrasé la tête ; ils lui ont arraché la langue et le cul. La langue et le sexe pour rendre les fétiches plus forts. Sa femme, la bonne Mahan, a vu ça, elle a vite couru et s’est cachée chez moi. Quand les Krahns sont partis, définitivement partis, je l’ai amenée à la lisière de la forêt. Elle est partie vite dans la forêt. Partie vite vers le sud…Elle est tellement bonne, trop bonne la Mahan. »P.128(DD) Dans cet exemple l’incise dit- il est en cours du discours. A l’écrit, les paroles rapportées au style direct sont encadrées par des guillemets (« … ») précédés de deux points (:). Les guillemets ouvrent les propos rapportés après le verbe introducteur et les referment après un point (:) Il arrive que les propos rapportés soient introduits sans guillemets.
Exemple1 Le croyant musulman ne peut rien dire ou reprocher à Allah, a dit l’iman. P.30(DD)
Exemple2 Yacouba avait expliqué : le colonel avait transgressé des interdits attachés aux fétiches. P.87(DD).
Ces deux exemples de DD n’ont pas de guillemets. Dans l’exemple1, les propositions sont séparées par une virgule alors dans l’exemple2, elles sont séparées par deux points. Dans les séquences dialoguées, le changement d’interlocuteurs se marque simplement au moins d’un tiret(-).
Exemple : La pauvre (une vieille) cria comme un oiseau pris dans un piège :
« C’est pas moi ! C’est pas moi !
-Si, c’est toi. Si, c’est toi, répliqua le colonel Papa le bon. L’âme de Kid est venue dans la nuit te dénoncer.
– Walahé ! C’est pas moi. J’aimais Kid. Il venait manger chez moi.
– C’est pourquoi tu l’as bouffé. Je t’ai vu dans la nuit te transformer en hibou. Je dormais comme un caïman, un œil demi-ouvert. Je t’ai vu. Tu as pris l’âme dans tes serres. Tu es allé dans les feuillages du grand fromager. Les autres transformés en hibou t’ont rejoint. Là ce fut la bacchanale. Tu as bouffé le crane ; c’est toi qui as bouffé le cerveau avant de laisser le reste à tes adjoints. C’est toi. C’est toi ! hurla le colonel Papa le bon.
– Non ce n’est pas moi !
– L’âme du mort est venue hier me dire que c’est toi ; si tu n’avoues pas je te fais passer par l’épreuve du fer incandescent. (Incandescent signifie état d’un corps qu’une température élevé rend lumineux.) Je fais passer le fer incandescent sur ta langue. Oui. Oui », répliqua le colonel Papa le bon. P.65-66(DD) Dans ce passage de discours direct, nous avons un dialogue entre le chef d’une bande armée, le colonel Papa le bon et une vieille dame. Cette dernière est accusée par son interlocuteur d’être responsable de la mort d’un de ses soldats, le capitaine Kid. Le discours cité est un dialogue dans lequel chaque changement de réplique est marqué par un tiret. En ce qui concerne les formes non marquées ou marques internes de DD on peut noter :
– La personne : les prénoms personnels et les possessifs se réfèrent au locuteur (je, mon le mien), au destinataire (tu, ton, le tien), à ce qui est en dehors de la relation d’interlocuteurs (il, son, le sien).
– Nous reviendrons en détail sur ces aspects.
-Le temps : le présent représente le moment d’énonciation, les indicateurs de temps et le lieu, les démonstratifs renvoient à ce qui est désigné lors de la situation d’énonciation.
-Les différents types de phrases sont possibles dans les paroles directes : déclaratif, interrogatif, impératif et exclamatif.
Comme le DD, le DI a aussi ses caractéristiques formelles qui nous permettent de l’identifier.
LA CONCORDANCE DE TEMPS
En matière de discours rapporté, on entend par transformation d’un type de discours dans un autre. La transposition pose plus de difficultés lorsqu’on passe du DD au discours indirect. Cette transposition concerne les embrayeurs, c’est-à-dire, le temps des verbes, les personnes, ainsi que les autres marques de l’énonciation (temps et lieu), qui ne seront plus considérées du point de vue de l’énonciateur originel (comme dans le discours direct), mais du point de vue du narrateur. Dans certains cas (interjections, phrases nominales, phrases incomplètes, phrases grammaticalement incorrectes, cette transposition pose des difficultés et exige une adaptation supplémentaire, une interprétation de la part du narrateur de manière à produire un énoncé conforme aux règles grammaticales : Il a dit : « hélas ! » / Il a dit : « mon séjour dans les Cévennes ? Un paradis ! » / Il a dit : « vraiment, tu crois que … » A part ces difficultés (fréquents dans l’énonciation orale), la transposition du discours direct au discours indirect suit les règles suivantes : Si le verbe introducteur est au présent ou au futur simple, il n’y a aucun changement de temps dans l’énoncé cité sauf si ce dernier est à l’impératif. Dans ce cas le verbe du DI se met à l’infinitif ou au subjonctif.
Exemple 1 : Les deux enfants se disputaient. Ali crie, indigné : « Hier, je t’ai prêté mon arc ! » (DD)
Indigné, Ali crie (criera) qu’il lui a prêté son arc la veille. (DI)
Exemple 2 : « viens », ordonne-t-il. (DD)
-Il lui ordonne de venir. (DI au l’infinitif)
– Il lui ordonne qu’il vienne. (DI au subjonctif)
Si au contraire, le verbe introducteur est au passé ( simple, composé ou à l’imparfait), le présent de l’indicatif devient l’imparfait de l’indicatif, le passé simple ou le passé composé de l’indicatif devient plus- que – parfait de l’indicatif, le passé antérieur devient le conditionnel passé, le futur simple devient le présent du conditionnel et le futur antérieur devient le conditionnel passé ( c’est la « concordance des temps du discours rapporté »)
Exemple « C’est la sorcellerie du guérisseur africain qui peut fermer ta plaie. Si le capitaine opère ta jambe, tu vas mourir comme un chien », a dit l’infirmier major.
Exemple : Rita Baclay ne cessait de me dire : « petit Birahima, tu es beau, tu es joli… »
Exemple Je (Birahima) murmurais : « Si le colonel Baclay nous voyait, il ne serait pas content… »
Dans ces exemples, les verbes introducteurs (a dit, cessait) sont au passédoncles verbes du DD qui sont au présent seront à l’imparfait au DI. La transformation est la suivante :
Exemple : L’infirmier major a dit que c’était la sorcellerie du guérisseur africain qui pouvait fermer sa plaie. Si le capitaine opère sa jambe, il allait mourir comme un chien.
Exemple : Rita Baclay ne cessait de me dire que j’étais beau, j’étais jolie…
Par contre, dans l’exemple, les verbes du (DD) (voyait, serait) sont respectivement à l’imparfait et au conditionnel présent. Ils vont conserver ces temps lors de la transformation en DI.
Exemple : Je murmurais que le colonel Baclay ne serait pas content s’il nous voyait. Les indicateurs de temps et de lieu subissent aussi des transformations dans le passage du DD au DI.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
I. 1 Problématique
I .1. 1 Contexte et justification
I.1.2.Questions de recherche
I.1. 3.Objectifs
I.1 .4. Hypothèses
I.2. Revue de la littérature
I.3. Cadre théorique et conceptuel
I .3 .1 Théorie de base
I.3.2 Concepts clés
I.4. Constitution du corpus
I.4.1.Présentation de l’auteur
I.4.2. Présentation de l’œuvre
1 4 3 DEMARCHE SUIVIE POUR LA COLLECTE DES DONNEES
CHAPITRE II: LE DISCOURS RAPPORTE: PRESENTATION EN FRANÇAIS
II 1 Typologie du discours rapporté
II.1.1 Le discours direct
II 1 2 – Le discours indirect
II.1.3 – Le discours indirect libre
II.1.4 – Le discours narrativisé
II.2 Transposition du discours direct au discours indirect
II.2.1 La concordance de temps
II.2.2 – Equivalence des indicateurs de temps et de lieu
II.2.3 Equivalence des pronoms personnels, des possessifs et des demonstratifs
II 2 4 – Equivalence des mots interrogatifs
CHAPITRE III : DISCOURS RAPPORTE ET ENONCIATION DANS ALLAH N’EST PAS OBLIGE
III.1 – Marques énonciatives du discours rapporté
III. 2 – Les déictiques dans le discours rapporté
III.2.1 – Les déictiques personnels
III.2 .2 – Les déictiques temporels
III.2 3 – Les déictiques spatiaux
CHAPITREIV: MODALITES ET DISCOURS RAPPORTE DANS ALLAH N’ EST PAS OBLIGE
IV. 1 Les substantifs subjectifs
IV. 2 Les adjectifs subjectifs
IV.2.1 Les adjectifs affectifs
IV.2.2 – Les adjectifs évaluatifs non axiologique
IV.2.3- Les adjectifs évaluatifs axiologiques
IV.3 – Les verbes subjectifs
IV.4 Les adverbes subjectifs
CHAPITRE V. : LA POLYPHONIE ET LE DIALOGISME DANS LE DISCOURS RAPPORTE
V.1- La polyphonie
V.2-Le dialogisme
Conclusion
Corpus
Bibliographie
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