Etude du développement spatio-temporel du scolyte des baies
Contexte d’étude
Le café, couvre 97 614 hectares au Costa Rica, il est majoritairement produit dans des systèmes agroforestiers (Statistics FAO, 2012). Certains sont relativement simples, en association avec une seule espèce d’ombrage, souvent appartenant à la famille des Fabacées comme Erythrina poeppigiana, le Poró du Costa Rica, ou Inga edulis. D’autres sont plus complexes et se rapprochent des agroforêts, avec plusieurs espèces en association, notamment des arbres fruitiers mais aussi des arbres à bois d’oeuvre (Toledo et al., 2012). Aujourd’hui les systèmes agroforestiers sont considérés comme des systèmes agricoles susceptibles d’accroître la résilience face au changement climatique (Verchot et al., 2007). Ils offrent une large gamme de services écosystémiques, parce qu’ils contribuent à conserver la biodiversité (Schroth et al., 2004, Cerdán et al., 2012). Ils permettent aussi le recyclage des nutriments et maintiennent la qualité des sols (Young et al., 1998). Ils séquestrent le carbone (Montagnini, 2004).
Ils permettent de plus la production de produits variés, des fruits, du bois d’oeuvre, du bois de chauffe, des plantes médicinales (Cerdán et al., 2012). Cependant la thématique de la régulation des bioagresseurs dans ces systèmes est encore discutée (Rao et al., 2000 ; Avelino et al., 2011), car les arbres d’ombrage peuvent avoir des effets variés. Le contrôle biologique des bioagresseurs peut être accru car ces systèmes sont susceptibles d’accueillir de plus grandes populations d’ennemis naturels. Ils peuvent améliorer les conditions du sol, et réduire l’incidence des parasites de faiblesse, ou encore transformer les conditions du microclimat, et défavoriser certains bioagresseurs qui préfèrent des conditions moins ombragées. A l’inverse, la présence d’arbres peut accroître la présence de certains bioagresseurs en offrant un climat approprié pour leur développement (Schroth et al., 2000) ou en servant d’hôtes.
alternatifs pour des bioagresseurs non spécifiques de la culture de base (Avelino et al., 2011 ; López-Bravo et al., 2012) Par ailleurs, les interactions entre la biologie de l’agent pathogène et les conditions environnementales dans les systèmes agroforestiers sont plus complexes que dans les systèmes homogènes. L’hétérogénéité inhérente aux systèmes agroforestiers (plusieurs strates et espèces, couverture d’ombrage variable) offre aux bioagresseurs une grande diversité de niches écologiques à la fois dans le temps mais aussi dans l’espace (Schroth, 2000). L’épidémiologie s’est traditionnellement intéressée au développement temporel des maladies, en délaissant généralement la structure spatiale de leur développement en lien avec des variables environnementales (lumière, température, humidité).
En effet, les suivis épidémiologiques réalisés par un échantillonnage sur l’ensemble d’une parcelle ne prenaient en compte ni la structure spatiale de l’environnement, ni les patrons de dispersion des bioagresseurs (Jongejans et al., 2008) Avec le développement des systèmes d’information géographique (SIG), de télédétection et d’outils d’analyse spatiale, l’épidémiologie spatiale a pris un essor considérable (Scherm et al., 2006). Ces nouveaux outils permettent de prendre en compte la connaissance de la structure spatiale, et son évolution au cours du temps pour améliorer les méthodes de lutte : soit en ciblant spécifiquement le mécanisme de dispersion qui pourrait être à l’origine de la structure spatiale observée, soit en ciblant des foyers, zones spécifiques et précoces d’infestation ou d’infection (Ristaino et al., 1994). Même si l’effet de l’ombrage sur les populations de bioagresseurs a fait l’objet de plusieurs études – la synthèse de Bedimo et al. (2012) illustre notamment les effets directs ou indirects de l’ombrage sur le développement des principaux bioagresseurs du caféier – la connaissance du développement spatio-temporel des bioagresseurs du café en système agroforestier en lien avec l’environnement présente des lacunes. On peut toutefois citer Rémond et al. (1993) et Alves et al. (2011) qui ont étudié la répartition spatiale du scolyte au Salvador et au Brésil respectivement, mais avec une seule observation par an, ce qui ne permet pas d’en déduire les patrons de dispersion de ce ravageur, ni les effets de l’hétérogénéité du milieu sur cette dispersion. Alves et al. (2008) ont aussi étudié la distribution spatiale de la rouille orangée du café et de la cercosporiose au Brésil avec également une seule observation par an, avec les mêmes conséquences que celles citées précédemment.
Trois bioagresseurs aux traits de vie différents comme modèles d’étude
Ce projet propose d’étudier le développement spatio-temporel au sein d’une parcelle agroforestière de trois importants bioagresseurs : la rouille orangée du café (Hemileia vastatrix), la cercosporiose (Cercospora coffeicola) et le scolyte des baies (Hypothenemus Hampei). Une forte épidémie de rouille orangée à l’échelle de l’Amérique Centrale et du Nord a ainsi été rapportée, en lien avec le changement climatique (Avelino et al., 2012). Des pertes de rendement jusqu’à 30 % peuvent être observés en Amérique Latine. Elles sont dues à la chute des fruits qui tombent ou qui ne parviennent pas à maturité à cause de la défoliation du caféier. Concernant la cercosporiose, des pertes de rendement de l’ordre de 30 % en cas d’épidémies sévères peuvent être observées (Martins et al., 2008). Les feuilles et les fruits peuvent être attaqués par ce champignon qui provoque la chute des feuilles, en particulier durant la sécheresse. Les lésions sur les fruits peuvent être à l’origine d’une diminution de la qualité du café (Souza et al., 2011).
Tous les stades de développement du caféier sont sensibles à la cercosporiose, avec une sensibilité accrue dans des situations de carence nutritive (Muller, 1940). Le scolyte, lui est considéré comme le ravageur le plus important économiquement rencontré en caféiculture dans le monde. Ce coléoptère d’origine africaine se développe dans les fruits et entraîne des pertes directes telles que la réduction des rendements et indirectes comme la diminution de la qualité du grain de café. Les perforations qu’il effectue sur les jeunes fruits provoquent leur chute prématurée (Klein-Koche et al., 1990). Lors du traitement après la récolte, la fragmentation des grains de café perforés est aussi souvent invoquée comme l’un des dommages entraîné par cet insecte. Il peut causer jusqu’à 30-35 % de pertes en poids à la récolte, voire plus si la récolte s’effectue tardivement car le scolyte continue à s’étendre (Damon et al., 2000).
Symptômes des bioagresseurs étudiés
Les premiers symptômes de rouille orangée sont de petites taches jaune-pâle à la surface inférieure des feuilles. Ces tâches augmentent progressivement de diamètre ; des masses de spores orange (les urédospores) recouvrent les lésions. Les urédospores peuvent varier du jaune orangé au rouge orangé (figure 1). Les lésions se concentrent souvent sur les bords des feuilles. Les premiers symptômes de la cercosporiose sont des lésions circulaires de couleur brun foncé à la surface supérieure des feuilles. Avec l’extension de la lésion, une tache gris-clair au centre devient observable par transparence. On peut y voir à l’oeil nu les conidiospores de l’agent pathogène. Les lésions sont aussi être entourées d’un « halo » jaune visible sur la face supérieure de la feuille (Souza et al., 2011).
Les lésions peuvent avoir un aspect brûlé si elles sont très nombreuses (figure 2). Les femelles adultes des scolytes attaquent les baies du caféier, en réalisant un trou puis en creusant des galeries où les oeufs y sont déposés – la femelle et les larves s’alimentent dans les baies détruisant généralement un grain sur les deux disponibles. Il est facile de reconnaître l’infestation par la présence de trous ronds au niveau de l’apex des fruits (figure 3). Le fruit charnu du caféier, ou se développe le scolyte, est une drupe d’environ 2,0 cm de long à maturité, de forme ovale elliptique, fixée à sa branche par un court pédoncule ; elle demande 6 à 9 mois après la floraison pour atteindre sa maturité : de couleur verte elle grossit et passe par la couleur jaune puis orange avant de devenir rouge. Les baies de taille supérieure à 1,5 cm, c’est-à-dire un peu plus de 100 jours après la floraison, sont considérées comme « aptes » à être parasitées. Les baies de plus petite taille sont trop aqueuses, pour que le scolyte les perfore sans se noyer (Damon, 2000).
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Table des matières
INTRODUCTION
1.Préambule
2.Contexte d’étude
3.Trois bioagresseurs aux traits de vie différents comme modèles d’étude
4.Objectifs & hypothèses de recherche
MATERIELS ET METHODES
1.Site, essai et parcelles
2.Cartographie de l’essai et mise en place d’un plan d’échantillonnage
3.Méthodes utilisées pour le suivi des bioagresseurs du café
4.Variables mesurées pour caractériser l’ombrage dans les parcelles agroforestières à travers la détermination du degré d’ouverture de la canopée
5.Analyses statistiques
RESULTATS
1.Evolution des bioagresseurs au cours du temps
2.Mise en évidence d’une dépendance spatiale des bioagresseurs (étape a)
3.Mise en évidence de variables environnementales expliquant la dépendance spatiale des bioagresseurs (étape b)
4.Analyse spatiale des résidus : une partie de la variance non expliquée par l’environnement (étape c)
5.Explication de la spatialisation des résidus en utilisant un modèle intégrant les variables environnementales et la position géographique des caféiers (étape d)
6.Vérification de la distribution spatiale des résidus du modèle complet intégrant les variables environnementales et la position géographique (étape e)
7.Construction d’une carte prédictive de la distribution des bioagresseurs grâce au modèle complet intégrant les variables environnementales et la position géographique (étape f)
DISCUSSIONS ET PERSPECTIVES
1.Retour sur la méthodologie utilisée
2.Une dépendance spatiale observée différentes selon les bioagresseurs
3.Des perspectives dans les méthodes de lutte
4.Des perspectives méthodologiques
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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