La fatigue des matériaux métalliques a toujours été une préoccupation majeure dans la conception des pièces et structures mécaniques sollicitées cycliquement en service, le nombre des publications annuelles sur le sujet le démontrant bien. Parmi toutes les difficultés enveloppant le domaine de la fatigue, la compréhension des mécanismes microstructuraux n’est pas la moindre. Le développement des modèles multi-échelles, en décrivant les comportements au niveau des grains voire des atomes, a permis des avancées récentes dans cette optique, tout en soulevant des difficultés lors de la nécessaire confrontation avec l’expérience au moment de la validation. En empruntant à la thermodynamique des processus irréversibles son vocabulaire, la variable d’état observable habituellement choisie pour décrire le comportement du matériau est la déformation, qu’elle soit à l’échelle macroscopique de la pièce ou du grain . La fatigue à grand nombre de cycles des matériaux métalliques se produisant à des niveaux de contraintes inférieurs à la limite élastique macroscopique, la mesure des déformations plastiques, localisées à l’échelle de la microstructure, est très délicate [20],[41].
Aspects phénoménologiques microscopiques
La température définit le degré d’agitation des atomes constituant une structure métallique cristalline [19]. La déformation de cette structure sous une sollicitation mécanique peut engendrer une variation de l’agitation atomique :
– le rapprochement (ou l’éloignement) des atomes engendre une augmentation (ou une diminution) de l’énergie cinétique lors d’une compression (ou extension) mécanique. A l’échelle d’une pièce (macroscopique), ce couplage thermomécanique réversible s’exprime sans difficulté et de façon usuelle en partant du premier principe de la thermodynamique ;
– le frottement interne [7] regroupe un certain nombre de mécanismes dissipatifs attribués aux déplacements des atomes par rapport à leur position d’équilibre. Ils sont liés soit aux défauts ponctuels de la structure cristalline (diffusion d’atomes interstitiels dans l’effet Snoek, de substitution dans l’effet Zener) soit aux mouvements des dislocations. La libération rapide d’énergie due aux mouvements des atomes lors de leur retour à leur position d’équilibre génère une onde acoustique qui, en se propageant, augmente l’énergie cinétique des atomes, donc la température. De nombreuses études ont été menées pour relier des mesures de cette émission acoustique à la dynamique des dislocations [49].
Cependant, il existe plusieurs types d’obstacles au déplacement des dislocations dont le franchissement nécessite un niveau de contrainte mécanique suffisant [44] :
– la résistance du réseau atomique ;
– la résistance du réseau de dislocation ;
– la résistance des joints de grain ;
– la résistance du polycristal ;
– les obstacles externes.
En résumé, il existe deux phénomènes fondamentalement distincts à l’origine des variations de température d’un matériau métallique déformé : le rapprochement ou l’éloignement réversible des atomes et le mouvement dissipatif des défauts de la structure cristalline, principalement des dislocations. Ces sources thermomécaniques dissipatives sont activées pour des niveaux de contraintes faibles. Sous un chargement croissant, au-delà d’un niveau permettant l’activation des sources de dislocations, associées à la notion de micro limite élastique, l’intensité des sources croit sensiblement.
Dans le cas d’une sollicitation cyclique, le déclenchement des sources de dislocations de Frank Read (microplasticité) est nécessaire mais pas suffisant pour aboutir à une rupture de fatigue : d’autres obstacles nécessitent un surplus de contrainte pour être franchis (joint de grain . . .). La micro limite élastique peut donc être considérée comme un minorant de la limite d’endurance ou de fatigue.
Le dimensionnement des pièces et structures s’appuie sur l’utilisation de seuils de résistance des matériaux dont la denomination peut prêter à confusion. Ainsi, pour une éprouvette sollicitée en traction à une contrainte inférieure à la limite élastique (sous entendu macroscopique), il y a localement dans la microstructure des écoulements plastiques. Les exigences pratiques industrielles font que les définitions des valeurs limites de résistance à la fatigue semblent encore plus floues. Habituellement les résultats des essais de fatigue sont reportés dans les diagrammes de Wöhler (ou courbes S-N).
Etudes thermomécaniques du comportement des matériaux
Le travail présenté porte sur le comportement thermomécanique de matériaux métalliques sollicités en fatigue à grand nombre de cycles, c’est-à-dire à des niveaux de contraintes cycliques inférieurs à la limite élastique macroscopique. Il semble cependant intéressant de se pencher sur l’ensemble des études dans lesquelles les auteurs utilisent la température comme moyen exploratoire. La présentation de ces travaux est classée en fonction du comportement mécanique supposé (élastique ou élastoplastique) et de la sollicitation (monotone ou cyclique).
Plasticité
Chargement monotone
En vue d’établir le bilan énergétique d’un essai de traction à faible vitesse de déformation, de nombreux auteurs ont mesuré expérimentalement la fraction d’énergie bloquée au cours de l’écrouissage. Pour les aciers, on observe que cette fraction est fonction de la déformation plastique, et diminue avec celle-ci pour se stabiliser autour de 10%. Par contre à faible déformation plastique macroscopique elle peut atteindre plus de 50% (figure 1.5). Dans le cas de la microplasticité, il n’existe pas à notre connaissance de telles études de bilan énergétique pour des raisons expérimentales évidentes. Il semble malgré tout raisonnable d’affirmer que le taux d’énergie bloquée risque d’être important par rapport à l’énergie calorifique dissipée. En se reportant aux mécanismes des dislocations, il est probable qu’un matériau à faible densité de dislocations (acier recuit par exemple) s’échauffe moins, ce qui ne voudra pas dire qu’il n’y a pas d’écoulement plastique localisé dans la microstructure.
Toujours dans le cadre des études relatives au comportement plastique citons les travaux de Watrisse et col. [52] sur l’analyse de la localisation dans les aciers doux lors d’un écrouissage. La technique de calcul des sources thermomécaniques dissipatives localisées peut également être appliquée à l’étude de la transformation de phase des alliages à mémoire de forme (figure 1.6) [36]. Ces résultats mettent parfaitement en valeur l’intérêt de l’acquisition du champ de température à l’aide d’une caméra infrarouge et du calcul des sources en partant de l’équation de la chaleur .
Si on réalise des essais à différentes valeurs de contrainte moyenne, et en ne considèrant pas le cas particulier de l’effet « rochet », on peut obtenir deux types de réponses mécaniques selon les conditions de chargement :
– une stabilisation de la déformation avec un comportement élastique au cycle stabilisé : c’est le phénomène d’adaptation obtenu pour un rapport de charge Rσ positif ou nul ;
– une stabilisation de la déformation avec un comportement élasto-plastique au cycle stabilisé : c’est l’accommodation dans le cas d’un rapport de charge négatif ;
L’énergie mécanique dissipée par cycle, proportionnelle à l’aire des boucles d’hystérésis de la représentation contrainte-déformation, varie donc sensiblement pendant les cycles d’adaptation et/ou d’accommodation. Bien qu’une partie de cette énergie soit bloquée dans le matériau, il est raisonnable d’affirmer qu’il en est de même pour la dissipation intrinsèque. Celle-ci doit donc décroître au fur et à mesure du cyclage pour un rapport de charge positif, et demeurer à peu près constante pour un rapport négatif.
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Table des matières
Introduction
1 Étude bibliographique
1.1 Aspects phénoménologiques microscopiques
1.2 Cadre thermodynamique. Equation de la chaleur
1.2.1 Premier principe
1.2.2 Second principe
1.2.3 Equation de diffusion de la chaleur
1.3 Etudes thermomécaniques du comportement des matériaux
1.3.1 Complément de thermodynamique
1.3.2 Plasticité
1.3.3 Elasticité
1.3.4 Fatigue à grand nombre de cycles
1.4 Conclusion
2 Méthodologie
2.1 Equation de diffusion de la chaleur
2.2 Application expérimentale
2.2.1 Moyens expérimentaux
2.2.2 Procédure expérimentale
3 Analyse de la sensibilité de la méthode
3.1 Analyse de la convection et du rayonnement
3.1.1 Effet sur le bruit
3.1.2 Détermination de la constante de temps τth
3.1.3 Précautions expérimentales
3.1.4 Résultats
3.2 Prise en compte de la conduction
3.2.1 Calcul du laplacien
3.2.2 Les mesures
3.2.3 Les traitements
3.2.4 Résultats
3.3 Conclusions
4 Application de la méthode. Premiers résultats
4.1 Matériaux étudiés
4.1.1 Propriétés métallurgiques
4.1.2 Propriétés mécaniques
4.2 Acier laminé initial
4.2.1 Une seule éprouvette
4.2.2 Essais une éprouvette par niveau
4.2.3 Influence de la contrainte moyenne
4.3 Acier recuit
4.4 Aluminium A5
4.5 Conclusion
Conclusion
Bibliographie
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