Etude du comportement sous irradiation γ et électronique de matrices cimentaires

Ce travail de thèse s’inscrit dans le cadre de la gestion des déchets technologiques issus du démantèlement de l’Atelier de Vitrification de Marcoule (AVM) situé sur le site de Marcoule du Commissariat à l’Energie Atomique et aux énergies alternatives (CEA). L’atelier de vitrification de Marcoule, inauguré en 1978, avait jusqu’en 2009 pour mission la vitrification des solutions contenants des produits de fission et des actinides mineurs. A l’issue d’une campagne de nettoyage des installations (rinçage des cuves), les effluents générés lors de cette phase d’assainissement furent ensuite vitrifiés jusque fin 2012, date de l’arrêt définitif de l’atelier. Les installations de l’atelier sont actuellement en cours d’assainissement et de démantèlement.

Outre les déchets vitrifiés, des déchets « technologiques » (gants, résidus de vitrification, …) ont été et sont encore générés. Il s’agit de déchets radioactifs de moyenne activité à vie longue, issus du fonctionnement et du démantèlement des installations. Ces déchets (morceaux de pots de fusion, résidus de verre, outillage en acier, gants) sont actuellement disposés en vrac dans des conteneurs en acier inoxydable d’une épaisseur de 3 mm appelés « Conteneurs de Déchets Technologiques » (CDT) (Figure 1). Ils présentent un volume de 175 l, pour une masse à vide de 50 kg [ANDRA, 2009].

Ces colis sont actuellement stockés dans des fosses d’entreposage temporaires sur le site de Marcoule (Figure 1) [ANDRA, 2009].

Par la suite, en vue du démantèlement des installations de l’atelier, les différents colis de déchets générés, en particulier ceux de haute et moyenne activité, seront amenés à être transférés vers le site de stockage profond CIGEO (Centre Industriel de stockage GEologique). En effet, après sa construction, CIGEO permettra le stockage en profondeur (à 500 mètres sous terre) des déchets de Haute Activité (HA) et de Moyenne Activité à Vie Longue (MA-VL) produits en France [ANDRA, 2012]. L’évaluation de la demande d’autorisation de création de CIGEO doit avoir lieu en 2018. Le centre répondra ainsi à la décision du Parlement prise en 2006 (loi du 28 juin 2006) qui a retenu le choix d’un stockage profond réversible comme «seule solution capable d’assurer la sûreté à long terme des déchets radioactifs tout en limitant les charges pesant sur les générations futures » [ANDRA, 2012].

A ce jour, les spécifications d’acceptation des colis de type MA-VL de l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA) pour CIGEO sont en cours de définition. Néanmoins, au regard des spécifications existantes pour la filière en exploitation de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC), l’ANDRA exigera très certainement un blocage des déchets ainsi que la minimisation du taux de vide au sein des colis. A cet effet, chaque conteneur de déchets technologiques devrait être rempli par une matrice d’enrobage qui assurerait le blocage des déchets qu’il contient. Il s’agit donc dans ce travail de thèse d’évaluer la faisabilité d’un tel blocage par une matrice de type cimentaire pour des déchets fortement irradiants.

Hydratation du ciment anhydre : la formation des hydrates

Avant de parler d’hydratation, intéressons-nous au ciment anhydre. Du clinker, du gypse et/ou des substituants au clinker sont cobroyés pour donner la poudre de ciment Portland. Un clinker Portland est constitué de [Taylor, 1997] :
✦ 60 à 65% d’alite : Ca3SiO5, noté C3S ;
✦ 20 à 25 % de bélite : Ca2SiO4, noté C2S ;
✦ environ 20 % d’aluminates : aluminates tricalciques (Ca3Al2O6, noté C3A) et alumino-ferrites calciques (Ca4Al2Fe2O10, noté C4AF) ;
✦ une faible quantité de chaux libre (CaO, notée C).

Dans les ciments d’aluminates de calcium (CAC), le composé principal du clinker est l’aluminate monocalcique, noté CA. Celui-ci est broyé pour donner la poudre de ciment. Contrairement aux ciments Portland, aucun ajout n’est réalisé. Dans le ciment Ciment Fondu®, le CA est présent à hauteur de 40 à 50 % [Taylor, 1997].

La mise en contact de la poudre de ciment anhydre avec l’eau enclenche le processus d’hydratation des constituants de départ. Bien que le processus d’hydratation soit similaire pour les ciments Portland et alumineux, le mécanisme de nucléation des hydrates est très différent [Baron, 1992]. Dans un ciment Portland, la vitesse de diffusion des ions silicates au sein de la solution est lente et conduit à la précipitation des hydrates autour des grains de ciment. Il y a alors formation d’une barrière de diffusion qui ralentit l’hydratation. A l’inverse, dans un CAC, les ions aluminates diffusent à longue distance. Ceci induit la précipitation massive des hydrates au sein de la solution. Ainsi, les CAC sont des ciments dits « à durcissement rapide ». Pour un E/C égal à 0,4, le degré d’hydratation de la phase CA peut atteindre 80 % dès le premier jour.

Hydratation du ciment Portland

L’hydratation de l’alite (C3S) et de la bélite (C2S) conduit à la formation de silicates de calcium hydratés (C-S-H) et d’un hydroxyde de calcium appelé portlandite (CH). En moyenne, une pâte de ciment durcie ordinaire contient 50 à 70 % de C-S-H et 25 à 27 % de portlandite [Taylor, 1997]. Pour empêcher le phénomène de prise rapide , du gypse (CaSO4, 2 H2O) est habituellement ajouté au clinker. L’hydratation du C3A s’effectue alors en trois étapes et conduit à la formation d’ettringite (couramment notée C3A.3CaSO4.32H2O) et éventuellement de monosulfoaluminates de calcium hydratés, notés C4AS̅H12, suivant la quantité de gypse. Les produits issus de l’hydratation du C4AF sont identiques à ceux obtenus à partir de C3A : les aluminates sont remplacés par des alumino-ferrites.

Hydratation du ciment phospho-magnésien 

L’hydratation du ciment phospho-magnésien résulte d’une réaction acido-basique exothermique entre une base, la magnésie (MgO), et un acide contenant des phosphates. Différents systèmes existent selon la nature de l’acide, le phosphate monoammoniacal NH4H2PO4 (MAP ou ADP) étant le plus employé. En présence d’eau, la réaction conduit à la formation de struvite, MgNH4PO4, 6H2O. Toutefois, un dégagement gazeux d’ammoniac est observé au cours de cette réaction. Pour y remédier, un autre système, utilisant du dihydrogénophosphate de potassium (KH2PO4) à la place du phosphate monoammoniacal, est mis en œuvre. L’hydrate principal formé est alors la K-struvite, MgKPO4,6H2O [Le Rouzic, 2013]. A noter qu’en excès, l’oxyde de magnésium peut s’hydrater en hydroxyde de magnésium, appelée brucite (Mg(OH)2).

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Table des matières

TABLE DES MATIÈRES
Table des matie res
Contexte de l’étude
Chapitre 1 : Le ciment : du matériau anhydre aux hydrates
1 Hydratation du ciment anhydre : la formation des hydrates
1.1 Hydratation du ciment Portland
1.2 Hydratation du ciment alumineux
1.3 Hydratation du ciment phospho-magnésien
2 Structure des hydrates
2.1 Hydrates majoritaires constitutifs d’un ciment Portland
2.2 Hydrates majoritaires constitutifs d’un ciment Ciment Fondu®
2.3 Hydrate majoritaire constitutif d’un ciment phospho-magnésien : la K-struvite (MgKPO4.6H2O)
2.4 La brucite (MH)
2.5 Récapitulatif de l’ensemble des hydrates majoritaires constitutifs des ciments Portland, Ciment Fondu® et phospho-magnésien
3 Le ciment : un matériau poreux multi-échelle complexe
3.1 Généralités sur la porosité selon l’IUPAC (Union Internationale de Chimie Pure et Appliquée)
3.2 Porosité des matériaux cimentaires : cas du ciment Portland
4 La matrice cimentaire : un milieu constitué d’eau
5 Conclusions du chapitre 1
6 Références bibliographiques
Chapitre 2 : Synthèses et caractérisations des matériaux cimentaires
1 Protocoles expérimentaux
1.1 Formulation des pâtes de ciment
1.2 Protocoles de synthèse des hydrates cimentaires
1.3 Conditions de stockage des échantillons
1.4 Notations utilisées
2 Caractérisations
2.1 Caractérisation du ciment Ciment Fondu®
2.2 Caractérisation du ciment Portland
2.3 Caractérisation du ciment phospho-magnésien
2.4 Caractérisation de la brucite (Mg(OH2))
3 Conclusions du chapitre 2
4 Références bibliographiques
Préambule aux expériences d’irradiation
Chapitre 3 : Etude de la production de gaz de matériaux cimentaires sous irradiation γ
1 Interaction photons γ/matière
2 Etat de l’art : Transformations chimiques liées aux rayonnements – la radiolyse de l’eau
2.1 La radiolyse de l’eau
2.2 Quantification de la production de gaz – Notion de rendement radiolytique
2.3 Influence des paramètres d’irradiation sur la production de gaz de radiolyse
2.4 Quelques données radiolytiques disponibles dans la littérature
2.5 Production de gaz de radiolyse : influence des paramètres du matériau
2.6 Conclusions et problématique
3 Irradiations γ réalisées
3.1 Irradiation des pâtes cimentaires
3.2 Irradiation des hydrates
4 Production de gaz de matériaux cimentaires
4.1 Production de gaz du ciment Ciment Fondu®
4.2 Production de gaz du ciment Portland
4.3 Production de gaz du ciment phospho-magnésien
5 Comparaison de la production de gaz des différentes matrices cimentaires
5.1 Comparaison de la production de gaz mesurée sur pâtes de ciment
5.2 Discussion sur la production de gaz mesurée sur hydrates de synthèse
6 Comparaison de deux hydrates isostructuraux : la portlandite et la brucite
6.1 Résultats expérimentaux
6.2 Discussion
7 Application industrielle
8 Conclusions du chapitre 3
9 Références bibliographiques
Chapitre 4 : Etude des modifications structurales d’hydrates cimentaires sous irradiation électronique
1 Interaction particule chargée/matière : cas des électrons
1.1 Perte d’énergie par collisions inélastiques entre électrons
1.2 Rayonnement Bremsstrahlung
1.3 Rayonnement Cerenkov
1.4 Perte d’énergie par collisions élastiques
1.5 Collisions balistiques : notion de dpa et calcul par simulation
1.6 En résumé
2 Irradiations électroniques réalisées
2.1 Les échantillons
2.2 Paramètres d’irradiation
3 Etat de l’art sur l’observation des modifications structurales par diffraction de rayons X
4 Données accessibles par DRX sur poudre
4.1 Constitution d’un diffractogramme
4.2 Observation des modifications structurales par DRX
5 Modifications structurales d’hydrates cimentaires
5.1 Evolution des distances interréticulaires : variation dimensionnelle de la structure
5.2 Evolution de la largeur des raies : variation de la taille des cristallites et distorsion de réseau
6 Conclusions du chapitre 4
7 Références bibliographiques
Conclusion générale

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