Etude du comportement photochimique et thermique des nanocomposites à base de polypropylène et d’argile

Mise en œuvre des nanocomposites

      Tous les mélanges physiques de polymère et silicate ne forment pas toujours un nanocomposite : la compatibilité entre les deux phases est importante. Kawasumi et al [14] ont synthétisé des nanocomposites à partir de polymères divers (nylon 6, polyimide, résine d’époxy, polystyrène, polycaprolactone et acrylique). La dispersion exfoliée et homogène des plaquettes d’argile silicate peut se réaliser dans le cas seulement des polymères contenant des groupes fonctionnels polaires tels que les amides et les imides. Ceci est dû au fait que les plaquettes d’argile silicate ont des groupes hydroxy polaires et sont compatibles avec les polymères contenant des groupes fonctionnels polaires [14]. Les plaquettes (lamelles, feuillets) d’argile silicate sont liées ensembles par une couche de cations (Na+ ou K+) et sont naturellement hydrophiles. Les réactions d’échange ioniques avec des agents tensio-actifs (surfactants) cationiques comprenant des ions d’ammonium primaires, tertiaires et quaternaires rendent organophile la surface normalement hydrophile de la silicate, ce qui rend possible l’intercalation de beaucoup de polymères. Le rôle des cations d’alkylammonium dans les silicates est de diminuer l’énergie de surface de l’hôte inorganique et d’améliorer les caractéristiques de mouillage et, par conséquent, la miscibilité avec le polymère [15]. Trois stratégies peuvent être utilisées pour la synthèse des nanocomposites :
– la polymérisation in situ : le monomère liquide ou en solution migre vers la galerie entre les couches de silicate ; la réaction de polymérisation peut être déclenchée par chauffage, rayonnement ou en utilisant un initiateur également intercalé entre les couches. L’exfoliation se passe alors durant la polymérisation du monomère, ce qui conduit à la séparation des nano-plaquettes.
– l’utilisation de solvant polaire (solution blending) : l’argile est mélangée à un solvant (toluène par exemple). On ajoute ensuite à la solution le polymère (dissout également dans le solvant) qui va s’intercaler entre les lamelles de l’argile. Le solvant est ensuite éliminé par évaporation sous vide. Cette méthode utilisée pour les polymères sans ou avec une faible polarité a l’inconvénient d’utiliser de grandes quantités de solvant.
– l’intercalation en milieu fondu (melt blending) : le principe est de mélanger, à l’état fondu, l’argile et le polymère (thermoplastique) avec ou sans cisaillement. L’intercalation à l’état fondu est plus rapide que l’auto-diffusion. Cette méthode est la plus attractive du point de vue industriel de par sa simplicité. Il est bon de noter que pour les polyoléfines qui sont des polymères non polaires, la présence d’un agent compatibilisant est nécessaire pour prétendre produire des nanocomposites.
Le cisaillement lors de la mise en œuvre est un outil de dispersion et favorise l’exfoliation des charges. Ainsi en jouant sur le profil de vis d’une extrudeuse, on peut obtenir différents types de dispersion. Le cisaillement a également une influence sur l’orientation des plaquettes, facteur déterminant pour les propriétés mécaniques ou barrières du composite [16]. Les caractères rhéologiques et thermodynamique des matériaux peuvent être des paramètres importants qui affectent le degré d’exfoliation et les propriétés des composites finaux [16,17]. La dispersion des agglomérats des charges peut être obtenue quand les forces cohésives des agglomérats sont excédées par les forces hydrodynamiques de séparation appliquées par la matrice fluide [18]. Généralement, le degré de dispersion est régi par la viscosité de la matrice, le taux moyen de cisaillement, et le temps de séjour moyen dans le processus de mélange [16]. Aujourd’hui, on assiste à l’émergence de nouvelles méthodes de mise en œuvre des nanocomposites dans la recherche d’une meilleure exfoliation des charges :
– le moulage par injection : le processus consiste à maintenir deux moules ensemble dans lesquels un polymère à l’état fondu est injecté. Une haute pression est employée afin d’obtenir des vitesses rapides de remplissage. Le moule est tenu à une température en dessous de la température de fonte. Ceci est généralement réalisé par une circulation d’eau à une température indiquée à travers les canaux de refroidissement dans la moule. Une fois que le polymère fondu prend la forme de la cavité, le moule est ouvert, la partie moulue est éjectée, et le processus recommence.
– la préparation sans cisaillement : des plaques en métal enduits du Téflon et desentretoises d’épaisseur 2 mm ont été préchauffés à 200° C en employant une presse chaude. Un mélange de poudre de polypropylène modifié à l’anhydride maléique (2.26 % en masse) et de la poudre de montmorillonite C18 a été placé dans l’espace entre les plaques en métal et a été chauffé pendant 2, 5, 10 et 60 minutes. Après le chauffage, les plaques en métal ont été mises dans l’eau pour refroidir les échantillons rapidement, produisant les feuilles d’échantillons sans cisaillement. Leur contenu inorganique est approximativement de 5 % en masse. Des chercheurs du groupe Toyota [19] ont montré que même sans cisaillement, le polypropylène modifié pénètre dans l’espace entre les silicates feuilletés dans la poudre d’argile organophile et intercale continuellement dans les galeries de silicate feuilleté et les couches de silicate s’exfolient spontanément. Ils ont confirmé ensuite cette exfoliation spontanée avec le nylon 6.
– l’extrusion sous pression : les particules d’argile sont dispersées dans l’eau et mélangées à des surfactants. Après avoir évacué l’eau, la pâte est filtrée pour limiter la quantité d’eau entre 40 et 50 %. L’exfoliation des feuillets d’argile est obtenue en mélangeant la pâte d’argile avec le polymère dans une extrudeuse sous pression sans agents couplants. L’eau restante est éliminée et s’écoule pendant l’extrusion évitant la phase de séchage coûteuse en énergie dans les méthodes traditionnelles. On obtient ainsi un mélange concentré (50 à 70 % d’argile) dans lequel l’argile est intercalée. Un nanocomposite totalement exfoliée est créé en ajoutant au mélange mère le polymère approprié dans une extrudeuse conventionnelle. La commercialisation des nanocomposites polymère-argile, malgré leur potentiel énorme et prometteur, est retardée en raison de leur coût important et de la difficulté pour disperser les particules d’argile nanométriques. Ces matériaux se cantonnent pour l’instant à des niches de marché. Alors le laboratoire Argonne (Illinois) [3] propose cette technique réduisant le coût en éliminant plusieurs étapes et en évitant l’utilisation d’agents couplants. En appliquant cette technique à des polyoléfines, le coût est divisé par deux par rapport au prix estimé avec les techniques traditionnelles.
– La dispersion des particules d’argile par sonification : les ondes sonores sont utilisées pour améliorer la compatibilité entre les renforts d’argile et une résine plastique. Les particules d’argile remplacent des renforts classiques comme les fibres de verre, le talc ou le mica qui peuvent causer des fissures à basse température et un état de surface bosselé. Ce processus peut également être utilisé avec le polymère à l’état fondu. Dans le cadre d’une des premières applications commerciales des nanocomposites polymèreargile, la société Ford a développé, de son côté, cette technique de dispersion des particules d’argile [3]. L’automobile a fourni une des premières applications à grande échelle de nanocomposites avec notamment des baguettes de protection latérale et les boucles de ceinture de sécurité.

Diffraction des rayons X (DRX)

     La diffraction des rayons X est une méthode universellement utilisée pour identifier la nature et la structure des produits cristallisés. En effet, cette technique ne s’applique qu’a des milieux cristallins (roches, cristaux, minéraux, pigments, argiles…) présentant les caractéristiques de l’état cristallin, c’est-à-dire un arrangement périodique, ordonné et des plans réticulaires tridimensionnels des atomes constitutifs. Les corps cristallins peuvent être considérés comme des assemblages de plans réticulaires plus ou moins denses. Les plans contiennent les atomes : certains plans contiennent bien plus d’atomes que d’autres en fonction de la formule chimique du minéral. Ces plans réticulaires sont séparés par des distances caractéristiques (d) selon la nature du cristal ou du minéral considéré. Trois ou quatre distances réticulaires bien choisies permettent une reconstitution du réseau cristallin du minéral. La méthode générale consiste à bombarder l’échantillon avec des rayons X et à regarder l’intensité de rayons X qui est diffusée selon l’orientation dans l’espace. Les rayons X diffusés interfèrent entre eux, l’intensité présente donc des maxima dans certaines directions ; on parle de phénomène de «diffraction». On enregistre l’intensité détectée en fonction de l’angle de déviation 2θ du faisceau ; la courbe obtenue s’appelle le «diffractogramme» La source de rayons X est un tube sous vide, ou «tube de Coolidge», muni d’un dispositif permettant de ne sélectionner qu’une seule longueur d’onde (filtre, monochromateur) ; on travaille en monochromatique. Avec un rayonnement de longueur d’onde suffisamment petit, on peut obtenir des diffractions par les plans réticulaires (de la même manière que les rayons lumineux sont diffractés par les petites fentes d’un réseau en optique). Cette réfraction est d’autant plus intense que le plan est « dense » c’est-à-dire riche en atomes. Les rayons X sont des ondes électromagnétiques. Ils interagissent avec le nuage électronique des atomes. Parmi les interactions possibles, la «diffusion élastique» ou «diffusion Rayleigh» est la plus importante. Dans la diffusion élastique, les rayons X rebondissent simplement sur le nuage électronique, ils sont diffusés dans toutes les directions de l’espace, en gardant la même énergie, la même longueur d’onde.

CONCLUSION

       Les résultats rassemblés au cours de ce travail nous ont permis de connaître la nature et la contribution des produits formés lors de la photo-oxydation des nanocomposites ; ce qui a permis de comprendre le mécanisme de dégradation des nanocomposites exposés aux irradiations UV. L’étude analytique par des réactions de dérivation (SF4 et NO) couplée à l’IRTF des échantillons irradiés en enceinte SEPAP 12/24 a permis d’identifier les produits présents dans le massif des carbonyles et celui des hydroxyles. Les esters et les cétones sont majoritaires dans le domaine des carbonyles, tandis que les hydroperoxydes, produits principaux du photo-vieillissement, dominent dans le domaine des hydroxyles avec des concentrations sensiblement égales pour les hydroperoxydes III et II ; ce qui est surprenant quand on sait que la réaction d’initiation du PP se fait préférentiellement par un carbone tertiaire. Nos résultats ont montré que le mécanisme de la photo-oxydation des nanocomposites est peu différent de celui du PP admis par la communauté scientifique. L’étude de la photo-oxydation naturelle a montré des différences de stoechiométrie avec la photo-oxydation accélérée. Le facteur d’accélération établie à partir de ces deux études montre une certaine disparité suivant le type d’argile. La stabilité thermique des nanocomposites est en général liée à la dispersion des plaquettes d’argile dans la matrice polymère. Cette stabilité est plus importante pour le nanocomposite qui a la meilleure dispersion à l’exception du PP-MT2EOH. Les nanocomposites ont une bonne tenue au feu et ils brûlent lentement comparativement au PPgMA comme nous l’ont montré les tests de LOI.

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Table des matières

Introduction
1. Chapitre 1 : Revue Bibliographique
1.1. Structure et propriétés chimiques des nanocomposites
1.1.1. Structure des nanocomposites
1.1.2. Mise en oeuvre des nanocomposites
1.1.3. Caractérisation des nanocomposites
1.1.4. Propriétés et applications des nanocomposites
1.2. Généralités sur la photo-oxydation du polypropylène
1.2.1. Formation des hydroperoxydes
1.2.2. Formation des produits d’oxydation à partir de la décomposition des hydroperoxydes
1.2.3. Autres voies de formation des produits d’oxydation
2. Chapitre 2 : Techniques expérimentales
2.1. Préparation des échantillons
2.2. Caractérisation des échantillons
2.2.1. Diffraction des rayons x (x-ray)
2.2.2. Microscopie électronique à transmission (TEM)
2.3. Dispositif d’irradiation
2.3.1. SEPAP 12/24 : vieillissement accéléré
2.3.2. Dispositif d’irradiation naturelle
2.4. Méthodes analytiques
2.4.1. Méthodes spectroscopiques
2.4.1.1.Spectroscopie d’absorption IR
2.4.2. Méthodes chimiques
2.4.2.1.Traitement par le tétrafluorure de soufre (SF4)
2.4.2.2.Traitement par le monoxyde d’azote (NO)
2.4.3. Méthodes physiques
2.4.3a.Analyses thermogravimétriques (TGA)
2.4.3b.Taux critique d’oxygène (LOI)
3. Chapitre 3 : Résultats expérimentaux
3.1. Préparation et caractérisation des échantillons
3.1.1. Préparation des échantillons
3.1.2. Caractérisation des échantillons
3.1.2.1.Analyse spectroscopique
3.1.2.2.Diffraction des rayons x
3.1.2.3.Microscopie électronique à transmission
3.2. Photo-oxydation accélérée des nanocomposites
3.2.1. Evolution du spectre IR
3.2.2. Dosages chimiques
3.2.2a. Dosage chimique des acides
3.2.2b. Dosage par action du monoxyde d’azote
3.2.3. Etude cinétique
3.2.4. Discussion
3.3. Photo-oxydation naturelle des nanocomposites
3.3.1. Evolution des spectres IR des nanocomposites
3.3.2. Etude cinétique
3.3.3. Discussion
3.4. Stabilité thermique des nanocomposites
3.4.1. La stabilité thermique
3.5. Taux critique d’oxygène (Limiting Oxygen Index (LOI))
Conclusion
Références Bibliographiques

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