Le réseau ferré a beaucoup évolué ces dernières années. Il joue un rôle très important dans le domaine du transport dans le monde et notamment en France. Ceci se traduit par un réseau ferroviaire de plus en plus saturé. Les pièces constituant les voies (rails, cœurs de voie…) subissent des sollicitations de plus en plus élevées : nombre de trains, densité de trafic, vitesses et chargement plus élevées. Ainsi les opérations de maintenance sur les voies sont plus nombreuses et engendrent des pertes économiques considérable pour les exploitants du réseau.
Le projet TTSA (Track Train System Availability – disponibilité de l’infrastructure ferroviaire) recherche et teste des solutions susceptibles d’optimiser la disponibilité de l’infrastructure ferroviaire : prolonger la durée de vie des rails, des soudures, aiguillages et cœurs de voies. Ce projet s’inscrit dans le cadre du pole de compétitivité i-Trans. Il regroupe des industriels et des laboratoires de recherche. Le pilotage d’ensemble est assuré par Eurotunnel. L’intérêt d’Eurotunnel pour ce projet est lié à la densité du trafic sur son réseau qui est parmi les plus importantes au monde.
Contexte scientifique et industriel : Les cœurs de voie
Contexte industriel
Définition des cœurs de voie
Les cœurs de voie sont des pièces moulées monobloc de grandes masse (1 à 3 t) et dimensions (3 à 12 m) , en acier austénitique au manganèse de nuance Hadfield. Ils constituent la partie centrale des aiguillages ferroviaires . Ce sont parmi les pièces les plus sollicitées du réseau ferroviaire. La figure suivante présente quelques exemples de cœurs de voie réalisés par Outreau Technologie (OT), pour les réseaux ferroviaires interurbains ou citadins (métro, RER).
Sollicitations des cœurs de voie
A titre indicatif, le trafic sur un réseau ferré comme EUROTUNNEL est très important, et varié : passage des trains de voyageurs, des TGV, des navettes de transports de véhicules et des trains de marchandises. Le passage répété des roues des voitures de trains se traduit par des sollicitations cycliques engendrant des chocs et des frottements, avec comme conséquences potentielles des usures prématurées et des phénomènes de fatigue. Il faut noter que la force exercée par le passage d’une roue sur le cœur de voie atteint 250 kN, avec un nombre de cycles estimé à 10⁷ (subi avant la première opération de maintenance). Le trafic ferroviaire interurbain impose à ces pièces des sollicitations très variées et élevées:
• Trains pouvant aller jusqu’à 280 km/h (TGV).
• Fréquence : trafic cumulé pouvant atteindre 20.10⁵ kN/jour.
• Charge à l’essieu jusqu’à 250 kN.
Dans des conditions environnementales très variables :
• Variations de température saisonnières : grosses chaleurs de l’été, froid de l’hiver
• Variations hygrométriques : pluie, neige,
• Agressions mécaniques : sable…, chimiques : sel…
Il est ainsi très difficile d’établir un chargement « typique » pour les cœurs de voie en général. Du reste, le véritable chargement d’un cœur de voie, même faisant l’objet d’un suivi régulier, dans une configuration connue, n’est pas une donnée connue, même si certains travaux récents de la littérature ont visé à l’évaluer .
Réalisation des cœurs de voie
Conception
La conception joue un rôle très important dans la fiabilité d’un cœur de voie, d’où le soin apporté par le bureau d’études dans la définition de la géométrie des pièces. Les principales grandeurs géométriques, à savoir la longueur et l’angle d’ouverture du cœur de voie, le rayon de cintrage et le profil du rail sont fournis par le client. Ces grandeurs influent sur les sollicitations du cœur : plus l’angle de croisement du cœur de voie est grand, plus le choc lors du transfert de charge est important. Cet angle est caractérisé par sa tangente qui peut varier entre 0,0336 et 0,785 environ. Soit un angle de 1,97° à 38,13°. Une fois le dessin des pièces réalisé avec toutes les coupes et les vues nécessaires, le plan passe ensuite au bureau des méthodes, où l’épaisseur des pièces est recalculée afin d’avoir une chronologie de solidification satisfaisante (orientée vers les masselottes), puis la conception d’un modèle complet est effectuée : pièce avec masselottes et canaux de coulée.
Fabrication
La première étape de fabrication d’un cœur de voie est la création du modèle (en bois ou en résine). Ce modèle permet ensuite la réalisation d’un moule à l’aide d’un mélange de sable et de résine placé dans un châssis. Une fois le moule prêt, il est rempli par le métal liquide (four à arc, température de coulée égale à 1450 °C). Après refroidissement, la pièce est extraite du moule, et on ôte les résidus de sables, les masselottes et les réseaux de coulée. Dans le même moule, quatre barreaux attenants à la pièce de longueur 240 mm et de section carrée (30 mm de côté) sont coulés, permettant le contrôle des propriétés finales (cf. plus loin).
Ces pièces (cœurs de voie et barreaux témoins) subissent un traitement thermique d’homogénéisation par hypertrempe (TTH) . Ce traitement consiste en une montée en température jusqu’à 930°C à raison de 120°C/heure avec maintien de 30 minutes à cette température, puis montée plus rapide à 1080°C, à raison de 150°C/heure avec maintien de 15 min à cette température. Ensuite une trempe à l’eau froide est réalisée.
Après ce traitement, les pièces présentent des déformations nécessitant des opérations de redressage qui sont effectuées sur des presses de grandes dimensions. Ces opérations comportent des manipulations très délicates du fait des grandes dimensions des pièces. Après le redressage, les pièces passent à l’atelier d’usinage pour subir diverses opérations : fraisage de la semelle, usinage des flancs de guidage et de la table de roulement du cœur par rabotage. La dernière opération est le soudage des antennes de rails au cœur par étincelage.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : Contexte scientifique et industriel : Les cœurs de voie
Introduction
1.1. Contexte industriel
1.1.1. Définition des cœurs de voie
1.1.2. Sollicitations des cœurs de voie
1.2. Réalisation des cœurs de voie
1.2.1. Conception
1.2.2. Fabrication
1.2.3. Nuance actuelle
1.2.3.1. Composition chimique
1.2.3.2. Microstructure avant TTH
1.2.3.3. Microstructure après TTH
1.2.3.4. Stabilité thermique de la microstructure
1.2.4. Critères d’acceptation
1.2.4.1 Essai de résistance aux chocs
1.2.4.2 Essais de soudabilité
1.2.4.3 Contrôle non destructifs du cœur de voie
1.3. Caractéristiques et propriétés d’utilisation actuelle
1.3.1. Caractérisation d’un cœur de voie neuf
1.3.1.1. Avant usinage
1.3.1.2. Après usinage
1.3.2. Endommagements en service et examen de cœurs de voie rebutés
1.3.2.1. Observations générales
1.3.2.2. Examen d’un cœur de voie utilisé par Eurotunnel
1.3.2.3. Examen d’un cœur de voie utilisé par le réseau Anglais
1.4. Maintenance
1.4.1. Description
1.4.2. Examen d’un cœur de voie rechargé
Conclusion
Chapitre 2 : Les aciers austénitiques au manganèse
Introduction
2.1 L’acier Hadfield
2.1.1 Composition chimique
2.1.2 Caractérisation mécanique
2.1.2.1 Etude du comportement mécanique durant l’essai de traction
2.1.2.2 Mécanismes de l’écrouissage
2.1.2.3 Dureté
2.1.3 Réponse aux sollicitations de surface
2.1.4 Utilisation dans le domaine ferroviaire
2.1.4.1 Contact roue/rail, roue/cœur de voie
2.1.4.2 Résistance à l’usure et à la fatigue de contact par roulement
2.2 Optimisation des propriétés des aciers Hadfield
2.2.1 Durcissement dans la masse
2.2.2 Durcissement de surface
2.2.2.1 Le traitement par grenaillage
2.2.2.2 Le durcissement par explosion
2.2.2.3 Contraintes dans une pièce grenaillée ou traitée à l’explosif
2.2.3 Durcissement par écrouissage des aciers austénitiques au manganèse
Conclusion
Chapitre 3 : Développement de nouvelles nuances : Caractérisations métallurgique et étude du comportement mécanique
Introduction
3.1 Développement de nouvelles nuances
3.1.1 Introduction
3.1.2 Élaboration des nouvelles nuances
3.1.3 Composition chimique et nuances retenues
3.1.4 Microstructure et dureté initiale
3.1.4.1 Observation par analyse EBSD
3.1.4.2 Taille de grains
3.1.4.3 Dureté
3.1.5 Conclusion partielle
3.2 Etude du comportement mécanique
3.2.1 Comportement en traction
3.2.1.1 Méthode de dépouillement de l’essai de traction
3.2.1.2 Courbes contraintes-déformations
3.2.2 Comportement en compression
3.2.2.1 Courbes contraintes-déformations
3.2.2.2 Comparaison traction-compression
3.2.3 Evolution de la microstructure
3.2.3.1 Nuance standard
3.2.3.2 Les nouvelles nuances
3.2.4 Durcissement
3.2.4.1 Nuance standard
3.2.4.2 Nouvelles nuances
3.2.5 Étude de la rupture
3.2.5.1 Analyse des déformations et des contraintes à la rupture
3.2.5.2 Analyse des modes de rupture
3.2.5.3 Analyse des faciès de rupture
3.2.6 Essais de rupture par chocs
3.2.6.1 Résilience
3.2.6.2 Comparaison aux essais de traction
Conclusion
Chapitre 4 : Etude du comportement tribologique des Fe-Mn
Conclusion générale