La protection des usagers et la prévention des risques sont des enjeux majeurs de la sécurité routière. La conception des véhicules inclut un grand nombre d’éléments de sécurité passive qui ont pour rôle de minimiser les séquelles corporelles des usagers si l’impact se produit.
Pour évaluer leur performance, les véhicules sont actuellement soumis à des essais de chocs réglementaires et des essais consommateurs réalisés avec des mannequins physiques correspondants à quelques percentiles de la population (par exemple homme du 50ième percentile, ou femme du 5ième percentile). Ces mannequins articulés interagissent avec les moyens de retenue tels que les ceintures et les airbags, et permettent de prédire une cinématique du corps par rapport au véhicule. Ils sont équipés de capteurs (par exemple : capteur de force, d’accélération ou de déflection) mesurant des valeurs qui ont été reliées à des risques lésionnels, typiquement, grâce à des essais biomécaniques sur sujet d’anatomie. Par exemple, un mannequin peut être équipé de mesure de déflection thoracique qui, grâce à des essais sur thorax cadavériques, a été relié à un risque de fracture de côte. On parle alors de critère lésionnel (déflection) et de courbe de risque (correspondance entre déflection et risque de lésion d’une sévérité donnée).
Si des critères et courbes de risque ont été proposés pour la plupart des régions anatomiques et des mécanismes de chargement, les critères et les courbes de risque sont toujours débattus pour la région abdominale. Ceci limite l’implémentation dans des mannequins et ainsi, les mannequins de choc règlementaires pour le choc frontal – qu’ils soient adultes ou enfants – ne sont actuellement toujours pas équipés pour prédire le risque de lésion abdominale. En amont, une des causes pourrait être le manque relatif de compréhension des mécanismes lésionnels et, de manière plus générale, la difficulté d’établir des liens entre le chargement externe à l’abdomen et le chargement d’un organe interne, puis entre le chargement d’un organe et sa lésion interne. En effet, la région abdominale contient des organes aux comportements mécaniques diverses (par exemple, organes creux et organes pleins) avec des relations anatomiques complexes (glissement, attaches, etc.) et les conséquences d’un chargement externe sur ces structures sont difficiles à prédire.
Si les mannequins de choc actuels tendent à représenter de manière simplifiée l’anatomie humaine, l’apparition de modèles numériques de l’être humain décrivant la complexité anatomique pourrait aider à mieux comprendre les mouvements internes du corps (modèle de compréhension) et à prédire l’apparition de blessures dans des structures anatomiques spécifiques. Toutefois, même si ces modèles étaient basés sur des propriétés mécaniques décrivant le comportement de l’ensemble de leurs matériaux jusqu’à rupture, des incertitudes importantes resteraient à cause de paramètres structurels (prise en compte des glissements notamment), de la variabilité des propriétés mécaniques et de la modélisation simplifiée de phénomènes mécaniquement complexes (par exemple, non linéarité, anisotropie, interaction fluide-gaz-structure). En conséquence, la relation entre un chargement externe et la réponse interne du modèle nécessiterait tout de même une validation, au moins pour s’assurer de la validité des hypothèses de modélisation.
Ainsi, que ce soit pour la compréhension des mécanismes lésionnels ou pour la validation de modèles, on se retrouve face à un besoin d’observation du comportement interne de l’abdomen, de ses organes et de leurs interactions pendant un chargement rapide. Les moyens d’observation actuels, qu’ils soient invasifs ou non, permettent d’évaluer la réponse externe des tissus à une sollicitation. Toutefois, l’observation du comportement interne de tissus mous à des vitesses élevées telles qu’observées en choc automobile est problématique et il n’existe que peu de données sur le comportement interne d’organes de l’abdomen, ou de l’abdomen complet pendant un choc.
Données anatomiques humaines
L’abdomen
L’abdomen est la région du corps située entre le thorax en haut, et le pelvis en bas. Chez l’Homme, l’abdomen a une forme de cylindre vertical. La partie supérieure de l’abdomen est séparée du thorax par le muscle diaphragme. Au niveau inférieur, la séparation entre la cavité abdominale et la de la cavité périnéale est définie par l’entrée du bassin et la limite du péritoine reposant sur les organes du pelvis (cf. Figure 1). La cavité abdominale est limitée en avant et en dehors par un ensemble de muscles abdominaux, et limitée en arrière par le rachis lombaire, la face antérieure des ailes des os iliaques et par les dernières côtes flottantes. On note la cicatrice ombilicale centrale, entre les deux muscles droits de l’abdomen.
L’abdomen peut être séparé en deux parties :
– une partie vers l’avant, appelée cavité abdominale et contenant la majorité des organes du système digestif entourés du péritoine (extrémité inférieure de l’œsophage, intestin grêle relié à l’estomac au pancréas et au côlon, foie attaché à la vésicule biliaire, et la rate) ;
– une seconde partie vers l’arrière, appelée cavité rétro-péritonéale, contenant une partie du système urinaire (reins, uretères, glandes surrénales ainsi que des vaisseaux sanguins importants tels que l’aorte abdominale et la veine cave inférieure). L’abdomen contient une partie des organes digestifs (estomac, intestin grêle, côlon), et des organes pleins (reins, foie, rate, pancréas).
Les reins
Anatomie quantitative
Le rein est un organe du corps humain qui permet l’élaboration et l’excrétion de l’urine. Chaque être humain possède deux reins, dont chacun pèse environ 170g, mesure 12cm de haut, 6cm de large et 4cm d’épaisseur, pour un volume in vivo de 144 à 150cm3 selon le rein droit ou gauche [BEIL 09]. Ils sont situés de chaque côté de la colonne vertébrale, entre la 12ème dorsale et la 3ème lombaire, sous les dernières côtes, plaqués contre la paroi postérieure de la cavité abdominale. Ils sont noyés dans la graisse et présentent une forme de haricot (Figure 3).
Les reins sont des organes suspendus mais très bien retenus et protégés par trois couches tissulaires :
● le fascia rénal : membrane fibreuse qui enveloppe la structure rénale. C’est un tissu conjonctif dense, et très riche en fibres de collagène qui constitue une sorte de gaine. Le fascia rénal permet de fixer les reins aux organes adjacents de la cavité abdominale ;
● la capsule adipeuse (ou coussinets adipeux) : couche de graisse qui permet le maintien des reins en place dans une loge derrière le péritoine ;
● la capsule rénale : considérée comme la limite externe du rein. C’est une condensation de tissu conjonctif qui entoure le parenchyme rénal.
Sur le bord interne de chaque rein, on trouve une encoche appelée ‘hile’. Elle correspond à une fente verticale profonde, à travers laquelle les vaisseaux, les nerfs, les lymphatiques, pénètrent et quittent le rein. La graisse périrénale entourant le rein se poursuit sur le hile et le sinus rénal. Chaque rein est recouvert d’une capsule dure, fibreuse.
Si on réalise une coupe du rein, on peut reconnaître facilement deux régions : un cortex, de couleur marron foncé, et une région interne pâle, qui est divisée en médullaire et le bassinet (ou pelvis rénal) (cf. Figure 4). Le bassinet contient la majorité des vaisseaux sanguins et c’est aussi la région où l’uretère prend sa source. La médullaire de chaque rein humain est divisée en une série de larges masses coniques constituant les pyramides de Malpighi, qui trouvent leur origine dans la zone située entre le cortex et la médullaire. La papille (ou apex) de chaque pyramide repose au niveau de l’espace central du pelvis rénal, qui collecte l’urine avant son passage dans la vessie. L’espace central peut être divisé en plusieurs surfaces appelées les calices majeurs, qui se divisent ensuite en calices mineurs, collectant l’urine à partir des papilles rénales [ADE 06].
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 Contexte de l’étude et état de l’art
1.1. Données anatomiques humaines
1.1.1. L’abdomen
1.1.2. Les reins
1.1.3. Autres organes de l’abdomen
1.2. Revue épidémiologique : Lésions de l’abdomen
1.2.1. Bilans lésionnels
1.2.2. Mécanisme lésionnel des organes de l’abdomen
1.2.3. Conclusion
1.3. Caractérisation mécanique des organes abdominaux
1.3.1. Parenchyme des organes
1.3.2. Organes de l’abdomen entiers
1.3.3. Conclusion
1.4. Essais corps complets
1.4.1. Revue de la littérature
1.4.2. Cinématique interne des organes
1.4.3. Conclusion
1.5. Les modèles éléments finis
1.6. Synthèse et objectifs spécifiques de la thèse
Chapitre 2 Influence de la perfusion et de la pression sur les propriétés apparentes du rein de porc
2.1. Introduction
2.2. Matériels et méthodes
2.2.1. Matériel
2.2.2. Principes de la technique d’élastographie par ondes de cisaillement
2.2.3. Matrice d’essais
2.2.4. Traitement des données
2.3. Résultats
2.3.1. Masse
2.3.2. Propriétés externes
2.3.3. Module de cisaillement apparent
2.4. Discussion
2.4.1. Module de cisaillement
2.4.2. Dimensions in vivo
2.4.1. Choix du liquide de perfusion et d’une pression de perfusion pour de futurs essais
2.5. Conclusions
Chapitre 3 Comportement interne des organes pleins en compression : Méthodologie
3.1. Introduction
3.2. Matériel et méthode
3.2.1. Descriptif expérimental
3.2.2. Moyens d’essais
3.2.3. Matrice d’essais
3.3. Traitement des données
3.3.1. Traitement des images
3.3.2. Suivi interne
3.3.3. Effort/déplacement
3.3.4. Essais destructifs
Chapitre 4 Cinématique interne des organes pleins en compression : Résultats
4.1. Résultats des essais sur le rein
4.1.1. Reins de porc
4.1.2. Reins humains
4.2. Discussion
4.3. Perspectives
4.3.1. Autres types d’essais
4.3.2. Méthodologie d’analyse des résultats
4.3.3. Autres organes
4.4. Conclusion
Conclusion