Etude du comportement des bétons bas-PH sous sollicitations chimiques

L’industrie du nucléaire entraîne la production d’un nombre conséquent de déchets radioactifs. La gestion de ces déchets, dangereux pour l’homme et l’environnement, est à la charge de l’Agence Nationale de gestion des Déchets Radioactifs (Andra). Pour répondre à cette problématique l’Andra a mis au point le projet Cigéo : un centre de stockage en profondeur dans une formation géologique stable afin d’assurer le conditionnement des déchets sur de longues périodes. Le site de Bure dans le secteur de la Meuse et de la Haute-Marne a été choisi pour accueillir le centre grâce à la présence, à une profondeur d’environ 400 à 600 mètres, d’une couche géologique datant du Callovo-Oxfordien, constituée d’argilites. C’est dans cette couche géologique, favorable au stockage des déchets grâce à ses propriétés intrinsèques, que seront construites les infrastructures du centre de stockage.

Les déchets moyenne activité à vie longue (MA-VL) seront placés dans des ouvrages de stockage constitués pour l’essentiel de bétons armés dont les fonctions premières sont d’assurer la stabilité mécanique des structures sur une période, à minima, séculaire. De plus, ces ouvrages permettront d’assurer, à long terme, le confinement de la radioactivité contenue dans les déchets. Les alvéoles de stockage seront fermées, aux deux extrémités, par des dispositifs qui font intervenir des éléments en argile et des massifs d’appuis en béton ou par des dispositifs analogues faisant intervenir un noyau en argile gonflante .

Cependant, afin d’assurer leurs fonctions, les constitutifs des scellements, aux deux extrémités, doivent respecter plusieurs conditions. Premièrement, s’agissant de pièces massives, la chaleur d’hydratation de ces matériaux doit être faible afin d’éviter le phénomène de fissuration au jeune âge. Deuxièmement, les matériaux cimentaires ne doivent pas générer de dégradations physiques et chimiques sur les composants en argile, afin de ne pas entraîner de modification significative des propriétés de l’argile. Ainsi, l’utilisation de bétons classiques n’est pas envisageable à cause du pH de la solution interstitielle aux alentours de 13. Ainsi, comme nous le verrons, l’Andra a mis au point un cahier des charges spécifique pour ces composants de bétons :
– Le pH de la solution interstitielle doit être inférieur à 11 pour minimiser la réactivité vis-à-vis des matériaux argileux.
– La chaleur d’hydratation doit être minimisée pour que, lors de la prise, le béton ne dépasse pas une température maximale de 20°C.
– Une résistance en compression d’au moins 70 MPa
– Un retrait total compris entre 500 et 600 µm/m (équivalent au retrait des BHP).
– Une durée pratique d’utilisation d’environ 2h (10 cm d’affaissement au cône d’Abrams).

Conception des liants bas-pH

Des ciments Portland aux liants bas-pH 

Les ciments Portland

Le ciment Portland est un des ciments le plus souvent utilisé dans le domaine du Génie Civil. Il est constitué majoritairement de clinker (plus de 90%) et de différents constituants secondaires (régulateurs de prise, sulfates de calcium, etc., …). Pour les différentes réactions chimiques, la notation cimentière est utilisée et rappelée dans l’ANNEXE A : Notation cimentière. Le clinker est lui-même composé de différentes espèces chimiques, dont leurs proportions dans le mélange doivent respecter la norme [NF EN 197-1,2012]. Les clinkers silico-calcaires sont composés pour au moins 2/3 d’alite (C3S) et de bélite (C2S) et pour le tiers restant d’aluminate tricalcique (C3A) et aluminoferrite tétracalcique (C4AF).

L’hydratation du ciment est le produit de plusieurs réactions chimiques complexes, exothermiques et thermoactivées qui lors de la mise en contact des phases anhydres avec de l’eau conduisent à la formation d’un solide à microstructure complexe. Cependant, on peut résumer les équations bilans et la stœchiométrie des réactions d’hydratation du ciment par celles des 4 constituants principaux : C3S, C2S, C3A, C4AF. Ainsi, l’hydratation du C3S et du C2S conduit à la formation de silicates de calcium hydratés (C-S-H) et de portlandite (CH). La portlandite provient de l’excès de calcium dans la solution lors de la formation des C-S-H. La réaction du C3S est plus rapide est engendre un plus grand dégagement de chaleur que la réaction du C2S.

?3? + (3 − ? + ?)? → ????? + (3 − ?)?? + ??3? (I–1)
?2? + (2 − ? + ?)? → ????? + (2 − ?)?? + ??2? (I–2)

L’hydratation du C3A est une réaction très rapide et très exothermique qui conduit à la formation d’hexahydrates en cas d’absence de sulfate de calcium. Lorsqu’il y a ajout de sulfate de calcium (sous forme de gypse), la cinétique d’hydratation est plus lente ce qui permet de réguler la prise de ciment. Cet ajout conduit en premier lieu à la formation d’ettringite. Une fois le gypse consommé, l’ettringite se dissout afin de former des monosulfoaluminates hydratés (phases AFm).

Effet des additions minérales
Pour répondre aux enjeux écologiques, le ciment peut être substitué, en partie, par une addition minérale afin de réaliser des économies d’énergie, une réduction de coûts de production et de l’empreinte environnementale du béton.

On distingue les additions pouzzolaniques (comme la fumée de silice et les cendres volantes) qui nécessitent la présence de ciment pour réagir, des additions hydrauliques (comme le laitier) qui possèdent, au même titre que le clinker, une propriété hydraulique latente.

Additions pouzzolaniques
Les additions pouzzolaniques comme la fumée de silice ou les cendres volantes sont des sousproduits industriels. La première est issue de la production du métal de silicium et des alliages de ferrosilicium. La seconde est issue des dépoussiérages des centrales thermiques, leurs compositions chimiques dépendent de l’origine de ces cendres volantes. En effet, leur composition est liée au combustible qui a été utilisé. L’utilisation de ces deux matériaux est encadrée par des normes [NF EN 13263-1, 2009] pour la fumée de silice et [NF EN 450-1, 2005] pour les cendres volantes. L’intérêt de ces matériaux est leur forte teneur en silice. Celle-ci va réagir avec la portlandite, formée lors de l’hydratation du clinker, pour former des nouveaux C-S-H, secondaires, en plus des C-S-H, primaires, issus de l’hydratation du clinker. Ces C-S-H secondaires ont pour particularité de posséder un rapport C/S plus faible que celui des C-S-H primaires. Selon les études ces rapports peuvent être de l’ordre de 0,9 [Berry et Malhotra, 1987] à 1,5 [Papadakis, 2000] en passant par 1,1 et 1,2 [Justnes, 1992], [Adenot, 1992], [Waller, 1999]. De même, la valeur des rapports H/S varie de 0,5 [Justnes, 1992], [Lu et al, 1993] à 2,75 [Bentz et Remond, 1997].

L’utilisation de ces additions pouzzolaniques permet d’améliorer les performances mécaniques à long terme. Plus particulièrement, la fumée de silice permet d’améliorer la durabilité du matériau, cependant, elle entraîne un dégagement de chaleur plus important que pour un ciment Portland et, en grande quantité, elle entraîne une importante demande en eau. L’utilisation de cendres volantes permet de diminuer la chaleur d’hydratation ainsi que le pH de solution interstitielle malgré un retard au niveau des performances mécaniques au jeune âge. De plus, une faible réactivité des cendres volantes a été observée par [Wang et al, 2012] où plus de 70% des cendres n’avait pas réagi dans des bétons âgés de 4 ans. Un même problème de réactivité a été observé par [Codina, 2007] pour la fumée de silice. Ceci est due à une mauvaise dispersion du composant dans le matériau, ce qui entraîne la formation de floculats, réduisant très fortement la cinétique de réaction.

Additions hydrauliques
Les laitiers de haut-fourneau sont des sous-produits issus de la fonte de métaux dont la particularité est d’être un matériau hydraulique latent. Contrairement au clinker qui s’hydrate au simple contact de l’eau, le laitier vitrifié ne peut s’hydrater que lorsqu’il est mis en contact avec un activant tel que l’eau alcalinisée. Cette activation des laitiers est obtenue grâce au relargage d’alcalins dans la solution interstitielle par la formation des C-S-H et de la portlandite issue de l’hydratation du clinker.

L’utilisation d’additions hydrauliques comme les laitiers de haut-fourneau permet de former des C-S-H avec un rapport C/S plus faible que les C-S-H issus de l’hydratation du clinker. Cependant, les C-S-H issus de l’hydratation du laitier formés en présence de clinker ont un rapport C/S plus grand que s’ils étaient issus de l’hydratation du laitier pur (rapport C/S de l’ordre de 1,1). Cette différence s’explique par la consommation de la portlandite par les laitiers. Celle-ci est d’autant plus grande que la quantité de laitiers dans le liant est importante. En effet, [Richardson, 2000] et [Taylor et al, 2010] ont montré que lorsque la quantité de laitier augmente le rapport C/S diminue alors que le rapport A/S augmente .

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Table des matières

Introduction générale
I. Chapitre I : Revue bibliographique
Introduction
I.1. Conception des liants bas-pH
I.1.1. Des ciments Portland aux liants bas-pH
I.1.1.1. Les ciments Portland
I.1.1.2. Effet des additions minérales
I.1.1.2.1. Additions pouzzolaniques
I.1.1.2.2. Additions hydrauliques
I.1.1.3. Développement des liants bas-pH
I.1.2. Mise au point des liants bas-pH
I.1.2.1. Spécifications
I.1.2.2. Formulation
I.2. Evolution chimique des liants bas-pH
I.2.1. Spécificités de l’évolution chimique et minéralogique des liants bas-pH en condition endogène
I.2.2. Evolution du solide sous dégradations chimiques
I.2.2.1. Lixiviation
I.2.2.1.1. Phénoménologie pour les liants à base de CEM I
I.2.2.1.2. Essai de dégradation accélérée
I.2.2.1.3. Caractérisation expérimentale
I.2.2.1.4. Evolution de l’épaisseur dégradée
I.2.3. Modélisation de l’évolution chimique des liants bas-pH
I.2.3.1. Modélisation des équilibres thermodynamiques
I.2.3.2. Modèles macroscopiques de dégradations chimiques
I.2.3.2.1. Modélisation de la lixiviation à l’eau pure
I.2.3.2.2. Modélisation de la lixiviation au nitrate d’ammonium
I.2.3.3. Approches macroscopiques couplant équilibre et cinétique
I.3. Evolution des propriétés mécaniques des bétons sous dégradation chimique
I.3.1. Evolution de la microstructure
I.3.2. Comportement mécanique des bétons soumis à une dégradation chimique
I.3.2.1. Impact sur les propriétés instantanées des bétons
I.3.2.2. Impact sur le comportement différé des bétons
I.3.3. Simulation du comportement mécanique des bétons
I.3.3.1. Modèles macroscopiques de prise en compte de l’effet de la dégradation chimique sur le comportement mécanique des bétons
I.3.3.2. Prise en compte du cumul des évolutions chimiques sur le comportement mécanique
Conclusion
II. Chapitre II : Comportement physico-chimique des liants bas-pH sous dégradation chimique
Introduction
II.1. Matériels & conditions extérieures
II.1.1. Formulation et confection des éprouvettes
II.1.2. Conditionnement des éprouvettes
II.1.2.1. Conservation des échantillons
II.1.2.2. Dégradation des échantillons
II.2. Analyse de la solution lixiviante
II.2.1. Méthodologie
II.2.2. Résultats expérimentaux
II.3. Analyse de l’évolution du solide
II.3.1. Méthodologie
II.3.1.1. Analyse par indicateur coloré
II.3.1.2. Analyse MEB/EDS
II.3.2. Analyse des matériaux sains
II.3.3. Evolution de l’épaisseur dégradée
II.3.4. Etude des cinétiques de dégradation
II.3.5. Evolution des fronts de dégradation
II.3.5.1. Evolution des fronts de dégradation pour une lixiviation accélérée
II.3.5.2. Comparaison entre dégradation à l’eau et dégradation accélérée
II.3.6. Evolution de la distribution des rapports C/S
II.3.6.1. Cas du liant TL
II.3.6.2. Cas du liant TCV
II.4. Modélisation de l’évolution physico-chimique des liants bas-pH
II.4.1. Approche microscopique-macroscopique pour la modélisation des échanges de calcium entre la solution interstitielle et les phases solides
II.4.2. Identification des courbes d’équilibre thermodynamiques
II.4.2.1. Calcium anhydre
II.4.2.2. Cas des C-S-H
II.4.3. Cinétique de microdiffusion
II.4.4. Application du modèle au liant TL
II.4.4.1. Données d’entrées du modèle
II.4.4.2. Simulation de l’évolution de la microstructure
Conclusion
III. Chapitre III : Comportement mécanique des liants bas-pH sous dégradation chimique
Introduction
III.1. Matériaux & conditions d’exposition
III.1.1. Formulation et confection des éprouvettes
III.1.1.1. Pâte de ciment
III.1.1.2. Béton
III.1.2. Conditionnement des éprouvettes
III.1.2.1. Conservation des échantillons
III.1.2.2. Dégradation des échantillons
III.2. Evolution des propriétés physiques et mécaniques des pâtes de ciment bas-pH en cours de dégradation
III.2.1. Evolution de la porosité
III.2.1.1. Méthodologie
III.2.1.1.1. Porosité à l’eau
III.2.1.1.2. Porosité accessible au mercure
III.2.1.2. Evolution de la porosité accessible à l’eau
III.2.1.2.1. Observations expérimentales
III.2.1.2.2. Loi d’évolution de la porosité en fonction de la dégradation
III.2.1.3. Evolution de la porosité accessible au mercure
III.2.2. Comportement mécanique en compression
III.2.2.1. Méthodologie
III.2.2.2. Résultats sur matériau sain
III.2.2.3. Résultats sur matériau en cours de dégradation
III.2.2.4. Analyse des essais et lien avec l’avancement de la réaction
III.2.2.4.1. Evolution du rapport moyen dans la zone dégradée
III.2.2.4.2. Loi d’évolution du module dans la zone dégradée
III.2.2.5. Simulation du comportement en compression des essais en cours de dégradation
III.2.2.5.1. Identification du comportement en compression des zones dégradées et en cours de dégradation
III.2.2.5.2. Analyse du comportement des éprouvettes dégradées lors de l’essai de compression
III.3. Evolution du comportement mécanique des bétons bas-pH
III.3.1. Méthodologie des essais mécaniques
III.3.1.1. Essai de compression
III.3.1.2. Résistance en traction directe
III.3.1.3. Essai de déformations différées
III.3.2. Evolution des propriétés mécaniques instantanées
III.3.2.1. Evolution de Rc
III.3.2.2. Evolution de la résistance en traction directe et en flexion 3 points
III.3.3. Evolution du comportement différé des bétons bas-pH
Conclusion
Conclusion générale

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