Cinquième plus grande île du monde-après l’Australie, le Groenland, la Nouvelle-Guinée et le Bornéo avec une superficie de 587 014 km2 , la « Grande île » présente un relief diversifié et des écosystèmes uniques. Son isolement géographique jumelé à l’existence d’une grande variété de microclimats a permis le développement de formes de vie endémiques qui ont façonné les écosystèmes terrestres de l’île et sont à l’origine de certaines espèces les plus rares au monde (World Bank, 2007). Cette diversité biologique, en particulier la couverture forestière d’origine est cependant menacée par de nombreuses actions anthropiques qui vont des feux de végétation aux exploitations chaotiques des sols.
Les ressources forestières font l’objet de pressions particulièrement fortes depuis des décennies à Madagascar. Les forêts primaires, un réservoir important de biodiversité, ont décliné, passant de 25% de la surface forestière en 1950 à moins de 15% en 2000 (Winterbottom, 2001). Plus localement, le corridor forestier Fandriana Vondrozo, dont les forêts de Vondrozo, n’échappe pas à cette tendance. En 1993, la superficie du corridor est évaluée à environ 540 000 ha, en 2005, cette superficie est réduite à 450 000 ha (Raharinomenjanahary et al, 2008). Il faut croire que si ces pressions persistent encore de nos jours, c’est que les politiques adoptées par l’Etat depuis tout ce temps n’étaient pas efficaces. L’Etat, par le biais du Ministère des Eaux et Forêts est chargé de la gestion de 90% des ressources forestières de Madagascar, cependant, il n’a pu ni freiner la vague de déforestation ni promouvoir une utilisation durable des forêts (Winterbottom, 2001).C’est ainsi parce la population rurale, principal usager des ressources naturelles forestières, a toujours été mise à l’écart.
Déjà à l’époque des royaumes merina, au XVIème siècle, la détermination de protéger les forêts était réelle. Elle se traduisait par des édits du Roi Andrianampoinimerina (1787-1810), qui déclare propriété royale toute forêt de son royaume. En 1881, le Code des 305 articles interdit à la population de brûler la forêt, de s’y installer, de pratique le « tavy », sous peine de « mise à fers ». Aux temps de la colonisation, l’Administration coloniale s’est attelée à de grandes campagnes de reboisement et à la forte répression des feux de végétation qui traduit une conception ignorant les sociétés, les populations étant accusées de détruire leur propre environnement. Or les feux font partie des pratiques des cultivateurs et des éleveurs. En 1927, les premières aires protégées ont été mises en place. Ce sont des espaces où toute pénétration humaine est interdite, une telle mesure étant considérée comme le moyen par excellence de protéger la nature. Dans les premières années de l’indépendance, la direction des Eaux et Forêts veille à faire respecter les mesures de protection hors des zones à statut spécial (aires protégées) notamment sur les terrains domaniaux car les biotopes forestiers permettent une régulation du climat, fournissent des produits végétaux et animaux et surtout protègent le sol. Cette phase de politique de protection a connu un flottement dans les années 70 à cause du contexte national caractérisé par une crise politique, économique et financière. D’une part, la crise politique a mis en cause l’exercice autoritaire de l’appareil d’État et, d’autre part, la crise économique et financière a entraîné l’application dès 1982 de mesures d’ajustement structurel dans un contexte de libéralisation économique et de décentralisation qui inclut désormais l’environnement. Dans les années 1980, l’Etat a appliqué une politique forestière conservationniste par l’approche PCDI (Projet de Conservation et Développement Intégré). Les PCDI proposent la zonation d’un espace délimité, divisé entre une aire centrale de protection intégrale et une zone périphérique aux différents degrés d’accessibilité. Cette approche considère la pauvreté à l’origine des pressions exercées sur l’environnement comme un facteur essentiel de dégradation. L’objet est d’assurer la conservation de la diversité biologique en réconciliant la gestion des secteurs protégés avec les besoins sociaux et économiques des acteurs locaux » (Wells, Brandon, Hannah, 1992). Mais les résultats des PCDI sont eux aussi de portée limitée. La dégradation de l’environnement n’est pas enrayée. Les années 90 marquent une évolution des politiques de gestion des ressources naturelles avec une volonté de préserver la biodiversité malgache par des actions en matière de gestion durable des forêts, d’information et de formation des acteurs. Madagascar adopte une Charte de l’Environnement et se dote d’un Plan d’Action Environnemental (PAE) sur 15 ans. Le premier Plan Environnemental (PE I), en effet, présentait certains aspects exagérément conservationnistes. Par ailleurs, la suite de l’action devait tenir compte de l’évolution des approches environnementales au niveau international avec une reconnaissance du rôle des populations. Ainsi Madagascar s’est doté dans la deuxième phase du PAE, dans les années 1996-1997, d’un cadre juridique de la décentralisation de la gestion des ressources renouvelables par le processus de transfert de gestion des ressources naturelles renouvelables (TGRNR). Ce processus a pour objectif majeur d’obtenir un accord entre les différents usagers et gestionnaires de ces ressources, traduit dans un contrat, afin de mettre en place une gestion durable des ressources.
Milieu d’étude
Localisation de la zone d’étude
Le District de Vondrozo est un district du Sud-Est de Madagascar situé dans la Région Atsimo Atsinanana, une des cinq régions formant l’ex-province de Fianarantsoa. Il est situé entre la côte Est et la falaise orientale. Il est délimité à l’Est par le District de Farafangana, au Sud par le District de Vagaindrano, à l’Ouest par le District d’Ivohibe, au Nord par le District d’Ikongo, au Nord-Est par le District de Vohipeno et au Sud-Ouest par le District de Midongy du Sud. Il se trouve à 66 km à l’Ouest du District de Farafangana, Chef Lieu de la Région Atsimo Atsinanana par la RN 27 reliant Ihosy-Ivohibe-Farafangana. Le District de Vondrozo a une superficie de 2 964 km2 . Il compte sept Arrondissements, 16 Communes et 113 Fokontany. Les Communautés de Base considérées dans cette étude sont établies dans six Fokontany répartis dans cinq Commune dans la partie Sud du District.
Milieu physique
Climat, sols et relief
Vondrozo appartient à la zone perhumide qui longe la partie Est de Madagascar (Hervieu, 1970, in Ranoarisoa, 2010). Le climat dans cette zone est caractérisé par un été austral chaud dont la pluviométrie élevée (1500 mm par an) se répartit inégalement entre Novembre et Avril et un hiver moins pluvieux. Les sols de la région sont essentiellement de nature ferrallitique à horizon jaune sur rouge sur schiste cristallin ou sur roche granitoïde ou rouge sur roches cristallines diverses (Hervieu, 1970, in Ranoarisoa, 2010). Le relief est généralement accidenté avec des bas fonds exigus.
Couverture végétale
Les inventaires biologiques effectués autour du Corridor entre le Parc Ranomafana et Andringitra en 1999 montrent l’importance écologique et biologique du Corridor Fandriana Vondrozo (Raharinomenjanahary, 2008) et de ses alentours par la même occasion. Ce corridor est remarquable par la présence d’innombrables espèces végétales dont 24 familles sont endémiques et constitue 100% de l’habitat pour les espèces animales identifiées comme identité de la zone telles que Hapalemur aureus (LEMURIDAE), Mantella bernhardii (MANTELLIDAE), Matoatoa spanrinngi (GEKKONIDAE). La végétation du site d’étude est formée par une forêt dense humide de basse altitude (<800 m) (Koechlin et al, 1974, in Ranoarisoa, 2010).
Milieu humain
Le District de Vondrozo compte 136 521 habitants avec une densité moyenne de 44,85 habitants/km2 et une croissance démographique importante de 4% par an (cf. annexe 1 : Situation démographique du District de Vondrozo). La population est dominée par le groupe social Sahafatra souvent confondu avec le groupe social Tanala. Toutefois d’autres groupes sociaux existent, tels que les groupes : Antesonjo, Antefasy, Antesaka, Antemoro, Zafisoro… Merina et Betsileo s’y installent et exercent principalement des activités ambulantes comme la vente de confections, friperies et autres petits objets (Fiche monographique-District de Vondrozo, 2006).
Activités économiques
Vondrozo est une zone à double vocation. Il s’agit à la fois d’une zone forestière à vocation prioritaire de préservation par la présence du Corridor Forestier de Vondrozo, et d’une zone à vocation agricole pour la partie en moyenne et bas de falaise. En effet, 90% de la population est une population paysanne à vocation agro pastorale. La principale ressource, basée sur la production agricole est composée essentiellement du riz, du café, du manioc et du haricot. Les périodes de soudure courent essentiellement du mois de Janvier au mois d’Avril.
Occupation du sol
Chaque zone occupée du District présente généralement cinq catégories de formes d’occupations du sol : le village et les hameaux ainsi que leurs environs, les champs agricoles, les zones marécageuses, la jachère ou le « savoka », et la forêt.
➤ Le village, les hameaux et leurs environs servent de lieu d’habitation des communautés et de jardins. Les jardins sont plantés d’arbres fruitiers tels que les bananiers, les litchis, les manguiers, les orangers, les goyaviers… Des caféiers y sont parsemés. Quelques uns de ces jardins ont une strate supérieure d’arbres d’ombrage, la plupart des pieds est composée de Albizia sp (MIMOSACEAE).
➤ Les champs sont prédominés par la culture de manioc, de la patate douce et du haricot.
➤ Les zones marécageuses sont aménagées en rizières généralement.
➤ La forêt est la zone de prélèvement des produits forestiers tout en jouant ses fonctions de protection et de régulation.
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Table des matières
INTRODUCTION
Partie I : MILIEU ET CONTEXTE DE L’ETUDE
1.1. Milieu d’étude
1.1.1. Localisation de la zone d’étude
1.1.2. Milieu physique
1.1.3. Milieu humain
1.1.4. Activités économiques
1.1.5. Occupation du sol
1.2. Contexte de l’étude
1.2.1. Le Transfert de gestion des ressources naturelles renouvelables dans le cadre de la Gestion Contractualisée des forêts
1.2.2. Approche du WWF en termes de TGRNR
1.2.3. Cadrage temporel de l’étude
1.2.4. Présentation des COBA
Partie II : PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
2.1. Problématique
2.2. Hypothèses
Partie III : METHODOLOGIE
3.1. Phase préparatoire
3.1.1. Investigations bibliographiques et webiographiques
3.1.2. Réalisation du questionnaire et du guide d’enquête
3.2. Phase de terrain
3.2.1. Dispositif d’échantillonnage
3.2.2. Collecte des données
3.3. Phase de traitement et d’analyse des données
3.3.1. Recoupement des données
3.3.2. Dépouillement des données
3.3.3. Traitement des données
3.3.4. Analyses des données
3.4. Récapitulatif de la démarche méthodologique
Partie IV : RESULTATS ET INTERPRETATIONS
4.1. Les impacts écologiques de la mise en place des transferts de gestion
4.1.1. Changements de l’état des forêts
4.1.2. Comportement des enquêtés vis-à-vis de leur environnement
4.2. Les impacts des transferts de gestion sur les conditions de vie des ménages membres des COBA
4.2.1. Changements perçus dans la production agricole
4.2.2. Changements perçus dans le revenu annuel des ménages
4.3. Autres impacts des transferts de gestion
4.3.1. Approvisionnement en paddy des membres des COBA pendant la période de soudure
4.3.2. Cohésion sociale au sein des associations
4.3.3. Externalités
Partie V : DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS
5.1. Discussions
5.1.1. Contrainte et limite de la méthodologie
5.1.2. Vérification des hypothèses
5.1.3. L’exploitation minière
5.2. Recommandations
5.2.1. Inciter les non membres des COBA à s’inscrire dans les COBA
5.2.2. Améliorer le revenu agricole des ménages
5.2.3. Suivre l’évolution du couvert forestier
5.2.4. Renforcer les appuis au Cantonnement des Eaux et Forêts
CONCLUSION
Bibliographie – Webiographie