Étude descriptive rétrospectivedes cas hospitaliersde syndrome de Guillain-Barré en Guyane entre 2006 et 2019

La Guyane, particularités climatiques, géographiques et réalités médicales

La Guyane est un territoire français situé en région amazonienne, au Nord-Est du continent sud-américain, entre le 2ème et le 5ème degré de latitude Nord. Elle s’étend sur un territoire de 83.846 km², soit environ 15% de la surface de l’Hexagone (2). Les frontières naturelles de la Guyane avec les autres pays sont les fleuves Maroni, l’Awa et l’Itany à l’Ouest qui forment la frontière avec le Suriname, le fleuve Oyapock à l’Est et les Monts Tumuc-Humac au Sud qui la séparent de l’immense Brésil. À l’exception de la bande littorale, formée de savanes, le pays est couvert à 96% de forêt vierge (3). Sa situation géographique particulière en Amérique du Sud, ouverte sur la zone Caraïbe et près de la ligne de l’équateur, lui confère un climat équatorial humide (3). Les températures varient peu au cours de l’année et sont comprises entre 22,1°C et 32,2°C (4). Il existe deux saisons sèches, une courte entre février et mars et une longue entre août et décembre, et deux saisons des pluies de décembre à janvier et d’avril à juillet (3). Les précipitations annuelles sont situées entre 2421mm à 3515mm par an dans les zones habitées, réparties sur 185 à 221 jours (4). Pour élément de comparaison, les normales de température de Marseille (station de Marignane) sont situées entre 2,3 et 30,2°C avec des précipitations annuelles cumulées à 515mm sur environ 53 jours (5). Au niveau administratif, la Guyane a le statut de collectivité territoriale française d’Outre-Mer depuis 2015, avec pour chef-lieu Cayenne (6). Au Nord, la bande de la côte Atlantique large de 15 à 50 km sur une longueur de 350 km regroupe la majorité de la population et notamment autour de l’île de Cayenne (Cayenne, Rémire-Montjoly, Matoury), Kourou et Saint-Laurent du Maroni. Le territoire intérieur presque vide (3). La croissance démographique est soutenue augmentant de 2,5 % par an en moyenne entre 2013 et 2018 (7), c’est la plus forte du continent (8). Les derniers chiffres de recensement INSEE au 1er janvier 2018 rapportent une population s’établirait à 276.128 habitants, bien que la population soit probablement audelà de 300.000 habitants si l’on prend en compte la population en situation irrégulière (7). La population comptant environ 30% d’immigrés souvent non-francophones, illettrés et vivant dans la pauvreté (8).

Les études réalisées sur l’accès aux soins en Guyane montrent que les Guyanais consultent moins fréquemment en moyenne qu’un Français de l’hexagone, mais aussi moins que par rapport aux autres territoires ultramarins, hormis Mayotte (8). Les raisons sont  majoritairement financière avec l’absence de couverture sociale ou de complémentaire santé, le délai long de consultation, la distance avec un personnel de santé notamment en lien avec des difficultés de transport (8). Ces causes sont sous-tendues par la situation sociale comme le fait d’être en situation irrégulière, le statut professionnel et l’accès à des conditions de vie adéquate des individus, comme le fait d’avoir ou non de l’eau courante à son domicile (8). Les populations vivant dans des zones urbaines définies comme pauvres ont souvent une mauvaise perception du système de soins, avec l’expérience de refus de prises en charge, le manque de temps d’écoute, et une mauvaise compréhension des systèmes de prise en charge des soins, avec l’absence d’assurance maladie à jour (9).

En Guyane, les ressources médicales sont limitées. En 2018, elle est considérée comme la région la plus touchée par la sous-densité médicale avec une aggravation par rapport à 2015 (10). La carence d’offre de soin concerne 44,2% de la population (environ 120.000 personnes) (10). Jusqu’en 2018 seuls deux établissements hospitaliers, le Centre Hospitalier de Cayenne (CHC) et le Centre Hospitalier de l’Ouest Guyanais (CHOG) étaient du secteur public. En 2018, 578 médecins sont installés sur le territoire, dont 220 spécialistes (10). Cela représente 87,2 médecins (généralistes et spécialistes) pour 100.000 habitants, avec une moyenne de 2,5 consultations médicales annuelle par habitant (10). Une particularité du territoire de Guyane est le maillage médical des communes isolées grâce aux dix-huit Centres Délocalisés de Prévention et de Soins (CDPS) : douze centres à présence médicale continue et six à présence infirmière continue avec une présence médicale plus ou moins importante suivant le centre (11). Ces centres orientent les patients requérant une hospitalisation vers le centre hospitalier le plus proche ou le plus adapté en fonction de la pathologie sous-jacente. Ils constituent également des centres de surveillance des épidémies à travers le territoire.

La spécialité de neurologie est particulièrement sous-dotée : seul l’hôpital de Cayenne est doté d’un service de neurologie, assez limité en ressources humaines médicales jusqu’en 2016. Pendant de nombreuses années, il était difficile d’ancrer des médecins neurologues sur le territoire et le service a été soumis à de nombreux changements concernant ses praticiens. Depuis 2018, la situation s’améliore avec l’arrivée d’un professeur des universités – praticien hospitalier, le Pr De Toffol, auparavant au CHU de Tours, qui a permis la création d’un service indépendant de 20 lits, le développement de la consultation, le recrutement de praticiens et la formation d’internes.

Par ailleurs, il n’existe qu’un seul service de réanimation médicale s’occupant à la fois des adultes et des enfants. Les centres de soins de suites et réadaptation (SSR) ne peuvent pas toujours accueillir les patients faute de places, environ deux fois moins qu’en France hexagonale (12). Le service de SSR du CHC ne compte que 12 lits orientés gériatrie, le SSR à orientation neurologique compte 40 lits d’hospitalisation complète à la clinique Saint-Paul à Cayenne mais fait fréquemment face à un manque d’effectif paramédical. Cette clinique a également une activité d’hôpital de jour, mais les ressources en kinésithérapeutes diplômés d’état sont aussi limitées avec un turn-over important. Seuls trois médecins spécialisés en médecine physique et réadaptation sont installés de façon régulière en Guyane française dont deux à la clinique Saint-Paul. Le service de SSR du CHOG compte environ 40 lits mais essentiellement dédiés à de la gériatrie, sans personnel formé pour la rééducation neurologique [source : Dr Laurent DEJAULT, médecin coordonateur de l’organisme Guyane Santé qui gère toutes les cliniques de Guyane]. Le personnel des SSR n’est pas qualifié pour la prise en charge des patients dépendants d’une aide ventilatoire telle qu’une ventilation mécanique sur trachéotomie.

Le syndrome de Guillain-Barré : définition clinique 

Le syndrome de Guillain-Barré (SGB) ou polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante aiguë est une affection de l’ensemble des racines nerveuses sensitives et motrices et des troncs nerveux (13). Après une première description clinique compatible par Octave Landry en 1859, cette affection a été définie de façon formelle en 1916 par trois médecins neurologues français Georges Guillain, Jean Alexandre Barré et André Strohl. Ils décrivaient alors deux cas présentant « des troubles moteurs, l’abolition des réflexes tendineux […], des paresthésies avec troubles légers de la sensibilité objective, […] de l’hyperalbuminose très notable du liquide cérébro-spinal (LCS), avec absence de réaction cellulaire (dissociation albumino-cytologique) » (14). Si cette définition a été mise à jour, la description clinique n’a quasiment pas changé en un peu plus d’un siècle.

En pratique clinique, le SGB est la première cause de paralysie flasque dans le monde depuis l’éradication vaccinale de la poliomyélite (15). Il se présente comme une atteinte neurologique motrice et/ou sensitive, d’origine périphérique et donc accompagnée d’une diminution voire d’une abolition des réflexes tendineux, d’apparition et d’aggravation progressive sur quelques semaines (13). Dans deux tiers des cas, le tableau neurologique est précédé d’une symptomatologie infectieuse (15). Dans les cas graves, il peut entrainer une paralysie respiratoire, une atteinte des nerfs bulbaires associant des troubles de la déglutition et de la phonation, ainsi qu’une dysautonomie (atteinte du système nerveux autonome contrôlant notamment la tension artérielle, le rythme cardiaque, et les fonctions vésico-sphinctériennes). Une atteinte d’évolution rapide, une atteinte respiratoire et étendue au niveau bulbaire et une atteinte du système nerveux autonome sont des facteurs de mauvais pronostic, avec un risque plus grand de passage en réanimation pour pallier la fonction respiratoire et la dysautonomie. Après la phase de progression initiale, on observe une phase dite de plateau où le déficit est installé sans modification, durant de quelques jours à plusieurs mois et enfin vient la phase de récupération sur plusieurs mois ou années, qui peut être complète ou avec persistance de séquelles (13; 16).

Bases physiopathologiques du syndrome de Guillain-Barré

Bases de la réponse immunitaire 

Pour commencer, les mécanismes généraux de la réponse immunitaire face à une
infection vont être rappelés. Dans un premier temps, un agent pathogène entre en contact avec le corps humain et commence à se multiplier en perturbant le fonctionnement normal d’un organisme. L’immunité innée du corps humain, première ligne de défense de l’organisme a la capacité de détecter la présence d’un microbe. Elle est représentée à la fois par les cellules des tissus-barrières comme la peau ou l’épithélium des muqueuses et par certaines catégories de globules blancs comme les polynucléaires neutrophiles, les lymphocytes natural-killer (ou cellules tueuses dans l’illustration ci-dessous) et les macrophages. Ces cellules reconnaissant l’agent comme étranger au corps humain et délétère, initient la destruction des agents pathogènes via des réactions chimiques et physiques (22).

Les macrophages et les cellules dendritiques, cellules de l’immunité innée, possèdent la capacité de présenter une portion de l’agent pathogène, appelé antigène, à d’autres catégories de globules blancs, les lymphocytes. La finalité de cette présentation antigénique, accompagnée de la sécrétion de protéines activatrices dites cytokines, est d’engendrer une réponse spécifique ciblée sur l’agent infectieux : il s’agit de la réponse immunitaire adaptative.

La réponse adaptative se distingue schématiquement en deux parties. D’une part, la réponse humorale liée à l’activation de lymphocytes B pouvant devenir des plasmocytes et produire les protéines de défense de l’organisme appelés anticorps. D’autre part, la réponse tissulaire est portée par les lymphocytes T qui vont détruire les cellules de l’organisme infectées par l’agent pathogène, activer la production d’anticorps par les plasmocytes et produire des cellules « mémoire ». Le rôle de la réponse immunitaire adaptative est triple : terminer le travail de la réponse innée, débarrasser le corps humain de l’organisme infectant et garder une trace ou « mémoire immunologique » de cette infection pour répondre de façon plus rapide et plus ciblée lors d’une rencontre ultérieure.

L’immunité est également l’objet de nombreux contrôles négatifs qui ont pour but de réguler l’activation de la cascade immunitaire et d’y mettre fin lorsque l’infection est terminée.

Rôle des anticorps dans le syndrome de Guillain Barré 

Deux types d’anticorps principaux sont produits lors de la réponse immunitaire adaptative humorale, les IgM de façon précoce, disparaissant rapidement en quelques semaines et les IgG produites avec un délai d’une à deux semaines après le contact avec le pathogène. Au cours des quatre dernières décennies, l’origine auto-immune du SGB a été mise en évidence avec l’identification d’anticorps le plus souvent de sous-type IgG dont notamment : les anti-glycolipides en 1988, anti-GQ1b dans le syndrome de Miller-Fisher en 1992, les antigangliosides disialylés anti-GD1b dans la forme neuronopathie sensitive aiguë en 1996 ou encore les anticorps anti GM1 dans la forme neuropathie axonale motrice aiguë (AMAN) (15; 21; 23).

Selon leur nature, les anticorps peuvent reconnaitre et perturber le fonctionnement de la gaine de myéline protégeant des racines et des nerfs, perturbant les glycolipides impliqués dans l’enroulement des feuillets de la cellule de Schwann ou l’ancrage de la myéline aux nerfs au niveau des nœuds de Ranvier (21; 22). Les anticorps ont également la capacité de recruter des macrophages, des lymphocytes et d’activer le système du complément (Complexe d’attaque membranaire ou MAC sur la figure 4). Les macrophages, les lymphocytes T et le MAC peuvent détruire les gaines de myéline et les axones. Cela aboutit à une démyélinisation diffuse des racines et des nerfs parfois accompagnée de destruction d’axone (22).

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Table des matières

INTRODUCTION
1) LA GUYANE, PARTICULARITÉS CLIMATIQUES, GÉOGRAPHIQUES ET RÉALITÉS MÉDICALES
2) LE SYNDROME DE GUILLAIN‐BARRÉ : DÉFINITION CLINIQUE
3) BASES PHYSIOPATHOLOGIQUES DU SYNDROME DE GUILLAIN‐BARRÉ
4) PRISE EN CHARGE DU SGB
5) AMÉRIQUE LATINE, ZONE CARAÏBE ET SYNDROME DE GUILLAIN‐BARRÉ
6) OBJECTIFS
MATÉRIEL ET MÉTHODE
1) DESCIPTION ET POPULATION DE L’ÉTUDE
2) DÉFINITION DE CAS ET CRITÈRES D’INCLUSION ET D’EXCLUSION
3) IDENTIFICATION DES PATIENTS
4) DONNÉES CLINIQUES
5) DONNÉES PARACLINIQUES
6) DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES RÉGIONALES
7) ANALYSE ÉPIDÉMIOLOGIQUE
RÉSULTATS
1) RÉSULTATS PRINCIPAUX
2) PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE ET ÉVOLUTION CLINIQUE
3) RÉSULTATS PARACLINIQUES ET ÉTIOLOGIES POST‐INFECTIEUSES IDENTIFIÉES
4) ÉTUDE ÉPIDÉMIOLOGIQUE ET CORRÉLATION AVEC LES ÉPIDÉMIES EN GUYANE
DISCUSSION
1) DONNÉES ET RÉSULTATS
2) ANALYSE DES CODAGES DES PATIENTS RECLASSÉS AU COURS DE L’ÉTUDE
3) LIMITATIONS DE L’ÉTUDE
CONCLUSION
ANNEXES

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