Etude des transferts du tritium atmosphérique chez la laitue : étude cinétique et état d’équilibre

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UTILISATIONS ET EMISSIONS FUTURES DU TRITIUM

Dans les centrales nucléaires françaises, la production de tritium est essentiellement liée à l’énergie produite par le réacteur et au mode de gestion du combustible. En effet, plus le taux d’enrichissement en Uranium-235 est élevé, plus la concentration en Bore-10 utilisée pour compenser l’excès de réactivité du combustible est importante, et plus la quantité de tritium formé par activation du bore est importante. De ce fait, les gestions futures dites à haut taux de combustion (HTC), utilisant un combustible à fort taux d’enrichissement (supérieur à 4,5 %) entraîneront, à énergie produite égale, la formation de quantités de tritium plus importantes (Le Guen, 2008).
Dans le futur, les technologies de fusion rejetteront également du tritium dans l’atmosphère. En effet, une couverture tritigène est utilisée dans les réacteurs de fusion ; elle absorbe ou ralentit les neutrons émis par le plasma et de ce fait, remplit les fonctions de source de chaleur, de protecteur neutronique et de générateur du tritium brûlé par le réacteur (Weisse, 2000). En fonctionnement nominal, le réacteur expérimental ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) devrait utiliser 1,0 à 1,2 kg de tritium par an (Glugla et al., 2007). Les rejets associés à ce type d’installations sont encore difficiles à évaluer (Guétat et al., 2008b).
A titre d’exhaustivité, les lasers de puissance, comme le laser MegaJoule en France, devraient utiliser et rejeter dans les années à venir quelques mg a-1 de tritium.

IMPORTANCE RELATIVE DES SOURCES NATURELLES ET ANTHROPIQUES

A l’échelle mondiale, la production industrielle de tritium est estimée à environ quelques dizaines de PBq par an. De ce fait le tritium est l’un des radionucléides rejetés par l’homme dans l’environnement dont l’activité est la plus importante. L’activité rejetée est en augmentation, mais demeure inférieure à la production naturelle de tritium d’environ 0,15 à 0,20 kg par an, soit environ 50 à 70 TBq (Belot et al., 1996).
Les activités en tritium des eaux « naturelles » sont assimilées aux activités mesurées dans les eaux de surface dans la période pré-nucléaire (avant 1950) et sont de l’ordre de 0,1 à 0,8 Bq L-1 (Grosse et al., 1951; Momoshima et al., 1991). L’activité du tritium dans les eaux de pluie de l’hémisphère Nord a atteint 150 Bq L-1 en 1963 suite aux essais nucléaires atmosphériques. Aujourd’hui, l’activité tritium enregistrée à la surface du globe est proche de la concentration d’équilibre du tritium naturel, de l’ordre de 1 à 10 Bq L-1 selon le compartiment considéré (Guétat et al., 2008b) (Tableau 3). L’activité moyenne des eaux d’alimentation souterraines en France et en Grande-Bretagne ne dépasse pas 10 Bq L-1. L’eau des fleuves français présente une activité moyenne inférieure à 20 Bq L-1, à l’exception du Doubs, du fait des quelques industries horlogères encore basées sur son cours. Ainsi, dans les années 1990, des activités supérieures à 100 Bq L-1 ont été mesurées dans ce cours d’eau (Belot et al., 1996; Tort et al., 1997).

Incorporation du tritium

La contamination par le tritium peut résulter d’une exposition interne (inhalation ou ingestion) ou externe (absorption cutanée). La pénétration dans les tissus, les organes ou les fluides biologiques est plus ou moins rapide selon la forme chimique initiale. Tout comme son isotope stable (l’hydrogène), le tritium suit les voies d’accès normales de l’eau et des substances organiques non radioactives (Belot et al., 1996).

Incorporation du tritium par inhalation

Le transfert du tritium dans le sang dépend de la forme chimique inhalée (ICRP, 1989, 1993, 1995; Belot et al., 1996).
– La vapeur d’eau tritiée est presque complètement (à plus de 99%) transférée sous forme d’eau tritiée vers le sang à travers les épithéliums respiratoires.
– Le tritium gazeux étant peu soluble, seul 0,01% de l’activité inhalée est transféré dans le sang sous forme d’HTO.
– De la même façon, le méthane tritié inhalé n’est guère transférable au sang (environ 1%).
– L’absorption du tritium organique (sous forme gazeuse ou d’aérosols) dépend des propriétés chimiques de la molécule dans laquelle il est inséré. Si la molécule est soluble dans l’eau, l’absorption de vapeurs organiques tritiées est rapide et complète.
– D’autres composés peuvent également être inhalés : tritiures métalliques, peintures radioluminescentes… Leur comportement est mal connu ; il semble néanmoins que la libération du tritium dans l’organisme suite à ce type de contamination soit relativement lente (plusieurs dizaines de jours) (Belot et al., 1996).

Incorporation du tritium par ingestion

L’absorption digestive du tritium est complète et rapide, quelle que soit sa forme (eau tritiée ou tritium organique). Le tritium est ainsi rapidement transféré au sang, puis il suit le devenir biologique de l’hydrogène. La majeure partie des molécules tritiées absorbée sous forme organique est dégradée par la digestion en eau tritiée. Une faible fraction peut toutefois être transférée au sang sous sa forme initiale (Belot et al., 1996).

Incorporation du tritium par absorption cutanée

L’eau tritiée qui pénètre l’organisme à travers la peau est très facilement transférée vers le sang. Dans une atmosphère contenant de la vapeur d’eau tritiée, on estime qu’un tiers de la contamination se fait par voie percutanée, et deux tiers par inhalation (ICRP, 1989, 1993, 1995; Belot et al., 1996; ICRP, 1996).
Les composés organiques (huiles), les tritiures métalliques ou encore les peintures radioluminescentes peuvent également être absorbés à travers la peau (Belot et al., 1996).

Cinétique des composés tritiés dans l’organisme

Après leur incorporation dans l’organisme, les molécules tritiées se répartissent dans l’ensemble du corps en fonction de leur métabolisme. Les mécanismes de transfert du tritium au sein de l’organisme peuvent être caractérisés par des constantes de transfert entre les différents compartiments que constituent les organes et tissus biologiques. On considère en général une cinétique du premier ordre pour calculer à chaque instant la rétention du tritium dans les différents organes et l’impact dosimétrique qui en découle (Belot et al., 1996).
Les biocinétiques d’élimination du tritium dépendent de la forme chimique considérée. L’eau tritiée suit les voies de transfert normales de l’eau dans l’organisme : elle est éliminée normalement par les urines, la transpiration et l’air expiré. Le renouvellement de l’eau libre corporelle et l’élimination consécutive du tritium suite à une exposition s’effectuent avec une période biologique d’une dizaine de jours chez l’adulte (Belot et al., 1996; Trivedi et al., 1997). Le tritium absorbé est transféré au sang sous forme d’eau tritiée. De là, 3% sont intégrés dans des molécules organiques et 97% restent sous forme d’HTO (ICRP, 1989).
La plupart des composés organiques absorbés sont utilisés et dégradés pour produire de l’énergie et de l’eau tritiée qui retourne au pool de l’eau cellulaire. Une fraction mineure des composés organiques ingérés est cependant directement incorporée aux tissus sous forme organique. En moyenne, le tritium organique se maintient au sein du corps environ 30 à 40 jours (Belot et al., 1996), mais certaines molécules organiques tritiées (notamment les matières adipeuses ou le collagène) peuvent demeurer dans l’organisme jusqu’à 450 jours (Okada and Momoshima, 1993).

EFFETS BIOLOGIQUES DU TRITIUM

Les facteurs de risques liés au tritium sur le plan biologique tiennent notamment à sa très grande mobilité et à ses capacités d’échange avec les hydrogènes labiles des molécules organiques telles que les acides nucléiques (ADN, ARN) ou les protéines. D’une manière générale, les dommages potentiels à l’ADN sont considérés comme un point critique vis-à-vis des effets des rayonnements ionisants, qu’il s’agisse de la mort cellulaire ou de l’induction de mutations, potentiellement transmissibles aux descendants de la cellule touchée après division cellulaire de cellules lésées. Les effets biologiques et les risques radiologiques associés au tritium ont fait l’objet de nombreuses études épidémiologiques sur différents types de population : travailleurs du nucléaire, populations vivant à proximité d’installations nucléaires, adultes ou jeunes enfants (Little and Wakeford, 2008). Les seuls effets sanitaires significatifs dus au tritium ont été observés chez des utilisateurs professionnels de peintures luminescentes, dont le nombre de cellules sanguines a chuté (CARMIN, 2008a). En dehors de ces quelques cas d’exposition chronique et massive (plusieurs TBq), aucun effet n’a été observé chez l’Homme. En particulier, les études épidémiologiques ne mettent pas en évidence d’excès de cancers attribuables au tritium. Cependant, la plupart de ces études se basent sur des données statistiques collectées auprès de travailleurs du nucléaire exposés à différentes sources de radiations, et il est souvent impossible de tirer des conclusions quant à l’impact spécifique d’une exposition au tritium (Little and Wakeford, 2008). D’autre part, les données expérimentales actuelles concernant les expositions chroniques à faible dose et à faible débit de dose ne sont pas suffisamment étayées pour le tritium.
De fait, les connaissances actuelles sur les effets radiologiques du tritium se basent essentiellement sur des observations faites en laboratoire sur des cultures cellulaires ou sur des animaux. Ces expériences ont démontré que des excès de tumeurs, leucémies, malformations fœtales, et mutations génétiques peuvent être induits chez des rongeurs suite à une exposition au tritium à fortes doses, au-delà de 0,1-0,2 Gy (correspondant à 100-200 mSv) (Okada and Momoshima, 1993; Straume, 1993; Belot et al., 1996). Bien que les concentrations pour lesquelles des effets biologiques ou cancérogènes apparaissent expérimentalement soient très supérieures aux concentrations mesurées dans l’environnement, le risque de développement d’un cancer chez l’Homme suite à une exposition plus ou moins chronique au tritium ne peut être exclu. La probabilité théorique de mort par cancer du à une incorporation de tritium a été estimée à 65.10-6 par mSv (Straume, 1993).
De façon à pouvoir transposer les résultats obtenus sur les animaux au cas humain, l’Efficacité Biologique Relative (EBR) a été définie comme le rapport de la dose absorbée d’un rayonnement de référence (X ou gamma) à la dose absorbée du rayonnement étudié produisant le même effet biologique. En outre, la probabilité des effets stochastiques ne dépend pas seulement de la dose absorbée mais également du type et de l’énergie du rayonnement. Pour appréhender cet aspect, un facteur de pondération wR a été défini, qui vise à convertir la dose absorbée en dose équivalente. Sur la base de considérations biophysiques, la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) considère des valeurs de l’EBR et du facteur wR de 1 pour le tritium (ICRP, 2007). Néanmoins, la valeur de ces paramètres est actuellement discutée. Certains biologistes utilisent ou demandent un réajustement de l’EBR à une valeur de 2 ou 3 (Straume, 1993; Melintescu et al., 2007; Galeriu et al., 2008; Little and Wakeford, 2008).

DOSIMETRIE DU TRITIUM

Dose efficace engagée par unité d’incorporation (DPUI)

La dose efficace engagée par unité d’incorporation (DPUI) pour une personne adulte a été évaluée à 1,8.10-15 Sv Bq-1 pour le tritium gaz HT (inhalation), 1,8.10-11 Sv Bq-1 pour l’eau tritiée HTO (ingestion ou inhalation) et 4,2.10-11 Sv Bq-1 pour le tritium organique (ingestion) (ICRP, 1989, 1993, 1995; Belot et al., 1996; ICRP, 1996). Pour les enfants, ces coefficients ont des valeurs plus élevées d’un facteur 1,3 (enfant âgé de 10 ans) à 3,5 (nourrisson de 3 mois) (ICRP, 1993, 1995; Belot et al., 1996). Le coefficient de dose plus élevé du tritium organique, et son temps de séjour biologique 3 à 6 fois plus long que celui de l’eau tritiée (Galeriu, 1994) font de l’ingestion de cette forme une importante voie d’incorporation du tritium par l’homme (Garland and Ameen, 1979; Diabaté and Strack, 1993).
Cependant, les voies d’exposition sont souvent multiples. Par exemple, en cas d’exposition aigüe au tritium par inhalation d’eau tritiée, le tritium intègre très rapidement et majoritairement l’eau tissulaire de l’organisme mais une petite fraction est incorporée à la matière organique. La dose reçue provient alors à la fois de l’eau tritiée (en grande quantité mais éliminée rapidement) et du tritium organique formé (en faible quantité mais au temps de séjour biologique plus long). On estime que le tritium organique ainsi produit dans le corps humain est responsable d’environ 10% de la dose totale reçue (Trivedi et al., 1997).

Impact du tritium autour des centrales nucléaires françaises

Les conséquences sanitaires des rejets radioactifs liquides autour de la centrale de Flamanville (Manche, France) ont été évaluées au moyen de codes de calcul par la société exploitante, Electricité de France (EDF) (Le Guen, 2008). La dose annuelle reçue par les personnes du public vivant au voisinage du site a été déterminée en tenant compte des activités rejetées annuellement et des différentes voies d’exposition (en particulier l’ingestion et l’exposition externe). Ces personnes forment le « groupe de référence », pour lequel les calculs de dose ont été réalisés pour un adulte consommant des produits marins pêchés dans un rayon de 500 m autour de la centrale. Le modèle utilisé pour cette étude d’impact inclut des expositions externes due à 100 h d’exposition sur la plage et 20 h de baignade (avec ingestion potentielle d’eau de mer) par an. Il considère l’ingestion de tritium sous forme d’eau tritiée et sous forme organique. En outre, pour un site marin, les quantités de produits de la mer ingérées peuvent être plus élevées pour certains groupes socioprofessionnels comme les pêcheurs. Un deuxième groupe considérant une exposition par ingestion plus importante a donc été considéré (« groupe pêcheur »). A partir de ces hypothèses, l’étude d’impact réalisée pour le site de Flamanville estime que les doses maximales dues au tritium liquide pourraient atteindre environ 0,014 mSv an-1 pour le «groupe de référence » et 0,037 mSv an-1 pour le «groupe pêcheur » avec la mise en service de l’EPR (European Pressurized Reactor) (Le Guen, 2008).

MODELES ET RECOMMANDATIONS

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considère une dose effective annuelle inférieure à 0,1  mSv pour le public pour la définition de la potabilité des eaux. Cette dose correspondrait environ à la consommation quotidienne par un adulte de 2 L d’eau tritiée à la concentration de 10000 Bq L-1 pendant une année complète. D’autre part, une directive du Conseil de l’Union Européenne adoptée en 1998 (98/83) fixe un seuil d’investigation de 100 Bq L-1 pour les eaux de boisson (1998).
Cependant, de plus en plus de chercheurs considèrent que les effets du tritium sur la santé humaine sont insuffisamment connus et que les normes et recommandations en matière de radioprotection devraient être réévaluées (Melintescu et al., 2007; Galeriu et al., 2008, HPA, 2007, Radiation protection no 152, 2007).

LE TRITIUM DANS L’ENVIRONNEMENT

LES DIFFERENTES FORMES DU TRITIUM DANS L’ENVIRONNEMENT

LES FORMES CHIMIQUES NON-ORGANIQUES DU TRITIUM

La forme la plus abondante du tritium dans le milieu naturel (ainsi que dans les espèces vivantes) est l’eau tritiée HTO (Belot et al., 1996). D’autres espèces chimiques du tritium sont néanmoins naturellement présentes, principalement le tritium gazeux (HT) et le méthane tritié (CH3T). Le transfert de ces différentes molécules tritiées dans l’environnement est lié à des processus physiques (transport en masse, diffusion), chimiques (réactions, changements d’état) et biologiques (Murphy, 1993).

LE TRITIUM DANS LES ORGANISMES BIOLOGIQUES

Deux fractions distinctes du tritium sont considérées dans les organismes biologiques, animaux ou végétaux: le tritium présent dans l’eau tissulaire et le tritium incorporé à la matière organique. On distingue en outre deux formes de tritium organique selon la nature des liaisons chimiques dans lesquelles le tritium est impliqué. On parle habituellement de tritium incorporé à la matière organique de façon échangeable ou non-échangeable.

Le tritium dans l’eau tissulaire des organismes

Le tritium de l’eau tissulaire (souvent noté TFWT dans la littérature pour « Tissue Free Water Tritium ») correspond à la fraction de tritium sous forme d’eau tritiée (HTO) dans tous les compartiments aqueux des organismes biologiques. Cette fraction aussi appelée « tritium libre » est la plus facile à éliminer de l’organisme du fait du renouvellement de l’eau très rapide chez la plupart des êtres vivants (Belot et al., 1996).

Le tritium dans la matière organique

Le tritium organique correspond à la fraction du tritium intégré dans la matière organique des êtres vivants soit par échange isotopique avec des molécules (organiques) existantes, soit lors de la fabrication de nouvelles molécules via les processus métaboliques.

Le Tritium Organiquement Lié échangeable

Certains atomes de tritium sont liés à des atomes d’oxygène, d’azote, de soufre, d’halogènes… Dans ce type de liaisons covalentes faibles (alcool, acide, amine…), le tritium présente un caractère labile important. De ce fait il est facilement échangé avec les atomes d’hydrogène (1H) de l’eau ou des alcools non tritiés (Thompson and Nelson, 1971) : c’est pourquoi on parle de tritium organiquement lié échangeable (Belot, 1986; Diabaté and Strack, 1993; Baglan et al., 2005).
Les travaux de Guénot (Guenot, 1984) sur des vignes et des plants de pommes de terre soumis à une exposition atmosphérique d’eau tritiée durant quelques heures ont montré que le compartiment hydrogène/tritium échangeable est à tout moment en équilibre avec l’eau tissulaire des plantes. Ces deux compartiments ont donc la même dynamique ; les molécules contenant de l’hydrogène échangeable sont accessibles au marquage par le tritium avec la même rapidité que l’eau libre et se décontaminent de même.

Le Tritium Organiquement Lié non échangeable

Certains atomes de tritium sont intégrés à la matière organique par des liaisons covalentes à des atomes de carbone (C-H). Ces liaisons sont stables sauf en présence d’acides forts, de bases fortes ou de catalyseurs. Cette fraction du tritium n’est pas susceptible d’échange isotopique avec le sol et l’atmosphère, on parle pour cette raison de tritium organiquement lié non échangeable (Diabaté and Strack, 1993; Ware and Allott, 1999; Pointurier et al., 2004). Du fait de son temps de résidence plus long, la fraction non échangeable représente l’intégration du tritium environnemental pendant la croissance des organismes et plus généralement tout au long de leur vie. De ce fait, c’est un bon indicateur de la contamination au tritium en cas de rejet accidentel ou chronique (Guenot, 1984).
En pratique, si le terme de « tritium organiquement lié » ou « organically-bound tritium » (généralement noté TOL ou OBT) correspond en théorie à toute molécule organique à laquelle le tritium est lié, de manière échangeable ou non, on considère souvent dans la littérature que l’OBT renvoie seulement à la fraction non échangeable.

Discussion

Depuis quelques années, la définition du tritium organique non-échangeable comme tritium lié aux atomes de carbone de manière covalente au contraire du tritium organique échangeable (Belot, 1986; Diabaté and Strack, 1993; Baglan et al., 2005) est remise en question. En effet, les atomes de tritium prisonniers de macromolécules ou de sphères d’hydratation du fait de liaisons Hydrogène s’échangent très lentement en raison de leur inaccessibilité à l’eau cellulaire, et non de la nature de leur liaison chimique (Diabaté and Strack, 1993; Baumgartner and Donhaerl, 2004). Par conséquent, cette fraction du tritium dite « piégée » (« buried tritium ») peut se comporter, lors de la préparation analytique d’échantillons, de la même manière que le tritium organique non-échangeable sans impliquer de liaisons carbone-tritium (Baumgartner and Donhaerl, 2004).
Le groupe de travail du programme EMRAS (Environmental Modeling for Radiation Safety) de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) en charge des questions relatives au Tritium et au 14C a proposé en 2007 la définition suivante (IAEA, 2007b) : « OBT is carbon-bound and buried tritium that was originally formed in living systems through natural environmental or biological processes from HTO (or HT via HTO). It is the activity in dry biomatter that has been washed repeatedly with tritium free water. Other types of organic tritium (e.g. tritiated methane, tritiated pump oil or radiochemicals) should be called tritiated organics, which can be in any chemical or physical form. » (« Le terme OBT recouvre le tritium lié aux atomes de carbone et le tritium dit “caché” au sein des molécules qui a été formé dans des systèmes vivants via des processus naturels ou biologiques à partir de HTO (ou HT via HTO). Il est responsable de l’activité de la matière biologique sèche qui a été lavée plusieurs fois à l’eau non tritiée. Les autres formes du tritium organique (méthane tritié, huiles ou produits radiochimiques tritiés) doivent être appelés produits organiques tritiés, sous quelque forme chimique ou physique qu’ils soient. »). Face à ce problème de définition, il convient donc d’être précis sur le protocole opératoire utilisé en pratique pour la mesure du tritium organique, notamment en ce qui concerne la méthode et le temps mis pour l’échange visant à éliminer la fraction échangeable (Belot et al., 1996; Ware and Allott, 1999). L’approche la plus pragmatique consiste en effet à considérer simplement comme OBT non échangeable la fraction qui n’a pas pu être échangée selon le mode opératoire utilisé.
De plus, il faut garder à l’esprit que ces définitions du tritium organique échangeable ou non-échangeable n’ont pas de sens d’un point de vue biologique (König, 1990). En effet, le tritium sous forme d’eau tritiée est intégré à la fraction organique au cours des réactions métaboliques, en position échangeable ou non selon la réaction considérée. Au cours des processus biologiques, des transformations de molécules surviennent et conduisent au transfert d’atomes de tritium échangeables en position non échangeable. Par conséquent, les molécules organiques, qui jouent un rôle clé dans les processus biologiques, peuvent présenter des atomes de tritium à la fois en position échangeable et en position non échangeable.

TRANSPORT ET TRANSFERTS DU TRITIUM DANS L’ENVIRONNEMENT

Le tritium est un isotope de l’hydrogène et se comporte globalement de la même façon que cet élément dans l’environnement naturel. Il intègre les cycles biogéochimiques, notamment celui de l’eau et est associé à toutes les molécules hydrogénées de la matière vivante.

LE CYCLE GEOCHIMIQUE DE L’EAU

La majeure partie du tritium dans l’environnement est présente sous forme d’eau tritiée et de ce fait liée au cycle géochimique de l’eau (Momoshima et al., 1991). Le schéma global de ce cycle en milieu tempéré océanique est présenté Figure 1 (Keller, 1980). Environ la moitié (51%) des précipitations et des condensations conduisant au dépôt du tritium à la surface du globe est réémise dans l’atmosphère par évapotranspiration (Belot et al., 1996). Plus d’un tiers (37%) des précipitations est incorporé à l’eau du sol avant d’être absorbé puis transpiré par la végétation, qui joue un rôle crucial dans le cycle de l’eau au sein des écosystèmes terrestres. De ce fait, les plantes représentent un facteur clé pour l’échange du tritium sous forme d’eau tritiée dans ces écosystèmes.
Une part importante des précipitations (environ 40%) vient alimenter les cours d’eau. D’autre part, environ 10% des pluies pénètrent le sol en profondeur et infiltrent les nappes phréatiques sous l’influence des phénomènes de gravité, de diffusion ou de capillarité (Murphy, 1993). Le tritium suit dans ce cas le mouvement des eaux souterraines ; son temps de résidence est plus ou moins long selon les caractéristiques géologiques du sol. Les résurgences des eaux souterraines et des eaux de surface alimentent les cours d’eau qui grossissent ainsi jusqu’à leur embouchure dans une étendue marine. L’eau des océans s’évapore en permanence, renouvelant le cycle de l’eau. Les océans sont le principal réservoir d’hydrogène de la planète ; ils représentent une capacité de dilution énorme pour le tritium (Murphy, 1993; Belot et al., 1996). Le tritium se mélange rapidement dans la couche d’eau supérieure des étendues marines (environ 100 m), puis plus lentement dans les eaux profondes (Belot et al., 1996).

CIRCULATION ET RETENTION DU TRITIUM DANS L’ENVIRONNEMENT

Le tritium dans l’atmosphère

Les principales formes chimiques du tritium dans l’atmosphère sont par ordre d’importance la vapeur d’eau tritiée (HTO), le tritium gaz (HT) et le méthane tritié (CH3T). La concentration des espèces tritiées dans l’atmosphère n’est pas assez importante pour que des effets de densité puissent apparaître. De ce fait, le tritium atmosphérique suit les écoulements de l’air ; il est dilué du fait de la dispersion de la même façon que n’importe quel élément trace (Pasquill and Smith, 1988; Belot et al., 1996). Les principaux mécanismes de dispersion du tritium rejeté dans l’atmosphère par les installations nucléaires sont le transport, la diffusion puis le dépôt au sol.
Le transport du tritium est fonction de la vitesse et de la direction des vents, ainsi que du gradient vertical de température observé dans l’atmosphère. Ce dernier joue sur la stabilité des couches atmosphériques et influence ainsi le comportement des panaches.
Les turbulences constituent le mode principal de diffusion. En champ proche, les seules turbulences à agir de façon efficace sur la diffusion sont celles dont la dimension est comparable à celle du nuage.
Les processus atmosphériques de dépôt du tritium au sol sont appelés dépôt humide ou dépôt sec selon que les précipitations (pluie, neige ou brouillard) sont à l’origine des retombées ou non (Belot et al., 1996). Le dépôt sec se produit au contact de l’air contaminé via des processus de captation à travers les épidermes foliaires ou le sol. Le dépôt humide résulte du lessivage du panache par la pluie. Le type d’entraînement du tritium diffère selon l’espèce chimique considérée : du fait de leur faible solubilité, l’hydrogène tritié (HT) et le méthane tritié (CH3T) sont essentiellement entraînés par dépôt sec. La vapeur d’eau tritiée (HTO) est au contraire facilement échangée avec les gouttes de pluie. De ce fait, la vapeur d’eau tritiée atmosphérique est entraînée au sol à la fois par dépôt humide et par dépôt sec.
Localement, à proximité d’installations rejetant du tritium sous forme gazeuse, des concentrations d’eau tritiée atmosphérique supérieures à celles de l’état naturel peuvent être rencontrées. Les concentrations en tritium dans l’air à proximité d’une source de rejet sont fonction notamment de la direction du vent, de sa vitesse, de la température, de l’hygrométrie, et du facteur de dilution associé (Kotzer and Workman, 1999).

Le tritium dans les sols

Absorption de l’hydrogène tritié par le sol

Vitesse de dépôt de l’hydrogène tritié

La vitesse de dépôt au sol est définie comme le flux de tritium délivré au sol, divisé par la concentration volumique de l’hydrogène tritié dans l’atmosphère au-dessus de ce sol (Belot et al., 1996). Les vitesses de dépôt de l’hydrogène tritié sur la plupart des types de sol sont indépendantes du temps de contact entre le gaz tritié et la surface du sol tant que les conditions météorologiques et les caractéristiques du sol restent constantes pendant la période d’exposition. En revanche, elles sont liées au type de sol et à ses propriétés (structure, contenu en micro-organismes, en eau, en air…) (Belot et al., 1996; Galeriu et al., 2008). Les vitesses de dépôt de l’hydrogène tritié citées dans la littérature pour la plupart des sols sont comprises entre 10-5 et 10-3 m s-1 (Foerstel, 1986, 1988; Paillard et al., 1988; Täschner et al., 1988; Murphy, 1993; Belot et al., 1996; Koarashi et al., 2001).
Oxydation biochimique de l’hydrogène tritié
L’oxydation des molécules d’hydrogène (tritiées ou non) se produit très rapidement à la surface et dans les premiers centimètres du sol du fait de la présence de microorganismes (bactéries, protozoaires, champignons…) produisant une enzyme oxydante appelée hydrogénase (McFarlane et al., 1978, 1979b; Garland and Cox, 1980; Sweet and Murphy, 1981; Belot et al., 1996; Atarashi-Andoh et al., 2002). L’hydrogène tritié (HT) qui pénètre dans les premiers centimètres du sol est ainsi oxydé rapidement en eau tritiée qui se mélange à l’eau du sol.
Des expériences ont montré la formation d’un profil vertical stationnaire dans les sols exposés de façon continue à une atmosphère tritiée (HT) constante (Belot et al., 1996). Bien que la profondeur de pénétration de l’hydrogène tritié varie avec le coefficient de diffusion dans le sol considéré et avec la rapidité de sa conversion en eau tritiée, certains auteurs ont pu déterminer expérimentalement une profondeur de pénétration caractéristique sur plusieurs types de sols différents (Dunstall and Ogram, 1990). En moyenne, cette profondeur est de quelques centimètres seulement en raison de l’oxydation rapide de HT en HTO.

Absorption de la vapeur d’eau tritiée par le sol

Échange superficiel de vapeur d’eau tritiée à la surface du sol
Le dépôt de la vapeur d’eau atmosphérique au sol, qu’elle soit tritiée ou non, se produit par diffusion entre l’air et la surface du sol (dépôt sec) (Garland, 1980). Le transport de la vapeur jusqu’à la surface peut être décrit par la loi de Fick ; le flux net de tritium est proportionnel à la différence des concentrations volumiques de vapeur d’eau tritiée dans l’air et au niveau du sol (Belot et al., 1996).

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Table des matières

Remerciements
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des annexes
Notations
Avant-propos
Introduction : Problématique et objectifs de l’étude
Etude bibliographique
Démarche expérimentale
Chapitre I : Mise en place du système d’étude et définition des protocoles expérimentaux
Chapitre II : Description et qualification des techniques analytiques
Résultats
Chapitre III : Etude des transferts du tritium atmosphérique chez la laitue : étude cinétique et état d’équilibre
Chapitre IV : Etude de l’intégration du tritium sous forme organique chez la laitue lors d’une exposition atmosphérique continue
Conclusions et perspectives
Références bibliographiques

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