Cette étude a été réalisée au Burkina Faso dans la région de Bondoukuy (P = 950 mm), située à 100 km de Bobo-Dioulasso sur l’axe Bobo – Dédougou, à l’ouest du pays. Le choix de cette région est guidé par plusieurs raisons dont voici certaines :
– il existe une demande de connaissances sur les savanes qui focalisent actuellement de multiples enjeux (SERPANTIE et DEVINEAU, 1991) :
* enjeux industriels et économiques nationaux, à travers les questions sur l’avenir de la production cotonnière;
* enjeux en matière de développement régional durable à travers les questions des migrations agricoles et pastorales, de la reproductibilité des systèmes de production;
* enjeux environnementaux, à travers les questions posées sur l’évolution du biome savane compte tenu des activités qui s’y déroulent et de l’évolution climatique, ainsi que sur l’impact de cette évolution sur les milieux environnants;
* enjeux sur la gestion et la conservation des eaux et de la fertilité des sols;
– Bondoukuy appartient à une zone de transition entre deux domaines phytogéographiques et climatiques, le domaine sahélien et soudanien (GUINKO, 1984) ;
– il existe dans cette région une diversité humaine, mais aussi celle du milieu physique et biologique. Cette diversité humaine est accentuée par des migrations récentes et intenses. D’une densité de 5 habitants au km2 jusqu’à la moitié du XXème siècle, Bondoukuy présente aujourd’hui 33 habitants au km2 Cette densité est inquiétante si l’on considère le rapport population/surface cultivable (KISSOU, 1994) ; elle a pour conséquence une augmentation de la pression sur les ressources naturelles avec pour corollaire, le surpâturage, le prélèvement abusif des produits forestiers, etc
On assiste donc à une évolution rapide des systèmes de culture et d’élevage. L’équilibre de l’ancien système basé sur les courtes périodes de culture suivies des longues périodes de jachère et un cheptel réduit, est rompu. Les signes de dégradation apparaissent partout. L’un des types de dégradation le plus répandu est l’érosion des sols due au ruissellement des eaux de pluie, en témoignent les affleurements de cuirasses, l’ensablement des bas-fonds, la présence des rigoles et des zones décapées. Il en résulte la diminution des rendements agricoles et donc la baisse des revenus. Cette dégradation résulte d’une réaction en chaîne que l’on peut résumer comme suit:
– la dégradation physique par compactage et encroûtement de la surface du sol, entraînant peu d’infiltration et beaucoup de ruissellement;
– la dégradation par perte d’éléments nutritifs et acidification;
– la dégradation biologique par diminution de la teneur en humus et réduction de l’activité biologique dans le sol.
Jachères, techniques de culture et conservation des eaux et des sols
Définitions de la jachère
Les écrits sur la jachère abondent. Cela témoigne de l’intérêt que l’on porte à celle-ci, qu’elle soit naturelle ou améliorée, de longue ou de courte durée. De la diversité de ses rôles et fonctions, plusieurs définitions de la jachère sont données par divers auteurs:
– selon le Centre Technique Forestier Tropical (1979), la jachère est une terre en repos, hors culture et hors pâture et fait partie d’un assolement, qui a été précédemment cultivée et sur laquelle J’homme n’intervient pas;
– SEBILLOTIE (1985) définit la jachère comme J’état d’un terrain laissé temporairement sans culture et qui remplit diverses fonctions;
– pour montrer cette diversité des fonctions de la jachère, JOUVE (1991) définit la jachère comme un ensemble de pratiques très diverses qui n’ont parfois guère de points communs tant les rôles et fonctions de la jachère sont multiples mais qui toutes nous fournissent une clé privilégiée pour comprendre les grands modes d’exploitation du milieu et leur dynamique;
– pour SERPANTIE et DEVINEAU (1991), la jachère représente une voie de reconstitution des potentiels biologiques des milieux naturels;
– pour BELEM et al (1996), la jachère est un champ au repos, une solution alternative de lutte contre les adventices, une brousse de réserve et un pâturage.
Rôles et fonctions de la jachère
Fonction agronomique
La jachère augmente le stock d’éléments minéraux assimilables dans le sol (RUTHENBERG, 1974). C’est aussi la méthode la plus ancienne et la plus simple pour restaurer les propriétés d’un sol dégradé par plusieurs années de culture, notamment par l’augmentation du taux de matière organique dans le sol, ce qui a pour conséquence l’amélioration des propriétés physiques et chimiques du sol. Cette amélioration se traduit aussi par une meilleure infiltration de l’eau et une diminution des pertes par ruissellement, une augmentation de la capacité de rétention d’eau du sol et une diminution des pertes par lessivage (JEAN, 1975; PIERI, 1989). D’ou le qualificatif de technique de fertilisation passive (JEAN, 1975). La jachère est donc un moyen pour améliorer la fertilité des sols fatigués et renforcer leur capacité de résistance à l’érosion. La présence de certaines espèces herbacées dans les jachères (A pseudapricus, A gayanus, A ascinodis) permet aux paysans d’identifier l’évolution du sol et de sa fertilité (SOME, 1994; SAVADOGO, 1998; D…IIMADOUM, 1999). Par ailleurs, pour de nombreux auteurs (JEAN, 1975 ; BOUDET, 1975 JONES, 1979 ; BEDU et al, 1987 ; ALEXANDRE, 1989 ; SEBILLOTIE,1991 ; DIENG et al, 1997), la jachère représente un moyen de lutte contre les adventices de culture. DIENG (1997) rapporte qu’une jachère améliorée à Andropogon gayanus élimine les adventices et améliore les sols cultivés et conseille son introduction comme culture fourragère en Afrique tropicale Les propriétés restauratrices de la jachère ont été résumées par NYE et GRENLAND (1960) :
– restaurer le niveau des éléments nutritifs dans le sol ;
– restaurer le niveau de carbone et améliorer la structure du sol;
– supprimer les mauvaises herbes;
– supprimer les parasites;
– diminuer l’érosion.
D’autres fonctions non moins importantes en zone soudanienne, car économiques et sociales sont celles du renouvellement du parc à karité, le pâturage, la coupe de bois et la cueillette (SERPANTIE, 1993).
Jachère et biodiversité
La jachère consacre le retour de la diversité spécifique (MITJA et PUIG, 1991 ; ZOUNGRANA, 1991; SOME, 1996; DJIMADOUM, 1999) et faunique (BACHELIER, 1978 ; PIERI, 1989).
Jachère et conservation des eaux et des sols (C. E. S.)
L’une des grandes fonctions de la jachère est la « fonction conservation des eaux et des sols ». Dans un système d’agriculture itinérante, consommatrice d’espace, la mise en jachère favorise le retour de la végétation qui, selon DELOYE et REBOLIR (1958), va agir de trois manières sur le sol:
– contre l’effet vertical: elle amortit la violence des pluies, conduit l’eau doucement vers le sol, atténuant ainsi le tassement superficiel, la destruction des agrégats et l’entraînement des éléments fins, cela maintient la porosité ;
– contre l’effet horizontal: la végétation oppose un obstacle au ruissellement, elle ralentit le courant et divise les filets d’eau;
– l’action souterraine des racines renforce la cohésion du sol.
CORNET (1992) ajoute que la végétation des jachères modère les alternances humectation-dessèchement conduisant à une désorganisation pelliculaire de surface avec, pour conséquences, une diminution de la perméabilité, une augmentation du ruissellement et une baisse de l’infiltration. Cette action est d’autant plus importante que la végétation est plus abondante. Selon FLORET et PONTANIER (1993), le maintien d’une parcelle en jachère peut s’avérer nécessaire pour lutter contre l’érosion et augmenter l’infiltration. La jachère présente en plus une capacité à décanter les ruissellements exogènes, à empêcher les concentrations érosives, protégeant ainsi les paysages et améliorant les processus de recharge des nappes d’eau (FOURNIER et al, 1999). Ces processus pourraient participer à la remontée de la fertilité des jachères. C’est pourquoi SERPANTIE (1993) propose une gestion de l’espace agricole qui réserve une place de choix à la jachère. D’après ROOSE (1991), l’érosion et le ruissellement sont médiocres sur une savane intégralement protégée (ni feu, ni pâturage). Dans la même savane soumise aux feux précoces, le ruissellement et l’érosion se manifestent dès les premiers orages (ROOSE, 1979 et 1981 ; CASENAVE et VALEI\JTIN, 1989). Le ruissellement est fonction des états de surface, en particulier les surfaces encroûtées, du couvert végétal et de l’activité de la mésofaune (ROOSE, 1979 et 1991 ; CASENAVE et VALENTIN, 1989). Ces auteurs ajoutent que la présence d’une litière à la surface du sol, fortement transformée par les vers de terre et les termites explique la disparition des croûtes de battance et l’amélioration de la capacité d’infiltration de l’eau par les jachères .
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
Première partie
Chapitre 1 : PROBLEMATIQUE ET DEMARCHE
Chapitre 2 : QUELQUES ELEMENTS DE DEFINITION
1Jachères, techniques de culture et conservation des eaux et des sols.
1 Définitions de la jachère
2 Rôles et fonctions de la jachère
2-1 Fonction agronomique
2-2 Jachère et biodiversité
2-3 Jachère et C.E.S.
3 Techniques de culture et C.E.S.
3-1 Pratiques culturales et dégradation des sols
3-2 Pratiques culturales et conservation du sol
Il Quelques rappels sur l’eau du sol
1 Les mouvements d’eau au niveau du sol
2 Les formes de l’eau dans le sol
3 Les valeurs caractéristiques de l’eau du sol
Chapitre 3: LE MILIEU NATUREL.
1 Localisation
2 Climat
3 Hydrographie
4 Géologie
5 Géomorphologie
6 Sols
7 Végétation
8 Milieu humain et activités socio-économiques
8-1 Population et groupes ethniques
8-2 Les activités socio-économiques
Conclusion
Deuxième partie
4 Les parcelles experimentales
4-1 Description des essais.
4-1-1 le bloc
4-1-2 Les bloc haut et bas.
4-2 Les itinéraires techniques sur les parcelles expérimentales.
4.2-1 Sur les parcelles non cultivées.
4.2-2 Sur les parcelles cultivées
4.3 Les mesures
4.3-1 Mesure de la quantité et de l’intensité des pluies
4.3-2 Evaluation du ruissellement
4.3-3 Mesure et suivi de l’érosion
4.3-4 Mesure et suivi de la teneur en eau du sol
4.3-5 Mesures et suivi agronomique.
4.3-6 Les récoltes
4.3-7 Les profils culturaux
4.3-8 Le matériel végétal utilisé dans les expérimentations
4.3-9 Traitement des données
Chapitre 4 : MATERIELS ET METHODES
1 Les expériences I.R.D.-ETSHER
2 Les sites d’expérimentation
2-1 Site bas Bukui
2-2 Site Lamine
2-3 Les sols
3 Diagnostic des prossessus d’érosion, de russellement et gestion
conservatoire des eaux et des sols sur le versant cultivé de Kossoghin
Troisième partie
Il LES PARCELLES EXPERIMENTALES
1 La pluviométrie (graphes)
2 Mesures et suivi de du ruissellement et de l’érosion
2-1 Résultats et analyse
2-2 L’analyse critique des parcelles d’expérimentation.
Chapitre 5: RESULTATS ET ANALYSE.
1 LE VERSANT
1 Les enquêtes auprès des agriculteurs
2 Evolution de l’occupation du sol sur le versant de Kossoghin et ses
conséquences
3 Résultats en relation avec la topographie et la direction des billons
3 Mesure et suivi de la teneur en eau du sol.
3-1 Situation des mesures par rapport aux pluies de 1998
représentativité.
3-2 Approche statique
3-2-1 Dates du 15 et du 20 juin 1998
3-2-3 Dates du 21 et 22 juillet 1998
3-2-2 Date du 30 novembre
3-3 Approche dynamique
3-3-1 Evolution de l’humidité par rapport à la réserve utilisable
3-3-2 Evolution du stock hydrique.
3-3-3 Modèle de bilan d’eau
3-3-4 Satisfaction des besoins en eau dans les deux parcelles
4 Les profils culturaux
4-1 Description
4-2 Enracinement
4-3 poinçonnement ou résistance à la pénétration
5 Elaboration du rendement.
5-1 Les composantes du rendement
5-2 Les récoltes
5-3 Calcul du rendement
5-4 Calcul du taux de réalisation du rendement
CONCLUSION- GENERALE
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