Etude des relations politico-administratives

Qu’est-ce que le système politique ? 

Avant toutes choses, il convient de délimiter le cadre de notre étude en précisant ce que nous entendons derrière l’ensemble des termes de notre sujet. La première difficulté consiste à définir ce que nous comprenons ici par « système » et par « pouvoir politique ». Sans revenir sur la notion polysémique de la politique, nous désignons ici le système politique comme l’ensemble des relations et interactions des acteurs de la société exerçant un pouvoir plus ou moins important, dans un cadre institutionnel, normatif et symbolique. Le pouvoir politique, au-delà de sa définition wébérienne de « monopole de la violence légitime » , désigne ici l’autorité constitutionnellement habilitée à l’exercer. Ainsi, par « réorganisation du pouvoir politique », nous entendons ici non seulement les transformations apportées au cadre institutionnel de ce pouvoir (par le biais de réformes par exemple), mais également les réactions et ajustements de comportement des acteurs qui évoluent dans ce cadre en mouvement.

En réalité, ces définitions renvoient à une deuxième difficulté : déterminer quels sont les acteurs qui exercent un pouvoir dans ce système politique. La thèse moniste, selon laquelle seule une classe dirigeante (généralement composée de responsables politiques et d’une élite bureaucratique) exerce le pouvoir politique est, depuis les travaux du politiste Robert DAHL, largement obsolète. La thèse polyarchique (ou pluraliste) que ce dernier avance, tend à montrer qu’il existe au contraire tout un ensemble hétérogène d’acteurs (médias, groupes d’intérêts, opinion publique,…) qui interviennent dans les processus décisionnels au cours desquels les politiques publiques sont élaborées et mises en place. Ces processus décisionnels, loin de se dérouler en vase clos, sont ainsi soumis à des forces plus ou moins importantes qui émanent de divers acteurs de la société. L’analyse des politiques publiques, discipline relativement récente de la science politique , prend justement en compte cette multiplicité de forces agissant aux différents stades de leur élaboration et exécution. Le développement des médias de masse, l’accroissement du rôle joué par les acteurs non-institutionnels, la mondialisation, les intégrations régionales ou encore les mouvements de décentralisation, sont autant d’éléments aboutissant à une complexification du processus décisionnel.

Pour autant, tous ces acteurs ne sont pas à placer sur un même pied d’égalité quant à leur influence sur les politiques publiques. Tandis que certains jouent un rôle important au niveau de la politisation d’un problème de société, laquelle peut éventuellement déboucher sur une politique publique (mise à l’agenda), d’autres interviennent au niveau de son élaboration, de son exécution, ou encore de son évaluation. De même, le degré et la durée de l’implication de ces acteurs peuvent varier en fonction de nombreux paramètres, tout comme les outils et leviers dont ils disposent. La politiste française Catherine GRÉMION organise ces multiples acteurs en différents cercles, dans ce qu’elle appelle le « milieu décisionnel central » . Comme l’explique Pierre MULLER, « le premier cercle est celui par lequel transitent toutes les décisions importantes . » Au Japon, il est composé du Premier ministre, de son entourage, de ses organes directs de soutien, ainsi que du MOF « compte tenu de [sa] dimension transversale » . Ce cercle correspond pour ainsi dire à ce que Rod RHODES et Patrick DUNLEAVY désignaient comme core executive (« noyau dur » ou « cœur de l’Exécutif ») . Le deuxième cercle comprend les différents ministères et autres administrations sectorielles. Le troisième regroupe les acteurs placés à l’extérieur de l’État (groupes d’intérêts, médias, membres de la société civile,…). Le quatrième, enfin, est lui composé des parlementaires et des organes juridictionnels. Il convient de noter toutefois que ces cercles peuvent être extrêmement poreux, que leurs contours sont à géométrie variable, et que leur poids dans le « milieu décisionnel central » peut évoluer en fonction des pays, des périodes et des politiques publiques. Nous verrons par exemple qu’au Japon, les parlementaires (quatrième cercle) purent avoir une influence considérable sur la définition du contenu de politiques publiques sectorielles, en travaillant main dans la main avec les groupes d’intérêts (troisième cercle) et administrations concernées (deuxième cercle).

Certes, notre analyse de la réorganisation du pouvoir politique au Japon se focalise sur le classique couple « hommes politiques–hauts fonctionnaires », qui avait attiré l’attention d’auteurs tels que WEBER et bien d’autres après lui. Nous avons toutefois bien conscience du fait que les relations qu’entretiennent ces deux types d’acteurs se développent dans un environnement ouvert, et que l’intervention d’autres acteurs (les médias, l’opinion publique, des groupes d’intérêts et la société civile notamment) peut avoir des conséquences sur ces relations. Nous les évoquerons ainsi sporadiquement, tout en concentrant l’essentiel de notre étude sur les hauts fonctionnaires et les hommes politiques.

Qu’est-ce que la haute fonction publique ? 

Précisons à présent ce que la notion de « haute fonction publique » – que nous nommerons aussi « haute administration » recouvre. Tout d’abord, notons que notre analyse se situe à l’échelon national, excluant ainsi la fonction publique territoriale. En observant l’évolution de la place de la haute fonction publique dans ce que nous appellerons désormais le « milieu décisionnel central », on se propose d’étudier à la fois une catégorie d’agents statutaires que l’on nomme hauts fonctionnaires, et à la fois l’ensemble des normes (cadre légal et réglementaire) auxquelles ils sont soumis. Définir ce qu’est la haute fonction publique n’est pas une chose aisée. Cette notion varie selon les pays et fait parfois référence à un cadre normatif , mais plus généralement à un état observable : des postes dans une administration publique pour lesquels les agents reçoivent d’importantes responsabilités, entretiennent une certaine proximité avec le pouvoir politique, et jouent un rôle déterminant dans le processus décisionnel.

Dans la mesure où notre étude porte sur la haute fonction publique au Japon, il convient avant tout de se référer à la terminologie japonaise, sans quoi nous risquerions d’appliquer une définition étrangère à la réalité nippone. Le terme généralement utilisé en japonais pour désigner les hauts fonctionnaires est celui de kanryō (官僚). Malheureusement, ce dernier ne dispose d’aucune définition juridique, à l’instar du terme français. Il recouvre ainsi, en fonction des usages, des groupes d’agents plus ou moins conséquents . On retrouve, en français comme en japonais, la même ambiguïté concernant la désignation concrète de cet ensemble d’individus qualifiés respectivement de hauts fonctionnaires et de kanryō (c’est d’ailleurs sûrement parce que les contours de ces termes sont flous qu’ils sont si commodes à employer) . Dominique CHAGNOLLAUD, à propos de ce groupe qui semble « insaisissable », explique ainsi :

Une série d’auteurs se sont penchés sur cette question embarrassante : qu’est-ce qu’un haut fonctionnaire ? « Cette question n’a, en soi, pas grand sens », écrit Christophe Charle. Pourtant, note Pierre Lalumière, « l’existence des hauts fonctionnaires au sein de l’administration française ne fait aucun doute ». Mais, « sur la composition et l’extension de groupe, les opinions néanmoins, sont assez divergentes, reconnaît Henri Comte, d’autant qu’il n’est pas reconnu par le droit. […] On peut à tout le moins recenser divers types d’approches des « hauts fonctionnaires », non exclusives les unes des autres. La première les définit par leur position, à la jonction du politique et de l’administratif. […] Le second type d’approche permet d’apercevoir, l’homogénéité substantielle du groupe au regard d’une communauté d’origine sociale, de formation et de socialisation, en particulier par l’ENA et Polytechnique. […] Partant, le groupe le groupe des hauts fonctionnaires ne peut jamais être saisi en tant que tel mais au travers de quelques « grands corps » qui en forment le noyau dur. Enfin, le dernier type d’approche définit le groupe, par son « idéologie », l’intérêt général, produit par la professionnalisation.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. Définitions des contours de notre objet d’étude
II. Présentation d’un objet d’étude : la place de la haute fonction publique et les relations politicoadministratives au Japon
III. Problématique, hypothèses et cadre théorique
IV. Sources mobilisées
V. Structure de la thèse
CHAPITRE I. ÉTUDE DES RELATIONS POLITICO-ADMINISTRATIVES : LES APPORTS THÉORIQUES DE LA DOCTRINE ET LEURS LIMITES
Section I. Les outils théoriques utilisés dans l’étude des rapports entre responsables politiques et hauts fonctionnaires
I. Les relations politico-administratives selon la théorie de l’agence
II. Les relations politico-administratives par-delà la théorie de l’agence
Section II. La diversité et l’évolution de la figure des hauts fonctionnaires
I. La typologie des hauts fonctionnaires dégagée par la doctrine
II. Les hauts fonctionnaires et la réforme politico-administrative
Conclusion
CHAPITRE II. COMPARTIMENTATION ET COORDINATION DES INTÉRÊTS DANS LE SYSTÈME POLITICOADMINISTRATIF JAPONAIS
Section I. La compartimentation des administrations publiques et la représentation fragmentée des intérêts sectoriels
I. L’origine de la compartimentation des ministères au Japon
II. Le contexte institutionnel et normatif de la compartimentation des ministères
III. La représentation fragmentée des intérêts sous le « système de 1955 »
Section II. Les coordinations au sein des administrations publiques
I. Les différentes modalités de coordination
II. Une nouvelle approche des coordinations dans la réforme administrative de HASHIMOTO
CHAPITRE III.LE RENFORCEMENT DES ÉQUIPES MINISTÉRIELLES ET LA RÉACTIVATION DE LA DIÈTE
Section I. Le renforcement des équipes de soutien des membres du Cabinet
I. La multiplication des postes attribués sur nomination politique
II. Quelles évolutions pour les postes de vice-ministres et conseillers politiques ?
Section II. La réactivation de la Diète
I. La faible production législative des parlementaires et le déficit de débat à la Diète
II. Les réponses aux questions adressées au gouvernement
Conclusion
CHAPITRE IV.LA RÉFORME DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES DE LA FONCTION PUBLIQUE D’ÉTAT
Section I. De nouveaux besoins pour la haute fonction publique : plus de généralistes ou plus de spécialistes ?
I. La mobilité interministérielle
II. La question de l’expertise dans la haute fonction publique
III. Le recrutement de personnels issus du secteur privé
Section II. La gestion des ressources humaines dans les rapports entre responsables politiques et hauts fonctionnaires
I. La problématique du système de recrutement et de promotion des fonctionnaires
II. L’influence des responsables politiques sur la gestion des ressources humaines de la haute fonction publique
III. La centralisation de la GRH de l’encadrement supérieur
CONCLUSION

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