Le secteur de la déconstruction est soumis à des enjeux et des exigences importantes devant répondre à des problématiques existantes et d’autres pouvant apparaître dans un futur proche. Aujourd’hui, les chantiers de démantèlements dans les domaines civil et nucléaire s’étalent sur des périodes longues pouvant aller jusqu’à une quarantaine d’années ou plus. Chaque site représente un ensemble de souschantiers de plusieurs années dont les opérations sont longues, coûteuses et présentent des risques importants pour les personnels.
Durant un chantier de déconstruction, les opérateurs sont amenés à découper différents types de matériaux ; la découpe est l’opération la plus effectuée (préparation à la déconstruction…). Sur les structures métalliques, les découpes actuelles se limitent à deux techniques principales : la pince métallique et l’oxycoupage.
• La découpe par une pince mécanique :
Cette pince caractérisée par sa dimension, son poids sa pression de découpe, disposée au bout d’un bras mécanique peut atteindre une hauteur de 40m et découper des épaisseurs allant jusqu’à 20 mm. Dans cette configuration, ce procédé doit répondre à trois contraintes fortes :
– Une contrainte mécanique qui use prématurément l’outil. De par ses dimensions, le moment de force exercé sur la pince est important. Le poids manipulé est limité à deux tonnes et les risques de déformation de l’outil généré par les contraintes de cisaillement augmentent avec l’angle que fait le bras et l’effort réalisé pour découper, arracher et faire entrainer par la partie découpée.
– La précision de manipulation lors de la mise en œuvre de ce procédé. Il n’est pas simple de téléopérer un tel outil à une distance de sécurité raisonnable. La mise en œuvre du procédé expose une large zone à des chutes de morceaux découpés, d’où la nécessité de délimiter une zone de sécurité de plusieurs dizaines de mètres.
– La taille importante du dispositif induit des contraintes d’accessibilité aux zones de découpe.
Cette technique reste néanmoins limitée car les besoins peuvent atteindre des dimensions supérieures. Par exemple il n’est pas exceptionnel de trouver dans les centrales thermiques, des charpentes métalliques de 50 mm disposées à 60m de hauteur qui sont alors inaccessibles par des moyens courant dans ce secteur d’activité. Enfin, du point de vue sécurité les risques pour les opérateurs sont importants sur un chantier de déconstruction avec dans ce contexte une perte totale ou partielle de la portance de la structure avec un risque d’écrasement ou de chute important.
• L’oxycoupage par chalumeau :
Le principe de l’oxycoupage se base sur la découpe des métaux en déclenchant une réaction fortement exothermique de type Fe + ½ O2 → FeO. La présence d’une source chaude et d’un gaz réactif génère une quantité importante d’énergie avec une enthalpie de ΔHFeO298K=-272 kJ/mol, ΔHFeO1600K=- 352,6 kJ/mol et ΔHfus FeO1650K=24,1 kJ/mol. Le gaz réactif sous pression joue alors un double rôle, le premier est de contribuer comme acteur principal à la réaction exothermique tandis que le deuxième rôle est d’éjecter le métal fondu et oxydé pour assurer la présence de métal frais en surface.
Le point fort de ce procédé est qu’il permet de découper des épaisseurs allant jusqu’à 1000 mm. Les limitations concernent principalement le temps de montée en température relativement long (environ 40 minutes de chauffe avant de commencer à découper) et une vitesse de découpe de l’ordre de quelques mm/s et aussi l’importante variation de la température dans la flamme du chalumeau. La perte de chauffe dans l’élément à découper peut intervenir au court de l’opération lorsque la géométrie locale de l’objet découpé évolue (augmentant les pertes locales et abaissant la température) ou bien lorsque l’opérateur augmente quelque peu la distance de travail, alors la température de la flamme en contact avec la surface diminue et le procédé s’arrête. Ces aléas augmentent encore le temps d’opération et le cout du chantier. Le dernier point limitant de l’oxycoupage par chalumeau est l’importante variation de la température le long de la flamme en sortie.
Les techniques et les opérations de démantèlements actuels exposent les personnels à des risques de brûlure, d’irradiation, d’électrocution, de chute, d’écrasement… La mise en œuvre de ces procédés nécessite une importante ressource humaine et financière pour tendre vers le risque zéro. De plus afin d’améliorer les pratiques il est également nécessaire de mettre en place un processus de recherche, développement et innovation de procédé nouveaux limitant l’exposition des opérateurs au risque.
Aspect technico-économique :
Les chantiers de déconstruction s’étalent généralement sur des durées plusieurs années à plusieurs dizaines d’année. Une opération élémentaire telle que la découpe manuelle, constitue l’opération principale dans au cours du chantier. Dès lors la durée de réalisation et la facilité de mise en œuvre de cette opération, sont des leviers importants du calcul du prix de revient d’un chantier. La compétitivité économique pousse les entreprises de déconstruction à trouver des solutions d’améliorations des techniques existantes ou à innover en vue de mettre au point de nouvelles techniques permettant des avancées sur 4 axes technico-économiques principaux tels que :
– La télé-opération augmentant la sécurité de l’opérateur
– L’augmentation de la vitesse d’exécution
– L’amélioration de l’accessibilité de l’outil de découpe
– La possibilité de réaliser des découpes de géométries complexes .
Pour répondre aux problématiques de sécurité et d’efficacité une étude amont a montré qu’un procédé de découpe automatisé par laser et oxygène semble bien adapté aux besoins tout en limitant les risques humains et en améliorant la maîtrise et l’efficacité du procédé. Cette technologie est actuellement destinée aux chaînes de production industrielle en milieu fermé, mais peut aujourd’hui être appliquée en milieu ouvert sans nécessiter des dispositifs de sécurité plus contraignants que ceux déjà existants dans le milieu de la déconstruction. La conception de ces éléments et l’étude du procédé dans ces configurations constituent l’objectif principale de cette thèse.
Interaction laser-matière et chauffage du milieu
L’étude de l’interaction laser-matière nécessite de comprendre les mécanismes couplant le laser à la température. Le régime établit durant l’interaction est piloté par cette dernière. La connaissance de l’absorptivité et de la réflectivité du milieu selon la longueur d’onde utilisée, permet de déterminer l’indice complexe correspondant. La valeur de l’absorptivité est une valeur mesurable, intrinsèque au matériau et varie en fonction de la température et l’état de surface.
Le modèle de Drude est un modèle qui décrit le passage des grandeurs microscopiques aux grandeurs macroscopiques. En considérant la structure atomique d’un métal sous forme de réseau et le rayonnement laser sous la forme d’une onde électromagnétique plane infinie qui vient solliciter les électrons libres. C’est électrons mis en mouvement, entrent en collision avec le réseau. C’est avec ces collisions que le modèle de Drude explique l’évolution de la température du réseau.
Modèle de Drude
Ce modèle semi-classique consiste à assimiler les électrons de conduction, superficiels à des particules identiques réagissant au champ électrique de l’onde incidente. Un métal est classiquement considéré comme un regroupement d’atomes ayant établit des liaisons entre proches voisins et mis en commun un nombre d’électron peu ou non liés avec les atomes du réseau. La matrice du réseau constitué par les atomes est considérée comme immobile au vu du rapport de masse important entre un atome métallique et un électron (mFe/me-=10⁵).
Une onde électromagnétique plane et infinie arrivant sur un métal fait subir aux électrons non liés le champ électrique qui la constitue (la partie magnétique est négligée). Considèrons un électron dans un champs électrique mobile dans un réseau solide. Au cours du déplacement induit par le champs électrique l’électron subit des collisions avec les imperfections du réseau et les phonons qui déplacent les niveaux d’énergie localement sur lesquels circulent l’électron. Le moteur du mouvement étant le champ électrique sinusoïdale de l’onde, son déplacement sera également de cette périodicité. En conséquence, nous allons définir en partant du principe fondamental de la dynamique (Equation 1), l’équation d’un oscillateur amorti et trouver le courant induit.
??⃗ = ??⃗ Équation 1
? est la somme des forces extérieurs, m la masse de la particule considérée, a l’accélération .
La notion d’allumage
Il existe une phase intermédiaire entre la phase d’oxydation et la combustion appelée phase d’allumage. Si la phase d’allumage est accompagnée d’une forte augmentation de la température et si l’approvisionnement en combustible et comburant est suffisant, la réaction de combustion s’amorce. Le facteur principal qui pilote la transition entre les régimes d’oxydation, d’allumage et de combustion en un point est le bilan d’équilibre énergétique entre les gains et les pertes de chaleur locales.
On remarque que la courbe de perte croît exponentiellement tout le long du processus. L’allure et la croissance de la courbe des pertes en fonction de la température regroupent les pertes par conduction, convection et radiation dépendant des propriétés thermiques et optiques intrinsèques du matériau.
Sur la courbe des gains qui regroupent l’apport énergétique provenant de l’oxydation et de la source externe, on distingue trois zones :
✦ T < Toxid: la pente de la courbe de gain croît très faiblement, cela est dû à l’apport énergétique faible provenant de l’oxydation lente (partie avant Toxid Figure 7).
✦ Toxid < T < Tf : Moyenne température : la pente de la courbe de gain croît fortement, cela est dû à l’apport énergétique important induisant la transition du matériau du régime d’oxydation au régime de combustion.
✦ Tf < T : C’est dans ce régime nous nous plaçons. La fonte du matériau est une condition nécessaire à la découpe. La pente de la courbe des gains diminue en raison d’apparition des phénomènes pouvant limiter la réaction d’oxydation comme:
▪ La formation des couches d’oxydes dépassant 1µm limitant la diffusion de l’oxygène ou des atomes du métal à travers les couches d’oxydes [4]. Les oxydes métalliques possédants généralement des températures de fusion supérieures à celles du métal de base, il est dès lors nécessaire d’atteindre des températures de bain supérieures pour lesquels les oxydes sont en phase liquide de façon à ne pas isoler le métal non-oxydé de la surface d’échange par une couche de métal oxydé solide. C’est une des conditions de la réalisation du procédé d’oxycoupage. Si une couche solide d’oxyde importante surnage en surface le procédé sera limité ou stoppé.
▪ La formation d’une couche de gaz protectrice suite à la réaction d’oxydation (exemple : décarburation) [5]. De la même façon que précédemment mais en considérant ici une isolation de la surface d’échange par une vaporisation importante de la surface, le jet d’oxygène doit exercer une pression de surface supérieure à celle du dégazage. Dans le cas contraire, le procédé présentera des instabilités, le temps du dégazage du volume de matière mis en jeu avant de reprendre.
▪ Lors de l’utilisation d’un gaz oxydant comme l’oxygène diatomique, la dissociation de la molécule du gaz oxydant peut également être un phénomène limitant l’oxydation [6]. Ce point est intrinsèque à la réaction chimique impliquée dans le procédé et peut difficilement être contourné par la paramétrie du procédé.
L’oxydation et la combustion des métaux
La réaction d’oxydation est une réaction exothermique qui a lieu dans la zone de contact entre le métal (combustible) et l’oxygène (comburant). Généralement, pour une grande partie des métaux la réaction d’oxydation se produit à température ambiante entre le métal et l’oxygène. Si l’apport énergétique généré par la réaction d’oxydation ou à l’aide d’une source externe (laser par exemple) est suffisant, il mène le métal à l’allumage puis à la combustion.
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Table des matières
INTRODUCTION
A. REMERCIEMENTS
B. TABLE DES MATIERES
C. TABLE DES FIGURES
CONTEXTE DE L’ETUDE
OBJECTIFS DE L’ETUDE
CHAPITRE I ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1 Interaction laser-matière et chauffage du milieu
1.1 Modèle de Drude
1.2 Détermination de l’absorptivité en incidence nulle
1.3 Profondeur d’absorption du rayonnement
1.4 Élévation de la température d’un milieu soumis à un rayonnement laser
2 Les différents phénomènes au cours du chauffage : oxydation, allumage et combustion
2.1 Différenciation des notions : oxydation et combustion
2.2 La notion d’allumage
3 L’oxydation et la combustion des métaux
3.1 Processus d’oxydation
• Adsorption physique
• Adsorption chimique
3.2 Oxydation en phase solide
3.2.1 Oxydation du fer
3.2.2 Oxydation de l’acier
3.3 Oxydation de l’acier en phase solide jusqu’à la liquéfaction (condition « Lasox»)
4 Mécanisme de l’oxycoupage
4.1 Oxydation de l’acier en phase liquide
5 Température en oxycoupage
5.1 Température à éviter en oxycoupage
6 Découpe laser assistée par oxygène
6.1 Intérêt de l’oxygène dans la découpe laser
7 Classification des paramètres influents sur la découpe
7.1 Paramètres du laser
7.1.1 La puissance maximale
7.2 Caractéristique de la pièce à découper
7.2.1 Nature des matériaux et propriétés optiques
7.2.2 Épaisseur de la pièce à découper
7.3 Paramètres du procédé
7.3.1 Diamètre de la tache focale
7.3.2 Distance focale et profondeur de champ
7.3.3 Position du point focal
7.3.4 Vitesse (maximale) de découpe
7.3.5 Inclinaison du faisceau ou de la pièce (angle d’incidence)
7.3.6 Type de buse
7.3.7 Distance buse-pièce (distance de travail)
7.3.8 Alignement de la buse
7.3.9 Gaz d’assistance (Nature, Vitesse et pression)
8 Conclusion
CHAPITRE II ESSAIS ET RESULTATS
1 Montage expérimental
1.1 Caractérisation de la distribution spatiale du faisceau laser
2 Plan d’expérience
2.1 Quantification des paramètres utilisés
2.2 Domaine de fonctionnement : variation de la puissance, du rapport cyclique et de la durée d’impulsion
2.3 Taux de recouvrement des impulsions en fonction de l’énergie nécessaire pour l’initiation
2.4 Nombre d’impulsions et durée maximale entre deux impulsions successives
2.5 Epaisseur de découpe en fonction de la vitesse et la pression d’oxygène
3 Observations et interprétations
3.1 Variation du rapport cyclique et résultats de découpe
3.1.1 Caractéristiques du régime 1
3.1.2 Caractéristiques du régime 2
3.1.3 Caractéristiques du régime 1+2
3.1.4 Niveau d’apparition des différents régimes
3.2 Influence du jet d’oxygène sur la largeur de la saignée en régime 2
3.3 Théorie et simulation du jet (ANSYS Workbench 14.5)
3.3.1 Théorie sur l’écoulement à travers une buse convergente
3.3.2 Buse convergent-divergent (buse de Laval)
3.3.3 Ondes de choc dans une buse convergente
3.3.4 Ondes de choc dans une buse convergente-divergente
3.3.5 Simulation du jet à travers une buse convergente
4 Conclusion
CHAPITRE III PYROMETRIE UV ET IR, MESURE DE LA TEMPERATURE ET DETERMINATION DE L’EMISSIVITE
1 Introduction
2 Aspects théoriques sur le rayonnement des matériaux à l’état solide et liquide
2.1 Puissance rayonnée par une surface corps noir
2.2 Puissance rayonnée par une surface réelle
2.2.1 Notion de facteur d’émission
2.2.2 Effet du facteur d’émission en pyrométrie
2.2.3 Effet du facteur d’émission sur la mesure de la température par pyrométrie
2.3 Conclusion
3 Montage expérimental
3.1 Pyromètre UV
3.2 Pyromètre IR
4 Dimensionnement et optimisation du pyromètre UV
4.1 Limite de détection et de saturation du photomultiplicateur (courte longueur d’onde)
4.1.1 Estimation du nombre de photon détectés par le capteur
4.1.2 Calibration du pyromètre UV
4.1.3 Optimisation de la longueur d’onde et de l’ouverture du diaphragme
5 Pyrométrie IR
5.1 Calibration du système pyrométrique infrarouge
6 Résultats des mesures de température en oxycoupage laser
6.1 Recalage des mesures UV et IR et identification de l’émissivité
6.2 Lien entre régime de découpe et température de découpe
6.3 Effet de la puissance en mode continue et pulsée sur la température de découpe
6.4 Mesure de température par pyrométrie UV à différents paramètres de découpe
7 Conclusion
CHAPITRE IV TEMPERATURE, TEMPS ET SURFACE SEUIL NECESSAIRE POUR L’INITIATION DE LA COMBUSTION
1 Introduction
2 Plan d’expérience
2.1 Essais réalisés
3 Résultats
4 Interprétation et discussion
4.1 Géométrie
4.2 Maillage
4.3 Conductivité thermique de l’échantillon en acier en fonction de la température (paramètre d’entrée du modèle)
4.4 Capacité calorifique de l’échantillon en acier en fonction de la température (paramètre d’entrée du modèle)
4.5 Prise en compte de l’évaporation du métal
4.6 Taille de faisceau et température nécessaire
4.6.1 Profil thermique D=Xmm
4.6.2 Profil thermique D=Xmm
4.6.3 Profil thermique D=Xmm
4.6.4 Profil thermique D=X mm
4.6.5 Comparaison des différentes distributions spatiales de la température permettant l’initiation en utilisant différentes tailles de tache focale
4.7 Bilan : Température et surface chauffée nécessaire pour l’initiation de la combustion
4.8 Mesure de température avant initiation de la combustion
4.8.1 Initiation de la combustion après formation de la phase liquide
4.8.2 Initiation de la combustion en phase solide
5 Conclusion
CONCLUSION GENERALE
PERSPECTIVES
REFERENCES