Etude des pressions/menaces et exigences d’habitat de Eulemur cinereiceps

Description morphologique et comportement social

– Habitat naturel : elle se rencontre dans les forêts denses humides de basse et de moyenne altitude, notamment au Sud Est de Madagascar (Johnson et Overdorff, 1999).
– Couleur : l’espèce présente un dimorphisme sexuel bien distinct :
o La femelle a un pelage roux dans la moitié postérieure et sur la partie ventrale de son corps ; gris dans la moitié antérieure et la partie dorsale. Le front est de couleur gris clair. Les yeux sont orange. Elle présente une barbe de couleur orange clair. La queue est exclusivement de couleur rousse. (Mittermeier, et al., 2010)
o Le mâle a un pelage gris foncé ou brun sauf sur la partie ventrale avec une teinte blanche. Une ligne brun foncé est observée sur la partie médiane du dos. La tête dont les poils sont lisses est de couleur noire. Les yeux sont orange. La face est uniformément noire, avec quelques tâches claires au-dessus des yeux. Il a une barbe blanche. La queue est exclusivement noire. (Mittermeier, et al., 2010)
– Poids moyen des adultes : les adultes pèsent environ 2 550 grammes (Tattersall, 1982 ; Johnson et al., 2005 et Johnson et al., 2008).
– Régime alimentaire : Cette espèce est principalement frugivore (Jonhson, 2002). Elles mangent essentiellement des fleurs, des feuilles et des fruits selon la disponibilité de ces parties. Elles sont donc folivores et frugivores (Mittermeier et al., 2010).
– Taille moyenne des groupes : l’espèce mène une vie en groupe avec une taille moyenne de 9,5 individus par groupe (Brenneman et al., 2011).
– Domaine vital : leur territoire s’étend de 1 à 100ha (Mittermeier et al., 2010).
– Activités : Elle est cathémérale, c’est-à-dire reste active autant le jour que la nuit pendant l’année. Les groupes sociaux, relativement larges, tendent à être aussi bien multimâles que multifemelles. Aucune dominance femelle n’est observée. Ce sont des lémuriens arboricoles des strates moyennes et supérieures (Mittermeier et al., 2010).
– Reproduction : les mâles et les femelles ne peuvent se reproduire qu’à l’âge adulte, c’est-à-dire, après la formation de la dentition adulte (Mittermeier et al., 2006).
– Gestation : la gestation dure environ 120 jours et la femelle peut avoir jusqu’à 2 petits (Mittermeier et al., 2010).
– Statut de conservation : L’espèce Eulemur cinereiceps est l’une des 25 espèces de primates et l’une des 4 espèces de lémuriens gravement menacées d’extinction dans le monde entier, selon les critères de l’UICN (Johnson et al., 2009, IUCN, 2008 et IUCN, 2010).

Population de E. cinereiceps dans la réserve communautaire d’Agnalazaha

                 Le recensement de 2012 effectué pendant 75 jours dans la forêt d’Agnalazaha a révélé une population totale de 118 individus répartis sur une surface totale de 1541,7ha de forêt donnant une densité générale de 7,7 individus/km2 . Ces individus se répartissent dans les deux subdivisions de la forêt à savoir Agnalazaha ayant une superficie de 1146,9ha et Analamalotra ayant une superficie de 394,8ha. Agnalazaha abrite 57 individus, soit une densité de 5 individus/km2 et Analamalotra abrite 61 individus, soit une densité de 15 individus/km2. La partie côtière de la forêt, Analamalotra, qui ne représente que 25% de la surface totale de la réserve abrite plus de 50% du nombre total d’individus. A quoi est donc dû cet écart de densité ?

Taille du groupe et sexe ratio

                Les 118 individus se répartissent dans 21 groupes dont 12 à Agnalazaha et 9 à Analamalotra. Les groupes se composent en moyenne de 6 ±3 individus. Le sexe ratio 0,9 s’incline en faveur des mâles. Le test de comparaison de Mann-Whitney U sur le nombre moyen d’individus par groupe dans les deux forêts n’est pas significatif (N=12 ; N2 = 9 ; U= 39,5 ; P=0,298). Il n’y a donc aucune différence entre la taille des groupes entre les deux forêts.

Population de E. cinereiceps

              L’estimation de la taille de la population d’une espèce est essentielle pour la compréhension du risque d’extinction et pour la formulation de stratégie de conservation appropriée (Razafindramanana, 2007 ; Cowlishaw & Dunbar, 2000). Les méthodes de recensement des mammifères dépendent essentiellement de la taille de l’espèce et de son histoire naturelle. La précision des résultats provient des choix des méthodes. Meilleurs sont les résultats exigés, plus onéreux serait le budget et plus long serait le temps dépensé pour le recensement (Krebs, 2006). La méthode d’échantillonnage par ligne de transect, le comptage direct combiné avec l’identification des individus et la méthode d’échantillonnage de cris sont les plus utilisés pour le recensement  des primates (Krebs, 2006). L’échantillonnage par ligne de transect (Cant, 1978; Struhsaker, 1981; Brockelman and Ali, 1987; Whitesides et al.,1988) est la plus connu pour estimer la densité de population des lémuriens. Le comptage direct et complet, applicable uniquement pour les mammifères de grandes tailles vivant sur une surface restreinte (Bookhout, 1994), est souvent irréalisable du fait des contraintes temps, de financement limité et d’accès difficile pour les suivis des animaux dans des environnements complexes (Razafindramanana, 2007 ; Ross & Reeve, 2003). Cependant, il constitue la méthode par excellence et la plus simple pour un recensement précis des mammifères (Krebs, 2006). La suivie de la population de E. cineireceps a débuté en 2007 dans la forêt d’Agnalazaha. Andriamaharoa et al. (2010) ont recensé, à cette époque 73 individus en utilisant la méthode de comptage par fouille. La même année, Brenneman et al. (2011) estime par la méthode de transect 134±32 individus. La différence des méthodes appliquées est l’origine de cet écart. Johnson et Overdorff (1999) ont trouvé à Vatoharanana que la méthode d’estimation par transect de E. fulvus produit presque le même résultat que le long terme suivi de la population de la même espèce dans ce site. Defler and Pintor (1985) ont testé la méthode de transect dans une zone où la densité des primates était dûment connue en utilisant cette même méthode. Les résultats s’avèrent similaires. Par contre, Chapman (1988) n’a trouvé aucune ressemblance entre les résultats de la méthode de transect avec le recensement à long terme utilisant le territoire d’un groupe de Lémurien. En fait, la méthode de transect nécessite l’homogénéité de la densité de la population dans la forêt (Krebs, 2006). De plus, une faible densité de la population, combinée avec une courte ligne de transect et une faible répétition entraine une surestimation de la population (Johnson et Overdorff, 1999). La suivie de la population de E. cinereiceps dans la forêt d’Agnalazaha s’effectue toujours par la méthode de fouille ou comptage direct depuis 2007. A la différence de la méthode de recensement adopté dans cette étude, le MBG local mobilise tous les habitants des terroirs et effectue le recensement en une seule journée. La forêt est ainsi subdivisée en terroir villageois. Chaque terroir est représenté par des groupes de jeunes au nombre de 10 au minimum qui vont faire des fouilles systématiques de leurs terroirs et comptent le nombre d’individus de Eulemur cinereiceps rencontré sans qu’il y ait répétition. Chaque groupe de jeune est supervisé par les Polisinala, antérieurement encadré par un primatologue (Reza et al., 2009). La population de E. cinereiceps n’a cessé d’augmenter depuis 2007 jusqu’en 2010 (73 individus en 2007, 102 individus en 2009, 137 individus en 2010, données non publiées) (Reza et al. 2009) suite aux actions de conservations entreprises par le MBG Mahabo-Mananivo. Le nombre d’individus a diminué en 2011 (118 individus). Cette diminution coïncide avec l’accentuation de la crise politique à Madagascar qui a affecté la vie de la population dans cette région. Le plan de conservation de cette espèce est donc remis en question. Le recensement qu’on a effectué le début de l’année 2012 a donné exactement le même effectif que l’année précédente (ces résultats excluent le nombre d’individus des groupes d’E. cinereiceps habitués qu’on n’a jamais pu trouver pendant 2,5 mois de fouille). Le recensement des années 2011 et 2012 s’est déroulé sur un intervalle de mois relativement court (2011 : mois de décembre ; 2012 : février-mars-avril) d’où le même effectif. Comme dans la répétition de la méthode de transect qui produit les mêmes résultats (Defler et Pintor, 1985 ; Johnson et Overdorff, 1999), on a trouvé que la répétition de la méthode de comptage directe sur le même site produit également les mêmes résultats. Cependant, étant la même méthode (comptage direct), le MBG Mahabo-Mananivo a joué sur l’effectif des investigateurs tandis que cette étude s’appuie plutôt sur le facteur temps. La densité de E. cinereiceps varie d’une forêt à une autre. Brenneman et al. (2010) a estimé 8,7±2,7 individus/km2 dans la forêt d’Agnalazaha, 13,5±3,2 individus/km2 dans la forêt de Manombo et 10,9±4,7 individus/km2 dans la forêt de Vevembe. L’étude de Johnson et Overdorff (1999) a révélé 6,2 individu/Km2 dans la forêt de Vevembe et 8,6 individus/km2 dans la forêt de Manombo. Jonhnson et al. (2010) a trouvé 13,6±6,4 individus/km2 en 1995 et 13,5±3,2 individus/km2 en 2007 dans la forêt de Manombo. Cette étude a révélé 7,7 individus/km2 dans la forêt d’Agnalazaha. La forêt d’Agnalazaha a donc la plus faible densité de E. cinereiceps par rapport à toute son aire de répartition. La fission et fusion de groupe se manifeste régulièrement dans les populations de E. cinereiceps (Overdorff et Johnson 2003; Johnson 2006) accentué par les stress causés par les activités humaines, entrainant la variation de la densité de la population au sein d’un même site.

CONCLUSION

                   La perte de l’habitat causé par les activités anthropologiques constitue la plus grande menace de E. cinereiceps, laquelle densité reste très faible, dans la forêt d’Agnalazaha. Comptant, au total 118 individus, elle se répartisse de façon mosaïque, en réponse à la structure de la végétation ainsi qu’aux pressions anthropologiques. Avec la dégradation partielle de la forêt, E. cinereiceps n’occupe pas entièrement toute la surface forestière. La distinction entre surface occupée et surface inoccupée par E. cinereiceps s’avère nécessaire. Sur les trois hypothèses proposées, la première relative au nombre de population de E. cinereiceps n’est pas vérifiée. On assiste à une diminution de la population de E. cinereiceps allant de 130 individus à 118 individus à partir de l’année 2010. Elle se regroupe néanmoins dans les zones de réserve stricte. Aucune différence significative n’est enregistrée sur la taille de groupe sur les deux parties de forêts : Agnalazaha et Analamalotra. Cependant, Analamalotra abrite une population plus dense. Les surfaces inoccupées et occupées par cette espèce se diffèrent tant au niveau de la répartition des essences forestières qu’au niveau de la structure de la végétation. Les surfaces inoccupées se caractérisent par l’abondance des essences forestières, surtout celles ayant un DHP inférieur à 5cm. La strate inférieure domine la stratification. Par contre les surfaces occupées par E. cinereiceps se caractérisent par une faible abondance d’essence, mais de plus grande DHP et de hauteur plus élevée. De plus, ce micro-écosystème forestier se développe généralement sur des marécages. Aucune différence significative n’est observée ni sur la richesse et diversité spécifique ni sur le volume de la couronne. L’hypothèse sur la spécificité du microhabitat de E. cinereiceps est donc vérifiée. Ces résultats suggèrent que le microhabitat de E. cinereiceps est plus ancien que les microhabitats inoccupés. L’abondance des essences ayant un DHP inférieur à 5 dans les microhabitats inoccupés démontre que ce dernier est juste dans la phase de régénération. La chasse et la coupe sélective continuent à menacer E. cinereiceps. Malgré l’instauration des dina, la situation économique actuelle favorise l’exploitation de la forêt. La densité de coupe est estimée à 408,75 ± 153,81 coupes/ha. Sur les quatre transects d’échantillonnage les espèces Asteropeia multiflora, Intsia bijuga, Laptolaena multiflora, Uapaca littoralis et Suregada baronii sont les plus exploitées par leur bois. L’hypothèse sur l’exploitation forestière est donc vérifiée. Par contre celle relative à la chasse au E. cinereiceps ne l’est pas. On n’a notifié aucune preuve tangible de l’existence de la chasse au E. cinereiceps, cependant, on a collecté des « Fivingo » utilisés pour la chasse à l’intérieure des territoires de quelques E. cinereiceps. Il faut quand même remarquer que la chasse au Avahi laniger perturbe fortement l’habitat des lémures à colliers blancs, puisqu’une surface de chasse détruit en moyenne 99,2 m2 de surface forestière. Cette étude présente des limites tant au niveau de la méthode qu’au niveau de la durée. L’étude de la répartition locale de E. cinereiceps pendant les autres saisons serait nécessaire pour confirmer la répartition cette espèce en fonction de la composition floristique et de la structure de la végétation. De plus, n’étant focalisée que sur la forêt, cette étude ne donne que l’aspect statique de l’écologie de cette espèce. L’étude des interactions entre E. cinereiceps et leurs habitats par le biais de l’étude de l’utilisation de l’habitat et l’étude de l’écologie alimentaire pendant toutes les saisons est également fortement conseillée.

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Table des matières

Introduction
I MATERIELS ET METHODES
I.1 Problématiques et hypothèses
I.2 Matériels de terrain
I.3 Matériel biologique : “Eulemur cinereiceps”
I.3.1 Taxonomie : “Eulemur cinereiceps”
I.3.2 Description morphologique et comportement social
I.3.3 Répartition géographique
I.4 Méthode de Recensement: “ Le comptage direct”
I.4.1 Description
I.4.2 Données collectées
I.5 Etude de l’habitat : Echantillonnage stratifié
I.5.1 Description
I.5.2 Surface inventoriée
I.5.3 Données collectées
I.5.3.1 Paramètres floristiques
I.5.3.2 Paramètres dendrométriques
I.6 Etude des pressions
I.6.1 Echantillonnages
I.6.2 Données collectées
I.7 Analyse des données
I.7.1 Cartographie
I.7.2 Traitement de données
I.7.2.1 Analyse de la population de E. cinereiceps : Densité
I.7.2.2 Analyse de la flore
I.7.3 Traitements statistiques
I.7.3.1 Test paramétrique
I.7.3.2 Test non paramétrique
II RESULTATS
II.1 Population et distribution de Eulemur cinereiceps
II.1.1 Population de E. cinereiceps dans la réserve communautaire d’Agnalazaha
II.1.2 Distribution spatiale de la population de E. cinereiceps dans la réserve communautaire d’Agnalazaha
II.1.3 Taille du groupe et sexe ratio
II.2 Exigence d’habitat de Eulemur cinereiceps
II.2.1 Structure floristique de la forêt d’Agnalazaha
II.2.2 Analyse quantitative de la flore des deux microhabitats
II.2.2.1 Abondance
II.2.2.2 Richesse spécifique « S »
II.2.2.3 Diversité spécifique : Indice de shannon
II.2.3 Analyse qualitative de la flore des deux microhabitats
II.2.3.1 Analyse différentielle : Test de similitude
II.2.3.2 Indice de caractérisation
II.2.4 Structure horizontale des deux microhabitats
II.2.4.1 Dominance
II.2.5 Structure verticale des deux microhabitats
II.2.5.1 Stratification
II.2.5.2 Volume et couverture de la couronne
II.3 Pressions et menaces 
II.3.1 Pression sur la forêt
II.3.1.1 Diamètre du fût des espèces coupées et hauteur de la coupe
II.3.1.2 Taux de régénération des espèces coupées
II.3.2 Pressions au niveau des zonages
II.3.3 Pressions sur les microhabitats
II.3.4 Autres formes de pression
III Discussions
III.1 Population de E. cinereiceps
III.2 Habitats et pressions
III.3 Implication à la conservation
Conclusion
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
annexes

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