Depuis plus d’une trentaine d’années, les équipements urbains et les espaces innovants s’allient pour donner une nouvelle image aux villes à travers le monde. Des changements ont été exercés dans le domaine du travail également. Que ce soit les lieux de travail ou bien les manières de travailler, de nouveaux concepts ont vu le jour. Ces transformations ont généré de nouvelles attentes à ce niveau-là de la part des employés, des entreprises et des citoyens (millenaire3.com, 2016). Il existe parmi elles le concept d’espaces de coworking, né en 2005 aux États-Unis (le144- coworking.fr, 2016). L’idée est fondée sur la collaboration et le partage entre les co-travailleurs de cet espace. Combattre le sentiment d’isolement et éviter la solitude pendant les heures de travail sont les maîtres mots du coworking (lecoindesentrepreneurs.fr, 2014). Depuis deux dizaines d’années, le phénomène est en grande expansion au sein du territoire français. Si au début, les espaces ont été implantés au niveau des métropoles, aujourd’hui, ils n’hésitent pas à s’étendre à des échelles territoriales diverses et variées (le144-coworking.fr, 2016).
Travailleurs des espaces de coworking : Les termes liés aux usages autour de l’environnement professionnel
De la notion de « tiers-lieu » à celle du coworking
Tiers-lieu
Traduit de l’anglais The Third Place (Oldenburg, 1989 et Burret, 2017), le mot “tiers- lieu” est utilisé pour la première fois par le sociologue urbain américain Ray Oldenburg en 1989 (theconversation.com, 2017). Il s’agit d’un espace qui fait référence au groupe d’environnements sociaux se plaçant après le domicile qui est le premier lieu et le travail qui est le second. Le lieu a une ambiance joviale, les relations entre individus sont respectueuses et les échanges sont souvent informels permettant des rencontres imprévues (Burret, 2015). C’est un concept donnant la possibilité de compléter la vie d’un individu en se focalisant sur sa vie sociale et ses rencontres dans un cadre informel. Il a pour but de supprimer le sentiment d’isolement de l’individu et l’inviter à créer des liens sociaux (digital-society- forum.orange.com, 2014). Le terme regroupe plusieurs espaces favorisant les échanges et la créativité comme les commerces de proximité par exemple.
Il existe également des tiers-lieux qui sont des espaces pour le travail dans le même concept de partage et d’échange (digital-society-forum.orange.com, 2014). Le but est de créer des liens sociaux entre les travailleurs à partir d’un cadre qui reste malgré tout professionnel. Il regroupe les espaces partagés et collaboratifs de travail permettant ainsi aux travailleurs de travailler dans un environnement autre que leurs bureaux en toute convivialité. Il existe plusieurs espaces de ce type comme les Living Labs, les Fab Labs et les espaces de coworking.
Espace de coworking
Les espaces de coworking sont le thème de cette étude. Apparu au début du XVIIème siècle (Foertsch et Cagnol, 2013), le terme “espace de coworking” a évolué au fil du temps. C’est à partir de la fin des années 90 que le concept a pris le sens adopté encore aujourd’hui. Il s’agit d’un lieu consacré au travail collaboratif et participatif (Baron, 2013). Le principe regroupe plusieurs principes sur lesquels le coworking est fondé. On y retrouve notamment : la communauté, l’ouverture, la collaboration, la mutualisation (millenaire3.com), l’accessibilité et le développement durable (coworking.com).
En 2005, San Francisco a accueilli le tout premier espace de coworking fondé par Brad Neuberg. L’objectif était de créer un espace associant la sociabilité et la productivité. Actuellement, on compte près de 14000 espaces dans le monde (tbcrm.fr). Le coworking est un phénomène dans le milieu professionnel qui, depuis près d’une dizaine d’années, est en voie d’expansion sur le territoire français principalement au niveau des métropoles. Il existe aujourd’hui plus de 400 lieux de coworking en France ce qui place le pays en 6ème position mondiale du nombre d’espaces de coworking disponible (statista.com). Ce nombre a essentiellement augmenté entre 2014 et 2015 du fait du grand nombre de demandes en espace de coworking.
Le coworking désigne un espace innovant de travail destiné aux travailleurs en télétravail ne souhaitant pas travailler chez eux ou encore aux start-up qui n’ont pas d’espace spécifiquement destiné pour leur entreprise. Il a été certifié que ce phénomène permet de lutter contre l’exclusion physique. Généralement, les travailleurs ont besoin de contact physique, de rencontrer et d’échanger durant leurs journées de travail. L’espace regroupe plusieurs “coworkers” qui travaillent dans des domaines variés et/ou sont issus de différentes entreprises qui, outre d’apporter du lien social, permettent de créer un réseau professionnel. Ce qui est important dans le concept de coworking c’est de s’imprégner de valeurs communes à l’espace et à ses membres. Le but est de partager, s’entraider et se renforcer grâce à la diversité et la collaboration.
Un espace urbain engendrant des pratiques socio-spatiales
Un espace urbain est un objet complexe. Il regroupe un environnement et des facilités d’accès voire un quartier entier (Plassard, 2000). De ce fait, l’espace urbain qui compose la ville n’existe que grâce à certaines proximités. S’approprier l’espace dépend de plusieurs facteurs tels que : la superficie, la proximité immédiate au logement et le critère du temps (diurne ou nocturne) (Plassard, 2000). L’espace est produit sous trois visions différentes : l’espace perçu (qui rassemble l’espace et l’idée que l’on se fait de lui), l’espace conçu (c’est- à-dire l’espace tel qu’il a été construit et imaginé) et l’espace vécu (l’espace tel qu’on l’utilise et vit dedans). Chaque individu a sa propre représentation du quartier qu’il utilise. Par exemple, dans le cas d’un quartier quelconque, on constate que les personnes les plus aisés ainsi que les femmes et les adultes de moins de 45 ans le voient plus étendu comparé aux autres individus restant (iau-idf.fr, 2014). L’espace vécu est principalement celui qui concerne notre étude. Cela se traduit par les usages et les différentes pratiques socio-spatiales qu’un coworker adopte au sein du milieu urbain du quartier dans lequel il travaille quotidiennement. Généralement, des pratiques socio-spatiales correspondent aux spécificités de la réalité quotidienne (Plassard, 2000) mais également celles de la réalité urbaine et ont une certaine cohésion. Chaque pratique est unique à chaque individu. Une pratique socio-spatiale est une routine, un usage et/ou des habitudes qu’un individu a au sein d’un espace donné. D’après Jean-Yves Martin dans son livre “Une géographie critique de l’espace du quotidien. L’actualité mondialisée de la pensée sociospatiale d’Henri Lefebvre”, les pratiques socio- spatiales rassemblent la production et la reproduction, les lieux spécifiés et les ensembles spatiaux propres à chaque formation en ayant une certaine cohésion. La pratique socio- spatiale d’un groupe d’individus renvoie sur l’espace dans lequel il vit. L’usage produit l’espace en le dominant et se l’appropriant dans une interaction qui reste dialectique. Il rassemble plusieurs facteurs comme l’emploi du temps, les parcours et les réseaux de la vie privée et de la vie de travail. Enfin, il existe des différences de pratique socio-spatiale suivant le statut que l’on occupe, l’âge, la fonction, le sexe… En effet, un même individu peut avoir plusieurs usages dans divers espaces donnés. Les usages peuvent être modifiés suivant le besoin et la relation avec l’espace (iauidf.fr, 2014). Les pratiques socio-spatiales d’un individu regroupent celles de l’ordre du privé ainsi que celle de l’ordre du professionnel. Il s’agit des usages et habitudes liés à tous ces espaces confondus.
Le professionnel et le privé : Deux sphères complémentaires
D’après une étude effectuée par Randstad, la moitié des employés et cadres travaillent durant les heures de repos tandis que deux-tiers s’occupent de problèmes et affaires privées durant les heures de travail (rtbf.be, 2015). La sphère professionnelle et la sphère privée sont donc de moins en moins séparées. Avant le XIXème siècle, la sphère privée et la sphère professionnelle n’étaient qu’une seule et même entité. Le lieu de résidence était identique au lieu de travail : le paysan vit à la ferme et le marchand au-dessus de son échoppe. Plus tard, les deux sphères sont séparées. Le travail devient de plus en plus industriel. Cela développe le salariat et les horaires de travail qui forment le contenu du cadre professionnel. Ce développement rend le privé autonome et bien distinct du professionnel. C’est au cours du XIXème siècle que la notion de droit à la vie privée est née. Cependant, le professionnel et le privé ne sont dissociés qu’au siècle suivant grâce au concept de “privacy” pendant les Trente Glorieuses (Le Douarin, 2005). Respecter l’intimité de chacun et éviter les intrusions deviennent des faits primordiaux. Cela se manifeste d’abord par une séparation socio-spatiale de plus en plus importante entre la sphère privée et la sphère professionnelle de chacun. L’individu cherche à séparer les deux sphères en choisissant par exemple un lieu de résidence qui tend à s’éloigner au fur et à mesure du temps par rapport au lieu de travail. La distance qui sépare le domicile du travail est de 15 km en moyenne et a été multipliée par quatre depuis le siècle précédent. Cela contribue à entretenir des liens sociaux dans les différentes sphères mais les maintient distants. Cette séparation a été possible en partie parce que les modes de déplacement sont de plus en plus avancés.
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Table des matières
Introduction
1. Travailleurs des espaces de coworking : Les termes liés aux usages autour de l’environnement professionnel
1.1. De la notion de « tiers-lieu » à celle du coworking
1.2. Un espace urbain engendrant des pratiques socio-spatiales
1.3. Le professionnel et le privé : Deux sphères complémentaires
2. Méthodologie évolutive durant les différentes phases de l’étude
2.1. Une étude en deux périodes regroupant trois phases distinctes
2.2. Une approche sociologique à l’échelle du territoire Tourangeau
2.3. La sélection des terrains d’étude et de la part des coworkers à interroger
2.4. Le choix des items d’analyse
3. L’intégration urbanistique des espaces de coworking au sein du territoire Tourangeau passe-telle par la diversité des usages ?
3.1. Des caractéristiques favorisant le lien avec la ville
3.2. Une collecte de données fructueuse
3.3. Des résultats entremêlés donnant ainsi trois profils socio-spatiaux de coworkers
3.4. Solutions vérifiant les hypothèses émises initialement
Conclusion
Table des illustrations
Table des tableaux
Références
Bibliographie
Etudes et rapport
Webographie
Annexes
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