La recherche du réarrangement du T Cell Receptor (TCR) par PCR est une technique permettant de rechercher dans le sang, dans les tissus et dans la moelle un clone lymphocytaire T. Elle est utilisée en hématologie et en anatomo-pathologie dans le cadre du diagnostic et du suivi d’hémopathies lymphoïdes. La recherche du réarrangement TCR est entre autre utilisée, lorsqu’elle est concordante dans le sang et dans la peau, pour le diagnostic de lymphomes cutanés(1). Par ailleurs, de nombreux cas d’anatomopathologie font l’objet d’une étude complémentaire avec recherche de clonalité lorsque le phénotypage et les éléments anatomopathologiques ne permettent pas de caractériser formellement l’hémopathie(2)(3). Enfin, le réarrangement TCR peut être utilisé dans l’évaluation de la maladie résiduelle lorsqu’un clone T est mis en évidence au diagnostic, de façon à évaluer la réponse au traitement et la rechute précoce le cas échéant, comme dans le cas de la LAL-T par exemple(2). Ces recherches de réarrangement TCR en hématologie se font principalement sur les pièces d’anatomopathologie et dans la moelle osseuse, mais peuvent également se faire dans le sang. Les recherches de réarrangement TCR dans le cadre des hémopathies, en particulier sur les pièces de biopsies, ont fait l’objet de recommandations internationales pour l’harmonisation et le perfectionnement des pratiques. Il n’y a pas, à notre connaissance, de recommandations quant à l’utilisation de cet examen en dehors de ce cadre. Il n’y a pas non plus de précision quant à la place du réarrangement TCR dans le dépistage d’éventuelles hémopathies, notamment en ce qui concerne le TCR sanguin. Par ailleurs, la présence de TCR clonaux pourrait avoir un impact péjoratif dans la prise en charge de certaines pathologies auto-immunes : c’est le cas par exemple pour l’anémie hémolytique auto-immune (AHAI) pour laquelle il pourrait y avoir une maladie plus sévère en cas de TCR/IgH clonal chez les patients(4). Un lien semble également exister entre TCR clonal et PTI(5) : il semblerait que la présence d’un TCR clonal puisse être associé à une non réponse à la splénectomie dans les cas de PTI réfractaires.
PHYSIOPATHOLOGIE ET GENERALITES
Rappels sur l’immunité
Immunité innée et adaptative
Il existe chez l’homme deux types d’immunité : l’immunité innée qui est immédiate, et l’immunité adaptative, qui est acquise. L’immunité immédiate est non dépendante de l’antigène, et fonctionne par reconnaissance des Pathogens Associated Molecular Patterns (PAMPS). L’immunité adaptative est spécifique et s’articule autour de la présentation de l’antigène via le Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH). Plusieurs types de cellules font partie du système immunitaire, parmi lesquelles les lymphocytes T (LT) et les lymphocytes B (LB). Ces cellules font partie de l’immunité adaptative. Les lymphocytes T composent l’immunité cellulaire, tandis que les lymphocytes B composent l’immunité humorale. Le lien entre l’immunité adaptative et l’immunité innée dépend des cellules présentatrices d’antigènes (CPA). Cette thèse concernant plus particulièrement les TCR, nous nous concentrerons sur l’immunité adaptative et son fonctionnement dont nous ferons quelques rappels ci-après. Les lymphocytes T sont issus du thymus. Il s’agit d’un organe du médiastin antérieur où a lieu la différenciation des lymphocytes T. Cette différenciation aboutit à la formation du TCR, récepteur du lymphocyte T et acteur essentiel de la reconnaissance par la présentation de l’antigène. Le thymus et la moelle osseuse sont des organes lymphoïdes primaires. La moelle osseuse, à l’instar du thymus pour les LT, est le lieu de différenciation des LB. Les organes lymphoïdes secondaires sont : la rate, les nœuds lymphatiques, le tissu lymphoïde associé aux muqueuses (MALT). Ce sont des lieux privilégiés de la coopération cellulaire pour aboutir à une réponse immunitaire spécifique.
Présentation des antigènes
La reconnaissance antigénique par les lymphocytes T se fait par le biais de la présentation des antigènes par le CMH (ou Human Leucocyte Antigen-HLA chez l’homme). Deux types de CMH sont présents dans le système immunitaire humain: le CMH de classe I et le CMH de classe II. Le CMH de classe I est ubiquitaire, présent de manière plus ou moins importante sur toutes les cellules de l’organisme. Le CMH de classe II est présent uniquement sur les cellules professionnelles présentatrices d’antigène (cellules dendritiques, monocytes/macrophages, lymphocytes B). Le CMH de classe II est également présent sur les lymphocytes T mais uniquement lorsque ceux-ci sont activés. Les lymphocytes T CD8 reconnaissent le CMH de classe I, alors que les lymphocytes T CD4 reconnaissent le CMH de classe II.
Activation lymphocytaire
Les lymphocytes T naïfs issus du thymus sont mis en contact avec les cellules présentatrices d’antigènes dans les organes lymphoïdes secondaires après leur différenciation. Les deux types de cellules sont attirées par chimiotactisme dans la zone lymphocytaire T des ganglions. C’est dans cette zone qu’a lieu la présentation de l’antigène par la cellule présentatrice, via le CMH. La reconnaissance de l’antigène par le TCR du lymphocyte aboutit au premier signal d’activation lymphocytaire, signal de spécificité. Il y a alors liaison forte entre les deux cellules, puis renforcement de cette liaison par les molécules Cluster de Différenciation 2 (CD2), Lymphocyte function-associated antigen 1 (LFA-1), le corécepteur Cluster de Différenciation 4/8 (CD4/CD8), InterCellular Adhesion Molecule (ICAM-1), Clusters de Différenciation 45 (CD45) et 43 (CD43). Ceci qui aboutit à la formation de la synapse immunologique.
Débute alors une stimulation en cascade qui entraîne, entre autre, la formation du transcrit NFκB, puis celle d’IL-2, facteur de croissance des lymphocytes T. Un deuxième signal est nécessaire à l’expansion des lymphocytes T spécifiques d’un antigène : la costimulation. Sans ce deuxième signal, les lymphocytes T subissent une apoptose ou une anergie. Ce deuxième signal passe principalement par le biais de l’expression de Cluster de Différenciation 40 Ligand (CD40-L) sur le lymphocyte T : cette molécule se lie au Cluster de Différenciation 40 (CD40) de la cellule présentatrice d’antigène, grâce au signal induit par le TCR et le Cluster de Différenciation 28 (CD28). Ceci conduit à l’activation d’une boucle de renforcement de signal (par le biais des molécules Cluster de Différenciation 80 (CD80), Clusters de Différenciation 86 (CD86) et CD28 dont l’expression est augmentée). Cette boucle de renforcement conduit à une plus forte prolifération lymphocytaire et elle est sous le rétrocontrôle de la protéine T-lymphocyte-associée cytotoxique 4 (CTLA-4).
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Table des matières
INTRODUCTION
1. PHYSIOPATHOLOGIE ET GENERALITES
1.1.RAPPELS SUR L’IMMUNITE
1.1.1.Immunité innée et adaptative
1.1.2.Présentation des antigènes
1.1.3.Activation lymphocytaire
1.2.MATURATION LYMPHOCYTAIRE
1.2.1.Différenciation lymphocytaire
1.2.2.Mécanismes génétiques de sélection
1.2.3.Recombinaison VDJ: Mécanismes moléculaires
1.2.4.Notions de clonalité et d’expansions clonales
1.3.DIAGNOSTIC DE REARRANGEMENT TCR
1.3.1.Indications validées et intérêt du diagnostic de clonalité en pratique courante
1.3.2.Cibles de la recherche des réarrangements TCR
1.3.3.Diagnostic de clonalité
1.3.3.1.Etude indirecte par le biais du CDR3
1.3.3.2.Southern Blot
1.3.3.3.Cytométrie en flux
1.3.3.4.PCR
1.3.3.5.Perspectives : NGS
1.4.RESTRICTION « PHYSIOLOGIQUE » DE CLONALITE DU TCR
1.4.1.Influence de l’âge sur le répertoire TCR
1.4.2.TCUS : entité équivalente à la MGUS?
1.4.3.Lien entre auto-immunité et sujet âgé
1.5.RESTRICTION DE CLONALITE DU TCR ET MALADIES AUTO- IMMUNES
1.5.1.Généralités
1.5.2.Polyarthrite rhumatoïde (PR)
1.5.3.Lupus érythémateux disséminé (LED)
1.5.4.Syndrome de Gougerot-Sjogren
1.5.5.Pseudo-polyarthrite Rhizomélique et Artérite à cellules géantes
1.5.6.Anémie hémolytique auto-immune (AHAI)
1.5.7.Purpura thrombopénique immunologique (PTI)
1.6.RESTRICTION DE CLONALITE DU TCR ET MALADIES HEMATOLOGIQUE
1.6.1.Leucémies à grands lymphocytes (LGL)
1.6.2.Syndromes myélodysplasiques (SMD)
1.6.3.Hyperéosinophilie
1.6.4.Myélome multiple et Leucémie Lymphoïde Chronique (LLC)
1.6.5.Lymphomes et leucémies
1.7.RESTRICTION DE CLONALITE DU TCR ET DEFICITS IMMUNITAIRES
1.7.1.Déficit immunitaire commun variable (DICV)
1.7.2.Déficit immunitaire combiné sévère (DICS)
1.7.3.Syndrome ataxie-télangiectasie
1.7.4.Syndromes liés à l’X: agammaglobulinémie liée à l’X (XLA) et WiskottAldrich
1.8.RESTRICTION DE CLONALITE DU TCR ET INFECTIONS VIRALES CHRONIQUES
1.8.1.Généralités
1.8.2.VIH
1.8.3.EBV
1.8.4.CMV
1.8.5.Virus des hépatites B et C (VHB et VHC)
2.OBJECTIFS
3.MATERIEL ET METHODES
3.1.POPULATION
3.1.1.Recrutement des effectifs
3.1.2.Critères d’inclusion
3.1.3.Critères d’exclusion
3.2.RECUEIL DE DONNEES
3.2.1.Caractéristiques générales de la population
3.1.1.1.Données démographiques
3.1.1.2.Antécédents
3.1.1.3.Motifs de prise en charge
3.2.2.Anomalies biologiques hors TCR
3.2.2.1.Anomalies de la Numération formule sanguine (NFS)
3.2.2.2.Anomalies de l’immunophénotypage (IP)
3.2.2.3.Autres données recueillies
3.2.3.Explorations complémentaires
3.2.3.1.Explorations médullaires
3.2.3.2.Explorations d’imagerie
3.2.4.Réarrangement TCR
3.2.4.1.Technique
3.2.4.2.Milieux de prélèvements
3.2.4.3.TCR+ et TCR-
3.2.4.4.Prise en compte d’un TCR+
3.2.5.Diagnostics
3.3.STATISTIQUES
4.RESULTATS
4.1.FLOW CHART
4.2.CARACTERISTIQUES GENERALES DE LA POPULATION
4.2.1. Données démographiques, antécédents, motifs de prise en charge
4.2.2.Anomalies biologiques
4.2.3.Résultats de la recherche de réarrangement TCR, anomalies morphologiques et diagnostics
4.3.VALEURS PREDICTIVES POSITIVE ET NEGATIVE DU TCR SANGUIN CONCERNANT LES HEMOPATHIES LYMPHOÏDES
4.3.1.Diagnostics d’hémopathie retrouvés en fonction du TCR sanguin
4.3.1.1.Diagnostics d’hémopathie TCR sanguin (tout âge)
4.3.1.2.VPP et VPN TCR sang (tout âge)
4.4.PRISE EN COMPTE DU TCR+
5.DISCUSSION
5.1.POPULATION
5.2.PRISE EN COMPTE DE L’EXAMEN ET APPORT A LA DEMARCHE DIAGNOSTIQUE
5.3.PERSPECTIVES
CONCLUSION
ANNEXE