Étude des potentialités dendrochronologiques de neuf espèces des fourrés xérophiles

Relation entre âge et croissance

                  Les épaisseurs de cernes le long d’un rayon ont été cumulées à partir du cerne le plus près de la moelle vers celui près de l’écorce, et doublées pour calculer le diamètre de l’arbre le long d’un rayon. Les diamètres de chaque rayon ont été ensuite moyennés pour obtenir le diamètre de l’arbre. La moyenne des diamètres par arbre a donné le diamètre cumulatif moyen. Pour au moins trois arbres, seuls les rayons incluant les cernes les plus proches de la moelle ont été utilisés. Pour le cas des rondelles à moelle excentrée, les rayons ayant approximativement les mêmes longueurs ont été pris en compte. Les diamètres cumulatifs ont été ensuite comparés avec le diamètre minimum d’exploitabilité (DME) utilisé à Madagascar pour déterminer l’âge moyen où ces arbres atteignent le DME. Le DME à 1.3 mdu sol étant de 47 cm pour le bois de catégorie II, 40 cm pour les catégories III et IV et 10 cm pour la catégorie V (Arrêté d’application n°13855/2001 du 13 novembre 2001 portant approbation du cahier de charges de prescription générale relatives à l’octroi de permis par voie d’adjudication). Cependant, puisque les catégories auxquelles appartiennent les espèces neuf espèces ne sont pas connues, il est plus prudent d’utiliser le DME de 10 cm pour la catégorie V et 30 cm utilisés pratiquement sur terrain et supposée plus « réaliste » (MEF, 2013) pour les autres.

Caractéristiques macroscopiques des cernes d’accroissement

                   Les analyses anatomiques effectuées sur les rondelles de bois des neuf espèces ont permis de détecter des cernes de croissance plus ou moins concentriques. Les limites des cernes sont reliées à la structure spécifique du bois de chaque espèce et présentent chacune un caractère distinctif plus ou moins clair, mais suffisamment visible pour permettre leur identification et leur mesure. Les limites des cernes de croissance d’Alluaudia comosa sont distinctes. Elles ont été discernées grâce à la présence de parenchyme en fine bande marginale, formant une couche continue de couleur claire.Les vaisseaux de cette espèce sont isolés. Le bois est à pores diffus (Photo 2a). La moelle est très excentrée et les limites de cernes n’ont pu être mesurées que sur une partie de la rondelle de bois. Pour Cedrelopsis grevei, les limites de cernes dans le bois sont facilement détectées, mais elles deviennent de moins en moins visibles au fur et à mesure que l’on s’approche de la moelle. L’identification des cernes a été réalisée en raison de la couleur claire du bois et de la présence d’une ligne de parenchyme marginal qui limite la croissance. Les vaisseaux de cette essence sont groupés radialement. Le bois est à pores diffus (Photo 2b). Pour Commiphora lasiodisca, les limites de cernes sont peu distinctes. La zone de croissance est caractérisée une variation de la densité des vaisseaux qui deviennent des bandes foncées au niveau du bois final. Les parois des fibres sont plus épaisses au niveau de ces bandes (Photo 2c). Les limites de cernes du Gyrocarpus americanus sont peu claires. Une transition de couleur du bois des bandes claires en bandes foncées permet de limiter les cernes, cela est dû à la variation de la densité des vaisseaux. Les parois de fibres sont plus épaisses à ce niveau. Le bois est à pores diffus (Photo 2d). Les limites de cernes de Poupartia caffra sont peu distinctes. Elles sont caractérisées par légère diminution de la taille des vaisseaux et une variation de la densité des vaisseaux devenant plus foncées au niveau du bois final (Photo 2e). Concernant Rhigozum madagascariense, les limites de cernes distinctes sont accentuées par la présence de parenchyme en bande marginale. Les autres types de parenchymes présents sont souvent associés aux vaisseaux (parenchyme paratrachéal) formant des bandes tangentielles irrégulières et discontinues d’épaisseurs variables. Les fibres forment un tissu dense et indifférencié, sans une différence claire entre le bois initial et final (Photo 2f). Slerocarya birrea forment des limites de cernes peu distincts, accentuées par une variation de la densité des vaisseaux, et souvent accompagnées par une variation de leur distribution. Toutefois, les parenchymes en bandes sont souvent vagues sur certaines parties des rondelles. Et les moelles de certains individus sont détruites (Photo 2g). Pour Stereospermum euphorioides, les limites de cernes sont distinctes, caractérisées par la présence de parenchyme en bande marginale. Les vaisseaux sont associés aux parenchymes et l’ensemble forme un parenchyme paratrachéal confluent et parfois des parenchymes en bandes, en alternance avec les fibres (Photo 2h). Enfin pour Terminalia gracilipes, les cernes sont de moins en moins distincts au fur et à mesure que l’on s’approche de la moelle. Leur identification est facilitée par la variation de la distribution et de la taille des vaisseaux. En effet, les vaisseaux sont groupés dans le sens radial ; ils sont de plus en plus nombreux et de plus grande taille quand on se rapproche du bois initial. Cette essence présente un bois semi-poreux (Photo 2i). Les anomalies des cernes ont été remarquées sur tous les individus de chaque espèce vers l’extérieur de la rondelle, près de l’écorce. Il s’agit surtout des cernes partiellement absents ou « wedging rings » où deux ou plusieurs cernes se joignent sur certaines parties de la circonférence. Ce type de cernes est induit par des différences locales de l’activité cambiale et de ce fait devient absent localement.

Discussions sur la méthodologie

                 L’analyse dendrochronologique a été limitée par des contraintes en temps, en logistique, les difficultés d’accessibilité au site dues à l’imbrication des fourrés rendant difficile le prélèvement d’un grand nombre d’échantillons. L’étude présentée a donc été basée sur un nombre relativement restreint d’échantillons par espèce, c’est-à-dire 3 à 5 arbres ; contre 12 arbres (2 rondelles par arbre) (Fritts, 1976) ; 20 arbres (Speer, 2010) ; 6 à 30 arbustes (Lebourgeois & Mérian, 2012), ou même 35 à 50 (Groenendijk et al., 2014) pour permettre une bonne représentativité de la variabilité de la croissance dans la zone d’étude (Therrell et al., 2006). Une autre difficulté majeure liée à l’identification des cernes a été la présence d’anomalies. Ces dernières demeurent un problème commun dans l’étude dendrochronologique des essences forestières tropicales (Odgen, 1981 ; Dunish et al., 2002). Les anomalies de croissance telles que l’excentrement de la moelle, la destruction de la moelle (Sclerocarya birrea), les cernes partiellement absents sur l’ensemble de la section transversale ont été rencontrés. Ces anomalies ont été détectées sur toutes les espèces et ont pu être datées correctement en vérifiant visuellement les cernes en question sur l’ensemble de la rondelle (Brienen & Zuidema, 2005). La différenciation des cernes au niveau de la moelle chez certaines espèces a été également posé quelques difficultés à cause de la nature du bois au centre de la rondelle (Cedrelopsis grevei), surtout puisque les échantillons ont été collectés à la base du tronc afin d’obtenir l’âge de l’arbre aussi précisément que possible. Cette inconvenance aurait été évitée si les rondelles ont été collectées à 1,3 m du sol (DHP), mais l’âge réel des arbres n’aurait pu être estimé (Lopez, 2005). Une autre limite de l’étude consiste en la non-disponibilité de données climatiques s’étalant sur de longues périodes. Non seulement les irrégularités et les fréquences de mesure des données, mais également la précision des données climatiques ont limité l’analyse des chronologies par rapport au climat. Plusieurs zones de Madagascar manquent de données météorologiques continues et accessibles au public. Pour le cas de notre zone d’étude, puisqu’aucune station météorologique n’est disponible au niveau de la commune de Soalara sud, nous avons dû exploiter des données issues de celle de Toliara ; cela pourrait introduire des biais dans l’évaluation de la relation croissance-climat au niveau des arbres.

Potentialité dendrochronologique des espèces

                  La potentialité dendrochronologique a été déterminée pour chaque espèce grâce au système basé sur des critères (Tarhule & Hughes, 2002 ; David et al., 2014). Ce système attribue aux espèces trois catégories en termes de leur utilité dendrochronologique, comme étant potentiellement utile, problématique ou pauvre. Chaque espèce de notre étude a donc été placée dans une de ces catégories selon les cinq critères suivants : La distinction des cernes de croissance, la possibilité d’interdatation, l’uniformité du circuit des cernes, les anomalies des cernes, et la variabilité (sensibilité) de la largeur des cernes. Un sixième critère « influence de la précipitation sur la croissance », a également été prise en compte (cf. Annexe 3). L’espèce est classifiée “potentiellement utile” si (a) elle montre des cernes annuels distincts, pouvant être identifiée et mesurée; (b) L’interdatation peut être réalisée avec succès, au moins pour quelques échantillons; (c) les cernes sont généralement consistants à travers l’ensemble de la rondelle; (d) les anomalies sont minimales ou absentes et (e) l’épaisseur des cernes sont variables indiquant la possibilité d’une sensibilité au climat. Rhizogum madagascariense et Terminalia gracilipes sont les espèces ayant satisfait à ces critères. La catégorie “problématique” se réfère aux espèces qui ont satisfait quelques critères, mais une grande minutie a été nécessaire pour détecter les cernes. Il s’agit d’Alluaudia comosa, Cedrelopsis grevei, Commiphora lasiodisca, Poupartia caffra, Sclerocarya birrea et Stereospermum euphorioides. Finalement, les espèces sur lesquelles l’application des méthodes standards de la dendrochronologie n’a pas amélioré l’identification des cernes sont classées dans la catégorie “pauvre” (faible potentialité dendrochronologique). Il s’agit uniquement du Gyrocarpus americanus.

Adopter une meilleure stratégie d’échantillonnage

                          Une amélioration envisageable de cette étude, en particulier, et des recherches dendrochronologiques en général, serait d’utiliser des séries plus longues, recommandées pour obtenir des résultats plus fiables. Il serait aussi intéressant d’étudier simultanément plusieurs parcelles de différents sites pour nuancer l’effet du climat afin de pouvoir établir une chronologie régionale et de généraliser davantage les relations croissance/climat. En effet, il est plus efficace d’augmenter le nombre de peuplements (sites) échantillonnés que celui du nombre d’arbres par peuplement pour capter le signal climatique régional et ceci d’autant plus que le nombre d’échantillons est faible. L’idéal serait d’échantillonner 20 arbres avec au moins deux rayons par rondelles. Il est préférable d’accroitre le nombre total d’arbres abattus plutôt que le nombre de rayons par arbre afin d’augmenter la représentativité de la chronologie maîtresse. Il est mieux d’échantillonner ces arbres le plus près possible du sol (~20-40 cm) pour acquérir un maximum de cernes de croissance et obtenir ainsi un maximum d’informations. Augmenter le nombre d’échantillons dans une site peut ne pas être assez pour améliorer l’interprétation de la croissance à long terme (Bowman et al., 2013). Il est recommandé de privilégier les arbres dominants et co-dominants vigoureux, comme réalisé dans la présente étude, car leur croissance est moins affectée par la compétition interindividus que les arbres de petits diamètres, souvent dominés. Cependant, un mélange des classes de gros diamètre avec celles des arbres dominés est nécessaire pour représenter toutes les fractions de la population. En incluant des enregistrements à long terme avec des échantillons de différents âges et de différentes tailles, ces effets pourraient être minimisés (Cherubini et al., 1998; Bowman et al., 2013). Dans ce sens, il est recommandé d’échantillonner des classes de petite taille, incluant des échantillons venant de bois morts et en faisant attention dans l’interprétation de l’historique des modèles d’accroissement basés sur les cernes de croissance, puisque les arbres sur pieds ne représentent uniquement qu’une strate de la population originale (Brienen et al., 2012). La grande majorité des études montrent que la taille et/ou le statut social des arbres modulent fortement la réponse des arbres (Lebourgeois & Mérian, 2012). Ainsi, si on souhaite obtenir une réponse interprétable au niveau « peuplement » il est indispensable de prendre en compte non seulement les arbres dominants, mais également les arbres de plus petits dimensions (Tableau 5).

Conclusion

                  Cette étude a mis en exergue pour la première fois la potentialité d’une étude dendrochronologique dans les fourrés xérophiles de Soalara sud dans le sud-ouest de Madagascar. Grâce aux principes et aux méthodes de la dendrochronologie, les hypothèses sur l’annualité de la formation du bois de neuf espèces, la croissance lente des arbres et la relation de cette croissance avec le climat ont été partiellement ou totalement vérifiées. L’étude a pu ressortir que la précision du comptage des cernes et de leur mesure pour la détermination de l’âge des arbres varient suivant les espèces et dépendent de la distinction et de la régularité de la formation des cernes. Six espèces sur neuf ont d’ailleurs montré des cernes annuels, les trois autres ont encore besoin d’une confirmation supplémentaire. Même pour certaines espèces qui contiennent des cernes qui sont peu distincts, la dendrochronologie se retrouve parmi les méthodes les plus fiables pour déterminer le taux de croissance à long terme et l’estimation à grande échelle de l’âge des peuplements. La dendrochronologie est d’ailleurs moins couteuse et plus précise que la plupart des méthodes d’estimation directe et indirecte utilisées fréquemment sur les espèces forestières tropicales (Lieberman et al., 1985). L’étude a couvert des différences interspécifiques significatives dans la réponse de l’arbre aux variations du climat. Cette différence de synchronisme entre les espèces étudiées est remarquable et implique que des espèces dans un même site qui ont un historique apparemment similaire peuvent varier largement dans la dynamique de croissance. Les perturbations anthropiques et le réchauffement climatique qui pèsent déjà sur les fourrés de Soalara sud peuvent aboutir à long terme à un changement dans leur composition spécifique. Les conditions extrêmes, surtout le déficit en eau, ralentissent la croissance des espèces. Le diamètre minimum d’exploitabilité exigé par l’État malagasy est rarement atteint surtout dans cette zone où les formations ligneuses sont impactées par la fabrication intensive de charbon, nécessaire pour la survie de la population, menaçant ainsi la régénération des fourrés. Le nombre relativement restreint d’échantillons par espèces et la présence de cernes localement absents ont réduit la qualité de l’analyse dendrochronologique effectuée sur les neuf espèces. Adopter une meilleure stratégie d’échantillonnage ne fera qu’améliorer davantage la qualité de la chronologie et renforcer le signal climatique présent au niveau des cernes. De même, comprendre la dynamique de croissance et l’écologie des espèces dans cette zone, où les conditions environnementales sont précaires, est fondamental pour développer des stratégies adéquates dans cet environnement afin de freiner la désertification qui commence à s’installer. La dendrochronologie est encore dans sa phase initiale en Afrique (Gebrekirstos et al., 2014), plus particulièrement encore pour Madagascar, mais le potentiel de l’analyse des cernes est énorme au travers d’un continent qui ne possède pas de chronologie et où l’impact du changement climatique et des événements climatiques extrêmes est encore très peu connu (De Ridder et al., 2014)

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Table des matières

1. INTRODUCTION
2. MATERIELS ET METHODES
2.1. Problématique et objectifs
2.1.1. Problématique
2.1.2. Hypothèses
2.1.3. Objectifs
2.2. Présentation de la zone d’étude
2.2.1. Situation géographique et administrative
2.2.2. Climat
2.2.3. Géomorphologie et sol
2.2.4. Hydrographie
2.2.5. Flore et végétation
2.3. Méthodologie
2.3.1. Échantillonnage
2.3.2. Préparation des échantillons et mesure des accroissements radiales
2.3.2.1. Préparation des rondelles
2.3.2.2. Observation des limites de croissance
2.3.2.3. Mesure des cernes
2.3.3. Analyse et traitement des données
2.3.3.1. Mise en forme des données
2.3.3.2. Interdatation
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2.3.3.3. Standardisation
2.3.3.4. Relation entre les espèces
2.3.3.5. Relation entre âge et croissance
2.3.3.6. Relation entre croissance et climat
a. À l’échelle locale
b. À l’échelle globale
2.4. Cadre opératoire
3. RESULTATS
3.1. Caractéristiques macroscopiques des cernes d’accroissement
3.2. Caractéristiques de la chronologie maitresse des espèces
3.2.1. Réussite de l’interdatation.
3.2.2. Caractéristiques de la chronologie
3.2.3. Relation entre espèces
3.3. Relation entre âge et diamètre
3.4. Relation entre croissance et climat
3.4.1. À l’échelle locale
3.4.2. À l’échelle globale
4. DISCUSSIONS
4.1. Discussions sur la méthodologie
4.2. Discussions sur les résultats
4.2.1. Formation des cernes de croissance dans les espèces étudiées
4.2.2. Caractéristiques des chronologies de référence
4.2.3. Relation entre âge et diamètre
4.2.4. Relation entre croissance et climat
4.2.4.1. À l’échelle locale
4.2.4.2. À l’échelle globale
4.2.5. Annualité des cernes de croissance et potentialité dendrochronologique des espèces
4.2.5.1. Annualité des cernes
4.2.5.2. Potentialité dendrochronologique des espèces
4.3. Discussion sur les hypothèses
5. RECOMMANDATIONS
5.1. Adopter une meilleure stratégie d’échantillonnage
5.2. Renforcer les connaissances sur l’anatomie, la physiologie et la phénologie des espèces
6. CONCLUSION
7. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ET WEBOGRAPHIQUES
ANNEXES

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