Face à une démographie mondiale qui ne cesse de croître, et qui selon les projections, passera de sept (7) milliards et quelques à plus de neuf (9) milliards de personnes d‟ici 2050 (FAO, 2013), subvenir aux besoins alimentaires de la population mondiale est actuellement l‟un des défis les plus pressants que doit relever l‟humanité au cours de ce millénaire. C‟est ainsi qu‟en 2010, lors du sommet des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) tenu à New York, les pays membres des Nations Unies ont réitéré leur engagement à éradiquer la pauvreté extrême et la famine qui touche actuellement près de 925 millions de personnes dans le monde, soit environ un (1) individu sur six (6) de la population mondiale (FAO, 2013).
Si l‟agriculture occupe depuis toujours la première place dans les stratégies et les plans d‟actions pour la sécurité alimentaire, les rôles que jouent les forêts dans ce domaine ont été longtemps ignorés. Pourtant, la sécurité alimentaire n’est pas seulement question de production agricole : elle est déterminée par tous les facteurs qui concernent l’accès du ménage à un approvisionnement vivrier adéquat tout au long de l’année dont la déforestation et la variation des produits alimentaires forestiers (FAO, 1996). Directement ou indirectement, la forêt joue un rôle crucial dans les moyens d‟existence des communautés rurales grâce à ses diverses fonctions de production de biens, de protection de la biodiversité, de régulation des cycles biogéochimiques et sa fonction sociale. En effet, près de 2,4 milliards de personnes utilisent le bois de feu pour cuisiner (FAO, 2013) et la forêt constitue un lieu de stockage d‟aliments tels les fruits, les feuilles et les animaux comestibles.
Dans le monde, la mangrove est réputée comme étant l‟une des formations forestières les plus productives de la planète et celle qui séquestre le plus de carbone (Trevor et al., 2014). Elle constitue une source importante de matières premières pour les populations côtières ; une zone de refuge, de nursery et de frais de beaucoup d‟espèces marines et côtières. Dans le Sud-Est du continent asiatique, des études ont démontré que l‟existence des mangroves a permis d‟augmenter la production des poissons de 30% et celle des crevettes de 100% (Spalding et al, 2010).
Etant une île située près des tropiques, Madagascar a été largement privilégiée par la nature. Le pays dispose d‟une superficie forestière importante de 12 553 000 ha en 2010 (FAO, 2011) dont 2,5 % représente les mangroves (FAO, 2009). C‟est un pays à vocation agricole où près de 80 % de sa population sont des agriculteurs. Malgré cet atout, les rapports d‟évaluation de FAO ont quand même montré que 28% des ménages rurales malgaches représentant 3 957 618 individus souffrent d‟insécurité alimentaire. L‟insécurité alimentaire grave est assez largement répandue dans les régions du sud (Androy, Atsimo Atsinanana et Atsimo Andrefana), dans les régions Sud du plateau (y compris l‟Ihorombe) et dans la région de production agricole d‟Alaotra Mangoro (FAO & PAM, 2013). Ceci est dû au fait que les systèmes de subsistance basés sur l‟agriculture sont devenus vulnérables au risque de changement climatique, à l‟échec accru des cultures, à la perte de bétail et du stock de poissons, aux pénuries croissantes d‟eau et à la destruction des facteurs de production (Randrianasolo, 2012).
Problématique et hypothèses de recherche
Problématique
Madagascar occupe la première place parmi les pays les plus riches en mangrove d‟Afrique de l‟Est. Néanmoins, l‟île a perdu jusqu‟ici près de 60% de ses mangroves de 1985 à 2011. A Tuléar particulièrement, la mangrove disparaît à un rythme de 0,43% soit 4,33ha par an (Taïbi & Andriatsiaronandroy, 2013). En effet, la fulgurante croissance démographique dans le pays, les problèmes économiques dont il fait face actuellement entraînant une surexploitation du milieu auxquels s‟ajoutent les catastrophes naturelles, font que ces écosystèmes soient très menacés au point où souvent leur survie est incertaine. D‟autre part, pour satisfaire leurs besoins alimentaires, les populations choisissent de multiplier leurs productions agricoles et les autres activités économiques. Or, dans la plupart des cas, cette solution implique la mise en production de nouvelles terres et par la même occasion la pression sur les ressources naturelles existantes. Les nouvelles activités qui se développent telles que la carbonisation et l‟aquaculture ainsi que les activités traditionnelles d‟extraction locale et commerciale révèlent des enjeux spatiaux majeurs et se traduisent par de récentes mutations de l‟écosystème (Robin, 2010).
Consciente de l’imminence de la disparition de cet écosystème fragile et du désastre écologique que cela pourrait engendrer, des efforts de restauration des mangroves dégradées ont été menés ces dernières années. Malgré cela, leur superficie connait toujours un déclin. En effet, la majorité de ces projets sont centrés dans la partie Nord et Moyen Ouest de l‟île alors que les mangroves situées dans la partie Sud se trouvent être les plus dégradées et la population qui vit au dépend de ces forêts est la plus pauvre avec un taux de pauvreté supérieur à la moyenne nationale (76,5%) (FAO & PAM, 2013). Actuellement, seule la mangrove de Manombo et celle d‟Ambondrolava présentent une superficie considérable alors que celle de Bevoalavo est en voie de disparition et celles se trouvant aux environs de la ville de Toliara (Sarodrano, Ankilibe,…) ont pratiquement disparues (CREAM, 2013). L‟autre point saillant est que les divers projets crées dans le cadre de la restauration des forêts de palétuviers se focalisent souvent sur la réhabilitation sans se soucier demaximiser les bénéfices des populations riveraines ou au moins balancer les bénéfices des populations et la conservation de la biodiversité (Andradi-Brown, 2013). L‟objectif de ces projets s‟inscrit rarement dans le cadre de l‟amélioration de la sécurité alimentaire et de l’utilisation des terres. Pour le cas d‟Ambondrolava, aucune évaluation des rôles joués par la mangrove dans la subsistance des populations locales n‟a encore été réalisée que ce soit avant ou après la restauration.
Hypothèses de recherche
En réponse à ces questions, les deux hypothèses suivantes sont émises et devraient être vérifiées :
❖Hypothèse 1 : La mangrove monospécifique à Avicennia marina a moins de valeur d’usage pour la population locale que les autres types de mangroves
A Madagascar, la composition floristique d‟une mangrove peut se présenter sous différentes formes. Elle peut être soit plurispécifique soit monospécifique. Généralement, lorsque la mangrove renferme seulement l‟espèce floristique Avicennia marina, elle est souvent qualifiée de dégradée car les espèces intéressantes ont été coupées. Cette hypothèse suppose que la mangrove monospécifique à Avicennia marina est moins utilisée par la population locale et présente moins de ressources à usage alimentaire.
❖Hypothèse 2 : Une exploitation rationnelle de la mangrove et une restauration écologique assureront un approvisionnement durable en produits alimentaires pour la population locale
Les villageois ont le droit de prélever les ressources naturelles. Toutefois, ces ressources ne sont pas inépuisables, même si elles sont renouvelables. C‟est dans ce cadre que tout projet de conservation, comme celui réalisé par l‟ONG « Honko », intervient afin de les rendre durables. Pour cela, le projet mise sur une exploitation rationnelle qui essai de respecter la capacité de charge de la mangrove. Cette hypothèse stipule que même si la forêt est soumise à diverses catégories de pressions, la pression anthropique est la plus déterminante. Ainsi, la mangrove ne pourrait assurer l‟approvisionnement continu en produits alimentaires que si elle est exploitée rationnellement et régénérée via une restauration écologique.
Milieu physique
Situation géographique et administrative
La zone d‟étude est située à Belalanda qui est une Commune Rurale du District de Toliara II, dans la Région Atsimo Andrefana. Le chef-lieu de commune est le village de Belalanda localisé à environ sept (7) km au Nord de la ville de Tuléar. La commune est délimitée à l‟Est par les communes rurales de Miary et Maromiandra ; à l‟Ouest par le Canal de Mozambique. Au Sud, elle se partage la frontière avec la Commune Rurale de Mitsinjo-Betanimena et la Commune urbaine de Tuléar (Ediamine, 2012). Elle couvre une superficie de 325,65 km² et regroupe 12 Fokontany.
La mangrove d‟Ambondrolava se trouve à 10 km au nord de Tuléar. Elle peut être repérée par les coordonnées 23°15‟41” S et 43°37‟42” E, et se situe entre la route nationale RN9 et une dune qui borde le canal de Mozambique. La mangrove d‟Ambondrolava dont le nom est tiré du village le plus proche « Ambondrolava » s‟étend sur cinq (5) villages de la commune : Ambotsibotsiboky, Ambondrolava, Belitsaky, Tanambao et Belalanda. Sa superficie totale est de 660ha (Gardner et al., 2012). Elle est actuellement sous la Gestion Locale Sécurisée de la communauté locale de Base « Mamelo Honko » avec l‟ONG Belge « Honko ».
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Table des matières
1. INTRODUCTION
2. METHODOLOGIE
2.1. Problématique et hypothèses de recherche
2.1.1. Problématique
2.1.2. Hypothèses de recherche
2.2. Milieu d‟étude
2.2.1. Milieu physique
2.2.1.1. Situation géographique et administrative
2.2.1.2. Climat
2.2.1.3. Relief et topographie
2.2.1.4. Hydrographie
2.2.1.5. Pédologie
2.2.2. Milieu biologique
2.2.2.1. Flore et végétation
2.2.2.2. Faune
2.2.3. Milieu humain
2.2.3.1. Historique et ethnies
2.2.3.2. Démographie
2.2.3.3. Activités économiques
2.3. Bases théoriques
2.3.1. Mangrove
2.3.1.1. Définitions
2.3.1.2. Composantes et fonctionnement de l‟écosystème de mangrove
2.3.1.3. Répartition dans le monde et à Madagascar
2.3.2. Sécurité alimentaire
2.3.2.1. Définitions
2.3.2.2. Dimensions de la sécurité alimentaire
2.3.3. Restauration écologique
2.3.3.1. Définitions
2.3.3.2. Démarche de la restauration
2.4. Méthodes
2.4.1. Investigation bibliographique
2.4.2. Cartographie
2.4.2.1. Traitement des images satellites
2.4.2.2. Détermination de l‟évolution de l‟état de la mangrove
2.4.3. Observation
2.4.4. Enquêtes
2.4.4.1. Enquête par questionnaire
2.4.4.2. Entretien
2.4.5. Inventaire forestier
2.4.5.1. Méthode d‟échantillonnage
2.4.5.2. Inventaire des Produits Forestiers ligneux
2.4.5.3. Inventaire de la faune à usage alimentaire
2.4.6. Etude d‟impact de l‟exploitation de la mangrove
2.4.7. Traitement et analyse de données
2.4.7.1. Données socio-économiques
2.4.7.2. Données d‟inventaire
2.4.7.3. Analyse comparative
2.5. Cadre opératoire de la recherche
2.5.1. Cadre logique
2.5.2. Schéma méthodologique
3. RESULTATS
3.1. Etat actuel de la mangrove et son évolution temporelle
3.1.1. Occupation des sols et typologie actuel de la mangrove d‟Ambondrolava
3.1.2. Evolution de l‟état général de la mangrove
3.2. Impacts des utilisations de la mangrove par la population locale
3.2.1. Importance de la mangrove pour la sécurité alimentaire des communautés locales
3.2.1.1. Bois d‟œuvre et bois de service
3.2.1.2. Bois d‟énergie
3.2.1.3. Plante médicinale
3.2.1.4. Aliments
3.2.1.5. Stock de carbone
3.2.2. Impacts de l‟exploitation de la mangrove sur la durabilité des ressources
3.2.2.1. Source d‟impacts
3.2.2.2. Impacts des pressions sur les mangroves
3.2.2.3. Réponses ou mesures d‟atténuation appliquées
3.3. Potentialités de la mangrove en ressources forestières pour la sécurité alimentaire
3.3.1. Produits forestiers ligneux
3.3.1.1. Structure floristique
3.3.1.2. Structure spatiale
3.3.1.3. Volume de bois exploitables
3.3.1.4. Régénération naturelle
3.3.1.5. Biomasse aérienne et stock de carbone
3.3.2. Produits forestiers non ligneux d‟origine végétale
3.3.3. Produits forestiers non ligneux d‟origine animale
3.3.3.1. Composition faunistique
3.3.3.2. Diversité faunistique
3.3.3.3. Abondance
3.3.3.4. Comparaison de la potentialité en faune à usage alimentaire dans deux types de mangrove
3.3.3.5. Corrélation entre la densité des arbres et la faune
4. DISCUSSIONS
4.1. Sur la méthodologie
4.2. Sur les résultats
4.2.1. Etat actuel de la mangrove et son évolution temporelle
4.2.2. Impacts des utilisations de la mangrove par la population locale
4.2.3. Potentialité de la mangrove en ressources forestières pour la sécurité alimentaire
4.2.4. Relation entre le potentiel de la mangrove et les dimensions de la sécurité alimentaire
4.3. Sur les hypothèses
4.4. Proposition d‟un plan de restauration
4.4.1. Objectifs
4.4.2. Plan d‟action
5. CONCLUSION