Etude des phénomènes d’oxydation sur constituants élémentaires

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La graphitation des carbones

Les matériaux carbonés issus de précurseurs organiques s’inscrivent dans un processus d’évolution structurale de type graphitation. Selon la nature et la composition chimique du précurseur, le degré d’organisation du composé peut évoluer différemment sous l’influence de la température de traitement (dénommé HTT pour plus haute température de traitement subie) jusqu’à tendre, de façon plus ou moins prononcée, vers la structure du graphite hexagonal. A. Oberlin [Oberlin 1984] propose une schématisation en quatre étapes de ces phénomènes (Figure 7). Le passage d’une étape à l’autre nécessite le départ d’un certain type de défauts bloquant toute évolution microtexturale et structurale subséquente. Outre les techniques de diffraction et les observations par MET, la spectroscopie Raman se révèle alors particulièrement adaptée pour caractériser l’évolution des défauts peu énergétiques *Rouzaud 1983, Lespade 1984, Vallerot 2006] et plus largement l’état d’organisation structurale des carbones *Tuinstra 1970, Knight 1989]. La 1ère étape correspond à la décomposition thermique du précurseur (pyrolyse) avec le départ d’une partie des hétéro-atomes (H, O, N, S …). Les liaisons C-H et C-C aliphatiques se rompent et forment des radicaux libres. En fin de pyrolyse, les radicaux commencent à s’assembler pour former des ensembles polyaromatiques (HAP : hydrocarbures aromatiques polycycliques). Entre 700 et 1000°C, les HAP s’assemblent latéralement et s’empilent pour former les USB (phénomènes de carbonisation primaire).
Au cours de la 2nde étape entre 1000 et 1500°C, la transformation se poursuit avec le début des phénomènes de carbonisation secondaire. Les USB tendent à se rapprocher et à s’empiler (légère augmentation du nombre de plans empilés mais le paramètre La n’évolue que très peu). L’association des couches aromatiques se fait face à face provoquant ainsi la formation de colonnes individuelles fléchies dont l’extension est limitée par la persistance d’USB isolées et désorientées. La présence de défauts en périphérie des USB ne permet pas leur coalescence bord à bord.
Au-delà de 1500°C, la 3ème étape est marquée par l’élimination des derniers hétéroéléments (fin de la carbonisation secondaire). Les défauts interstitiels sont progressivement éliminés. La coalescence latérale des colonnes aboutit à la formation de couches graphéniques distordues régulièrement empilées. Vers 2000°C, un domaine orientationnel à longue distance commence à s’instaurer.
Enfin, au-delà de 2000°C, la 4ème et dernière étape est associée au phénomène de graphitation à proprement parler. L’énergie est alors suffisante pour permettre la migration des défauts intra-plans et la relaxation des distorsions au sein des couches. Par conséquent, les longueurs de cohérence La et Lc augmentent de façon très marquée. Les empilements s’organisent avec une diminution de la distance interplanaire (distance d002) et tendent à se rapprocher de l’ordre tridimensionnel du graphite hexagonal.
Le phénomène de graphitation peut se produire complètement dans le cas des carbones qualifiés de graphitables. Ils sont généralement issus de précurseurs contenant essentiellement de l’hydrogène comme hétéroatome. Toutefois, il existe également des carbones qui ne présentent pas d’aptitude à la graphitation car les étapes 3 et 4 de la Figure 7 ne se produisent pas, y compris après un traitement à 3000°C. Ces composés proviennent de corps plus riches en oxygène ou pauvre en hydrogène. La Figure 8 représente l’évolution typique des longueurs de cohérence Lc et La pour des carbones graphitables et non graphitables.
Dès 1951, R.E. Franklin [Franklin 1951] avait déjà pu établir une distinction entre les carbones graphitables et non graphitables en fonction du degré d’orientation des cristallites (Figure 9). Cet auteur rapporte que les différences de structures sont apparentes dès les premiers instants de la carbonisation. Dans le cas des carbones non graphitables, le précurseur est fortement réticulé immobilisant ainsi la structure, la transformation en carbone ne passe pas par une phase liquide. L’orientation des cristallites est aléatoire et le résidu carboné présente une structure microporeuse avec une importante surface interne (structure par exemple à l’origine des carbones activés). En revanche, pour les carbones graphitables, les cristallites ont beaucoup plus tendance à s’aligner les unes par rapport aux autres lors du processus de transformation. Ces carbones sont plus tendres et moins poreux que les carbones non graphitables. A. Oberlin [Oberlin 1984] précise que les deux conditions indispensables pour qu’un carbone soit graphitable sont ; (i) les domaines cohérents doivent être de taille suffisamment petite pour permettre la migration des défauts et (ii) les domaines cohérents doivent être parallèles sur des distances les plus grandes possibles.
Toutefois, le modèle de R.E. Franklin n’apporte pas d’éléments quant à la nature des jonctions entre cristallites. La présence de domaines d’hybridation sp3 (état d’hybridation constitutif des phases diamantés) dans les carbones non graphitables fut alors suggérée, notamment par S. Ergun et al. [Ergun 1962+ en se basant sur des analyses par DRX, permettant ainsi d’expliquer la texture isotrope et la grande dureté de ces carbones. Ce postulat fut néanmoins réfuté par P.J.F. Harris et al. [Harris 1997a+ dans la mesure où ce type d’hybridation est instable à haute température et ne serait pas compatible avec une résistance à la graphitation à haute température. En se basant sur des observations par MET-HR d’échantillons non graphitables traités à haute température (jusqu’à 2600°C), ces derniers auteurs mettent en évidence la présence de structure graphéniques courbes (positives et négatives) et facettés (Figure 10) rappelant les fullerènes [Kroto 1985].
Différents modèles atomistiques concernant les carbones désordonnés tels que les carbones issus du saccharose [Pikunic 2003, Jain 2006, Jain 2007] où les carbones vitreux [Petersen 2003] ont depuis été proposés en se basant sur des méthodes de reconstruction de type Monte Carlo (RMC : Reverse Monte Carlo ou HRMC : Hybrid Reverse Monte Carlo). Ces modèles montrent un caractère sp2 compris entre 50 et 90%. La proportion de cycles à 6 atomes domine mais un nombre significatif de cycles à 5 et 7 atomes est également présent. Ces carbones sont ainsi constitués de segments de graphène, interconnectés de façon complexe, et contenant de nombreux défauts ainsi que des courbures. La Figure 11 présente une illustration du modèle d’A.H. Farmahini et al. *Farmahini 2013] d’un carbone nanoporeux obtenu par chloration d’un précurseurSiC à 800°C, sur laquelle la présence de défauts de type Stone-Thrower-Wales (STW) entraîne un défaut topologique.

Les composites Carbone/Carbone

Les fibres de carbone pour applications de renforcement

Pour des raisons de performances et de coût, les fibres de carbone sont principalement produites à partir du polyacrylonitrile (PAN), de brai (isotrope ou anisotrope), ou encore de rayonne (fibre issue du traitement chimique de la cellulose). Des fibres issues du craquage en phase vapeur d’un hydrocarbure peuvent également être produites. La nature du précurseur ainsi que les conditions d’élaboration permettent d’adapter les caractéristiques de la fibre en fonction de l’application visée *Donnet 2006b]. Les fibres ex-rayonne trouvent des applications dans les matériaux d’ablation en raison de leur faible conductivité thermique, permettant de limiter l’échauffement des éléments sous-jacents. Les fibres ex-brai isotropes sont considérées comme des fibres d’usage général en raison de leur faible module et résistance mécanique. Les fibres vapodéposées concernent des applications spécifiques liées à leur grande conductivité électrique et thermique. Les fibres ex-PAN ou issues de brais dits « mésophases » sont quant à elles utilisées pour les applications de renforcement et couvrent un vaste domaine de propriétés mécaniques (Figure 12). Le PAN permet d’obtenir des fibres de haute résistance mécanique (HR), de module intermédiaire (IM) ou encore de haut module (HM) alors que l’utilisation de brai anisotrope permet d’aboutir à des fibres de très haut module (THM) mais de résistance mécanique moyenne.
Le renfort du matériau d’étude est constitué de fibres ex-PAN HR qui constitue le précurseur le plus largement utilisé industriellement. Le procédé d’élaboration et les principales propriétés de ces fibres sont brièvement présentés dans les paragraphes suivants.

Elaboration des fibres de carbone ex-PAN

Le PAN est un polymère thermoplastique qui présente un taux de carbone d’environ 68%. Il est généralement préparé avec d’autres comonomères pouvant jouer le rôle de plastifiant et faciliter l’étape de stabilisation. L’orientation des chaînes macromoléculaires est obtenue par filage et étirage des monofilaments. Les fibres sont rassemblées sous forme de mèches, généralement constituées de 1000 jusqu’à 24000 filaments. La nature des solutions employées pour le filage est d’une grande importance pour la pureté du PAN et donc pour la stabilité thermique des fibres de carbone ultérieures [Guigon 1985, Ismail 1991]. Les étapes essentielles de transformation chimique du PAN en carbone sont présentées Figure 13.
Les mèches de polymère sont tout d’abord stabilisées par oxydation ménagée entre 200 et 300°C. Une tension mécanique est appliquée pour maintenir l’orientation préférentielle des chaînes. La formation de groupements oxygénés (-OH, C=O, -COOH), nécessaires à la réticulation des chaînes, est accompagnée par des réactions de cyclisation et de déshydrogénation. A l’issue de la stabilisation, le PAN présente une structure « en échelle » et se trouve dans un état infusible thermiquement stable. Les chaînes contiennent alors environ 10% d’oxygène.
L’étape de carbonisation est ensuite réalisée sous atmosphère inerte jusqu’à une température comprise entre 1000 et 1500°C. La perte de masse est d’environ 50% mais l’étape de stabilisation permet d’éviter la scission des chaînes lors de l’élimination des hétéro-éléments [Edie 1998]. Les USB sont désordonnées et peu développées. La structure globale est orientée axialement et froissée dans la section transverse. Les fibres carbonisées contiennent entre 90 et 97% de carbone, moins de 10% d’azote, environ 1% d’oxygène et moins de 1% d’hydrogène.
Une étape facultative de traitement thermique à haute température, éventuellement sous tension mécanique, peut être réalisée entre 2000 et 3000°C pour favoriser une plus forte croissance des USB et améliorer l’orientation axiale des plans carbonés. Les fibres sont alors constituées de plus de 99% de carbone. Des traitements de surface peuvent être imposés pour moduler la force de la liaison avec la matrice et apporter un comportement composite (modification de la rugosité et/ou de la réactivité de surface des fibres). Enfin, un traitement d’ensimage permet de faciliter la mise en œuvre ultérieure des fibres.
Les fibres ainsi élaborées sont constituées de carbone dit turbostratique et les propriétés mécaniques sont alors directement liées à l’organisation structurale (Figure 14). La résistance à la traction augmente progressivement jusqu’à une température de carbonisation de 1400°C puis diminue jusqu’à 1800°C. Cette diminution est à relier à l’élimination de l’azote et à la formation de défauts associés. Au-delà de cette température, l’élimination totale des atomes d’azote permet une réorganisation structurale du carbone et une élimination progressive des défauts [Fitzer 1986]. Le module, quant à lui, ne fait qu’augmenter car celui-ci est davantage influencé par l’orientation des cristallites par rapport à l’axe de la fibre *Bacon 1969, Ruland 1969]. Le traitement à haute température permet donc d’obtenir des fibres de haut module.

Modèles structuraux et aspects morphologiques des fibres ex-PAN

 Modèles structuraux
Le premier modèle structural fut proposé par R. Perret et al. [Perret 1970] à partir de caractérisations réalisées par DRX et microscopie électronique. Ces auteurs assimilent la structure des fibres à des rubans orientés majoritairement de façon parallèle à l’axe de la fibre. Ces rubans forment des micro-fibrilles aux contours plissés avec la présence de porosités entre les rubans (Figure 15). Toutefois, ce modèle ne permet pas d’expliquer la cohésion latérale à l’intérieur des fibres.
Par la suite, R.J. Diefendorf et al. [Diefendorf 1975] proposèrent un modèle pour les fibres haut module à partir d’observations par MET (Figure 16). Tout comme le précédent modèle présenté, la structure des fibres est assimilée à des rubans parallèles et froissés mais dont l’épaisseur et l’amplitude des ondulations augmenteraient avec la valeur du module. L’entrelacement de ces rubans expliquerait alors la cohésion latérale des fibres. Au niveau de la section transverse, les plans de graphène sont orientés de façon radiale au cœur de la fibre et arrangés sous la forme de la structure d’un oignon en périphérie.
Sur la base d’observations par MET en mode haute résolution, S.C. Bennett et al. [Bennet 1979] proposèrent un nouveau modèle (Figure 17) pour les fibres haut module où les cristallites s’interconnectent avec des orientations légèrement différentes. Avec une représentation en trois dimensions, ce modèle illustre également la différence d’organisation entre le cœur et la surface externe des fibres. Au niveau du cœur, les plans sont enchevêtrés et principalement orientés selon l’axe de la fibre alors qu’en périphérie ils sont davantage orientés de façon parallèle à la surface. Entre ces deux régions, les couches s’enroulent fortement et ménagent des pores allongés.
De la même façon, M. Guigon et al. [Guigon 1984a, Guigon 1984b+ s’appuient sur de nombreuses observations par MET pour proposer deux modèles permettant de décrire la structure des fibres ex-PAN haute résistance et haut module (Figure 18).
Dans le modèle de la fibre haute résistance, l’association des USB forme des rubans (les auteurs parlent davantage de nappe) ondulés et enchevêtrés qui s’accompagne d’une porosité transversale et longitudinale. Les pores ont des dimensions irrégulières mais sont néanmoins répartis de façon uniforme dans la fibre. L’étendue des zones cristallines est limitée par la présence de zones de défauts fortement désorientées. Dans le modèle de la fibre haut module, l’entrelacement des rubans le long de l’axe de la fibre est à l’origine de la présence de pores allongés. L’orientation moléculaire est plus étendue que pour la fibre haute résistance. Transversalement, la taille des pores liés à la courbure des plans graphitiques décroît de la surface vers le cœur de la fibre. Au centre, ils sont plus ou moins symétriques alors qu’en surface ils sont davantage aplatis, parallèlement à la surface de la fibre.
 Aspects morphologiques
La forme et le diamètre (généralement ≈ 7µm) des fibres de carbone dépendent essentiellement de la filière utilisée lors du filage du PAN. La forme de la section transverse est également influencée par les conditions d’extraction du solvant *Dorey 1980]. Les fibres commerciales issues du PAN présentent le plus souvent une section circulaire avec une texture isotrope (Figure 19a). La section transverse est constituée d’agrégats dont la taille peut atteindre quelques dizaines de nanomètres (Figure 19b). La section longitudinale présente des stries axiales consécutives au procédé de filage du précurseur (Figure 19c, 19d). Ce type de morphologie est similaire pour des fibres ex-PAN haute résistance ou haut module.
A l’échelle du micromètre, la rugosité de la fibre est liée à la nature du précurseur et aux paramètres du procédé d’élaboration (taux d’élongation, temps de carbonisation, proportion de comonomère utilisée) [Donnet 1993, Li 2012+. A l’échelle de la centaine de nanomètre, la surface longitudinale présente un aspect granulaire. La taille des grains semble évoluer avec la température de traitement thermique (Figure 20). Ces observations sont en accord avec les travaux d’E. Bouchard [Bouchard 1999+. Ce dernier auteur montre que la rugosité de la surface diminue à l’échelle de la centaine de nanomètre entre 1400 et 2200°C liée au déplissement des feuillets de graphènes superficiels. A l’échelle atomique, la taille des nanodomaines graphitiques augmente lentement. Entre 2200 et 2800°C, la rugosité diminue faiblement mais l’ordre tridimensionnel croît très rapidement, les longueurs de cohérence deviennent du même ordre de grandeur que l’étendue des domaines de graphène déplissés. Ainsi, ces évolutions sont comparables aux stades de la coalescence et de la graphitation des carbones (étapes 3 et 4 présentées en Figure 7).

Mécanisme de rupture

Si la relation entre la valeur du module et l’orientation des cristallites est bien établie, le lien entre les paramètres structuraux et la résistance à la traction n’est pas aussi évident. Comme n’importe quel matériau fragile, la rupture des fibres de carbone est liée à la propagation d’une fissure à partir d’un défaut dit de taille critique qui donne lieu à une zone de concentration de contrainte. La résistance à la traction des fibres est ainsi fonction du volume sollicité (distribution aléatoire des types et de la taille des défauts dans la fibre). S.C. Bennet et al. [Bennet 1983] proposent une relation structure-propriété basée sur le mécanisme de W.N. Reynolds et al. [Reynolds 1974]. Les modèles structuraux précédemment discutés ont permis de mettre en évidence qu’il pouvait y avoir des pontages entre plans et qu’il existait nécessairement des cristallites désorientées (y compris dans les fibres à texture fortement anisotrope) (Figure 21a). Lorsque la fibre est sollicitée en traction, les plans graphitiques vont avoir tendance à s’aligner et vont par conséquent introduire des contraintes de cisaillement au niveau des plans désorientés. Lorsque la contrainte est suffisante, une fissure va s’amorcer et se propager perpendiculairement à l’axe de la fibre au niveau des plans basaux désorientés (Figure 21b). Si la taille de la cristallite dans les directions de propagation de la fissure (La┴ ou Lc) est plus grande que le défaut défini de taille critique pour le niveau de contrainte global appliqué, la fissure va continuer à se propager causant alors la rupture catastrophique de la fibre (Figure 21c). Néanmoins, même si les dimensions de la cristallite sont plus faibles que la taille du défaut critique, la rupture catastrophique de la fibre peut tout de même avoir lieu si la structure est suffisamment continue pour permettre à la fissure de se propager aux cristallites voisines [Edie 1998].
Ce mode de rupture permet ainsi d’expliquer les différences de valeurs de contrainte à rupture entre les fibres ex-PAN et les fibres ex-brai qui présentent des domaines cohérents plus développés. M. Endo [Endo 1988] montre également que la propagation d’une fissure peut être perturbée par la courbure des plans de graphène. Lorsque les couches sont davantage planes, la propagation se fait de façon plus aisée favorisant ainsi la rupture de la fibre pour un plus faible niveau de contrainte. Concernant les propriétés en compression, les fibres ex-PAN présentent également une meilleure résistance que les fibres graphitiques [Dobb 1995]. La présence de zones désordonnées autorise une déformation locale et donc un micro-flambage alors qu’une plus grande organisation structurale favorisera un mode de rupture par cisaillement.

Architecture fibreuse

La structure intrinsèque des fibres implique une anisotropie des propriétés mécaniques. Elles doivent ainsi être arrangées suivant une architecture (également nommé texture fibreuse) qui confèrent à la pièce les propriétés requises dans des directions déterminées. En outre, ces fibres
peuvent être organisées en fils continus ou discontinus. Le choix de l’architecture fibreuse est conditionné par les modes de sollicitation mécanique, la forme de la pièce et le procédé de densification envisagé. Des exemples d’architecture 1D, 2D, 3D et 4D sont schématisés à la Figure 22. Les composites 1D se caractérisent par l’anisotropie des propriétés la plus élevée. Les structures 2D sont obtenues par empilement de couches unidirectionnelles (stratifiés), ou tissées. Ce type d’architecture permet d’obtenir une bonne tenue dans le plan mais une faible résistance au délaminage. L’intérêt des composites tissés par rapport aux stratifiés est qu’ils possèdent des propriétés plus équilibrées dans le plan. Pour obtenir une meilleure tenue au délaminage, des texture de type 2.5D peuvent être réalisées par l’aiguilletage de fibres de direction orthogonale au plan du tissu ou grâce à un tissage des plis constituant le stratifié. Dans les structures 3D, le renfort est continu dans les trois directions orthogonales. Dans les structures 4D, les torons (rigidifiés par une résine) sont disposés suivant les quatre grandes diagonales d’un cube. La possibilité d’adapter la fraction volumique de fibres et de les orienter selon les directions de fortes sollicitations constitue un des aspects fondamentaux de la technologie des matériaux composites.

Les matrices carbonées

Les procédés d’élaboration de la matrice ont pour objectif de combler la porosité de l’architecture fibreuse et d’assurer ainsi la cohésion du matériau. Ces procédés reposent sur : l’imprégnation du substrat fibreux par un précurseur liquide (résine thermodurcissable, brai de houille ou de pétrole), l’infiltration chimique en phase vapeur d’un hydrocarbure (CVI : Chemical Vapor Infiltration), la caléfaction (craquage d’un hydrocarbure initialement sous forme liquide) ou encore l’introduction d’une suspension contenant des charges de carbone. Pour chacune de ces voies d’élaboration, plusieurs cycles sont nécessaires afin d’obtenir une densification suffisante du renfort. La matrice du matériau d’étude est élaborée par voie mixte liquide-gaz (imprégnation/pyrolyse d’une résine phénolique puis infiltration de pyrocarbone par CVI). Par conséquent, seules ces deux voies d’élaboration seront traitées dans les prochains paragraphes.

Densification par imprégnation/pyrolyse d’une résine phénolique

La préforme fibreuse est imprégnée par la résine phénolique à l’état liquide puis elle est polymérisée et réticulée in situ avant d’être carbonisée sous atmosphère inerte. Le cycle de pyrolyse est généralement réalisé jusqu’à des températures de l’ordre de 1000°C. Ces résines ont un taux de conversion en carbone (également nommé taux de coke) compris entre 50 et 60% selon les conditions imposées (température finale et vitesse de chauffe). Le départ des hétéroatomes au cours de la carbonisation est suivi d’une contraction de la matrice qui entraîne souvent une décohésion fibre/matrice, produit une porosité importante et la création de microfissures. Le carbone ainsi obtenu est fortement désordonné et non graphitable.
Les résines phénoliques sont principalement utilisées pour réaliser des composites C/C à caractéristiques orientées vers l’isolation thermique et/ou de coût réduit *Thébault 2006]. Ce type de résine permet de satisfaire les critères suivants : un rendement en carbone élevé, une viscosité faible pour pénétrer dans tous les pores du substrat et un mouillage satisfaisant des fibres [Fitzer 1998].
 Modèle chimique de pyrolyse
Les résines phénoliques sont obtenues par polycondensation de monomères polyfonctionnels (phénols et formaldéhydes) s’accompagnant de la libération d’eau. Le réseau macromoléculaire est constitué de motifs phénoliques reliés par des ponts méthylènes. Lorsque le milieu réactionnel contient plus d’une mole de formol pour une mole de phénol, ces résines sont dénommées résols. A l’inverse, si le milieu contient moins d’une mole de formol pour une mole de phénol, les résines sont de type novolaque et nécessitent d’utiliser un agent réticulant supplémentaire comportant des groupements CH2.
De nombreuses réactions sont mises en jeu lors du processus de pyrolyse (condensation, oxydation, déshydratation, décomposition) qui peuvent se produire simultanément. La pyrolyse repose alors sur un mécanisme complexe. Plusieurs modèles ont été proposés dans la littérature mais ils se révèlent incomplets et contradictoires [Ouchi 1959, Jackson 1964, Parker 1967]. Le mécanisme généralement accepté est celui proposé par K.A. Trick et al. [Trick 1995]. Dans cette étude, la dégradation thermique de la résine est suivie par spectroscopie infra-rouge de l’état solide et analyse des gaz produits entre 300 et 900°C.
Le mécanisme se déroule en trois étapes pouvant se superposer (Figure 23). La première se déroule entre 300 et 550°C avec la production de phénols et de crésols par rupture des ponts méthylène en bout de chaîne phénolique. La condensation entre les ponts méthylènes et les fonctions hydroxyles de la résine produisent également des molécules d’eau. La résine présente alors des ponts CH. Ce mécanisme diffère des précédents modèles en considérant qu’il n’y a pas formation de ponts ou de cycles éther à ces basses températures. La seconde étape se déroule entre 400 et 800°C. L’association de deux fonctions hydroxyles aboutit à la formation d’une fonction éther et d’une molécule d’eau. De l’hydrogène est également produit suite à la déshydrogénation des ponts CH et CH2 initialement présents. L’hydrogène produit réagit avec les ponts méthylènes pour former du CH4. La structure de la résine évolue vers la formation de cycles aromatiques reliés par une liaison simple C-C. La troisième étape se produit entre 560 et 900°C et met en jeu la déshydrogénation de la structure carbonée (production de H2) et la coalescence des cycles aromatiques.
La perte de masse et la contraction volumique après un cycle de pyrolyse réalisé jusqu’à 1000°C sont respectivement de 40 et 50% environ (Figure 24). Cette différence s’explique par la variation de densité avant et après pyrolyse (≈ 1,20 pour la résine phénolique à l’état organique, ≈ 1,47 pour le résidu carboné) [Fitzer 1970].
 Structure du résidu carboné
Avant pyrolyse, la résine phénolique présente une structuration tridimensionnelle rigide. Les nœuds de réticulation et l’encombrement stérique lié à la présence des cycles phénoliques annihilent la mobilité des chaînes. Le caractère amorphe du résidu carboné (ou coke) est directement hérité du précurseur. L’arrangement spatial des plans aromatiques est en effet imposé par l’orientation initiale des chaînes polymères. Dans leurs travaux concernant la structure des carbones vitreux, G.M. Jenkins et al. [Jenkins 1971] proposaient un modèle de plans graphitiques courbes et fortement enchevêtrés (Figure 25a). La porosité créée par l’enchevêtrement des plans est à l’origine de la faible densité de ce type de carbone (≈ 1,47 contre 2,26 pour le graphite). Un second modèle de coke microporeux, établit par X. Bourrat et al. [Bourrat 1986], est proposé Figure 25b. Les plans carbonés y apparaissent fortement froissés. L’orientation mutuelle dans l’espace des domaines d’orientation moléculaire (au sein desquelles sont regroupés parallèlement les USB) ménage des porosités de taille variable et forme la microtexture du coke. Plus les feuillets seront froissés et plus la taille des pores sera faible. Toutefois, la faible organisation de ce type de carbone, particulièrement lorsqu’ils sont élaborés à faible température, rend difficile l’établissement d’un modèle structural tridimensionnel rigoureux. Les différents modèles de carbones non graphitables issus de la littérature sont notamment discutés par P.J.F. Harris [Harris 1997b]. Les récents modèles atomistiques (présentés au cours du paragraphe 1.3. sur la graphitation des carbones) ont depuis permis de mettre en évidence de nouveaux éléments comme la présence de cycles à 5 et 7 atomes qui induisent des courbures au niveau des plans carbonés.

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Table des matières

Chapitre 1 : Synthèse bibliographique
1. Les carbones graphitiques
1.1. Aspects structuraux
1.2. Les défauts intra-plans
1.3. La graphitation des carbones
2. Les composites Carbone/Carbone
2.1. Les fibres de carbone pour applications de renforcement
2.1.1. Elaboration des fibres de carbone ex-PAN
2.1.2. Modèles structuraux et aspects morphologiques des fibres ex-PAN
2.1.3. Mécanisme de rupture
2.1.4. Architecture fibreuse
2.2. Les matrices carbonées
2.2.1. Densification par imprégnation/pyrolyse d’une résine phénolique
2.2.2. Densification par infiltration chimique en phase vapeur
2.3. Comportement mécanique des composites C/C
3. Oxydation des matériaux carbonés
3.1. Les réactions hétérogènes appliquées à l’oxydation du carbone
3.1.1. Généralités
3.1.2. Aspects chimiques et thermodynamiques
3.2. Réactivité des matériaux carbonés
3.3. Oxydation des composites C/C
3.4. Influence de l’oxydation sur les propriétés mécaniques des composites
Conclusion
Chapitre 2 : Présentation des moyens expérimentaux et du composite d’étude
1. Les techniques expérimentales
1.1. Caractérisations initiales des échantillons
1.1.1. Composition chimique d’extrême surface
1.1.2. Analyses structurales et texturales
1.2. Moyens de suivi de l’oxydation
1.3. Caractérisations post-vieillissements
1.3.1. Evolutions morphologiques
1.3.2. Essais de traction sur fibres de carbone
1.3.3. Essais mécaniques sur matériau composite
2. Présentation du SepCarb A01
2.1. Elaboration du matériau
2.2. Etude morphologique
2.3. Etude structurale et texturale
Conclusion
Chapitre 3 : Etude des phénomènes d’oxydation sur constituants élémentaires
1. Etude sur fibres de carbone
1.1. Caractérisations initiales
1.2. Caractérisation des cinétiques apparentes d’oxydation
1.3. Evolution de la morphologie de surface
1.4. Influence de l’oxydation sur les propriétés mécaniques
2. Etude sur pyrocarbone
2.1. Caractérisations initiales
2.2. Caractérisation des cinétiques apparentes d’oxydation
2.3. Evolutions morphologiques et recul des surfaces
3. Etude sur carbone ex-résine
3.1. Caractérisations initiales
3.2. Comportement en milieu oxydant
3.2.1. Identification des lois cinétiques apparentes
3.2.2. Analyses par TPD et mesures d’ASA
3.2.3. Essais d’oxydation à basse température
3.3. Evolutions morphologiques de surface
4. Bilan sur la réactivité des constituants
5. Influence des traitements thermiques sur le carbone ex-résine
5.1. Evolution de la composition chimique de surface
5.2. Evolutions structurales
5.3. Influence sur la réactivité globale en milieu oxydant
5.4. Influence sur la morphologie de surface
Conclusion
Chapitre 4 : Durabilité en milieu oxydant du composite SepCarb A01
1. Tenue à l’oxydation du composite d’étude
1.1. Suivi massique et lois cinétiques
1.2. Analyse morphologique des dommages liés à l’oxydation
1.3. Rôle du revêtement externe de pyrocarbone
2. Détermination des propriétés mécaniques résiduelles
2.1. Comportement mécanique en traction
2.2. Comportement mécanique en flexion trois points
3. Détermination de la durabilité du SepCarb A01 en milieu oxydant
Conclusion
Bibliographie

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