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Les acteurs
Cinq acteurs de l’assurance
Les entreprises exerçant dans le secteur de l’assurance sont régies par trois codes législatifs distincts, formant ainsi trois groupes d’acteurs :
Les entreprises d’assurance, régies par le Code des Assurances, qui peuvent être de formes variées et exercer leur activité dans tous les domaines de l’assurance ;
Les mutuelles, qui sont régies par le Code de la Mutualité et œuvrent principalement dans le domaine de la santé et de la protection sociale ;
Et enfin les institutions de prévoyance, régies par le Code de la Sécurité Sociale, qui œuvrent également dans le domaine de la santé, de la protection sociale et de la retraite mais qui ne s’adressent qu’à des collectifs (entreprises ou branches professionnelles). Elles proposent des garanties au bénéfice des salariés, en cas de maladie, d’incapacité de travail et d’invalidité, de dépendance, de décès – ainsi que des dispositifs de retraite complémentaire.
Parmi les entreprises d’assurance en France (c’est-à-dire régies par le Code des Assurances), on distingue cependant :
Les sociétés d’assurances organisées en Sociétés Anonymes (SA) et les Sociétés d’Assurance Mutuelle (SAM), qui elles mêmes se divisent en deux catégories principales : les « mutuelles sans intermédiaires » (MSI) et les sociétés d’assurance mutuelle avec intermédiaires.
Bien que les MSI ne représentent pas une catégorie juridiquement distincte des SAM avec intermédiaires, elles revendiquent un certain nombre de pratiques et un héritage qui justifient des les considérer indépendamment des autres mutuelles d’assurances. En particulier, elles ont été pour la plupart fondées au cours de la seconde moitié du 20ème siècle, soit parfois plus d’un siècle après les mutuelles d’assurance traditionnelles, autour de catégories socio- professionnelles (les artisans pour la Maaf, les professionnels de l’industrie et du commerce pour la Macif, les enseignants pour la Maif etc.) et ont adopté un mode de distribution alors tout à fait original : sans avoir recours à des intermédiaires de ventes (courtiers ou agents généraux) commissionnés – d’où leur dénomination.28
On retient donc cinq catégories principales d’acteurs de l’assurance : les Sociétés Anonymes (SA), les sociétés mutuelles d’assurances traditionnelles avec intermédiaires, les mutuelles sans intermédiaires (MSI), les mutuelles du code de la Mutualité et enfin les Institutions de Prévoyance (IP).
Les modes de distribution
De la même façon que la nature des cotisations et le secteur d’activité, les modes de distribution sont un élément de distinction des types d’entreprises d’assurance.
Traditionnellement, l’assurance a eu recours à des intermédiaires commissionnées pour la vente des produits d’assurance : les agents généraux et les courtiers en assurance. Ces derniers sont des professionnels de l’assurance, mandatés par les sociétés d’assurance48, rémunérés à la commission, dont le rôle principal est de conseiller leurs clients en fonction de leurs besoins en assurance.
Cette tradition est cependant aujourd’hui mise à mal alors que se sont développés, principalement à partir de la deuxième moitié du 20ème siècle, des modes de distribution plus directs : qui reposent sur le travail de salariés au sein de réseaux d’agences, bureaux, guichets et autres points d’accueil, ou, plus récemment, sur la gestion de contrats à distance, par internet ou par téléphone (ce que l’on appelle aussi « l’assurance directe », mais qui reste encore marginale aujourd’hui). L’enjeu de cette évolution était et reste aujourd’hui la recherche d’économie de coûts. Ce sont les MSI qui ont été les pionnières de ce mode de distribution, bouleversant ainsi le domaine de l’assurance automobile et de l’assurance dommages en général.49
Lors de leur création, les MSI ont en effet pu proposer, grâce aux économies réalisées par ce mode de distribution, auquel s’ajoutent une puissante solidarité entre elles, une gestion rigoureuse des risques, et, bien sûr, leur caractère non-lucratif, des tarifs en moyenne de 25% 30% des sociétés traditionnelles50, suscitant de violentes attaques de la part des assureurs traditionnels 51 , mais forçant finalement ces derniers à s’adapter à cette concurrence en réduisant leurs marges.52 Ainsi, mutualisme et distribution directe apparaissent liés et, réciproquement, capitalisme et intermédiation. Cependant, les mutuelles d’assurance françaises fondées au 19ème siècle reposaient largement sur le recours à ces intermédiaires, tandis que, très récemment, le souci de compétitivité des assureurs capitalistes les a conduit à concevoir et adopter, pour une partie de leur activité, de nouveaux modèles plus directs ou fondés sur des partenariats de distribution avec d’autres acteurs en dehors du champ de l’assurance53. De plus, l’arrivée des bancassureurs a également contribué à la montée en puissance de la distribution directe de produits d’assurance : les banques s’appuyant justement sur leur réseau étendu de points d’accueil et leur proximité de fait avec leur clientèle pour distribuer leurs produits à moindre coût54.
Dimensions et rapports de force
Après cette présentation des principaux acteurs du secteur de l’assurance, nous allons tenter, dans cette section, de dresser le bilan du secteur de l’assurance en établissant les rapports de force entre ces différents acteurs pour tenter de confirmer ou d’infirmer l’hypothèse d’un caractère dominant du modèle capitaliste sur le modèle mutualiste dans l’assurance. Plutôt que sur les mutuelles d’assurance en général, nous focaliserons finalement notre attention sur les Mutuelles Sans Intermédiaires – dont la Ma est l’une des incarnations – et sur la place qu’elles occupent sur ce marché face aux autres types d’acteurs. En effet, comme nous l’avons montré à la section précédente, à la fois sur le plan du régime de cotisations pratiqué et du mode de distribution les assureurs mutualistes traditionnels apparaissent plus proches des assureurs capitalistes que des « Mutuelles Sans Intermédiaires ». Aussi, convient-il de les distinguer dans cette analyse.
Le rôle de la puissance publique dans le rapport de force
La chronologie ci-dessous sert de repère pour comprendre les évolutions qui ont eu lieu dans le secteur de l’assurance entre 1970 et aujourd’hui et ont engendré les rapports de force qui peuvent, de nos jours, s’observer entre les différents acteurs. Cette chronologie montre en même temps dans quelle mesure la puissance publique, à travers l’ouverture et le décloisonnement du marché, la libéralisation et l’homogénéisation des conditions d’exercice et la privatisation des assureurs publics, a joué un rôle dans le renforcement de l’intensité concurrentielle sur ce secteur et la financiarisation de l’activité. Or ce sont les assureurs capitalistes qui, s’engageant dans une triple dynamique de diversification, de croissance externe et d’internationalisation, semblent avoir le plus tiré profit de ces évolutions.
Ce n’est finalement que très récemment que les assureurs mutualistes semblent retrouver un certain pouvoir de négociation auprès de la puissance publique, avec la réouverture, en mars 2013 au parlement européen, des discussions préalables à la création d’un statut de « mutuelle européenne ».
Cadre conceptuel
Modèles, archétypes organisationnels et logiques institutionnelles
Dans un premier temps, nous entendons par « modèle organisationnel » l’ensemble formé par les caractéristiques essentielles communes collectivement représentatives d’un groupe d’organisations donné, permettant d’en expliquer le fonctionnement général.
L’emploi du mot « modèle » dans notre question de recherche reprend un questionnement formulé par la littérature sur l’économie sociale, questionnement dont les termes font eux-mêmes référence à la prétention des acteurs observés à se revendiquer comme appartenant à un modèle spécifique, distinct de celui issu du système capitaliste.
« Modèle » est cependant porteur d’une ambiguïté car, selon la définition qu’on lui donne, il désigne soit une réalité « sensible » (au sens anglais de « template »), soit une réalité « idéale », prescrite (au sens anglais de « model »).
Cette ambiguïté permet ainsi aux assureurs qui se revendiquent d’un « modèle mutualiste » de se rapprocher symboliquement d’un idéal, sans avoir cependant nécessairement à y tendre en pratique sur certaines de ses caractéristiques considérées comme contingentes.
Modèle » est ici pris dans le sens anglais de « template ». Le terme peut ainsi être assimilé au concept d’ « archétype organisationnel », que l’on retrouve dans la littérature académique en science des organisations (e.g. Greenwood et Hinings, 1993, 1996 ; Cooper et al., 1996 ; Scott et al., 2011 : 72 ; Kirkpatrick et Ackroyd, 2003 ; Mueller et al. 2003 ; Brock, 2006).
L’objectif de ce chapitre est d’identifier et d’analyser les archétypes organisationnels dans l’assurance – en nous concentrant sur les deux types d’acteurs principaux de l’assurance dommages : les MSI et les assureurs capitalistes.
Un archétype décrit les caractéristiques ou qualités génériques d’un système ou d’un type d’organisations en termes de structure, de processus et de pratiques (Mueller et al. 2003 : 1975). Ces éléments sont supposés tenus par une certaine cohérence idéologique, liés ensemble par une même logique dominante : ce que Greenwood et Hinings (1993 : 1055) appellent le « schéma interprétatif ».
Alors que la mobilisation du concept d’archétype se fait généralement pour caractériser le changement organisationnel (Cooper et al. 1996 : 623), l’objectif ici est de mesurer l’écart qui sépare aujourd’hui ces deux types d’acteurs, sur le plan structurel, sur le plan stratégique, sur le plan politique et, au-delà, sur le plan des logiques qui donnent leur cohérence d’ensemble à toutes ces dimensions. Pour qu’il soit pertinent de parler d’un « archétype » des MSI et d’un archétype » des assureurs capitalistes, il faudra que ces deux groupes d’organisations soient à la fois l’un et l’autre plutôt homogènes et différents l’un de l’autre. Or, la littérature défend la thèse selon laquelle plus un champ se structure et tend à être mature, plus les organisations qui le composent convergent vers un archétype unique. Scott et al. (2011 : 72) donnent ainsi l’exemple des cabinets juridiques et des banques commerciales à New York et Londres qui œuvrent sur un marché mondialisé et qui s’inscrivent tous dans un « prototypical pattern of organizing ». Dans leur étude sur les cabinets juridiques au Canada, Cooper et al. (1996) montrent cependant que, s’il y a bien convergence, le passage d’un archétype à un autre ne se fait pas brutalement mais progressivement, en passant par une phase où l’organisation s’hybride, combinant les caractéristiques de plusieurs archétypes. Dans notre cas, on peut émettre l’hypothèse que nos deux groupes d’organisations, œuvrant dans le même espace concurrentiel, partageront des caractéristiques communes. Il ne s’agira pas alors de chercher à les rapprocher d’hypothétiques archétypes originaux pour rendre compte des évolutions qu’ils ont connues mais de comparer ce qu’ils représentent en pratique aujourd’hui. C’est grâce au concept de « logique institutionnelle » que nous pourrons analyser et mesurer l’écart qui les sépare.
Ainsi, articulé au concept d’archétype organisationnel, nous mobilisons, dans un second temps, le concept de « logique institutionnelle ». Nous entendons par là un ensemble de croyances, de valeurs, de normes et de règles, socialement construites et historiquement contingentes, qui façonne les représentations et guide le comportement des individus et des organisations94. La « logique » en elle-même renvoie à la cohérence supposée qui relie entre elles ces croyances, ces valeurs, ces normes, ces règles. Les logiques institutionnelles représentent des cadres de référence qui conditionnent – et donc au travers desquels doit être interprétée – la manière dont les acteurs font sens de ce qui les entoure (Thornton et Ocasio, 2012 : 3).
Issu du travail séminal de Friedland et Alford (1991), le concept de logique institutionnelle s’est imposé comme concept central en science des organisations au cours de la décennie 2000 (Thornton et al. 2012). Thornton et Ocasio en particulier ont repris le concept à partir de la fin des années 1990 (Thornton et Ocasio, 1999) pour en faire un outil d’analyse du changement institutionnel et des relations macro-micro en montrant, notamment, comment les logiques institutionnelles influençaient les décisions stratégiques des organisations dans un champ donné. Rétrospectivement, le « schéma interprétatif » peut être défini comme la « logique institutionnelle » dominante caractéristique d’un archétype organisationnel (Thompson, 2011 : 5). Le concept de « schéma interprétatif » proposé par Greenwood et Hinings (1988, 1993) pour qualifier la cohérence dans la structuration et les systèmes qui caractérisent les organisations incarnant le même archétype, a en effet progressivement disparu de la littérature au profit du concept de logique institutionnelle notamment dans les travaux postérieurs de Greenwood (e.g. Greenwood et al. 2002 ; 2008 ; 2010 ; 2011). L’articulation entre archétype organisationnel et logique institutionnelle correspond ainsi à l’articulation entre la dimension cognitive, culturelle et normative et la dimension structurelle et systémique des organisations (Scott et al., 2011 : 72).
L’archétype organisationnel, tel que défini dans la littérature, n’admet qu’un seul schéma interprétatif (Greenwood et Hinings, 1993 : 1055), un archétype étant caractérisé par son schéma interprétatif, et réciproquement. Ainsi, le passage (shift) d’un schéma interprétatif à un autre conduit à l’émergence d’un nouvel archétype organisationnel.
De même, les travaux s’appuyant sur le concept de logique institutionnelle reproduisent cette dichotomie dans leur observation empirique des changements au niveau d’un champ organisationnel (DiMaggio et Powell, 1983 : 143), considérant par ailleurs que le conflit entre deux logiques est généralement transitoire, une logique dominante finissant par être remplacée par une logique alternative (e.g. Rao, Monin et Durand, 2003 ; Thornton et Ocasio, 1999, 2008 ; Thornton, 2004).
Cependant, de plus en plus de travaux appellent à l’adoption d’approches pluralistes, reconnaissant la possibilité d’une coexistence persistante de logiques distinctes au sein d’un même champ (e.g. Lounsbury, 2007 ; Greenwood et al. 2010 ; 2011 ; Pache et Santos, 2010 ;
paraître, pour une revue de littérature) et d’une hétérogénéité des formes d’organisation possibles sur un même marché (Schneiberg, 2002). Pache et Santos (2010) montrent, notamment, que dans un contexte où le champ institutionnel auquel appartiennent les organisations est fragmenté et peu centralisé les tensions entre logiques institutionnelles divergentes se reportent sur les organisations qui restent alors perpétuellement tiraillées entre des logiques conflictuelles. Le cas d’une tension pérenne entre plusieurs logiques est également illustré par Dunn et Jones (2010) dans le secteur de la santé.
Nous nous inscrivons ici dans l’hypothèse d’un contexte de complexité institutionnelle (Greenwood et al., 2011) où les organisations sont traversées par une multiplicité de logiques institutionnelles, et où l’archétype auquel elles renvoient est lui-même le fruit d’une combinaison de logiques.
Ainsi, le concept de logique institutionnelle permet de dissocier l’archétype organisationnel des logiques auxquelles il renvoie. En cherchant à identifier, à partir d’une même typologie, les logiques institutionnelles qui caractérisent les assureurs mutualistes et les assureurs capitalistes, on peut ainsi tenter de mesurer l’écart qui sépare ces deux groupes d’acteurs.
Typologie des logiques
Pour Friedland et Alford (1991), le concept de logique institutionnelle renvoie à une volonté de sortir à la fois de l’individualisme méthodologique, qui postule la rationalité strictement formelle des acteurs, et du structuralisme, qui occulte la question de la marge de manœuvre au niveau individuel. Leur propos s’inscrit ainsi dans une vision intermédiaire, qui considère les acteurs comme dotés d’une réflexivité individuelle bien que contraints par des normes et des valeurs, influencés par les logiques qui caractérisent les institutions sur lesquelles se fonde la société. Pour les auteurs, ces institutions peuvent être regroupées, au niveau sociétal, en cinq « ordres institutionnels », soit cinq domaines de la société qui apparaissent à la fois centraux et régis par des logiques de fonctionnement et normes propres : le marché, la démocratie, l’Etat bureaucratique, la religion et la famille, qui donnent donc cinq logiques macro-sociétales amenées à orienter le comportement des acteurs et des organisations en fonction des contextes dans lesquels ils se situent.95 Ces « ordres institutionnels » constituent ainsi un « système » dont les différentes logiques se diffusent à tous les niveaux de la société jusqu’à l’individu.
Le logique de firme
On définit ici la logique de firme par le fait viser avant tout à assurer sa propre pérennité et la poursuite de son développement, au-delà de la raison qui définit l’activité exercée. Au niveau organisationnel, elle se caractérise par la recherche systématique de croissance. Et dans un environnement de marché mature, cette ambition conduit à la croissance externe et à la diversification.
La logique de firme apparaît généralement comme corrolaire de la logique de marché, admettant toutes deux le principe d’environnement concurrentiel et de domination de marché. Intégrées ensemble on les retrouve notamment sous la dénomination de logique commerciale (e.g. Murray, 2010 ; Pache et Santos, à paraître).
Elles peuvent cependant diverger quand l’ambition de croissance va à l’encontre de la rationalité économique, c’est pourquoi il convient de les distinguer (voir en annexe 12, le mouvement de concentration et de croissance que le secteur de l’assurance connait depuis le milieu des années 1990 donne un exemple de cette divergence).
La logique technique
La logique technique telle que nous la définissons se veut en lien avec la logique de la “science” évoquée par Townley (1997) et avec la “Cité industrielle” de Boltanski et Thévenot (1991), dont les valeurs de référence sont l’efficacité et la scientificité. Le savoir-faire technique et l’innovation sont considérés ici comme moteurs de l’action guidée par une logique technique. Ainsi, l’action soumise à une logique technique repose largement sur le savoir-faire et les connaissances de l’expert pour progresser vers son but. Elle se fonde par ailleurs, de manière analogue à la logique de marché, sur le principe d’efficience. Cette efficience s’entend cependant ici davantage dans la recherche d’équilibres économiques que dans la recherche de maximisation de la production et des richesses, en référence à la distinction aristotélicienne entre « économique » et « chrématistique » (Éthique à Nicomaque).
Par ailleurs, il nous semble que la recherche d’efficience au sein de la logique technique est à distinguer, sur le plan formel, de la recherche d’efficience dans une perspective de profit qui caractérise la logique de marché. En effet, le profit fait référence à un résultat, qui se juge par une mesure d’efficacité. En gestion, l’efficacité désigne l’écart entre l’objectif fixé et les résultats effectivement atteints. Certes, ces résultats rendent compte des moyens engagés en déduction des bénéfices dégagés mais ne s’y intéressent pas. C’est la mesure d’efficience qui permet de s’intéresser aux moyens mis en œuvre pour parvenir à ces résultats. Ainsi, par nature, dans la stricte recherche d’efficience, l’attention portera davantage sur un processus, tandis que dans la recherche de profit, l’attention sera mobilisée par une fin.
La logique professionnelle
Nous définissons ici la logique professionnelle par le fait d’adopter comme finalité première le prestige et la légitimité au sein d’une profession ou plus généralement d’un groupe de pairs. Comme nous l’évoquons ci-dessus, la logique professionnelle est particulièrement mise en scène par la littérature pour qualifier l’évolution qu’ont connue certaines professions et organisations professionnelles dans les années 1980 et 1990 : maisons d’édition (Thornton, 2004), cabinets d’expertise comptable (Thornton et Ocasio, 1999 ; 2008 ; Hinings, Greenwood et Cooper, 1999) et cabinets d’architecture (Thornton et Ocasio, 2008 ; Pinnington et Morris, 2002) ; cabinets d’avocats (Cooper et al. 1996 ; Pinnington et Morris, 2003 ; Brock et al., 1999) etc. ; vers, principalement, une logique de firme et une logique de marché.
Tout comme la logique technique, la logique professionnelle se fonde sur l’expertise, alors associée à la réputation, comme l’illustre Thornton et al. (2005 : 133) : « Regulators recognizing the importance of reputation and expertise to profession building supported the development of audit procedures and accounting standards (Zeff, 2003a). »
Ainsi, les deux logiques sont souvent confondues dans la littérature et seulement considérées sous l’angle de la logique professionnelle. Pourtant, il convient selon nous de les distinguer. Pour cela, nous nous référons aux travaux de Porter (1995) et la distinction qu’il opère entre deux types d’expertise : l’expertise fondée sur l’expérience accumulée et l’expertise fondée sur un savoir-faire formalisé. L’expertise fondée sur l’experience accumulée renvoie à un système élitiste, opaque dans ses règles de fonctionnement, tandis que l’expertise fondée sur les savoirs formalisés renvoie davantage à un modèle démocratique où l’on s’efforce de clarifier les règles qui fondent l’expertise. Porter illustre cette distinction à travers les cas de deux professions : les actuaires en Grande Bretagne en 1950 et les comptables aux États-Unis dans les années 1930. Alors que l’une et l’autre traversent une crise de légitimité et font face à une demande d’objectivité de la part des gouvernements et de la société, les actuaires résistent et parviennent à conserver un modèle élitiste où le mode d’évolution est basé sur le consensus entre un petit nombre, tandis que les comptables cèdent aux exigences de transparence en construisant et rendant publics des outils de quantification et de mesure et en fixant des règles structurant désormais objectivement la discipline.
Dans ces cas, les actuaires incarnent la logique professionnelle tandis que les comptables incarnent la logique technique. Chez les premiers, les savoirs sont tacites, tandis qu’ils sont explicites – du moins explicités – chez les seconds. Ce processus d’explicitation des savoirs tacites, associé à une standardisation des pratiques dans l’organisation, est également décrit par Townley (2002) au niveau non pas d’une profession mais d’une organisation, au sein du département culturel du gouvernement de l’Alberta au Canada.
Illustrée ainsi, la logique professionnelle revêt un caractère traditionnel – voire conservateur – qui permet de comprendre pourquoi elle s’est vue progressivement supplantée par la logique de marché ou la logique de firme dans les organisations où elle dominait.
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Table des matières
Remerciements
Sommaire
Préambule
Introduction générale
Questions de recherche
Méthodologie de l’étude de cas
1 – 1. La Ma
1 – 2. La collecte des données
1 – 3. Le choix d’une étude de cas
Résumé de la thèse
Partie I. Du secteur de l’assurance à la société d’assurance mutuelle : mise en perspective des évolutions et des tensions
Introduction
Chapitre 1 – Le secteur de l’assurance
Introduction
1 – 1. Typologie
1 – 1. 1. Les acteurs
1 – 1. 2. Les secteurs de l’assurance
1 – 1. 3. Les modes de distribution
1 – 1. 4. Les types de cotisations
1 – 2. Dimensions et rapports de force
1 – 2. 1. Le rôle de la puissance publique dans le rapport de force
1 – 2. 2. Un marché très concentré dominé par quelques acteurs capitalistes
1 – 2. 3. Un marché dominé par l’assurance vie
1 – 2. 4. Mais un rapport de force à l’avantage des MSI sur le segment de l’assurance dommages
Conclusion
Chapitre 2 – Étude des modèles capitaliste et mutualiste de l’assurance
Introduction
2 – 1. Cadre conceptuel
2 – 1. 1. Modèles, archétypes organisationnels et logiques institutionnelles
2 – 1. 2. Typologie des logiques
2 – 1. Méthodologie
2 – 1. 1. Organisations étudiées
2 – 1. 2. Grille d’analyse
2 – 1. 3. Collecte et analyse des données
2 – 2. Résultats
2 – 2. 1. Système économique
2 – 2. 2. Source d’identité
2 – 2. 3. Source de légitimité
2 – 2. 4. Source d’autorité et mécanismes de gouvernance
2 – 2. 5. Base de la mission
2 – 2. 6. Base de l’attention
2 – 2. 7. Base de la stratégie et logique d’investissement
Conclusion
Discussion
Chapitre 3 – Histoire de la Ma
Introduction
3 – 1. De la naissance aux années 1990
3 – 1. 1. La genèse
3 – 1. 2. Croissance et expansion
3 – 1. 3. Conflit et lutte de pouvoir : la victoire du véritable mutualisme
3 – 1. 4. Décentralisation et institutionnalisation : l’écriture des règles
3 – 1. 5. Le tournant des années 1990 : la remise en question
3 – 2. Le premier projet d’entreprise de la Ma
3 – 2. 1. L’impératif du projet
3 – 2. 2. L’élaboration du projet
3 – 2. 3. La mise en œuvre du projet : Mutuelle 2000 ou l’organisation idéale
3 – 2. 4. Bilan des transformations
Conclusion
Partie II. Le projet d’entreprise de la Ma, société d’assurance mutuelle
Introduction : le dilemme stratégique
Chapitre 4 – Architecture d’un projet
Introduction
4 – 1. « Maintenance » et « compliance » dans les organisations hybrides
4 – 1. 1. Le rapport à l’environnement
4 – 1. 2. Le rapport à l’identité
4 – 1. 3. Le rapport au changement
4 – 1. 4. Conclusion sur les concepts de « maintenance » et de « compliance »
4 – 2. Le rôle de la planification stratégique et du projet d’entreprise dans l’évolution
des organisations hybrides
4 – 2. 1. La dimension formelle de la planification stratégique et la rationalisation
des organisations
4 – 2. 2. La dimension participative de la planification stratégique et l’intégration des
buts 195
4 – 2. 3. En pratiques
4 – 2. 4. Conclusion sur la planification stratégique
4 – 3. Méthodologie
4 – 3. 1. Cadre de la recherche
4 – 3. 2. Collecte et analyse des données
4 – 4. Le dispositif de projet d’entreprise de la Ma
4 – 4. 1. Présentation générale
4 – 4. 2. Constitution des collectifs
4 – 4. 3. Exploration des mondes possibles
4 – 4. 4. Modalités de la décision
4 – 5. Analyse
4 – 5. 1. Dynamique de changement dans la continuité
4 – 5. 2. Convocation des contraintes de l’environnement et mise à distance
4 – 5. 3. Célébration du modèle mutualiste versus expertise et approche standard . 247
13
4 – 5. 4. Articulation des dynamiques de maintenance et de compliance
Discussion
Conclusion
Introduction au chapitre 5
Chapitre 5 – Strategic rationalization and institutional work in the non-profit sector: the
case of a French mutual insurance company
5 – 1. Conceptual background
5 – 2. Methods
5 – 2. 1. Presentation of the case
5 – 2. 2. Data collection
5 – 2. 3. Data Analysis
5 – 3. Findings
5 – 3. 1. Controversies
5 – 3. 2. Strategizing work
Discussion and conclusion
Conclusion générale
Bibliographie
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