FORMATION DES GISEMENTS AURIFÈRES OROGÉNIQUES
Les gisements de type orogénique ont une importance économique majeure puisqu’ils représentent plus de 75% de l’or extrait dans le monde (Tomkins, 2013a). Les gisements aurifères orogéniques sont associés à des contextes tectoniques en compression et en transpression, syn- à post-pic métamorphique (Kerrich and Wyman, 1990; Goldfard et al., 2005; Bierlein et al., 2009). Le terme « orogénique » implique des processus liés à la formation d’orogène. Les gisements d’or orogéniques ne sont pas formés de façon uniforme au cours des temps géologiques et il existe des périodes d’accrétions favorables pour leur formation incluant la seconde moitié de l’Archéen tardif (2,8-2,55 Ga), la seconde moitié du Paléoprotérozoïque (2,15-1,75 Ga) et le Phanérozoïque (540-0 Ma) (Goldfarb et al.,2001; Tomkins et al., 2013b; Groves et al., 2016). L’Afrique de l’Ouest est actuellement la plus grosse province aurifère d’âge Paléoprotérozoïque avec une production et des ressources cumulées de plus de 10 000 t d’or (∼321 Moz – Goldfarb et al., 2017) marquée par la présence de nombreux gisements aurifères de classe mondiale . On peut citer l’exemple du gisement aurifère orogénique d’Obuasi (∼62 Moz) dans la partie sud du Ghana .
La formation de ces gisements est en lien direct avec des processus d’accrétion crustale ou de collision en contexte de subduction et peut se développer dans des environnements d’arc, d’arrière arc ou de prisme d’accrétion (Groves et al., 2003). De plus, une importante activité magmatique permet la formation et la circulation des fluides hydrothermaux à partir de la dévolatisation de l’empilement volcano-sédimentaire durant le métamorphisme prograde, le plus souvent au faciès métamorphique des schistes verts. À ces conditions, le comportement ductile-fragile facilite le transfert des fluides aurifères des niveaux sous-jacents (Goldfarb et al., 2005; Groves et al., 1998; Phillips and Powell, 2009). Les terrains ont généralement enregistré des déformations polyphasées en lien avec de grands accidents lithosphériques majeurs souvent cisaillant qui permettent la canalisation des fluides hydrothermaux et la précipitation de l’or (Groves et al., 2016).
LES GRANDS PROBLÈMES DES GISEMENTS AURIFÈRES OROGÉNIQUES
Les gisements aurifères orogéniques en comparaison avec d’autres types de gisements aurifères, restent les moins bien compris, car ils se forment à des profondeurs de 5-15 km, rendant ainsi l’étude des systèmes hydrothermaux actifs impossibles. En conséquence, plusieurs paramètres fondamentaux sur les processus de formation demeurent à préciser.
L’article de Tomkins (2013a), fait une revue des connaissances et des principales questions concernant la source de l’or des gisements orogéniques. Deux questions majeures sont introduites, il s’agit : de l’origine de la formation des fluides hydrothermaux, et de la source de l’or. Les recherches récentes sur les grandes provinces métallogéniques orogéniques s’accordent sur deux sources possibles pour les fluides minéralisateurs et trois sources pour l’or: les fluides métamorphiques provenant de la déshydratation de roches lors d’un métamorphisme prograde (Fyfe et al.,1978; Kerrich and Fyfe, 1981; Colvin, 1989; Kerrich, 1999; Beaudoin and Pitre, 2005; Goldfarb et al., 2005; Pitcairn et al., 2006, 2010, 2015; Large et al., 2012; Bierlein and Pisarevsky, 2008; Phillips and Powell, 2010; Tomkins, 2010; Thomas et al., 2011; Gaboury, 2013, Hu et al., 2016); et 2) les fluides magmatiques associés aux intrusions alcalines felsiques à intermédiaires (Lang and Baker, 2001; Bierlein et McKnight, 2005; Mair et al., 2011; McFarlane et al., 2011; Xue et al., 2013; Helt et al., 2014; Bigot and Jébrak, 2015). La source de l’or peut être magmatique (Helt et al., 2014)dérivée des pyrites primaires par transformation métamorphique en pyrrhotite dans les roches métasédimentaires (Thomas et al., 2011), et lessivée des métabasaltes (Velásquez et al., 2011; Pitcairn et al., 2015).
LITHOSTRATIGRAPHIE ET SOURCE DE L’OR
L’origine de la source de l’or est un problème récurrent dans les gisements aurifères orogéniques plus particulièrement dans les ceintures de roches vertes birimiennes d’Afrique de l’Ouest où peu d’études ont été réalisées sur cette problématique. Le district de Mana a permis de répondre à cette problématique par l’étude du log lithostratigraphique couplé aux données de géophysiques, de géochronologies et à des analyses lithogéochimiques. Ainsi trois principaux groupes stratigraphiques, marquant l’évolution géodynamique de la ceinture de Houndé, ont été identifiés:
Le Birimien inférieur (< 2172 Ma) composé à sa base de roches basaltiques en alternance avec des roches volcano-sédimentaires recoupées par des dykes felsiques porphyriques (QFP) et d’une séquence calco-alcaline andésitique dans sa partie sommitale.
Le Birimien supérieur (∼2172-2113 Ma) en lien avec un bassin sédimentaire en discordance sur le Birimien inférieur dans la partie centrale du district (bassin de Mana).
Le groupe du type Tarkwaïen (∼2113 Ma) composé de roches sédimentaires détritiques en discordance sur les deux groupes précédents, mais développé essentiellement le long des failles sur les bordures du district.
Notre étude s’est plus particulièrement centrée sur le Birimien inférieur qui apparaissait comme le réservoir aurifère majeur du district de Mana. Les études lithogéochimiques sur les basaltes ont permis de démontrer leur affinité tholéiitique, mais surtout de documenter leur formation en tant que plateau océanique en lien avec une plume mantéllique. Cette interprétation avait déjà été proposée pour d’autres ceintures de roches vertes en Afrique de l’Ouest (Abouchami et al., 1990; Boher et al., 1992). Elle avait également été suggérée pour la ceinture de Houndé par Baratoux et al. (2011). Hormis une implication directe sur la géodynamique du district, ce type de basalte est communément enrichie en or (Bierlein and Pisarevsky 2008; Weber et al., 2013). Ces basaltes peuvent donc constituer une source aurifère lors de la dévolatisation métamorphique. Les travaux de gravimétrie de Baratoux et al. (2011) estiment une épaisseur de plus de 8 km dans la ceinture de roches vertes de Houndé, ce qui pourrait ainsi représenter le plus vaste réservoir de métaux à l’échelle du district.
ÉVOLUTION STRUCTURALE EN LIEN AVEC LES MINÉRALISATIONS
Les travaux de cartographie à l’échelle régionale et locale en lien avec la description des forages ont permis d’identifier une histoire structurale polyphasée définie par 5 déformations et 4 épisodes de minéralisation.
La première phase de déformation D1MD est un raccourcissement régional de direction E-W associé à l’épisode Éoéburnéen et daté à ∼2172 Ma par la granodiorite de Wona-Kona.
Cette première déformation développe une série de plis F1MD à axe subhorizontal à plongement N et des failles inverses de direction N-S dans le groupe du Birimien inférieur.
La mise en place des granodiorites de bordures de Wona-Kona et Siou est interprétée comme étant pré- à syn-tectonique de cette déformation. Cet épisode provoque un métamorphisme prograde et permet le développement du premier pulse aurifère documenté dans les gisements de Fofina et de Siou, correspondant à des sulfures disséminés et des veines de quartz (V1S) et quartz-carbonates (V1F). Cet épisode minéralisateur précoce est l’événement le plus ancien documenté au Burkina Faso et pourrait être l’équivalent temporel de la minéralisation du gisement d’or de Wassa au Ghana (2164 ± 24 Ma – Le Mignot et al.,2017).
La deuxième phase de déformation D2MD est documentée dans le bassin de Mana durant une période d’extension de direction E-W permettant le dépôt des roches sédimentaires du Birimien supérieur. Cette sédimentation est contrôlée par l’activation des failles de 2ème ordre de Mana (MSZ) et de Maoula (MLSZ). Bien qu’aucune datation n’ait été réalisée, nous proposons un âge de dépôt entre 2172 et 2113 Ma selon le cadre chronologique régional. Ainsi, la fin de l’épisode D2MD est en lien avec la sédimentation des roches détritiques de type Tarkwaïen sur les bordures est et ouest du district. Cette sédimentation clastique est contrôlée par les failles de Boni (BSZ) et de Wona-Kona (WKSZ) et datée à 2113 Ma par Bossière et al. (1996). Aucune minéralisation n’a été documentée dans le Birimien supérieur.
DÉTERMINER LA SOURCE DES FLUIDES HYDROTHERMAUX
L’identification de la source des fluides hydrothermaux du district de Mana a été réalisée sur les 5 gisements à travers l’étude des minéralisations et plus particulièrement par l’étude texturale des pyrites et des arsénopyrites et de leur chimie. Les études au LA-ICP-MS ont permis d’identifier la distribution spatiale des éléments traces et de définir des cortèges métalliques spécifiques afin de déchiffrer l’évolution hydrothermale du district de Mana.
Notre étude démontre la présence de plusieurs pulses aurifères définis par de 2 systèmes hydrothermaux en lien avec 2 sources aurifères distinctes .
Durant la phase de déformation D1MD, la dévolatilisation métamorphique des unités volcano-sédimentaires (shales noirs riches en pyrites diagénétiques) du Birimien inférieur a permis la génération des premiers fluides métamorphiques enrichis en Au et As .
Les pyrites résultantes constituent une partie de la minéralisation au gisement de Fofina. Cet épisode s’accompagne de la précipitation de pyrites disséminées (Py1F) et de pyrites zonées (Py2F et Py3F) en lien avec des arsénopyrites dans les veines de quartz-carbonates (V1F). Ces pyrites sont caractérisées par la présence d’un large spectre d’éléments (As, Au, Ni, Cu, Ag, Sb, W et Pb). Durant la déformation D1MD, des fluides magmatiques enrichis en Au, Ag, Bi, W et Te ont été produits et sont à l’origine d’une partie de la minéralisation au gisement Siou. Ces fluides ont été canalisés le long des failles inverses encaissées dans la granodiorite pré- à syn-cinématique de Siou. Cette signature métallique a déjà été documentée en Afrique de l’Ouest dans le gisement de Morila (Mali) et est interprétée par McFarlane et al. (2011) comme d’affiliation magmatique.
Durant les déformations D3MD et D4MD, la plus grande contribution d’or économique à l’échelle du district est introduite par des fluides hydrothermaux métamorphiques enrichis en Au et As . Ceux-ci ont été canalisés par les failles actives en cisaillement de 1er et 2ème ordre. Ces enrichissements se traduisent par la précipitation de pyrites zonées ayant des couronnes tardives à Au-As dans les gisements de Nyafé, Wona-Kona et Yaho . L’association Au-As est reconnue dans de nombreux gisements d’or orogéniques (Large et al., 2009; Thomas et al., 2011) et est interprétée comme provenant du lessivage des pyrites primaires diagénétiques et des basaltes tholéiitiques sous-jacents aux gisements. Dans le cas présent, il s’agit du Birimien inférieur.
|
Table des matières
CHAPITRE 1 – Introduction
1.1 Problématique générale
1.1.1 Formation des gisements aurifères orogéniques
1.1.2 Les grands problèmes des gisements aurifères orogéniques
1.1.2.1 La source métamorphique
1.1.2.2 La source magmatique
1.2 Problématique spécifique
1.2.1 Géologie régionale
1.2.2 Géologie locale
1.2.3 Intérêts de la zone d’étude
1.3 Objectifs
1.4 Méthodologie
1.4.1 Travaux de terrain et échantillonnage
1.4.2 Traitement et préparation des échantillons
1.4.3 Analyses pétrographiques et minéralogiques
1.4.4 Analyses lithogéochimiques
1.4.5 Analyses minéralogiques et en éléments traces
1.4.6 Datation U/Pb et Ar/Ar
1.4.7 Analyses des isotopes radiogéniques Sm-Nd et Rb-Sr
1.5 Format de la thèse
1.6 Références
FIGURES DU CHAPITRE 1
TABLEAUX DU CHAPITRE 1
CHAPITRE 2 – Paleoproterozoic plume-related basaltic rocks in the Mana gold district in western Burkina Faso, West Africa: Implications for exploration and the source of gold in orogenic deposits
2.1 Résumé
2.2 Abstract
2.3 Introduction
2.4 Craton scale geology
2.5 Birimian belt geology
2.6 The Mana district
2.7 Sample selection and analytic methods
2.8 Results
2.8.1 Major element chemistry
2.8.2 Trace element geochemistry
2.8.3 Sr and Nd isotope geochemistry
2.9 Discussion
2.9.1 Plume related geodynamic context
2.9.2 Mantle source
2.9.3 Crustal contamination
2.9.4 Gold source in the West African Craton
2.9.5 Implications for gold exploration
2.10 Conclusion
2.11 Acknowledgements
2.12 References
FIGURES DU CHAPITRE 2
TABLEAUX DU CHAPITRE 2
CHAPITRE 3 – Structural and gold mineralizing evolution of the world-class orogenic Mana District, Burkina Faso: Multiple mineralizing events over 150 million years
3.1 Résumé
3.2 Abstract
3.3 Introduction
3.4 Geology setting
3.4.1 The Baoulé-Mossi Paleoproterozoic domain
3.4.2 The Houndé greenstone belt
3.5 Methodology
3.5.1 Field data
3.5.2 Geophysical data
3.5.3 Whole rock analysis
3.5.4 Zircon U-Pb
3.5.5 Ar-Ar dating
3.6 The Mana District
3.6.1 Geology of the Mana District
3.6.2 Structural features
3.6.3 Lithogeochemistry
3.6.3.1 Plutons
3.6.3.2 Felsic QFP dykes
3.6.4 Geochronology
3.6.4.1 LA-ICP-MS U-Pb zircon ages from selected plutons
3.6.4.2 39Ar/40Ar datation
3.7 Mana gold deposits
3.7.1 The central domain
3.7.1.1 Fofina deposit
3.7.1.2 Nyafé deposit
3.7.1.3 Correlation between the Fofina and Nyafé deposits
3.7.2 The eastern domain – Siou deposit
3.7.3 The western domain
3.7.3.1 The Wona-Kona deposit
3.7.3.2 The Yaho deposit
3.7.3.3 Correlation between the Wona-Kona and Yaho deposits
3.8 Discussion
3.8.1 Structural evolution of the Mana District
3.8.1.1 Compressional D1MD
3.8.1.2 Extensional D2MD
3.8.1.3 Transpressional D3MD
3.8.1.4 Transpressional D4MD
3.8.1.5 Deformation D5MD
3.8.2 Gold mineralization events
3.8.3 The Mana District within the context of the West African Craton (WAC)
3.9 Conclusion
3.10 Acknowledgments
3.11 References
FIGURES DU CHAPITRE 3
TABLEAUX DU CHAPITRE 3
CHAPITRE 4 – Multi-stage and multi-sourced fluid and gold in the formation of orogenic gold deposits in the word-class Mana district of Burkina Faso – revealed by LA-ICP-MS analysis of pyrites and arsenopyrites
4.1 Résumé
4.2 Abstract
4.3 Introduction
4.4 Regional geology
4.5 Geology of the Mana gold deposits
4.6 Methodology and analytical techniques
4.6.1 Sampling approach
4.6.2 Analytical method
4.7 Pyrite textures and trace element chemistry
4.7.1 Fofina deposit
4.7.2 Nyafé deposit
4.7.3 Siou deposit
4.7.4 Wona-Kona deposit
4.7.5 Yaho deposit
4.7.6 Composition of arsenopyrite compared to pyrites
4.8 Discussion
4.8.1 Discriminating pyrite origins
4.8.2 Metamorphogenic source for Au and As
4.8.3 Magmatic source for Au, Ag, Bi, Te and W
4.8.4 Hydrothermal evolution of the Mana district
4.8.5 Implications for gold exploration
4.9 Conclusion
4.10 Acknowledgements
4.11 References
FIGURES DU CHAPITRE 4
TABLEAUX DU CHAPITRE 4
CHAPITRE 5 – Discussion
5.1 Introduction
5.2 Lithostratigraphie et source de l’or
5.3 Évolution structural en lien avec les minéralisations
5.4 Déterminer la source des fluides hydrothermaux
5.5 Déterminer le rôle des granitoïdes
5.6 Implications pour l’exploration
5.7 Références
CHAPITRE 6 – Conclusions
Télécharger le rapport complet