La maîtrise de la santé en élevage de porcs résulte de l’équilibre entre la présence d’agents pathogènes, la pression d’infection, le statut immunitaire de l’animal ou du troupeau et l’environnement des animaux, c’est-à-dire les conditions d’élevage. La variation accentuée de l’un de ces facteurs conduit à la rupture de cet équilibre puis à l’apparition de pathologie qui peut provoquer une baisse de productivité. Pour éviter cela il convient de mettre en place un certain nombre de mesures qui visent à protéger l’élevage contre l’introduction ou la propagation d’agents pathogènes : les mesures de biosécurité.
Ces mesures jouent un rôle important dans la maitrise du risque d’introduction et de propagation des maladies dans les élevages de porcs. En effet, lorsque le niveau d’hygiène en élevage est faible et que la circulation du personnel au sein des bâtiments se fait sans respect des mesures de biosécurité, le risque qu’un lot d’animaux soit infecté par Lawsonia intracellularis (agent pathogène de l’entérite hémorragique proliférative ou iléite) est élevé (FABLET et al., 2005). De plus, l’application de mesure de biosécurité augmente la productivité des élevages. La mise en place d’un protocole de nettoyage‐désinfection correct des loges de maternité a un impact positif sur le Gain Moyen Quotidien (GMQ). Aussi, la désinfection systématique en post‐sevrage et la conduite en tout plein tout vide améliorent l’Indice de Consommation (IC) (CORREGE et al., 2011).
De nombreuses autres études ont mis en évidence le rôle déterminant de la pratique sanitaire dans la lutte contre les pathologies et l’amélioration des performances zootechniques (CASAL et al., 2002 ; RICHARD et al. 1993). La Côte d’Ivoire a connu en 1996 une épizootie de Peste Porcine Africaine (PPA) dont l’origine et la propagation seraient due au non-respect des mesures de biosécurité (GRAGNO 1998). Cette épizootie a entrainé des pertes économiques et une réduction des cheptels qui a conduit à une baisse de performances zootechniques des animaux.
Filière porcine en Côte d’Ivoire
Historique
Depuis 1960, la politique nationale de la Côte d’Ivoire en matière de production animale était limitée à la création de stations et centres d’élevage tel que le ranch de Sipilou à l’Ouest de la Côte d’Ivoire. L’approvisionnement national en viande était lié au flux de bétail vif en provenance des pays sahéliens. La sécheresse de 1972-1973 qui a touché les pays sahéliens a créé des difficultés d’approvisionnement en viande, ce qui a poussé l’Etat de Côte d’Ivoire à faire de l’élevage une priorité nationale.
En 1972 a été la Société de Développement des Productions Animales (SODEPRA) qui était chargée de la recherche, de la vulgarisation, de la conception et de la mise en œuvre de tous les projets et programmes du secteur des productions animales. La réalisation de nombreux projets d’élevage de 1972 à 1994, à travers la SODEPRA, a permis d’atteindre des résultats probants. Pendant ces deux décennies, le développement de l’élevage a été considérable. La production de viande bovine a été multipliée par 2,5 et celle des œufs par 4,6. Le Nord de la Côte d’Ivoire a bénéficié d’un important programme d’aménagements pastoraux qui a facilité la croissance du cheptel bovin. Une filière avicole a été mise en place ainsi qu’une filière porcine. La production porcine en Côte d’Ivoire a pu connaitre un essor (MIRAH, 2013). Cette évolution s’est traduite par la mise en place d’un nombre croissant d’élevages, de même que la construction de points de vente de viande de porcs dans toutes les communes d’Abidjan.
Dans les années 90, le Programme d’Ajustement Structurel (PAS), mis en place pour résoudre la crise économique, s’est étendu à tous les secteurs. Au niveau agricole, le Programme d’Ajustement Structurel Agricole (PASA) a induit de nombreuses réformes qui ont conduit l’Etat ivoirien à se désengager des secteurs de production au profit du secteur privé. Ce désengagement de l’Etat s’est traduit, pour les ressources animales, par la fédération des acteurs en interprofession, la libéralisation de la profession vétérinaire ainsi que la dissolution en 1993, de la SODEPRA et la création de nouvelles structures :
− la Société Ivoirienne d’Abattage et de Charcuterie (SIVAC), structure d’économie mixte créée en 1990 ; pour l’appui, l’encadrement et le développement ;
− le Laboratoire National d’Appui au Développement Agricole (LANADA), créé en 1991 pour l’analyse et le diagnostic ;
− l’Agence Nationale d’Appui au Développement Rural (ANADER), créée en 1994 pour la vulgarisation ;
− le Centre National de Recherches Agronomiques (CNRA) en 1998 pour la recherche ;
− le Fonds Interprofessionnel pour la Recherche et le Conseil Agricole (FIRCA), créé en 2002 pour le financement et le conseil.
Le PAS n’a pas empêché l’Etat d’œuvrer pour le développement de la filière porcine. Ainsi dès 1992, la SIVAC a initié, un projet d’amélioration génétique par absorption des animaux de race Korhogo (race créée en 1934 à la ferme de sélection porcine de Korhogo, par croisement d’absorption de la race locale et de la Lw) par la Large White (Lw), la Landrace (Lr) et le Piétrain (P). La voie utilisée a été celle de l’insémination artificielle. Le but recherché était de stabiliser des cheptels grands parentaux Lw, Lr et P proches de la race pure au bout de huit (08) ans tout en vendant au passage des géniteurs améliorés. La SIVAC a diffusé 864 reproducteurs améliorés de 1992 à 1995, mais n’avait pas encore stabilisé l’effectif de grands parentaux, lorsqu’en mars 1996, une épidémie de Peste Porcine Africaine (PPA) est apparue en Côte d’Ivoire (MIRAH 2013).
Le cheptel porcin ivoirien était estimé avant l’épizootie à environ 464.000 porcs dont 130.000 (soit 28 %) de races améliorées (Lw, Lr, P et, Korhogo et leurs croisements) entretenus dans des élevages commerciaux. Le reste de la population porcine, 334.000 têtes (soit 72 %) était constitué de porcs locaux, de petits formats et à robe noire (EL HICHERI, 1998).
Sur les 130.000 porcs d’élevage du secteur moderne, 100.000 se trouvaient dans les élevages de la zone d’Abidjan. La taille des troupeaux variant de 2 à 200 truies et les élevages totalisant plus de 10 truies représentaient environ 40% de l’ensemble des exploitations. Les élevages étaient de type naisseur/engraisseur. Si quelques exploitations avaient des performances de productivité très intéressantes (plus de16 porcs produits par truie / an), les autres avaient des performances faibles (moins de 12 porcs produits par truie /an) (FIRCA, 2009).
En 1996, la filière porcine ivoirienne a fortement été affectée par l’épizootie de Peste Porcine Africaine (PPA) qui a provoqué une baisse de 64 % des effectifs de porcs modernes et de 32 % ceux des porcs traditionnels (MIRAH, 2003). De même, la crise politique survenue le 19 septembre 2002 en Côte d’Ivoire, a gravement affecté la filière porcine qui se relevait difficilement de l’épizootie de la Peste Porcine Africaine. De nombreux élevages privés ont été détruits. Suite à toutes ces crises qu’a traversées la filière porcine, les éleveurs ne disposaient que de très peu de variété génétique. D’où la réapparition de tares génétiques telles que la baisse de la prolificité chez les reproducteurs, l’augmentation de la mortinatalité des porcelets, la faiblesse de la vitesse de croissance des animaux et une mauvaise conformation des carcasses.
Pour assurer la relance de la filière porcine, le FIRCA depuis 2008, sur financement de la Banque Mondiale a initié un projet d’amélioration génétique en deux phases, dont la première fut pilotée par la SIVAC. La deuxième, phase qui a débuté en 2012 et qui est toujours en cours, a pour maître d’ouvrage l’Interprofession Porcine de Côte d’Ivoire (INTERPORCI) et l’exécution technique a été confiée à un cabinet vétérinaire privé (BIRCOVET) sous la supervision d’un comité de suivi génétique. Cette deuxième phase qui s’inscrit dans le cadre du projet PPAAO/WAAPP 1B dont l’objectif est d’améliorer la productivité des animaux par le relèvement du niveau génétique des élevages porcins, a été baptisé projet d’Amélioration Génétique Porcine (AGP). Ce projet a pour but de contribuer à l’augmentation de la prolificité des truies, la réduction du délai de production des porcs charcutiers par la mise à la disposition des éleveurs des géniteurs de qualité.
Caractéristiques des systèmes d’élevage
Il existe, comme dans la plupart des pays, toute une gamme de systèmes de production porcine, à partir du plus simple qui demande un investissement minime jusqu’aux grandes entreprises commerciales. On les classe en trois catégories, en fonction de la taille du cheptel et du mode de gestion :
❖ Elevage traditionnel ;
❖ Elevage semi-intensif ;
❖ Elevage intensif ;
Elevage traditionnel
L’élevage de porcs en divagation est le système traditionnel le plus simple, c’est aussi l’un des plus répandus dans les pays en développement, tant dans les zones urbaines que rurales (FAO, 2011). En Côte d’Ivoire, on les observe aussi bien en zone villageoise que péri-urbaine. Ce type d’élevage compte moins de cinq (5) femelles reproductrices. C’est un élevage de subsistance.
Conduite d’élevage
Dans ce mode d’élevage en plein air, les porcs errent librement aux alentours des maisons familiales. L’élevage de porcs en divagation nécessite très peu d’intrants et de main-d’œuvre, et des dépenses très limitées. Ces élevages ne répondent à aucun critère sanitaire. Le troupeau est en général de petite taille (TRA BI, 2009). Sont concernées par cet élevage les races locales en raison de leur adaptation au milieu.
Habitat
Les porcs sont rarement logés dans des abris. Ils sont parfois laissés en plein air pendant la plus grande partie de l’année et parqués dans des enclos durant la saison des pluies. Ils peuvent être hébergés, dans un petit abri, pendant la nuit pour les protéger des voleurs et des prédateurs. Ces abris s’ils existent sont de type traditionnel et ont une toiture en matière plastique ou inexistante avec un plancher non cimenté ou inexistant. Les parois latérales sont en bois ou en ciment.
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Table des matières
Introduction
Première partie : Synthèse bibliographique
Chapitre I : Filière porcine en Côte d’Ivoire
1. Historique
2. Caractéristiques des systèmes d’élevage
2.1. Elevage traditionnel
2.1.1. Conduite d’élevage
2.1.2. Habitat
2.1.3. Alimentation
2.2. Elevage semi-intensif
2.2.1. Conduite d’élevage
2.2.2. Habitat
2.2.3. Alimentation
2.3. Elevage intensif
2.3.1. Conduite d’élevage
2.3.2. Habitat
2.3.3. Alimentation
Chapitre II : Pathologies porcines en Afrique de l’Ouest
1. Pathologies fréquemment rencontrées en Afrique de l’Ouest
1.1. Maladies parasitaires
1.1.1. Ectoparasitoses
1.1.1.1.Gale sarcoptique
1.1.1.2.Infestation par les tiques
1.1.1.3.Infestation par les poux
1.1.1.4.Infestation par les mouches
1.1.2. Endoparasitoses
1.1.2.1.Ascaridiose
1.1.2.2.Ladrerie porcine
1.1.2.3.Verminose pulmonaire
1.1.2.4.Coccidiose
1.2. Maladies bactériennes
1.2.1. Pasteurellose porcine
1.2.2. Rouget du porc
1.2.3. Colibacillose porcine
1.2.4. Salmonellose
1.3. Maladies virales
1.3.1. Peste Porcine Africaine
1.3.2. Fièvre aphteuse
1.3.3. Parvovirose porcine
1.3.4. La maladie d’Aujeszky
1.4. Autres pathologies
1.4.1. Anémie
1.4.2. Ulcères gastro-intestinaux
2. Notion d’épidémiologie analytique
2.1. Sensibilité et réceptivité
2.1.1. Notion de réceptivité
2.1.2. Notion de sensibilité
2.2. Sources d’agents pathogènes
2.2.1. Organismes vivants
2.2.1.1.Catégories d’animaux sources d’agents pathogènes
2.2.1.2.Variétés de matières virulentes
2.2.2. Milieu extérieur de l’animal
2.2.3. Cadavres
2.2.4. Produits animaux
2.3. Transmission des agents pathogènes
2.3.1. Contact direct
2.3.2. Transmission par voie aérienne et digestive
2.3.2.1.Transmission par voie aérienne
2.3.2.2.Transmission par l’alimentation
2.3.3. Transmissions dues à l’homme et ses activités
2.3.3.1.Transmission par l’homme
2.3.3.2.Véhicules et autres vecteurs passifs
2.3.4. Transmission par les autres animaux
2.3.5. Autres voies de transmission
2.3.5.1.Sperme
2.3.5.2.Fumier et litière des porcs
Chapitre III : Notion de Biosécurité
1. Définitions et principes
1.1. Définitions
1.2. Principes
1.2.1. Ségrégation
1.2.2. Nettoyage
1.2.3. Désinfection
2. Application des mesures de biosécurité dans les élevages porcins
2.1. Conception d’une ferme de façon à éviter les pathologies
2.1.1. Critères d’implantation d’une ferme porcicole
2.1.2. Organisation des bâtiments d’élevage
2.2. Mesures de biosécurité externe ou bio-exclusion
2.2.1. Accès à la ferme
2.2.1.1.Véhicules et visiteurs
2.2.1.2.Animaux
2.2.2. Quarantaine
2.3. Mesures de biosécurité interne ou bio-confinement
2.3.1. Mouvement du personnel
2.3.2. Gestion sanitaire
2.3.2.1.Conduite d’élevage
2.3.2.2.Nettoyage/désinfection
2.3.2.3.Gestion de la reproduction
2.3.2.4.Gestion des malades
2.3.2.5.Gestion des cadavres
2.3.2.6.Prophylaxie médicale
2.3.3. Gestion de l’alimentation
2.3.4. Gestion des déchets
2.3.5. Gestion des vecteurs
2.3.6. Gestion du matériel et des médicaments
2.3.6.1.Matériel d’entretien
2.3.6.2.Médicaments et Matériel médical
Deuxième partie : Etat des lieux des mesures de biosécurité dans les élevages de porcs confinés en zone urbaine et périurbaine d’Abidjan
Chapitre I : Méthodologie
1. Zone et période d’étude
2. Matériel
2.1. Élevages
2.2. Fiche d’enquête
3. Méthodes d’étude
3.1. Recherche documentaire
3.2. Echantillonnage
3.3. Enquête de terrain
3.3.1. Elaboration du questionnaire
3.3.2. Pré administration du questionnaire
3.3.3. Enquête
3.4. Analyse des données
Chapitre II : Résultats et discussion
1. Résultats
1.1. Caractéristiques des élevages de porcs confinés
1.1.1. Statut socioprofessionnel des éleveurs
1.1.2. Personnel technique
1.1.3. Spécificités des élevages
1.1.3.1.Caractéristiques des exploitations
1.1.3.2.Structure du cheptel
1.1.3.3.Alimentation des animaux
1.2. Pratique des mesures de biosécurité
1.2.1. Mesure de biosécurité externe
1.2.1.1.Implantation des fermes
1.2.1.2.Accès à la ferme
1.2.2. Mesure de biosécurité interne
1.2.2.1.Hygiène du personnel
1.2.2.2.Gestion sanitaire
1.2.2.3.Prophylaxie médicale
1.2.2.4.Abreuvement et alimentation des animaux
1.2.2.5.Rongeurs et autres animaux
2. Discussion
2.1. Discussion de la méthodologie
2.1.1. Choix de la zone d’étude
2.1.2. Choix de la méthode d’étude
2.1.3. Limites de l’étude
2.2. Discussion des résultats
2.2.1. Caractéristiques des élevages de porcs
2.2.1.1.Statut socioprofessionnel des éleveurs
2.2.1.2.Personnel technique
2.2.1.3.Spécificités des élevages
2.2.2. Pratiques des mesures de biosécurité
2.2.2.1.Mesures de biosécurité externes
2.2.2.2.Mesures de biosécurité internes
Chapitre III : Propositions pour l’amélioration des mesures de biosécurité et perspectives
1. Propositions pour l’amélioration des mesures de biosécurité
1.1. Aux autorités
1.2. Aux éleveurs
1.3. Aux acheteurs et associations de consommateurs
1.4. Aux structures d’accompagnement et associations d’éleveurs
2. Perspectives
Conclusion générale
Bibliographie
Webographie
ANNEXES